Cours d’Europe Orientale
Trois concepts importants sur l’URSS : la puissance (Aron), l’empire (Duverger) et les
frontières mouvantes ainsi que le totalitarisme (Arendt).
L’URSS est perçue comme puissante par l’Occident. Mythe du plan, victoire sur
Hitler, domaines d’excellence comme la bombe A (génial !) ou la conquête de l’espace.
L’immensité du bloc est-elle un avantage ou un handicap ? Pour Soljenitsyne, il s’agit
d’un handicap. Processus de « colonialisme à l’envers ». Les fondements de ce système sont
plus ou moins totalement dupliqués dans les pays d’Europe de l’Est de l’après-guerre. Rôle de
l’idéologie, des conjonctures… Développement de la résistance et mutation du système.
L’Empire russe en 1914
C’est une énorme masse continentale avec une énorme population. 22 millions de km²
pour 170 millions d’habitants. Véritable rouleau-compresseur.
Puissance militaire liée à la puissance démographique. Empire multinational avec de
nombreux peuples non-slaves et non-orthodoxes, ce qui fait que les frontières ne sont pas
sûres ce qui est un premier élément de faiblesse.
La Russie tsariste est dépendante de l’Occident : la plupart des investissements
économiques ont été faits par des Français et des Anglais. Occidentalisme culturel. Ceci est
un deuxième élément de faiblesse. Les dysfonctionnements de la société vont être révélés par
la guerre. Avant 14 existait un système autocratique de droit divin. Le tsar était le représentant
de Dieu sur terre.
3 pilier du régime :
Aristocratie de fonction
Religion orthodoxe
Police politique : l’Okhrana chargée de poursuivre les dissidents. Fort mouvement
de terrorisme.
Le régime semblait très puissant du côté de l’Occident. En 1905, révolution qui aboutit
à une démocratisation politique manquée. Le but était la mise en place d’une constitution avec
des libertés publiques, le droit au suffrage universel… Demande de réformes sociales de la
part des classes populaires. Rédaction du « manifeste d’octobre » qui pousse le tsar à octroyer
les libertés civiques et à instaurer la Douma qui était censée être élue au suffrage universel. La
Douma est en fait un faux système parlementaire : l’exécutif n’a pas de contrôle sur le
législatif. Les ministres ne sont responsables que devant le tsar. Chaque groupe social a un
représentant à la Douma. Quota de représentants et système de curies.
Dans un premier temps, la Douma était contestataire. Mais le tsar avait un droit de
dissolution dont il a su faire usage. A la fin, seuls les propriétaires fonciers étaient représentés.
La Russie était principalement rurale (82% de la pop). La plupart des paysans
n’avaient pas de terre ou alors un tout petit lopin. Solypine mène une réforme agraire en 1906
en proposant de racheter des terres au tsar. C’est le début de la mécanisation. Avant la guerre,
15% des koulaks avaient modernisé leur exploitation.
La Russie à l’épreuve de la guerre : du tsarisme au
bolchevisme
La guerre de 14-18 joue un rôle fondamental dans l’émergence de nouveaux courants.
En l’Europe de l’Est, c’est le moment où apparaissent les mouvements. La guerre entraîne un
très haut niveau de violence et une profonde déstructuration des anciennes formes politiques
(autocratie et multinationalité).
1. Le tsarisme, la guerre et la révolution
Le tsar est incapable de maintenir l’union sacrée et une économie de guerre efficace.
Souvenir très humiliant de 1908, quand l’Autriche-Hongrie a annexé la Bosnie. Panslavisme.
But de guerre de la Russie : avoir un accès aux mers chaudes. Dans un premier temps,
patriotisme qui se manifeste (ex : débaptisation de St-Pétersbourg en Petrograd, moins
germanique).
A. Désintégration sur le front et à l’arrière
Les défaites commencent dès août 14. Les empires centraux rentrent dans l’Empire
russe : conquête de la Pologne, de la Lituanie. 900 000 prisonniers dès la première année de
guerre.
10 millions de mobilisés, 1,7 million de morts. Les deux handicaps majeurs sont la
perte de la Pologne industrielle et l’entrée en guerre de la Turquie. Les détroits sont fermés.
Les seules voies de ravitaillement sont Vladivostok et Arkhangelsk.
L’économie de guerre ne fonctionne pas. Il y a de gros problèmes de transport, de
production civile, de pénurie, d’inflation, les prix flambent, les magasins sont vides.
Multiplication des grèves et des manifestations dès 1915. Phénomène exponentiel.
B. L’isolement du gouvernement tsariste
Nicolas II, sa femme et Raspoutine sont très impopulaires. A partir de septembre 1915,
le tsar prend le commandement des armées. Des bourgeois industriels libéraux tentent
d’organiser la production.
Goutchkov, le chef du parti octobriste, réclame un système parlementaire. Il organise
en mai 1915 le comité des industries de guerre.
