Statut nutritionnel du chat cancéreux

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Encyclopédie de la
Nutrition
Clinique Féline
Pascale Pibot
DMV, Responsable des
Éditions Scientifiques,
Communication,
Groupe Royal Canin
Vincent Biourge
Denise Elliott
DMV, PhD,
Dipl. ACVN, Dipl.
ECVCN
Directeur Scientifique
Nutrition-Santé pour
le Centre de Recherche
Royal Canin
BVSc (Hons) PhD,
Dipl. ACVIM,
Dipl. ACVN
Directrice
Scientifique
Royal Canin aux
États-Unis
Ce livre est reproduit sur le site d'IVIS avec l'autorisation de Royal Canin. IVIS remercie Royal Canin pour son soutien.
Pr. Kathryn E.
MICHEL
DMV, Dipl. ACVN
Karin U. SORENMO
DMV, Dipl. ACVIM,
ECVIM-CA (Oncologie)
Statut nutritionnel
du chat cancéreux :
évaluation et
recommandations
diététiques
Cancer
1 - Caractéristiques de la population cancéreuse féline . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 387
2 - Évaluation clinique du statut nutritionnel du chat cancéreux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 388
3 - Syndrome de cachexie cancéreuse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 392
4 - Conséquences nutritionnelles du traitement anticancéreux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 393
5 - Intervention nutritionnelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 394
6 - Intervention pharmacologique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 396
Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 399
Questions fréquemment posées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 400
Références . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 401
ABRÉVIATIONS UTILISÉES DANS CE CHAPITRE
AINS : anti-inflammatoires non stéroïdiens
BEE : besoin énergétique d’entretien
BER : besoin énergétique au repos
FeLV : virus de la leucose féline
ICC : indice de condition corporelle
385
Statut nutritionnel
du chat cancéreux : évaluation
et recommandations diététiques
Pr. Kathryn E. MICHEL
DMV, Dipl. ACVN
Kathryn Michel a étudié à l’École Vétérinaire de l’Université de Tufts où elle a obtenu son Doctorat de Médecine Vétérinaire en 1983. Elle
a effectué un résidanat en nutrition clinique des petits animaux et un mastère à l’Université de Pennsylvanie, puis un post-doctorat avec le
Nutrition Support Service de la faculté de Médecine. Diplômée de l’American College of Nutrition, elle est actuellement Professeur
associé de nutrition et dirige le département de Médecine vétérinaire à l’Université de Pennsylvanie. Ses recherches portent sur l’évaluation
du statut et des besoins nutritionnels des animaux de compagnie hospitalisés, ainsi que sur l’optimisation des apports nutritionnels lors d’affections gastrointestinales et endocriniennes.
Karin U. SORENMO
DMV, Dipl. ACVIM, ECVIM-CA (Oncologie)
Karin Sorenmo est diplômée de la Faculté vétérinaire de Norvège. Elle a effectué un résidanat de cancérologie à la Faculté vétérinaire de
l’Université de Pennsylvanie où elle est maintenant Professeur associé de cancérologie et dirige le département de cancérologie. Ses principaux domaines d’intérêt concernent les tumeurs mammaires de la chienne et de la chatte ainsi que l’immunothérapie du cancer.
L
Cancer
es relations entre l’alimentation et le cancer sont multiples.
D’une part, certaines habitudes alimentaires et le statut
nutritionnel ont été reconnus comme faisant partie des facteurs
de risque de développement de certains types de cancers. D’autre part,
les patients cancéreux peuvent bénéficier du rôle thérapeutique joué
par la nutrition, grâce à des régimes et des nutriments spécifiques.
Enfin, la réponse à la chimiothérapie et la tolérance au traitement
sont liés au statut nutritionnel.
En dépit du manque de données nutritionnelles relatives au chat
cancéreux, l’objectif de ce chapitre est de présenter les connaissances
cliniques sur ce sujet, la méthode consistant à évaluer le statut
nutritionnel du chat, la signification d’un mauvais statut nutritionnel
chez un chat souffrant de tumeur et les stratégies à notre disposition
pour lutter contre l’anorexie, la perte de poids et la détérioration
de la condition corporelle chez les patients cancéreux.
386
Figure 1 - Une étude réalisée à
l’Université de Pennsylvanie indique
que plus de 90 % des chats atteints de
cancer présentent une fonte musculaire
(Baez et coll, 2007).
Les chats représentent environ 26 % de tous les patients cancéreux reçus au service de cancérologie de
l’Université de Pennsylvanie et cette proportion est restée constante au cours des dix dernières années.
Bien que les chats représentent un nombre significatif des patients recevant un traitement dans le service de cancérologie, il n’existe que peu d’information sur la façon dont la nutrition peut influencer le
traitement et le devenir de cette population. Afin de mieux caractériser la population cancéreuse féline
(en termes d’âge, de race, de sexe, de poids corporel et de types de cancers traités), des informations
concernant les chats cancéreux reçus par l’ensemble des services de l’Hôpital Vétérinaire de l’Université de Pennsylvanie au cours des 3 dernières années ont été collectées. Cette population peut être
considérée comme représentative de la population cancéreuse féline de beaucoup d’autres centres de
cas référés en milieu urbain, même plus importants.
1 - Caractéristiques de la population cancéreuse féline
1 - Caractéristiques
de la population cancéreuse féline
© K.Michel & K. Sorenmo
Les interactions entre alimentation et cancer ont été surtout largement étudiées en médecine humaine.
Des études préliminaires existent en médecine vétérinaire mais elles concernent essentiellement le
chien cancéreux. Les chats représentent néanmoins une part significative des cas de cancérologie et il
serait tentant d’extrapoler ces résultats aux patients félins. Ceci implique cependant des précautions
car la physiologie, le métabolisme et les affections rencontrées chez les chats ne sont pas superposables
à ce qui se passe dans l’espèce canine. Par exemple, il a été montré qu’une minorité de chiens cancéreux (5 %) sont maigres (Michel et coll, 2004). En revanche, l’examen clinique des chats cancéreux met
souvent en évidence une mauvaise condition corporelle. Une étude récente réalisée à l’Université de
Pennsylvanie confirme que 44 % des chats concernés sont maigres et plus de 90 % présentent une fonte
musculaire (Baez et coll, 2007) (Figure 1).
Données épidémiologiques
Sur un total de 712 chats atteints de tumeurs variées, 80 % sont des chats européens, avec une légère
surreprésentation des mâles par rapport aux femelles (52,7 contre 47,3 %), tous étant stérilisés sauf un.
La majorité des chats est adulte ou âgée, avec une moyenne de 11 ans et un poids corporel moyen de
4,58 kg. Soixante pour cent des chats ont des tumeurs solides de différents types et 40 % présentent un
lymphome ou une leucémie. En comparant ces deux catégories, il s’avère que les chats avec des tumeurs
solides sont significativement plus âgés et plus lourds que les chats avec lymphome ou leucémie. L’âge
moyen de chaque groupe est respectivement de 12 ans contre 10,5 ans (p<0.0001) et le poids moyen
de 4,7 kg contre 4,4 kg (p=0.049). Cette différence n’est pas surprenante car la plupart des chats atteints
de lymphome présentent des signes cliniques généraux et une atteinte de plusieurs organes au moment
du diagnostic.
