Bruxells Les origines de Bruxelles sont chargées d'incertitudes. Certes les vestiges d'une demi douzaine de villas romaines ont été découverts dans la région et il existait une population rurale le long de la vallée de la Senne pendant le haut Moyen Age, mais ce n'est qu'à la fin du Xe siècle que s'affirma l'activité marchande d'un port, à l'endroit où la rivière devenait navigable. Une activité telle que le comte Lambert Ier (1005-1015) établit un atelier monétaire dans l'île Saint Géry. Au milieu du XIe siècle, le comte Lambert II fit édifier un château, non pas dans l'île Saint-Géry mais sur le Coudenberg, dans le haut de Bruxelles. Selon la tradition, il fit également transférer les reliques de sainte Gudule en l'église Saint-Michel. Dès le milieu du XIIe siècle, la population — marchands et artisans — ne cessa d'augmenter et les paroisses de se multiplier. L'industrie drapière fut bientôt en plein essor; elle était liée aux relations avec l'Angleterre d'où la laine était importée. Un marché avait été créé au centre de la ville. En 1288, le duc Jean Ier de Brabant gagna la bataille de Worringen contre le princeévêque de Cologne et, par l'acquisition du duché de Limbourg, s'assura le contrôle de la route entre le Rhin et la mer du Nord. C'était décisif pour l'avenir économique de Bruxelles. Les bourgeois s'enrichirent et obtinrent de leurs souverains plusieurs chartes de libertés qui assurèrent une grande autonomie de gestion à la cité. L'administration de celleci était le privilège des patriciens qui, groupés en lignages, exerçaient aussi une influence déterminante sur la gilde des drapiers. Le XIVe siècle s'avéra mouvementé à Bruxelles comme dans les autres villes du pays. Des troubles sociaux éclatèrent; patriciens et plébéiens des métiers cherchaient à se ravir mutuellement la maîtrise des affaires publiques. Mais c'est surtout l'occupation de Bruxelles par les troupes du comte de Flandre Louis de Male qui fut marquante. Une occupation très brève puisque, le 29 octobre 1356, le gentilhomme brabançon Everard 't Serclaes et une centaine d'hommes décidés escaladèrent les remparts, se ruèrent sur la grand-place et arrachèrent l'étendard du comte de Flandre. Armés de leurs instruments de travail, bouchers, rôtisseurs et marmitons coururent sus à l'occupant et éliminèrent la garnison flamande. Les Bruxellois ne se contentèrent pas de vouer un culte à 1 Serclaes, ils tirèrent la leçon de l'aisance avec laquelle Louis de Male s'était emparé de leur ville. L'ancienne enceinte du XIIIe siècle s'étant avérée obsolète, ils entreprirent la construction d'une nouvelle qui se développa sur un périmètre de près de huit kilomètres jalonnés de septante-quatre tours et de sept portes, dont la protection de chacune était confiée à l'un des sept lignages. Sous le règne de Philippe le Bon (1430-1467), qui avait rassemblé toutes les provinces des Pays-Bas, Bruxelles commença à faire figure de capitale. Le duc de Bourgogne y installa sa Chambre des Comptes. Au palais du Coudenberg, considérablement agrandi, la vie de cour était fastueuse. Les demeures de la grande noblesse fixée dans la ville étonnaient les étrangers par leurs trésors d'art et la richesse de leur décoration. Dans Bruxelles qui n'avait cessé de parachever son décor architectural gothique, tournois, fêtes, banquets, ommegangs, chapitres de la Toison d'Or reflétaient la gloire des Grands Ducs d'Occident. L'industrie drapière avait mal résisté à la crise mais l'artisanat de luxe était en pleine expansion. Les nombreux hôtes de Bruxelles achetaient retables et statuettes sculptées, armures et casques, pièces d'orfèvrerie et, surtout, tapisseries. Le tournai sien Roger de la Pasture était devenu peintre officiel de la ville et avait pris le nom de van der Weyden. Peu après les soubresauts politiques qui suivirent la mort de Marie de Bourgogne, l'empereur Charles Quint lança Bruxelles au cœur de la grande aventure européenne. Réceptions et visites princières fournirent au peuple le prétexte à des fêtes hautes en 1 couleurs, des cortèges