Fin 1916, se prépare au sein de la Douma une révolution de Palais qui vise à forcer
Nicolas II à abdiquer au profit de son fils avec la régence du Grand Duc Michel.
31 décembre 1916 : assassinat de Raspoutine par le prince Youssoupof et le Grand
Duc Dimitri.
La préoccupation principale à ce moment est de relancer l’effort de guerre pour que la
Russie sorte victorieuse.
C. La révolution de février
C’est un mouvement spontané qui commence par une manifestation et qui se
transforme en critique radicale de l’autocratie et de la guerre.
« Journées de février » : le 23 et le 24, mouvement social spontané avec des femmes et
des ouvriers qui crient « du pain et de la paix ». Le mouvement est très bien accepté par
l’opinion publique. Les grèves se généralisent. Une fois que les autorités font intervenir la
police, le mouvement change de nature.
Les 26 et 27, les soldats et les cosaques envoyés pour réprimer se mutinent. Les
manifestants arrivent à l’Arsenal pour prendre les fusils, ils libèrent les prisonniers politiques
à la forteresse Pierre et Paul et prennent le Palais d’Hiver, siège du gouvernement tsariste.
Les militants révolutionnaires tentent de contrôler le mouvement ; création de deux
organes : les soviets et un gouvernement provisoire. Ce gouvernement se crée dans la Douma,
son président est le Prince Lvov, son ministre de la guerre Goutchkov, son MAE Milioukov et
son ministre de la justice Kerenski. Ce gouvernement va voir le tsar pour lui demander de le
reconnaître et de reconnaître sa responsabilité devant la Douma.
Les soviets sont une idée des mencheviks (mencheviks ≠ bolcheviks : scission du
PSDOR en 1903 provoquée par Lénine.)
Les Socialistes Révolutionnaires sont une tendance populiste : « la terre aux paysans ».
Lénine fait une synthèse de la tendance populiste et de la tendance marxiste.
Election d’un soviet à la hâte qui comprend une cinquantaine de délégués ouvriers et
200 militants. Bureaucratisation. Le soviet est principalement composé de mencheviks et de
SR. Bolcheviks en exil.
Structuration du soviet : 850 délégués ouvriers et 2000 délégués soldats. Prise en main
du mouvement par les professionnels de la politique. Contrôle du gouvernement provisoire.
Le 3 mars 17, Nicolas II abdique en faveur de son frère qui abdique à son tour. Le 7
mars, on lance un mandat d’arrêt contre le tsar. Pendant la guerre civile, on le conduit en
Sibérie. Dans la nuit du 16 au 17 juillet, il est assassiné avec toute sa famille.
2. La montée des revendications
Absence de tradition démocratique, faiblesse du camp modéré. Les bolcheviks
vont profiter de cette situation. Le tournant essentiel est avril.
Le peuple attend des réformes sociales et veut profiter de sa liberté. Le
gouvernement provisoire veut gagner la guerre.
Abolition de la peine de mort, amnistie des prisonniers politiques, augmentation
de la liberté politique.
A. Les revendications ouvrières et des classes populaires
Les ouvriers sont très largement minoritaires dans l’empire tsariste. C’est une
force sociale agissante depuis le début du siècle. Après la révolution de février, ils
revendiquent une démocratie directe. Conséquences : profusion de comités, de soviets,
d’associations…
Il existe de structures de soviets : de quartiers ou de villes.
Il y a également des comités d’usine censés participer à la gestion des entreprises,
la création de milices populaires (les gardes rouges).
Les revendications sont les journées de 8h, la hausse des salaires, l’assurance
sociale, le contrôle de l’embauche et du licenciement. Certaines revendications sont comblées.
Le soviet de Petrograd est très important.
Le 10 mars on décrète la semaine de 47h, on légalise les comités d’usine comme
interlocuteurs mais ils sont différents des organismes représentants de l’Etat.
En mai 17 sont lancées des expériences d’autogestion.
B. Les revendications paysannes
Les paysans créent des soviets ruraux. Réunion des chefs de village avec à la tête
le vieux, staroste.
Les paysans veulent la terre. Le gouvernement n’est pas prêt à faire une réforme
agraire. L’armée russe est avant tout composée de paysans.
En avril 17, le matériel est saisi et les terres en friche sont distribuées. En juillet
17, coq rouge : incendie des châteaux ou des réserves du propriétaire. Vengeance du paysan.
Réquisition des terres du propriétaire.
C. Les revendications nationales
Le gouvernement provisoire fait un geste : il met fin à toutes les discriminations
raciales et religieuses le 6 mars. Reconnaissance du droit à l’indépendance pour la Pologne et
la Finlande.
Le 25 avril, mouvement en faveur de l’autonomie militaire et des minorités
nationales. Impulsions fortes des mouvements nationaux. Fortes revendications
d’indépendance : en Ukraine, le Rada (parlement), réclame l’indépendance dès juin, puis les
pays Baltes, puis l’Orient russe, les Tatars et leur sultan.