Lymphomes félins
Cancer
Les chats avec lymphome représentent une part significative (40 %) de la population féline cancéreuse
totale de l’hôpital et un pourcentage encore plus élevé de la population du service de cancérologie
puisque la plupart d’entre eux sont traités par chimiothérapie. Le système initial de la World Health
Organization Classification classait les lymphomes en différentes formes: généralisée, digestive, thymique, cutanée, leucémique (vraie, c’est-à-dire atteinte exclusive du sang et de la moelle osseuse) et
autres (Owen, 1980). Un système de classification simplifié et plus pratique reconnaît maintenant seulement 4 groupes de lymphomes félins en fonction de la zone anatomique touchée: les formes thoracique, digestive, multicentrique plus un groupe de lymphomes divers (formes cutanée, leucémique, nerveuse, nasale, etc.) (Moore et coll, 2001).
Le lymphome digestif constitue le type de lymphome le plus fréquemment diagnostiqué dans notre
hôpital. La situation est probablement la même dans la plupart des centres de cancérologie car actuellement la majorité des chats atteints de lymphome sont négatifs vis-à-vis du virus de la leucose féline
(FeLV) et présentent une atteinte digestive primaire. Le lymphome médiastinal classiquement rencontré chez les jeunes chats FeLV positifs, vivant à l’extérieur, est devenu rare (Gabor et coll, 1998; Vail
387
2 - Évaluation clinique du statut nutritionnel du chat cancéreux
Contrairement à ce qui se passe pour le
chien, le lymphome du chat est généralement diagnostiqué lorsque des signes
cliniques apparaissent. D’après de nombreuses études, la présence de signes
cliniques généraux secondaires à un
lymphome de sous-type B s’accompagne d’un mauvais pronostic. Chez le
chien, le sous-type B est considéré
comme un facteur pronostique négatif
plus fiable que le stade du lymphome
(Valerius et coll, 1997; Baskin et coll, 2000;
Garrett et coll, 2002; Simon et coll 2006).
et coll, 1998; Richter, 2003; Louwerens et coll, 2005; Milner et coll, 2005). Les formes digestives de lymphome posent souvent un problème au clinicien d’un point de vue thérapeutique et nutritionnel.
La liste des signes cliniques associés au lymphome n’est pas encore complètement définie et laisse une
certaine place à la subjectivité. Elle inclut en général tous les symptômes généraux au moment du diagnostic, qu’ils soient associés directement au lymphome, de nature paranéoplasique ou proviennent
d’une affection concomitante. La plupart de ces signes cliniques sont classiquement des motifs de
consultation lors de la première présentation. Baisse d’appétit, anorexie, vomissement, diarrhée, perte
de poids et asthénie sont les principaux symptômes associés à un lymphome digestif (Richter, 2003). Le
tableau clinique peut évoluer depuis des semaines à des mois et beaucoup de chats présentent un statut nutritionnel très altéré au moment du diagnostic. Le traitement de ces patients repose sur l’association d’un traitement efficace de la tumeur, c’est-à-dire la chimiothérapie, et d’un bon contrôle des
vomissements, de la diarrhée, de l’anorexie tout en apportant un soutien nutritionnel approprié.
2 - Évaluation clinique du statut
nutritionnel du chat cancéreux
Le bilan nutritionnel se base non seulement sur le statut nutritionnel du chat mais il s’intéresse également à l’alimentation que le chat reçoit et à la manière dont l'aliment est distribué. Ces aspects doivent être pris en compte tout au long du traitement afin que le régime et les recommandations nutritionnelles soient progressivement adaptés aux réponses du chat à la thérapie. L’estimation du statut
nutritionnel demande de respecter plusieurs étapes (Figure 2). Cette évaluation subjective se base
d’abord sur les commémoratifs et l’examen clinique. La consommation alimentaire spontanée du chat
doit ensuite être appréciée. Une fois ces éléments pris en compte, d’autres aspects cliniques sont à
considérer, incluant : le type de cancer et son degré d’évolution, le mode de traitement choisi et l’éventuelle présence d’affections préexistantes ou concomitantes. Toutes ces informations sont nécessaires
à la formulation d’un programme nutritionnel adapté à chaque patient.
FIGURE 2 - ÉTAPES SUCCESSIVES DE L’ÉVALUATION NUTRITIONNELLE CHEZ LE CHAT CANCÉREUX
3 aspects à considérer
Cancer
Détermination du statut
nutritionnel du patient
Commémoratifs médicaux indicateurs
d’un état de malnutrition
Examen physique évocateur d’un état
de malnutrition
- Perte de poids pré-existante ou évolutive
- Perturbation du comportement
alimentaire
- Signes cliniques gastrointestinaux
- Capacité fonctionnelle réduite
- Impact d’une maladie concomitante sur les
besoins nutritionnels
388
Évaluation de la consommation
alimentaire spontanée
Prise en compte de l’ensemble
du tableau clinique
- Type et stade du cancer
- Traitement entrepris
- Affections pré-existantes ou concomittantes
- Changement de la composition corporelle
- Fonte musculaire
- Diminution des réserves adipeuses
- Présence d’ascite ou d’œdème
- Lésions cutanées ou muqueuses
- Dégradation de l'état cutané et du pelage
2 - Évaluation clinique du statut nutritionnel du chat cancéreux
L’évaluation nutritionnelle aide à déterminer si le chat souffre ou est menacé de malnutrition , si son
régime lui convient, en qualité et en quantité, et si un régime ou un type d’alimentation spécifique est
recommandé (ex : alimentation assistée). Si cela est le cas, il faut choisir la voie d’administration la
plus sûre, la plus efficace et la mieux tolérée par le chat. La démarche d’évaluation nutritionnelle permet également d’identifier les problèmes qui peuvent être associés au traitement diététique et d’essayer
de les prévenir ou de les anticiper à l’aide d’un suivi approprié.
Évaluation du statut nutritionnel
La technique de “l’évaluation globale subjective” a été développée chez l’homme il y a une vingtaine
d’années (Detskey et coll, 1987). Cette technique se base sur des paramètres historiques ou physiques
déjà disponibles afin d’identifier les patients mal-nourris qui présentent des risques accrus de complications et qui devraient bénéficier d’une intervention nutritionnelle. Les questions à se poser pour évaluer le statut nutritionnel sont les suivantes.
- Les apports nutritionnels ont-ils diminués à cause d’une baisse de la consommation alimentaire, de
l’existence de phénomènes de maldigestion ou de malabsorption ?
- Les fonctions organiques ou la composition corporelle montrent-elles des signes évidents de malnutrition ?
- Les besoins nutritionnels ont-ils été modifiés par l’évolution de la maladie ?
L’adaptation de la technique de l’évaluation globale subjective au patient cancéreux demande à étudier cinq points en particulier:
- une perte de poids a t-elle eu lieu ou est-elle en cours ?
- quel est le niveau de la consommation alimentaire spontanée ?
- observe t-on des signes gastrointestinaux persistants résultant de la maladie ou du traitement en
cours ?
- quelles sont les capacités fonctionnelles du chat (faiblesse, intolérance à l’effort) ?
- quel est l’impact de la maladie causale ?
Dans le cas d’un chat cancéreux, le bilan nutritionnel doit envisager les différentes façons dont la
tumeur peut modifier directement ou indirectement la consommation alimentaire, l’impact du traitement sur la prise alimentaire et le métabolisme et aussi le fait que la tumeur elle-même peut avoir des
effets métaboliques qui influencent négativement le statut nutritionnel.