à gaudrioles et des ripailles plantureuses. Mais à l'éclatante joie de vivre se mêlaient déjà les méditations de l'esprit nouveau : l'humaniste Erasme définissait la liberté des consciences à Anderlecht, alors un village proche de Bruxelles, et Vésale s'apprêtait à découvrir les secrets du corps humain dans les cadavres des pendus du Galgenberg (où fut construit le palais de Justice actuel). L'axe économique n'était plus la voie médiévale est-ouest; il allait du sud au nord. Bruxelles n'y perdait rien puisqu'elle se trouvait une nouvelle fois sur son trajet et participa à la richesse du port d'Anvers. Le canal de Willebroek allait, du reste, transformer la ville en port maritime. A peine Charles Quint eut-il abdiqué le 25 novembre 1555 devant les Etats généraux réunis au palais du Coudenberg que son fils Philippe II, roi d'Espagne, mena depuis Madrid une politique de centralisation et d'intolérance qui déclencha une révolution politico-religieuse aboutissant au déchirement des Pays-Bas. Bruxelles connut le temps de l'Inquisition, des exécutions capitales, du fanatisme pendant une brève république calviniste. Le règne des archiducs Albert et Isabelle (1598-1621) marqua une pause heureuse dans les tourments de Bruxelles et du pays. Accalmie bienvenue de quelques décennies. Le temps d'élever de nombreuses églises en style baroque, le temps de mériter le titre d'auberge des princes en exil et déjà les troupes françaises de Louis XIV étaient en vue. Le 13 août 1695, ce fut l'affreux bombardement de la ville. Mais cinq années suffirent pour reconstruire une Grand-Place qui appartient au patrimoine culturel de l'humanité. Sous l'impératrice d'Autriche Marie-Thérèse (1740-1780), Bruxelles se mit à l'heure autrichienne. Le gouverneur-général Charles de Lorraine se fit construire un palais près de la place Royale. En 1789, Bruxelles participe à la révolution brabançonne contre le «despotisme éclairé» de Joseph II mais les Etats Belgiques proclamés dans la capitale ne résistèrent pas à la reconquête autrichienne. Puis se succédèrent les avatars militaires et diplomatiques de l'Europe occidentale : conquête par les révolutionnaires français en 1792, libération par les Autrichiens en 1793, réoccupation française en 1794, arrivée des Alliés européens en 1814, bataille de Waterloo en 1815 et rattachement à la Hollande. A Guillaume Ier d'Orange-Nassau, roi des Pays-Bas, Bruxelles dut le renouveau de son activité économique, son premier observatoire, son jardin botanique, son palais néoclassique du prince d'Orange (actuellement palais des Académies) mais les Bruxellois, comme tous les Belges, ne jouissaient ni de la liberté de presse ni de la liberté d'association. En août 1830, la révolution des Belges partit de Bruxelles. Les Hollandais chassés du territoire, un Congrès national dota la Belgique indépendante d'une Constitution démocratique qui réservait une place importante à la monarchie. Léopold II transforma profondément le visage urbanistique de Bruxelles. Sous son règne furent réalisés le voûtement de la Senne, la Bourse, les musées des Beaux-Arts, le palais royal, le palais de Justice, les arcades du palais du Cinquantenaire, les larges artères reliant Tervueren, Laeken, Boitsfort au centre de la ville, les parcs de Forest, Woluwe, Schaerbeek, Laeken. Selon les mots de l'écrivain Léon Daudet, il y avait désormais deux Bruxelles : la ville avant et la ville après Léopold II. Peuplée aujourd'hui d'un million d'habitants, la Région de BruxellesCapitale s'est toujours caractérisée par la tolérance et l'ouverture au monde. Siège de l'Union Européenne et de l'OTAN, elle accueille fonctionnaires, diplomates, hommes d'affaires, étudiants du monde entier. Avec leurs familles, ils sont quelques 50.000 qui s'y intègrent et participent à ses multiples manifestations culturelles. Bilingue depuis toujours, Bruxelles est devenue le centre d'une intense vie pluriculturelle, le plus ouvert, le plus disponible et le plus accueillant de l'Europe qui se fait. (“Discovering Brussels” Georges-Henri Dumont) 2