Fiche de travail - collegeaucinema37.com

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LE TOMBEAU DES LUCIOLES
QUELQUES ELEMENTS D'ANALYSE SOUS L'ANGLE DE L'HISTOIRE
- les premiers instants du film posent le cadre et le lien avec le contexte, que l'on peut étudier autour de trois axes :
1) L'uniforme militaire japonais et la phrase «les troupes américaines vont bientôt arriver» renvoient la Guerre du
Pacifique qui oppose le Japon aux États-Unis durant la 2ème Guerre Mondiale
2) le choix de la date «21 septembre 1945» fait référence à la date d'entrée en vigueur du Plan Général pour la
protection des orphelins de guerre et illustre les drames vécues par les populations civiles durant cette guerre, marquée
par « la violence de masse »
3) La vision d'un jeune garçon portant l'uniforme japonais évoque la mobilisation de l'ensemble de la population au
service des États en guerre (la « guerre totale »)
Axe 1: une vision de la guerre du Pacifique
- la guerre commence (cf supra «les troupes américaines vont bientôt arriver») et se termine avec la défaite
japonaise. 58mn50 quand Seita va retirer l'argent de sa mère, il apprend la défaite du Japon: «on s'est
rendu», «la flotte est détruite», «l'Empire Japonais est battu», «reddition sans conditions» … La capitulation
du Japon le 2 septembre 1945 clôt une période d'expansion militaire d'un demi-siècle: après avoir annexé la
Corée (1910) puis profité de la 1ère Guerre Mondiale et de la Révolution Russe pour prendre pied en Chine
(occupation des concessions allemandes dans le Shandong) et en Sibérie (occupation jusqu'en 1922), le
Japon envahit en 1931 la Mandchourie, au nord de la Chine et crée sur son territoire le protectorat du
Mandchoukouo, qui lui garantit le contrôle de très importantes ressources naturelles. (Voir Tintin et le Lotus
Bleu) Puis, en 1937, le Japon s'empare de l'est de la Chine, défendant l'idée d'une « sphère de coprospérité
de la grande Asie orientale». Parallèlement, en 1936, le Japon signe avec l'Allemagne nazie le pacte antiKomintern, puis signe avec ce pays et l'Italie le pacte tripartite constituant l'Axe Rome-Berlin-Tokyo. En
1941, le Japon entre officiellement dans la Seconde Guerre mondiale, en attaquant les possessions
occidentales en Asie et en Océanie, puis la base américaine de Pearl Harbor, à Hawaï, ce qui provoque
l'entrée en guerre des États-Unis contre le Japon.
- le film évoque aussi les difficultés militaires croissantes du Japon. En effet, le Japon remporte d'abord une
série de victoires militaires. En décembre 1941, Guam et l'île de Wake tombent entre ses mains, suivies
pendant le premier semestre 1942 par les Philippines, les Indes orientales néerlandaises, Hongkong, la
Malaisie, Singapour et la Birmanie. Mais mi-1942, les forces australiennes et néo-zélandaises en Nouvelle
Guinée et les forces britanniques en Inde parviennent à arrêter l'avance japonaise. Le tournant de la guerre
du Pacifique est la victoire navale américaine lors de la bataille de Midway en juin 1942 où la flotte japonaise
subit de lourdes pertes. En août 1942, les forces américaines attaquent les Japonais dans les îles Salomon,
puis les obligent au prix de lourdes pertes, à se retirer de l'île de Guadalcanal en février 1943. Plusieurs
passages du film montrent ce glissement vers la défaite : 23m28 « c'est de plus en plus difficile » « on
n'arrive plus à produire suffisamment » ; plus loin 41mn50 1 les deux enfants voient un avion kamikaze, qui
évoque la stratégie militaire désespérée de l'armée japonaise pour freiner l'avance américaine en jetant des
avions sur les bateaux américains.
- les deux adversaires sont montrés de manière différente : l'armée japonaise apparaît au travers de
multiples soldats en uniforme tout au long du film, de l'avion kamikaze et de la parade militaire à laquelle
participe le père de Seita. En revanche, l'armée américaine n'est représentée qu'au travers de ses avions
(escadrille aérienne 3mn50) 2 et des paroles de la population japonaise.