L’examen clinique doit prêter attention aux changements qui concernent l’état corporel, particulièrement une fonte de la masse grasse et/ou musculaire, la présence d’œdème ou d’ascite, l’existence de
lésions muqueuses ou cutanées et l’aspect du pelage. D’excellents systèmes de mesure de l’indice de
condition corporelle (ICC) ont été développés chez le chat (Laflamme, 1997; German et coll, 2006).
Cependant, ces systèmes ne s’appliquent pas bien au chat cancéreux car ils ne distinguent pas les différences de malnutrition énergétique et protéique. Une étude faite à l’Université de Pennsylvanie mentionne que dans plus de 90 % des cas de cancer chez le chat, une fonte musculaire peut coexister avec
des réserves adipeuses adéquates voire excessives (Baez et coll, 2007). En l’absence d’un examen très
minutieux incluant la palpation des masses musculaires sur les reliefs osseux (comme la scapula ou la
colonne vertébrale), certains chats peuvent être à tort inclus dans la catégorie des animaux en surpoids
Cancer
Il est souvent difficile de vérifier si le chat a perdu du poids puisque la plupart des animaux ne sont pesés
que lors des visites vétérinaires et encore pas toujours. Il est indispensable de peser régulièrement les
chats traités pour un cancer et la balance doit toujours être la même: précise et adaptée à l’échelle de
poids des chats. Il est également important de savoir depuis quand le chat perd du poids. Un amaigrissement rapide est en général inquiétant car il implique vraisemblablement un catabolisme plus important des tissus maigres qu’une perte de poids étalée dans le temps. Ceci étant dit, le syndrome de
cachexie cancéreuse décrit en cancérologie humaine se caractérise par une perte progressive à la fois
de masse maigre et de masse grasse.
Quel que soit le motif de consultation,
un chat doit être pesé lors de chaque
visite vétérinaire.
389
© K.Michel & K. Sorenmo
2 - Évaluation clinique du statut nutritionnel du chat cancéreux
Figure 3 - Appréciation de la composition corporelle chez le chat
Chez un chat cancéreux,
la silhouette et le poids paraissent
parfois normaux.
La masse grasse est évaluée par
palpation du tissu adipeux présent
dans l’abdomen et sur la cage
thoracique.
TABLEAU 1 - SYSTÈME
DE MESURE DE LA MASSE
MUSCULAIRE
Score
Masse musculaire
0
Perte grave de masse maigre caractérisée
par une diminution prononcée des
muscles palpables au niveau de la scapula, du crâne ou des ailes de l’ilium.
1
Perte de masse maigre modérée caractérisée par une diminution clairement
visible des muscles palpables au niveau
de la scapula, du crâne ou des ailes de
l’ilium.
2
Perte légère de masse maigre caractérisée par une diminution légère mais sensible des muscles palpables au niveau de
la scapula, du crâne ou des ailes de
l’ilium.
3
Masses musculaires normales palpables
au niveau de la scapula, du crâne ou des
ailes de l’ilium.
L’évaluation de la condition corporelle requiert
une palpation attentive pour évaluer les réserves
adipeuses et les masses musculaires.
Chez le chat cancéreux, en plus de l’examen
standard utilisé pour apprécier l’indice
de condition corporelle, il faut rechercher
une éventuelle fonte musculaire en palpant
les muscles présents sur les reliefs osseux,
comme les processus épineux des vertèbres.
ou même obèses (Figure 3). Une évaluation subjective de la masse musculaire est donc vivement
recommandée (Tableau 1), à compléter par un des systèmes standards d’appréciation de la condition
corporelle.
Les résultats de l’évaluation des commémoratifs et de la condition physique permettent de définir si le
chat est:
A : bien nourri
B : juste bien nourri ou présente un risque de malnutrition
C : en état de malnutrition évidente.
Cancer
En associant cette évaluation au diagnostic du cancer, à son stade, au protocole de traitement et au
pronostic, des décisions peuvent être prises concernant la thérapeutique nutritionnelle.
Évaluation de la consommation alimentaire spontanée
Afin de pouvoir déterminer si la consommation alimentaire est adéquate, il faut avoir un objectif énergétique quantitatif, sélectionner un aliment approprié et formuler des recommandations nutritionnelles
adaptées au patient. Ceci permet d’apprécier précisément la quantité d’aliment proposée au chat et de
déterminer la quantité réellement ingérée.
> Cas des chats hospitalisés
En ce qui concerne les chats hospitalisés, il est conseillé de partir du besoin énergétique au repos (BER)
pour fixer un objectif initial de couverture calorique (Tableau 2) car la plupart des animaux hospitali390
2 - Évaluation clinique du statut nutritionnel du chat cancéreux
sés ne dépensent pas plus que le BER lorsqu’ils sont en cage. La majorité des chats qui consomment
l’équivalent de leur BER maintiennent leur poids ou en perdent peu. Si un chat accepte de manger
plus que l’équivalent de son BER, il faut bien sûr le satisfaire. Cependant, débuter par cette quantité
de nourriture minimale permet de cerner l’objectif à atteindre pour ces chats à l’appétit diminué. Il est
fondamental de surveiller en même temps la consommation alimentaire du chat et l’évolution de son
poids afin de déterminer s’il est ou non en équilibre énergétique et pour pouvoir adapter progressivement le programme nutritionnel si le chat ne répond pas comme prévu (voir chapitre 13).
> Chats venant à la consultation
La majorité des chats cancéreux ne sont pas hospitalisés et leur apport énergétique doit donc compenser
la dépense liée à l’activité physique. Dans ces conditions, c’est le besoin énergétique d’entretien (BEE)
(Tableau 3) qu’il faut estimer et utiliser pour calculer l’apport calorique optimal.
Cette information doit être transcrite au propriétaire sous la forme de recommandations alimentaires
pratiques, en mentionnant les quantités des différents éléments de la ration alimentaire proposée au
chat. Il faut être aussi précis que lors de la prescription d’un médicament. Le propriétaire doit informer
régulièrement le vétérinaire de la bonne consommation de la ration journalière. Des rendez-vous doivent être fixés pour surveiller le poids de l’animal afin d’évaluer sa réponse et permettre la modification du programme d’alimentation initial si nécessaire.
TABLEAU 2 - ESTIMATION
TABLEAU 3 - ESTIMATION DU BESOIN ÉNERGÉTIQUE
D’ENTRETIEN QUOTIDIEN (BEE)
DU BESOIN
ÉNERGÉTIQUE AU REPOS (BER)
BEE = 1,1 à 1.2 x BER
BER = 70 x PC (kg) 0,73
ou BER = 30 x PC (kg) + 70*
BER = 70 x PC (kg)
PC (kg)
1,1 x BER (kcal)
1,2 x BER (kcal)
1
77
84
1,5
103
113
2
128
139
2,5
151
164
3
172
187
(kcal)
1
70
1,5
94
2
116
2,5
137
3
156
3,5
175
4
193
3,5
193
210
4,5
210
4
212
232
5
227
4,5
231
252
5,5
243
6
259
5
250
272
6,5
274
5,5
267
292
7
290
6
285
311
7,5
305
6,5
301
329
8
319
7
319
348
7,5
336
366
8
351
383
*chat pesant >2 kg
(Pour les chats avec des réserves adipeuses en excès, utiliser
une estimation du poids idéal de l’individu pour le calcul)
PC : poids corporel
Cancer
PC (kg)
0,73
391
3 - Syndrome de cachexie cancéreuse
Évaluation de la nécessité
d’une alimentation assistée
Les chats dans l’incapacité de s’alimenter ou qui ne s’alimentent
pas assez pour maintenir leur équilibre énergétique nécessitent
une attention particulière, soit par de simples encouragements à
manger, soit par une approche plus interventionniste comme
l’alimentation assistée (voir chapitre 13). La prise en charge
nutritionnelle des chats en état de malnutrition évidente lors de
la consultation initiale doit être immédiate.
