tonnes de bombes incendiaires au napalm). Le raid le plus destructeur sur la ville de Kobe a lieu les 16 et 17
mars 1945 : durant deux jours, 331 avions B-29, surnommées les « forteresses volantes », déversent leurs
bombes incendiaires (5mn30) 6. Officiellement, il y a 8841 morts, 21% de la surface de la ville est rasée ;
plus de 650.000 maisons sont détruites. Le 15 juin, un nouveau raid aérien des américains mené par 530
bombardiers détruit plus de 50% de la ville. Les raids américains sur Kobé se sont poursuivis le 19 mars, le
11 mai, le 5 juin, du 25 au 28 juillet et le 6 août 1945. Enfin, à 9mn15, le film montre une « pluie de cendres
noires » , expression qui évoque les « pluies noires » radioactives qui ont succédé aux bombardements
atomiques d'Hiroshima et Nagasaki et qui ont fait elles aussi beaucoup de victimes.
Axe 2: les civils dans la «Guerre Totale» le film montre la guerre pour l'essentiel sous l'angle des civils, à
la fois acteurs et victimes de la guerre.
- Dans les « guerres totales » du XXème siècle, toute la population est impliquée dans la guerre : villes
(Kobé) et campagnes (le village de la tante), hommes (nombreux soldats tout au long du film) et femmes (la
propagande nationaliste passe d'abord par les paroles de la tante), adultes et jeunes : Seita qui a 14 ans,
apparaît souvent en uniforme, rappelant que certains pays en guerre (Allemagne et Japon) ont, à la fin de la
guerre, du fait du manque de soldats, mobilisé des adolescents sur le front (attesté au Japon lors de la
bataille d'Okinawa). La contribution de l'arrière est surtout montré par le travail dans les usines de guerre :
Seita parle de « l'usine où j'étais mobilisé » (23mn20), les enfants de la tante travaillent également pour
approvisionner l'armée (23mn30). Cette mobilisation des civils est de plus en plus forte : « on nous demande
de fournir des efforts supplémentaires » (23mn 50), « mes enfants font des heures supplémentaires le soir »
(30mn37). Cette mobilisation nécessaire de l'arrière est un des thèmes de la propagande d'Etat : la tante
justifie son refus de donner du riz plutôt que du gruau à Seita et Setsuko par le fait qu'eux ne travaillent pas
alors que « tout le monde doit faire un effort pour la patrie » (31mn30).
- Le film témoigne aussi d'une caractéristique de ce conflit marqué par la « violence de masse » : pour la
1ère fois, les civils sont des cibles « privilégiées » des attaques avec un armement de plus en plus meurtrier.
Les scènes de bombardements, les gros plans sur les victimes (comme la mère de Seita et Setsuko)
prouvent que celles-ci sont d'abord des civils. A la fin du film, une autre scène montre le mitraillage des
populations par des avions volant à basse altitude (48mn).La fréquence des alertes aériennes et des
bombardements tout au long du film montre que les populations vivent dans une peur permanente : « les
sirènes et les alarmes nous empêchent de dormir » (31 mn). D'autre part, l'état de guerre entraînent une
dégradation des conditions de vie des populations, dégradation qui s'accélère au fil des scènes. Le film
évoque ainsi les pénuries et le rationnement : « les rations de sel ne suffisent plus » (25mn25), ce qui oblige
à prendre de l'eau de mer pour la cuisine, « le métal ça devient introuvable »(33mn20), « tout est rationné
maintenant » (47mn40) E1... Mais surtout, du fait du blocus du pays par les Américains, la population souffre
du manque de ravitaillement et de la difficulté croissante pour se nourrir : la 1ère mention est anodine (le
rationnement de biscuits 13mn), puis une scène montre que certaines catégories souffrent moins que
d'autres (les familles de militaires (19mn40). Ensuite, la situation s'aggrave : « on a du mal à se ravitailler
avec le rationnement »(24mn), Seita est obligé de vendre les affaires de sa mère pour se procurer du riz
(29mn), les parts sont de plus en plus réduites (« c'est la ration pour deux... c'est tout » 34mn30), les
enfants souffrent de malnutrition ( Seita est contraint de voler pendant les alertes pour éviter que lui-même et
sa sœur ne meurent de faim) ce qui provoque l'anémie et la mort de Setsuko (56mn).
Axe 3: l'endoctrinement des populations et ses conséquences – le film montre également comment la
propagande nationaliste du régime participe à la mobilisation de cette population et transforme celle-ci
Plusieurs scènes traduisent l'influence de la propagande guerrière et militariste sur les Japonais durant
cette période. Le réalisateur joue sur un paradoxe : les soldats eux-mêmes très présents dans le film, le
policier chez qui Seita est amené après avoir été pris en train de voler n'utilisent pas de rhétorique
guerrière , bien au contraire (soit ils subissent, soit ils se montrent plus humains et détachés du contexte
comme le policier 51mn25). La seule exception concerne le moment du bombardement : au premier plan,
femmes et enfants sont recroquevillés, tandis qu’à l’arrière-plan, un soldat brandit son sabre et crie « Vive
l’Empereur ! Longue vie à l'empereur» (7mn45)E2. A l'opposé, les catégories qui apparaissent les plus
marquées par cette propagande sont plus inattendues, elles sont à priori les plus éloignées de la guerre : le
vocabulaire emprunté à la propagande apparaît en particulier dans les paroles de la tante quand elle évoque
« l'effort de guerre » (24 mn), le fait de « se donner du mal pour la patrie », quand elle dit à son neveu « tu
dois prendre des forces si tu veux devenir un soldat » (29mn10), « tout le monde doit faire un effort pour
aider la patrie » (31mn30)...Les enfants, principales victimes de la guerre sont aussi touchés par cette
militarisation de la société : Seita E3 se souvient d'une photo de famille où il pose en uniforme aux côté de
son père (29mn50), il associe le souvenir de celui-ci à une cérémonie militaire patriotique (baptême d'un
bateau) où on célèbre la flotte (43mn30), puis il entonne une marche militaire en mimant un exercice de
Document de Fabrice Sugier, professeur d'Histoire-Géographie - Collège Rameau de Tours
Association Collège au Cinéma 37 de Tours