- Le réalisateur prend le parti de montrer la guerre de manière très réaliste, certaines images évoquant
même des photos de guerre : 7mn15 une vue de l'incendie qui ravage la ville 3 – 7mn50 une vue aérienne
de la ville depuis le bombardier américain – 9mn 30 une vision de la ville après le bombardement 4 - 10mn
des cadavres calcinés 5. Le début du film évoque en particulier les bombardements de Kobé. Pour tenter de
faire plier le Japon qui refusait la capitulation (En Europe, la fin de la guerre est imminente et les Etats-Unis
se méfient déjà de l'expansionnisme soviétique) et parce qu'ils redoutent le bilan humain d'un débarquement
au Japon, les Etats-Unis organisent une campagne de bombardements massifs des populations concentrés
sur les grandes agglomérations. Kobe est une cible « privilégiée »: sixième ville du pays, elle compte un
million d’habitants, et possède le port le plus important de tout le pays. Fait aggravant, la ville est alors mal
alimentée en eau et très faiblement équipée pour lutter contre les incendies alors qu'une immense majorité
des habitations sont construites de façon traditionnelle, c’est-à-dire en bois et en papier de riz… Les 3 et 4
février 1945 a lieu un premier raid qui utilise pour la première fois des bombes au napalm (plus de 150
Document de Fabrice Sugier, professeur d'Histoire-Géographie - Collège Rameau de Tours
Association Collège au Cinéma 37 de Tours
tonnes de bombes incendiaires au napalm). Le raid le plus destructeur sur la ville de Kobe a lieu les 16 et 17
mars 1945 : durant deux jours, 331 avions B-29, surnommées les « forteresses volantes », déversent leurs
bombes incendiaires (5mn30) 6. Officiellement, il y a 8841 morts, 21% de la surface de la ville est rasée ;
plus de 650.000 maisons sont détruites. Le 15 juin, un nouveau raid aérien des américains mené par 530
bombardiers détruit plus de 50% de la ville. Les raids américains sur Kobé se sont poursuivis le 19 mars, le
11 mai, le 5 juin, du 25 au 28 juillet et le 6 août 1945. Enfin, à 9mn15, le film montre une « pluie de cendres
noires » , expression qui évoque les « pluies noires » radioactives qui ont succédé aux bombardements
atomiques d'Hiroshima et Nagasaki et qui ont fait elles aussi beaucoup de victimes.
Axe 2: les civils dans la «Guerre Totale» le film montre la guerre pour l'essentiel sous l'angle des civils, à
la fois acteurs et victimes de la guerre.
- Dans les « guerres totales » du XXème siècle, toute la population est impliquée dans la guerre : villes
(Kobé) et campagnes (le village de la tante), hommes (nombreux soldats tout au long du film) et femmes (la
propagande nationaliste passe d'abord par les paroles de la tante), adultes et jeunes : Seita qui a 14 ans,
apparaît souvent en uniforme, rappelant que certains pays en guerre (Allemagne et Japon) ont, à la fin de la
guerre, du fait du manque de soldats, mobilisé des adolescents sur le front (attesté au Japon lors de la
bataille d'Okinawa). La contribution de l'arrière est surtout montré par le travail dans les usines de guerre :
Seita parle de « l'usine où j'étais mobilisé » (23mn20), les enfants de la tante travaillent également pour
approvisionner l'armée (23mn30). Cette mobilisation des civils est de plus en plus forte : « on nous demande
de fournir des efforts supplémentaires » (23mn 50), « mes enfants font des heures supplémentaires le soir »
(30mn37). Cette mobilisation nécessaire de l'arrière est un des thèmes de la propagande d'Etat : la tante
justifie son refus de donner du riz plutôt que du gruau à Seita et Setsuko par le fait qu'eux ne travaillent pas
alors que « tout le monde doit faire un effort pour la patrie » (31mn30).
- Le film témoigne aussi d'une caractéristique de ce conflit marqué par la « violence de masse » : pour la
1ère fois, les civils sont des cibles « privilégiées » des attaques avec un armement de plus en plus meurtrier.