© K.Michel & K. Sorenmo
Une baisse de l’appétit est une conséquence prévisible du traitement anticancéreux. Pour les chats dont l’état nutritionnel est
à peine suffisant au début du traitement, il faut donc établir un
plan d’intervention nutritionnelle pour le cas où ce support
deviendrait nécessaire.
Figure 4 - Quantification
d'un amaigrissement. Au moment
du diagnostic, beaucoup de chats
atteints de cancers ont déjà perdu du
poids et ce phénomène risque de
s’accélérer au début de la
chimiothérapie.
3 - Syndrome de cachexie cancéreuse
Distinction entre un amaigrissement dû au jeûne ou à
une cachexie
La perte de poids est un problème fréquent en cancérologie humaine et elle a de nombreuses répercussions cliniques (Tisdale, 1997). Comme cela a déjà été évoqué, la perte de poids associée au cancer
peut être imputée à de nombreux facteurs parmi lesquels les conséquences de la tumeur et le traitement
anticancéreux. Chez l’homme, la perte de poids ne semble pas être la conséquence de la seule diminution de la consommation alimentaire. En cas de simple privation de nourriture, les individus perdent essentiellement de la masse grasse, alors que les patients atteints de cancer perdent à la fois de la
masse maigre et de la masse grasse (Moley et coll, 1987). De plus, l’importance de la perte de poids est
souvent hors de proportion avec la diminution de la consommation alimentaire. Enfin l’amaigrissement n’est pas réversible lorsque la prise alimentaire augmente à nouveau (Costa et coll, 1980).
Ce syndrome paranéoplasique résulte probablement d’altérations métaboliques qui sont des conséquences de la tumeur sous-jacente. Des perturbations du métabolisme des glucides, des lipides et des protéines sont retrouvées chez les patients cancéreux humains et canins qui pourraient contribuer à la perte
de poids (Shapot et Blinov, 1974; Nixon et coll, 1980; Nolop et coll, 1987; Shaw et Wolfe, 1987; Vail et coll,
1990; Tayek, 1992; McMillan et coll, 1994; Ogilvie et coll, 1994 ;1997; Vail et coll, 1994; Dworzak et coll
1998). Il existe également des preuves d’un rôle joué par les cytokines, comme le TNF-a (tumor necrosis factor) et les interleukines IL-1 et IL-6 (Gelin et coll, 1991; Moldawer et Copeland, 1997).
Cancer
Chez le chat cancéreux, il est encore difficile de faire la distinction entre une perte de poids due à une
diminution des apports nutritionnels (baisse de l’appétit, effets directs de la tumeur ou du traitement sur
l’assimilation des nutriments ou le métabolisme) et un syndrome de cachexie cancéreuse (Figure4).
Cette différence est pourtant importante : dans le premier cas une alimentation appropriée peut améliorer la perte de poids et la condition corporelle, alors que dans le deuxième cas, les moyens engagés
pour empêcher la progression de la cachexie restent vains.
Importance de la condition corporelle
comme facteur pronostique
En cancérologie humaine, le syndrome de cachexie cancéreuse s’accompagne d’un pronostic négatif
pour la survie, le risque chirurgical, la réponse à la chimiothérapie et la tolérance au traitement (Daly
et coll, 1979; DeWys et coll, 1980; McCaw, 1989). Des études préliminaires chez le chien et le chat
cancéreux se sont penchées sur l’importance de la condition corporelle et de la perte de poids pour le
pronostic. Une étude faite par le département de cancérologie de l’Université de Pennsylvanie montre
que seulement 5 % des chiens ont un ICC < 2,5/5 (1: cachexie; 3: composition corporelle idéale; 5:
392
Cette étude montre également qu’un faible ICC et un poids corporel insuffisant ont un impact négatif sur le pronostic. Les chats avec des tumeurs solides et les chats avec lymphome ont une espérance
de vie significativement réduite si leur ICC ou leur poids est faible. De plus, une corrélation positive
existe entre les rémissions et l’ICC.
4 - Conséquences nutritionnelles du traitement anticancéreux
obésité) alors que 29 % sont en surpoids (ICC > 4/5) (Michel et coll, 2004). Inversement, jusqu’à 44 %
des chats traités dans la même structure de cancérologie ont un ICC < 3/5 (Baez et coll, 2007).
Les rémissions s’obtiennent en général
chez les chats qui ont le moins perdu de
poids et qui présentent un bon
indice de condition corporelle.
Chez le chat, à la différence des études similaires réalisées en cancérologie humaine, la perte de poids
ou la cachexie n’implique pas à elles seules un pronostic négatif (Vigano et coll, 2000). Néanmoins, l’ensemble de ces résultats suggère que la perte de poids et la détérioration de la condition corporelle sont
des problèmes significatifs en cancérologie féline et peuvent avoir des conséquences sur la réponse au
traitement, la durée de la rémission et la qualité de vie de l’animal.
4 - Conséquences nutritionnelles
du traitement anticancéreux
Les chats débilités atteints de lymphome digestif avancé représentent les cas les plus difficiles de la cancérologie vétérinaire. Le mauvais statut nutritionnel de ces patients résulte classiquement de plusieurs
causes ayant entraîné un état de malnutrition chronique. Les signes cliniques peuvent être directement
liés à l’atteinte du tube digestif, au stade de la maladie ou provenir d’un métabolisme altéré par le syndrome de cachexie cancéreuse.
Effets secondaires de la chimiothérapie
Indépendamment de la pathogénie, le traitement de la tumeur est indispensable pour corriger le tableau
clinique. Ceci nécessite l’utilisation de la chimiothérapie. Le choix du protocole thérapeutique dépend
du type de cellules impliquées ou du grade du lymphome. Pour traiter les lymphomes de haut grade de
malignité ou de grade intermédiaire, la plupart des cancérologues utilisent des associations médicamenteuses comprenant la prednisolone, l’asparaginase, la vincristine, le cyclophosphamide, le méthotrexate et la doxorubicine (Moore et coll, 1996; Valerius et coll, 1997; Vail et coll, 1998; Zwahlen et coll,
1998; Kristal et coll, 2001; Teske et coll, 2002; Richter, 2003; Milner et coll, 2005). La plupart de ces
médicaments induisent des effets secondaires gastrointestinaux: nausées, vomissements, anorexie, diarrhée et faiblesse générale. Ils aggravent donc le tableau clinique déjà existant chez beaucoup de chats.
Les effets secondaires du traitement sont plus fréquents chez les chats en mauvais état nutritionnel.
Chez eux, la diminution des posologies est souvent nécessaire et les réponses au traitement sont moins
bonnes. Pendant la délicate phase d’induction, il faut surveiller attentivement la réponse de la tumeur,
la toxicité du traitement et évaluer constamment l’état général du chat.
Perte de poids importante chez un chat
atteint de lymphome digestif.
