DOSSIER
I « La France une chance pour l’Islam » Le Félin .
J.H .et PP.Kaltenbach 1991
¨Préface Pierre Chaunu.
Protestant, Membre de l’Institut,membre de la commission Marceau Long.
« Pierre-Patrick et Jeanne-Hélène Kaltenbach ont bien mérité de la patrie... des hommes ; ils disent juste et bien,
concrètement, avec humour et tendresse, le souhaitable, le possible ; ils ont même une chance, certes, dans l'immédiat,
infime – on peut toujours rêver – d'être entendus. À court terme, c'est peu probable ; à long et à moyen terme, vous
pouvez les jouer gagnants à mille contre un.
Oui, nous avions beaucoup travaillé dans cette Commission de la nationalité ouverte, pluraliste, transparente, courtoise.
Savoir est une chose, croire, c'est-à-dire vivre, en est une autre. J'ai compris que ce que je savais était de peu de poids à
côté de ce qu'ils vivaient, eux les acteurs, voyageurs sans beaucoup de bagages en quête d'un coin où poser la tête et
gardiens inquiets du foyer laborieusement aménagé, de cette sombre histoire « méditerranéenne », comme une tragédie
grecque, pleine de grondements, de colère, zébrée de blessures cachées et d'élans déçus, où la haine, la rancune et
l'amour se croisent, inextricablement, et se mêlent. Entre la haine et l'amour, vous le savez bien, à long et à moyen
terme, la haine ne fait pas le poids. Vous pouvez donc jouer l'amour gagnant. C'est le pari des Kaltenbach. Oui, ils ont
été passionnés ; oui, ils ont été raisonnables.
Parlons clair. Notre créneau à nous, c'est le Maghreb. Le créneau de l'Europe, ragaillardie par la levée d'écrou des
cousins de l'Est dévasté, momentanément, par sept et cinq décennies de « bêtise » militante, c'est la faille à fort gradient
qui sépare durablement le monde post-industriel issu de la chrétienté laïcisée et asséchée de l'électronique et des
minijupes du monde araboberbéro-turco-musulman, en cet instant où le différentiel des pressions démographiques passe
par un paroxysme bref mais générateur de tensions. Si la fécondité reste ce qu'elle est au Nord, il est clair qu'il n'y a pas
de solution, ni de survie envisageable pour ce que nous aimons. L'implosion nous détruira implacablement, et rien ne
peut empêcher qu'elle ne se mondialise, comme la pandémie de la peste noire ou du sida. J'avais prévu, calculé, ce
risque en 1979 (Un futur sans avenir, Calmann-Lévy), la thèse a été développée et étayée, peu avant sa mort, par Jean
Bourgeois-Pichat (Population, 1988, n-1). Ce qui se joue c'est le destin planétaire, et nous y avons part.
L'implosion généralisée est le danger numéro un, à la limite le seul, que les séquelles de l'explosion des tiers mondes
continuent à masquer aux yeux myopes des projectionnistes du lendemain dans le prolongement de la veille.
À plus court terme, et à une échelle plus restreinte, il est clair que, par hysteresis, et en dépit de la glissade de la
fécondité esquissée dans le monde musulman, il y aura deux milliards d'hommes dans la tradition et la mouvance
musulmanes dans environ trente ans, un homme sur quatre pour le moins, c'est la première évidence.
Ce monde nombreux est un monde malade. S'il vous paraît agressif, c'est parce qu'il est malade et qu'inconsciemment il
le sent, faute peut-être de le savoir. Lisez attentivement Kaltenbach, il vous en fournit la preuve à chaque page.
Ce monde, heureusement, est multiple, pulvérulent, aussi complexe que nos chrétientés et, plus encore que nous, divisé.
Il n'y a jamais eu que deux spiritualités. Sans lien organique entre Je, Nous, le Cosmos et le Destin ; sans spiritualité il
n'y a pas plus de vie humaine durable que de poisson rouge hors du bocal. Chrétiens, plus ou moins laïcisés, juifs et
musulmans, nous sommes du même côté, nous aspirons à rejoindre le Transcendant. Notre commun désir, au-delà de la
mort assumée, est désir d'éternité. L'autre moitié de l'humanité, du paganisme dont le sommet est stoïcien et le meilleur
aujourd'hui bouddhiste, compense par la rude ascèse qui débouche sur l'amour du destin. À leur terme ultime, ces deux
parallèles se rejoignent. Aimer la totalité cosmique et s'y fondre, n'est-ce pas, par un long détour, s'approcher du point
que l'on ne peut atteindre que si on accepte d'y être porté ? Les ultimes hoquets du marxisme, cette hérésie du
christianisme, excroissance d'une page tournée de la mutation industrielle, prouvent qu'il n'y a pas d'alternative à une
forme cohérente de spiritualité.
Nos traditions sont proches, c'est pourquoi elles sont difficiles à accorder. La difficulté, la
À propos du dossier de l'immigration, les princes qui nous gouvernent ont failli à leur mission quand il aurait fallu nous
informer et nous rendre vertueux ; telle est pourtant leur permanente prétention..
seule, elle est de taille, découle de la Charia. La Charia, entendez concrètement la manière de vivre l'islam en société,
le droit non séparé de la foi. Rite hanafite, école malékite, école chafite, école hanbalite et en ultime recours l'Ijtihad,
qui permet de combler les vides ou de substituer en douceur, ce qui a cessé d'être possible. Je suis assez d'accord avec
Bruno Étienne, nous attribuons à l'islam ce qui vient de la périphérie, d'une périphérie qui est en train de s'effondrer. Il
suffit de voir comment d'une génération à l'autre on passe de sept enfants à un, voire à moins, de l'explosion à
l'implosion, suivant un modèle italien aggravé. Les barbus peuvent défiler dans la rue, les femmes leur échappent et
c'est par elles que s'effectue le mouvement.
Refuser le mouvement, c'est prendre le risque de l'explosion.
Aidons un islam français à réussir l'adaptation du monde moderne, à réaliser cette Charia bien tempérée qui préservera
les valeurs spirituelles de l'islam, dont l'humanité a besoin. Quand Kaltenbach, Étienne et Chaunu suggèrent de