Les scènes de bombardements, les gros plans sur les victimes (comme la mère de Seita et Setsuko)
prouvent que celles-ci sont d'abord des civils. A la fin du film, une autre scène montre le mitraillage des
populations par des avions volant à basse altitude (48mn).La fréquence des alertes aériennes et des
bombardements tout au long du film montre que les populations vivent dans une peur permanente : « les
sirènes et les alarmes nous empêchent de dormir » (31 mn). D'autre part, l'état de guerre entraînent une
dégradation des conditions de vie des populations, dégradation qui s'accélère au fil des scènes. Le film
évoque ainsi les pénuries et le rationnement : « les rations de sel ne suffisent plus » (25mn25), ce qui oblige
à prendre de l'eau de mer pour la cuisine, « le métal ça devient introuvable »(33mn20), « tout est rationné
maintenant » (47mn40) E1... Mais surtout, du fait du blocus du pays par les Américains, la population souffre
du manque de ravitaillement et de la difficulté croissante pour se nourrir : la 1ère mention est anodine (le
rationnement de biscuits 13mn), puis une scène montre que certaines catégories souffrent moins que
d'autres (les familles de militaires (19mn40). Ensuite, la situation s'aggrave : « on a du mal à se ravitailler
avec le rationnement »(24mn), Seita est obligé de vendre les affaires de sa mère pour se procurer du riz
(29mn), les parts sont de plus en plus réduites (« c'est la ration pour deux... c'est tout » 34mn30), les
enfants souffrent de malnutrition ( Seita est contraint de voler pendant les alertes pour éviter que lui-même et
sa sœur ne meurent de faim) ce qui provoque l'anémie et la mort de Setsuko (56mn).
Axe 3: l'endoctrinement des populations et ses conséquences – le film montre également comment la
propagande nationaliste du régime participe à la mobilisation de cette population et transforme celle-ci
Plusieurs scènes traduisent l'influence de la propagande guerrière et militariste sur les Japonais durant
cette période. Le réalisateur joue sur un paradoxe : les soldats eux-mêmes très présents dans le film, le
policier chez qui Seita est amené après avoir été pris en train de voler n'utilisent pas de rhétorique
guerrière , bien au contraire (soit ils subissent, soit ils se montrent plus humains et détachés du contexte
comme le policier 51mn25). La seule exception concerne le moment du bombardement : au premier plan,
femmes et enfants sont recroquevillés, tandis qu’à l’arrière-plan, un soldat brandit son sabre et crie « Vive
l’Empereur ! Longue vie à l'empereur» (7mn45)E2. A l'opposé, les catégories qui apparaissent les plus
marquées par cette propagande sont plus inattendues, elles sont à priori les plus éloignées de la guerre : le
vocabulaire emprunté à la propagande apparaît en particulier dans les paroles de la tante quand elle évoque
« l'effort de guerre » (24 mn), le fait de « se donner du mal pour la patrie », quand elle dit à son neveu « tu
dois prendre des forces si tu veux devenir un soldat » (29mn10), « tout le monde doit faire un effort pour
aider la patrie » (31mn30)...Les enfants, principales victimes de la guerre sont aussi touchés par cette
militarisation de la société : Seita E3 se souvient d'une photo de famille où il pose en uniforme aux côté de
son père (29mn50), il associe le souvenir de celui-ci à une cérémonie militaire patriotique (baptême d'un
bateau) où on célèbre la flotte (43mn30), puis il entonne une marche militaire en mimant un exercice de
Document de Fabrice Sugier, professeur d'Histoire-Géographie - Collège Rameau de Tours
Association Collège au Cinéma 37 de Tours
guerre, il voit le vol des lucioles dessiner la forme des bateaux de la revue navale ( 43mn20). Cette attention
portée à l'endoctrinement et à l'embrigadement des enfants est une des caractéristiques des régimes
totalitaires, ainsi que le devient l'Etat japonais durant la guerre. E4. Dans une des dernières scènes, Setsuko
apparaît également faisant une sorte de salut militaire, coiffée d'un plat qui ressemble à un casque
(1h05mn05).
Cette propagande nationaliste apparaît également comme responsable des malheurs du pays : elle aveugle
le soldat avec son geste dérisoire sous le bombardement (7mn45), elle est le prétexte qui permet à la tante
de refuser de nourrir correctement Seita et Setsuko (31mn30). Avec le contexte de peur et de privations, elle
explique sans doute la rupture des liens de solidarité à l'égard des réfugiés en général et des deux enfants
en particulier...
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