Variabilité des réponses
individuelles
© Alex German
Cancer
Le lymphome est une tumeur qui répond à la chimiothérapie et
certains chats, même atteints d'un lymphome de haut grade de
malignité, entrent en rémission rapidement, tolèrent la chimiothérapie et leur état s’améliore sans intervention nutritionnelle
spécifique. D’autres individus répondent plus lentement, et/ou
deviennent intolérants à la chimiothérapie et perdent progressivement du poids pendant toute la phase d’induction. Certains
chats peuvent ne jamais entrer en rémission, signant l’échec du
traitement. Chez d’autres enfin, la chimiothérapie doit être arrêtée de manière prématurée à cause de sa toxicité et de la mauvaise qualité de vie qu’elle entraîne. Ces chats nécessitent un support
nutritionnel.
Une étude prospective réalisée à l’Université de Pennsylvanie sur
393
5 - Intervention nutritionnelle
AVERSION ALIMENTAIRE
Si le chat associe un aliment à un stress,
une expérience désagréable (hospitalisation) ou un trouble digestif (intoxication), il y a des chances qu’il évite cet
aliment dans le futur : c’est le phénomène d’aversion. L’aversion est une
forme de conditionnement négatif utilisé par les animaux pour éviter des aliments qui ne leur conviennent pas.
Chez le chat, l’aversion s’installe très
rapidement. Un repas unique associé à
des troubles digestifs entraîne un refus
de consommation pendant trois jours.
Cette aversion peut persister au moins
40 jours (Bradshaw et coll, 1996). La
simple odeur de l’aliment est suffisante
pour entretenir l’aversion. Les chats
peuvent même montrer de l’aversion
pour leur aliment habituel si on diffuse
un courant d’air parfumé avec l’odeur
d’un aliment envers lequel ils ont développé une aversion.
TABLEAU 4 - SIGNES D’UNE
AVERSION ALIMENTAIRE
Le chat montre d’abord de l’intérêt
lorsqu’un aliment lui est présenté puis
recule après l’avoir reniflé ou goûté.
Le chat salive, déglutit de manière
répétée ou détourne la tête lorsque la
nourriture lui est proposée.
Cancer
Le chat en cage se place le plus loin
possible de sa gamelle.
l’incidence de la toxicité et sur la qualité de vie globale des chiens et chats traités par chimiothérapie
confirme que la perte de poids, les vomissements et l’anorexie sont plus fréquents chez le chat que chez
le chien (Bachman et coll, 2000). Soixante pour cent des chats perdent du poids pendant la phase d’induction, alors que presque 70 % des chiens prennent au contraire du poids (p=0.0077). La doxorubicine est l’agent le plus souvent associé à la perte de poids et aux vomissements chez le chat et le chien.
Ces résultats reflètent la complexité de la situation. La chimiothérapie est nécessaire au traitement du
cancer mais elle peut également exacerber les signes cliniques et contribuer à aggraver la perte de poids,
les vomissements, la diarrhée et à réduire la qualité de vie. L’espérance de vie moyenne des chats atteints
de lymphome est inférieure à un an et un mauvais statut nutritionnel ou un faible poids aggravent encore le pronostic (Baez et coll, 2007). Il est difficile d’affirmer qu’une intervention précoce pour améliorer le poids et la condition corporelle de ces chats pourrait changer l’évolution de la maladie, mais il
est évident qu’il faut porter plus d’attention au soutien nutritionnel, à la fois pour améliorer la qualité
de vie des animaux et augmenter leur espérance de vie.
5 - Intervention nutritionnelle
Alimentation à la main
Lorsque l’appétit d’un chat faiblit, il est naturel d’essayer de le tenter avec différents aliments appétents.
Très souvent le propriétaire encourage le chat à manger en lui proposant de la nourriture à la main ou
en la mettant directement dans sa gueule. Ces méthodes sont parfois fructueuses et favorisent la consommation alimentaire par le chat. Cependant, de tels efforts demandent du temps et beaucoup de motivation. Un programme alimentaire avec un objectif de couverture calorique précis doit être établi à
l’avance afin que le propriétaire puisse juger si son chat mange suffisamment. De plus, il est très important de savoir que les chats peuvent associer une nausée, un inconfort ou une douleur à l’acte de manger voire parfois à la vue ou à l’odeur de la nourriture. Ce phénomène d’aversion alimentaire peut encore compliquer la situation.
À chaque fois qu’un chat est nourri à la main, il faut être attentif aux signes éventuels d’aversion alimentaire (Tableau 4) et savoir reconnaître le moment où une alimentation assistée devient momentanément nécessaire pour ne pas créer ou exacerber ce phénomène. Le Tableau 5 liste les conseils à
suivre dans ce type de situation. Cependant, chaque chat est différent et il faut donc observer le comportement de chacun pour décider de la meilleure attitude à adopter.
Alimentation assistée
Les informations obtenues lors de l’évaluation nutritionnelle aident à décider de la meilleure voie à
utiliser pour l’alimentation assistée. A propos de l’état du chat lui-même, les premiers éléments à
prendre en compte sont :
- l’évaluation de la fonction digestive
- d’éventuels dysfonctionnements organiques pouvant modifier la tolérance du chat
à l’égard de certaines catégories de nutriments
- la capacité du chat à tolérer une sonde d’alimentation et sa mise en place
- l’évaluation du risque de fausse déglutition.
Si la voie parentérale est envisagée, il faut également vérifier la possibilité d’accès à
une voie veineuse et la tolérance du chat à la fluidothérapie.
Figure 5 - Alimentation assistée par sonde œsophagienne. Les sondes œsophagiennes sont relativement peu
traumatiques, simples à placer et sont en général bien
tolérées par les chats nourris par alimentation assistée.
394
Les effets secondaires du traitement sont également à considérer en vue d’une éventuelle nutrition assistée. Certaines molécules utilisées en chimiothérapie perturbent
la cicatrisation et augmentent le risque de complications septiques lorsque les sondes
sont placées dans la cavité péritonéale (sondes gastriques ou entérales). Ce risque peut
être encore accru si le chat reçoit des immunosuppresseurs. La radiothérapie peut
avoir des conséquences similaires si la sonde est placée dans le champ d’irradiation.
À cet égard, la sonde œsophagienne partage beaucoup des avantages de la sonde gastrique mais le risque de complications septiques est moins important (Figure 5). Ces
sondes sont simples à placer, peu onéreuses et en général bien tolérées par les chats.
La Figure 6 est un arbre décisionnel qui illustre
comment prendre en compte ces différents facteurs afin de choisir la voie d’alimentation
assistée la plus sûre et la plus efficace. L’alimentation assistée chez les patients félins est
décrite de manière plus détaillée dans le chapitre 13.
Choix du régime
approprié
En général, le choix du régime dépend de l’affection observée et des besoins nutritionnels de
l’animal. En matière de cancérologie, de nombreuses recherches ont tenté de mettre en évidence comment la nutrition pourrait ralentir
ou inhiber la croissance des tumeurs, moduler
la fonction immunitaire ou lutter contre la
TABLEAU 5 - QUELQUES CONSEILS POUR ENCOURAGER UN CHAT À MANGER
Résister à la tentation d’encourager le chat à s’alimenter lorsque celui-ci montre des signes de
nausée ou d’inconfort. Les chats qui déglutissent ou salivent à la vue ou à l’odeur d’un aliment ou
qui détournent leur tête ou recrachent l’aliment placé dans leur bouche ne doivent pas être forcés.
Envisager l’utilisation d’antiémétiques si des vomissements sont présents.
Considérer l’alimentation assistée comme une alternative possible.
5 - Intervention nutritionnelle
Enfin, il ne faut pas perdre de vue que l’alimentation assistée vise à prolonger la vie du
chat. Utilisée correctement, elle peut avoir des
effets bénéfiques en améliorant la qualité de vie
du patient. Cependant, chez certains chats en
phase terminale, l’euthanasie peut être préférable à un acharnement thérapeutique. En
revanche, du point de vue du propriétaire, il est
souvent plus difficile de décider d’arrêter la
nutrition assistée que de se résoudre à faire
euthanasier leur animal avant sa mise en place.
Le choix de l’alimentation assistée doit prendre
en compte ces considérations éthiques.
Envisager l’utilisation de stimulants de l’appétit uniquement chez des chats qui ne montrent pas de
signes d’aversion alimentaire ou qui se sentent mieux et sont alors à même de surmonter une
aversion alimentaire.
Pour les chats qui manifestent un intérêt pour la nourriture :
- Essayer de nouveaux aliments. Se rappeler que les restes de table ne constituent pas un régime
équilibré et que si un chat mange exclusivement un régime ménager pendant plus de quelques
jours, sa ration doit alors être évaluée et corrigée par un vétérinaire nutritionniste.
- Faire que les repas occasionnent le moins de stress possible. Essayer de dissocier les repas de
l’administration des médicaments.
- Fractionner la ration journalière en plusieurs petits repas. Offrir de la nourriture fraîche plusieurs
fois par jour est plus profitable que la distribution de gros repas, indépendamment de l’appétence
de l’aliment.
- Pour la plupart des chats les facteurs d’appétence sont une teneur élevée en matières grasses
et/ou en protéines, ainsi que l’humidité de l’aliment. Passer d’un aliment en croquettes à un aliment en boîte ou vice versa peut donc améliorer son appétence.
- Se rappeler que la “sensation buccale” liée à la texture et à la consistance de l’aliment est un
aspect important de l’appétence pour le chat (l’acceptation des aliments en boîte n’est donc pas
toujours garantie).
Il faut se poser la question de la tolérance du chat vis-à-vis des aliments riches en matières grasses
ou en protéines.
Il est classiquement conseillé de réchauffer l’aliment juste en dessous de la température corporelle
pour lutter contre l’anorexie chez le chat. La chaleur exhauste les arômes et peut améliorer l’appétence. Cependant, ceci peut avoir l’effet inverse chez les chats présentant une aversion alimentaire.
FIGURE 6 - TYPE D’ALIMENTATION ASSISTÉE À METTRE EN PLACE : ARBRE DÉCISIONNEL
Chat incapable de manger/
Alimentation orale contre-indiquée
Système digestif fonctionnel ?
OUI
NON
Nutrition parentérale
Risque de fausse déglutition
Élevé
Faible
Support nutritionnel temporaire
Support nutritionnel durable
Sonde naso-œsophagienne
Sonde œsophagienne
ou gastrique
Cancer
Faible
Risque anesthésique
Faible
Élevé
Fonction gastrique
Normale
Sonde gastrique
Sonde nasojénunale
ou nutrition parentérale
Anormale
Sonde transpylorique
ou sonde jéjunale
395
6 - Intervention pharmacologique
cachexie cancéreuse. La plupart des résultats ont été obtenus chez des rongeurs ou chez l’homme. Certaines études cliniques préliminaires existent cependant pour le chien cancéreux: un aliment humide
pauvre en amidon mais enrichi en huile de poisson et en arginine augmenterait par exemple l’espérance de vie et la durée des rémissions chez les chiens atteints de lymphome de stade III (Ogilvie et coll,
2000). Si presqu’aucune étude n’est disponible chez le chat, il faut cependant préciser que la plupart
des aliments en boîte pour chats ont une formulation similaire à celle de cette étude, à l’exception de
la supplémentation en huile de poisson.
Chez un chat cancéreux, c’est l’appétence qui doit constituer le critère essentiel de sélection d’un aliment. Ce dernier doit évidemment apporter une réponse adéquate aux besoins nutritionnels du chat
et si ce n’est pas le cas, il doit être supplémenté pour prévenir des carences. Idéalement, le régime doit
être très concentré en énergie, pour faciliter la couverture du besoin énergétique d’un chat dont l’appétit est souvent faible. En présence de signes cliniques ou d'affections secondaires concomitantes justifiant des précautions nutritionnelles particulières, il faut tenter de les prendre en compte dans la formulation du régime.
Enfin, les tumeurs digestives, en particulier les lymphomes, peuvent entraîner un phénomène de malabsorption chez le chat, responsable d’une malnutrition protido-calorique généralisée et/ou de carences
spécifiques en certains nutriments. Un déficit en cobalamine est décrit chez le chat souffrant d’affection digestive, un lymphome par exemple (Simpson et coll, 2001). Lors de maladie inflammatoire chronique intestinale aggravée par une carence en cobalamine, le poids et la réponse au traitement des chats
sont améliorés lorsque cette vitamine est administrée par voie parentérale (250 µg SC une fois par
semaine pendant 4 semaines) (Ruaux et coll, 2005). D’un point de vue clinique, les chats atteints de
lymphome digestif semblent également tirer un bénéfice d’une supplémentation parentérale en cobalamine.
6 - Intervention pharmacologique
La chirurgie, la radiothérapie, la chimiothérapie ou une association des trois peuvent être parfois utilement complétées par des traitements additionnels visant à stopper la perte de poids et à améliorer la
qualité de vie du chat. La sélection des médicaments les plus efficaces passe par la détermination de la
cause de la sous-consommation alimentaire et de la perte de poids. Cette connaissance est essentielle
pour permettre une gestion optimale et personnalisée du patient.
Causes de la dysorexie ou de l’anorexie
Cancer
L’anorexie résulte d’une déficience des signaux habituels de l’appétit ; elle peut être un effet direct ou
indirect de la tumeur ou de son traitement, en particulier de la chimiothérapie. Mais l’altération de
l’appétit peut aussi résulter d’une gêne ou d’une douleur abdominale : une capacité stomacale diminuée
ou une vidange gastrique retardée par l’infiltration tumorale induit alors un état de satiété précoce. Les
tumeurs intestinales primaires peuvent enfin entraîner une obstruction complète ou partielle, un iléus,
une malabsorption, une diarrhée ou une constipation qui à leur tour perturbent le confort de l’animal,
provoquant ballonnement, anorexie ou nausée (Uomo et coll, 2006).
La chimiothérapie peut accentuer la dysorexie en agissant sur le centre du vomissement ou sur le tube
digestif. Certaines molécules, telles que la vincristine, peuvent faciliter l’apparition d’un iléus et d’une
constipation, qui renforcent encore le cycle de l’anorexie et de la dépression (Ogilvie et coll, 2001). Les
effets cytotoxiques de la chimiothérapie affectent l’intégrité de l’épithélium de la muqueuse intestinale
et facilitent le phénomène de translocation bactérienne et de colonisation bactérienne intestinale
secondaire.
La chimiothérapie peut entraîner l’apparition d’une gastro-entérite septique, avec nausées, vomissements et diarrhée. Le risque septique est surtout important s’il existe parallèlement une myélosuppression. Dans ce cas, un traitement antibiotique à large spectre (visant les germes gram positif et gram
négatif) est recommandé.
396
6 - Intervention pharmacologique
Traitement de la douleur
Douleur et inconfort contribuent à l’anorexie et à la perte de poids. Il est souvent difficile de juger de
la douleur des chats, en particulier quand elle est d’origine viscérale. Cette dernière est fréquemment
décrite chez l’homme atteint de cancer abdominal, surtout de cancer du pancréas. Ce type de cancer
est très fréquemment associé à une cachexie cancéreuse : la cachexie est présente dans 80 % des cas
(Splinter, 1992; Ryan et coll, 1998). Le traitement contre la douleur est ici prescrit systématiquement
(Li et coll, 2004).
Il est probable que les chats atteints de lymphome digestif présentent un certain niveau d’inconfort ou
de douleur mais l’efficacité des traitements analgésiques pour augmenter l’appétit et enrayer la perte de
poids n’a pas été évaluée chez ces patients ; leur prescription ne fait donc pas encore partie de la routine. La douleur est plus évidente et donc plus susceptible d’être prise en charge chez les chats atteints
de tumeurs solides inopérables qui envahissent ou détruisent les os ou compriment les nerfs. Chez les
chats atteints de carcinome épidermoïde ou d’ostéosarcome, le traitement de la douleur fait partie des
soins palliatifs, grâce à l’administration orale ou parentérale de médicaments analgésiques et/ou une
radiothérapie. L’impression subjective de l’auteur est que ces mesures permettent à certains chats d’aller mieux et de manger plus. Cependant, il n’existe pas d’études permettant de confirmer ces observations.
Traitement de l’inflammation
Les effets systémiques du cancer et les modifications métaboliques associées au syndrome de cachexie
cancéreuse s’exercent par l’intermédiaire d’un réseau complexe de cytokines pro-inflammatoires (Jatoi
et coll, 2001; Walker, 2001). Les anti-inflammatoires ont donc un rôle à jouer. Parmi les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), certains possèdent une activité anti-cycloxygénase. Ces médicaments sont à la fois analgésiques et anti-inflammatoires et seraient donc intéressants à la fois pour les
chats souffrant d’une tumeur douloureuse inopérable et/ou pour contrer les conséquences générales de
la tumeur et du syndrome de cachexie cancéreuse. De plus, l’inhibition de la cycloxygénase-2 peut avoir
une action anticancéreuse directe, surtout si cette enzyme est surexprimée par la tumeur. Pour l’instant, le rôle anticancéreux direct des AINS a été décrit seulement chez le chien (Schmidt et coll, 2001;
Knapp et coll, 2002; Mustaers et coll, 2003; Mohammed et coll, 2004; Mustaers et coll, 2005). Les AINS
sont connus pour améliorer certains symptômes associés au syndrome de cachexie cancéreuse et améliorent la qualité de vie chez l’homme atteint de cancer pancréatique ou d’autres tumeurs d’origine
digestive (Wigmore et coll, 1995; McMillan et coll, 1997; 1999).
Médicaments stimulant l’appétit
L’acétate de mégestrol est le médicament le plus fréquemment prescrit pour
lutter efficacement contre la perte de
poids et la cachexie en cancérologie
Cancer
L'acétate de mégestrol
est efficace chez les chats
cancéreux pour améliorer
l'appétit et encourager
le gain de poids.
© Royal Canin/Yves Lanceau Chat des Forêts Norvégiennes
La prescription de stimulants de l’appétit et d’antidépresseurs peut être recommandée chez certains
chats. Comme il est très difficile voire impossible de faire la distinction entre une anorexie due à
des nausées et une anorexie liée au syndrome de cachexie cancéreuse, les antiémétiques doivent
toujours être envisagés en premier, éventuellement en association avec des stimulants de l’appétit.
L’administration isolée de médicaments orexigènes
risque sinon d’aggraver les nausées et les vomissements
et de conduire à la naissance d’une aversion alimentaire. Avant d’utiliser ces stimulants de l’appétit, il est
aussi important d’écarter et/ou de traiter les autres
causes possibles des nausées, des vomissements et de
l’anorexie telles que les tumeurs digestives, les obstructions intestinales ou les gastro-entérites induites
par la chimiothérapie.
6 - Intervention pharmacologique
humaine. Une large méta-analyse montre que chez les patients cancéreux, l’acétate de mégestrol est
significativement favorable au gain ou au maintien du poids (Berenstein et coll, 2005). Le mécanisme
d’action exact de l’acétate de mégestrol est complexe : il stimulerait l’appétit par des voies directes et
indirectes tout en s’opposant aux effets cataboliques des principales cytokines (Uomo et coll, 2006).
L’acétate de mégestrol est également efficace chez les chats cancéreux et est utilisé pour améliorer l’appétit et encourager le gain de poids.
Aux Etats-Unis, les corticoïdes sont cependant plus fréquemment utilisés que l’acétate de mégestrol,
surtout lors de lymphome félin. Les effets cytotoxiques des corticoïdes sont exploités dans les protocoles de chimiothérapie du lymphome ; ils présentent de plus l’avantage de stimuler l’appétit et leurs
propriétés anti-inflammatoires sont mises à profit pour lutter contre le syndrome de cachexie cancéreuse.
La cyproheptadine est un anti-sérotoninergique qui stimule également l’appétit. Elle est relativement
fréquemment utilisée chez le chat et son usage est encore privilégié par beaucoup de vétérinaires malgré les études prospectives en cancérologie humaine qui n’ont pas montré d’amélioration du statut
nutritionnel des patients qui en reçoivent par rapport à l’administration d’un placebo (Kardinal et coll,
1990).
Les stimulants de l’appétit sont souvent utilisés en conjonction avec d’autres traitements palliatifs chez
le chat. Certains semblent bénéficier de ces traitements mais il est souvent impossible de déterminer
lequel est réellement efficace lorsque plusieurs stimulants de l’appétit sont utilisés en même temps.
L’amélioration constatée peut résulter d’effets synergiques ou complémentaires issus de ces associations
thérapeutiques. Une approche multifactorielle peut donc s’avérer nécessaire pour maintenir le poids ou
freiner la perte de poids.
Pour choisir les médicaments ou les associations de médicaments les plus appropriés, il est néanmoins
important d’évaluer la situation globale, c’est-à-dire le stade de la tumeur, une atteinte gastrointestinale directe, la présence de nausées, de douleur ou d’inconfort, une gastroentérite induite par la chimiothérapie ou la présence d’une cachexie cancéreuse. La tolérance du chat vis-à-vis de l’administration orale de plusieurs médicaments est limitée et l’administration forcée de ceux qui ne sont pas nécessaires empire la situation. Les Tableaux 6 et 7 présentent les posologies des différents médicaments utilisables pour diminuer les nausées, stimuler l’appétit, améliorer le statut nutritionnel et combattre la
perte de poids chez les chats atteints de cancer.
TABLEAU 6 - PRINCIPES
Principes actifs
Posologie
ACTIFS ANTIÉMÉTIQUES
Commentaires
Favorise la vidange gastrique et agit au niveau central sur le centre du
vomissement (chemoreceptor trigger zone)
Les effets centraux sont moins puissants chez le chat que pour d’autres
espèces.
Prochlorpérazine
0,1-0,5 mg/kg SC ou IM toutes
les 6-8 heures
Effets sédatif et hypotenseur (antagoniste des effets adrénergiques)
Agit au niveau central sur la chemoreceptor trigger zone
Mésylate de dolasétron
Ondansétron
0,5-1,0 mg/kg, IV ou PO 1 fois/24h
0,3-0,1 mg/kg, PO 1 fois/24h
Agit au niveau central sur la chemoreceptor trigger zone
Dexaméthasone
1-3 mg/chat (une seule injection en association avec d’autres antiémétiques)
Mécanisme d’action inconnu ; potentialise les effets des autres antiémétiques
Cancer
Métoclopramide
0,2-0,4 mg/kg, SC ou PO toutes
les 6-8 heures
1-2 mg/kg/jour, IV (administré
en perfusion continue)
Tableau indicatif : la commercialisation de ces molécules à destination de l’espèce féline varie selon les pays et les lois en vigueur.
398
7 - Conclusion
TABLEAU 7 - STIMULANTS
DE L’APPÉTIT
Principe Actif
Posologie
Commentaires
Dérivés des benzodiazépines*
Diazepam
Oxazepam
0,2 mg/kg, IV
0,5 mg/kg,
PO 1 fois toutes
les 12 à 24h
Entraînent une sédation
Contre-indiqués chez les chats insuffisants
hépatiques
Les effets disparaissent avec le temps lorsqu’ils
sont utilisés chez des animaux malades
Cyproheptadine*
0,2-0,5 mg/kg,
PO 1 fois toutes
les 12h
Anti-sérotoninergique
Peut entraîner de l’excitabilité, un comportement
agressif et des vomissements
Acétate de mégestrol
0,25-0,5 mg/kg,
1 fois/24h pendant 35 jours, puis 1 fois
toutes les 48-72
heures
Stimule l’appétit par des voies directes
et indirectes
Effets antagonistes sur les principales cytokines
cataboliques
Diabétogène
Prednisone
0,5-1,0 mg/kg
1 fois toutes les 24h
Effets centraux directs
Inhibition de la tumeur et des substances
induites chez l’hôte
Effet cytotoxique direct sur le lymphome
* Les dérivés des benzodiazépines et la cyproheptadine ne provoquent qu’une augmentation de
l’appétit momentanée et ne garantissent pas la couverture des besoins énergétiques.
Tableau indicatif : la commercialisation de ces molécules à destination de l’espèce féline varie selon les
pays et les lois en vigueur.
Conclusion
La thérapie anticancéreuse vise principalement à augmenter l’espérance de vie et à maintenir une
bonne qualité de vie au chat. Des apports nutritionnels appropriés sont nécessaires pour atteindre ces
objectifs. Les études faites en médecine humaine montrent que le pronostic est moins bon chez les
patients cachectiques : les complications sont plus fréquentes et la réponse au traitement est moins
bonne. La situation est vraisemblablement similaire chez le chat, comme l’illustre une étude qui montre
que :
- la rémission est corrélée positivement avec l’indice de condition corporelle
- l’espérance de vie des chats atteints de tumeurs solides et de lymphomes est significativement plus
courte chez les animaux maigres que chez les chats en meilleur état corporel (Baez et coll, 2007).
Cancer
La perte de poids et la réduction de la qualité de vie associée ont non seulement un impact négatif sur
le traitement mais aussi des conséquences directes sur la survie de l’animal, car elles peuvent conduire
à la décision d’euthanasie. La capacité, l’intérêt et la volonté à se nourrir sont des composants majeurs
d’une bonne qualité de vie. La plupart des propriétaires et des vétérinaires s’accordent sur le fait qu’un
chat qui ne veut pas manger pendant de longues périodes exprime un mal-être et sans doute une souffrance.
L’espérance de vie du chat est donc liée à la mise en place d’un soutien nutritionnel efficace, associé à
un traitement approprié pour lutter contre les nausées, améliorer l’appétit et encourager l’alimentation
spontanée. Dans notre service, la majorité des chats atteints de lymphome perdent du poids dans la
phase d’induction de la chimiothérapie (Bachman et coll, 2000). Une proportion significative de chats
atteints de lymphome meurent ou sont euthanasiés dans les premiers mois de la chimiothérapie. Ces
éléments suggèrent que plus d’attention doit être portée à la nutrition et à la prévention de la perte de
poids chez ces patients. Une intervention nutritionnelle précoce améliore non seulement la qualité de
vie des chats cancéreux mais a également un impact positif sur leur survie.
399
Questions fréquemment posées
Questions fréquemment posées à propos
du statut nutritionnel du chat cancéreux
R
Q
Cette question est probablement l’une des plus fréquemment posées par les vétérinaires et les propriétaires. Pour y répondre, il est nécessaire de revenir sur l’historique de la maladie chez le chat et
d’examiner en détail les traitements effectués afin de déterminer si la perte de poids suit un cycle
particulier ou si les nausées peuvent être secondaires à la chimiothérapie.
Comment savoir si les nausées
et la diminution de l’appétit sont dues
au cancer ou à son traitement ?
Chez les chats atteints de lymphome digestif, il faut réaliser une échographie abdominale avant et
après le traitement et comparer les résultats. Des images en faveur d’une amélioration ou d’une
rémission clinique suggèrent que la chimiothérapie est responsable des problèmes. Dans ce cas, un
court arrêt du traitement peut permettre au chat de récupérer. A son redémarrage, la posologie de
la chimiothérapie sera revue à la baisse et devra être associée à des antiémétiques. Si l’échographie
révèle une persistance ou une aggravation du lymphome, un autre protocole de chimiothérapie,
associé à des anti-émétiques, est alors nécessaire.
Que puis-je faire
pour que mon chat mange plus ?
L’appétit peut être modifié par de nombreux signaux internes et externes. Beaucoup de chats cancéreux ont un appétit diminué à cause des effets directs ou indirects de la tumeur et de son traitement. Les efforts visent à optimiser le bien-être du patient, comme combattre la déshydratation, la
fièvre, la douleur et les nausées. Faire que les repas occasionnent le moins de stress possible. Essayer
de proposer des petites quantités d’aliments appétents et variés mais sans risquer de provoquer une
aversion alimentaire. De nombreux petits repas sont en général mieux acceptés qu’un ou deux gros
repas. Réchauffer l’aliment à température corporelle augmente parfois son appétence.
Mon chat a mauvais appétit et il perd
du poids malgré une bonne réponse à
la chimiothérapie. On m’a dit que
l’alimentation par sonde pourrait l’aider pendant cette période mais je suis
inquiet de l’impact que cela pourrait
avoir sur sa qualité de vie.
Les sondes d’alimentation sont bien tolérées par la plupart des chats, surtout les sondes œsophagiennes qui n’engendrent que peu d’inconfort et permettent d’alimenter le chat avec des aliments
en boîte. En revanche, elles ne sont pas adaptées aux chats souffrant de vomissements incontrôlables. Lorsque ce problème n’existe pas ou est bien contrôlé, l’alimentation par sonde permet
d’améliorer le statut nutritionnel du chat, sa balance énergétique et son bien-être global. Chez un
chat en période de rémission, une perte de poids persistante est certainement à attribuer aux nausées et à la fatigue de la chimiothérapie. Une diminution de la posologie et l’administration d’antiémétiques doivent être associées à l’alimentation par sonde.
Cancer
Mon chat souffre-t-il
de ne pas manger ?
Un chat qui ne mange pas est en général un chat qui ne se sent pas bien. Mais il existe bien des
degrés entre l’altération du bien-être et la souffrance. Une diminution temporaire de l’appétit
ou même une anorexie peut être acceptée par la plupart des propriétaires et des vétérinaires tant
qu’elle n’a pas d’impact sur les autres aspects de la vie du chat. Cependant, l’anorexie sévère et
prolongée associée à une perte de poids importante est immanquablement un signe de souffrance
quand elle accompagne une maladie en phase terminale pour laquelle tout traitement devient
impossible.
400
Références
Références
Baez JL, Michel KE, Sorenmo K, et al. A prospective investigation of the prevalence and prognostic
significance of weight loss and changes in body condition in feline cancer patients. J Fel Surg 2007; 9:
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