D. Le problème de la guerre
Il existe plusieurs versions concernant les buts de la victoire : selon Milioukov, il
faut annexer des régions ; pour Kerenski, il s’agit de défensisme révolutionnaire contre
l’autocratie prussienne. « Paix sans annexion ni contribution ».
En avril, manifestations suite aux buts de guerre de Milioukov qui poussent le KD
à démissionner.
Gouvernement de coalition marqué par l’influence soviétique : 7 portefeuilles sont
libéraux, 6 sont socialistes. Les responsabilités retombent désormais sur les socialistes ; les
bolcheviks ne participent pas. Kerenski est ministre de la guerre puis Premier ministre.
Tcherrov, le ministre de l’agriculture de tendance SR, n’entreprend pas de réforme agraire, ce
qui fait baisser l’influence des SR dans les campagnes.
Décalage entre les chefs soviétiques du gouvernement provisoire et la population
en ce qui concerne la paix.
Le soviet de Petrograd, qui compte beaucoup de soldats, prend la mesure
d’octroyer des droits civils et politiques aux soldats sur le front : droit de réunion, discussion
des décisions, abolition de la peine de mort (même en cas de désertion). En avril-mai 17, on
compte 80 000 désertions au nord du front. Ce mouvement s’accélère car il y a une rumeur
d’hypothétique réforme agraire. Les officiers sont perdus car ils sont très traditionalistes.
Quand Kerenski relance une attaque mi-juin, c’est un échec retentissant car les soldats ne
combattent pas.
3. Vers un pouvoir soviétique et bolchevique
A. Le poids décisif de Lénine
Né en 1870, il est marqué par la pendaison de son frère en 87 suite à la
préparation d’un attentat contre le tsar. En 95, il fonde le premier groupe social-démocrate
avec Plekhanov. Il joue un rôle dans la scission du parti en 1903.
En 17, les chefs bolcheviques sont en exil. Lénine est en Suisse et il a du mal à
rentrer en Russie. Il arrive le 2 avril à Petrograd d’où il lance ses thèses d’avril le 4.
Gradualisme révolutionnaire : il lance 10 points pour la prise du pouvoir et les premières
mesures socialistes. Il ne s’embarrasse pas des dogmes : action politique avant tout. Il
considère que les soviets ont le pouvoir quotidien et préconise tout pouvoir aux soviets.
Il veut la paix. Pravda circule sur le front avec succès ; adhésion des soldats. Premier congrès
pan-russe des soviets du 3 au 23 juin avec plus de 20 millions d’électeurs. 600 délégués SR et
mencheviques, 105 bolcheviques. Deuxième congrès le 25 octobre avec cette fois 390
bolcheviques sur 673 personnes.
B. Le gouvernement provisoire et les bolcheviques
Série de crises qui ponctuent la période : crise d’avril avec un nouveau
gouvernement provisoire, de nombreux soldats refusent de partir sur le front, insurrection. Du
coup, durcissement du gouvernement, les bolcheviques sont traqués. Kerenski au pouvoir le
23 juillet : danger bolchevik, pression des chefs des armées, Lénine traître allemand. En août-
septembre 17, tentative de coup d’état du généralissime Kornilov en fédérant tous les anti-
révolutionnaires. Le putsch échoue car les cheminots sont en grève. Après cette tentative, on
libère les bolcheviques.
Trotski devient président du soviet de Petrograd le 9 septembre, majorité du parti
dans plus de 50 soviets des grandes villes, majorité à la conférence des comités d’usine,
popularité chez les soldats.
C. Qui prend le pouvoir et au nom de qui ?
Réunion du congrès des soviets le 25 octobre. Direction bolchevique, qui
préfèrerait une victoire légale, c'est-à-dire par majorité au congrès qui destituerait le
gouvernement provisoire. Cependant, Lénine et Trotski sont pour lune insurrection immédiate
et pour la défense de la révolution et du soviet. En fait, ils veulent marquer une rupture,
donner la prééminence au parti des soviets et accaparer tout le pouvoir sans coalition. Ceci
aboutit à la prise du Palais d’hiver et à l’arrestation du gouvernement provisoire par les gardes
rouges.
Le congrès des soviets est entériné malgré les contestations et le départ des
mencheviques et SR.
Conseil des commissaires des peuples formé presque exclusivement par des
bolcheviques ; Lénine est président de ce sovnarkom. Ambiguïté de la révolution d’octobre :
putsch ou révolution populaire ?
Parlement soviétique ou gouvernement bolchevique à parti unique. 200 000
militants au parti, encore méconnu dans les campagnes.
Nouveau régime soviétique, dictature des classes populaires ; droit de vote refusé
à la population (en janvier 18, l’Assemblée Constituante élue au SU met les bolcheviques en
minorité : dissolution). En juillet 18 sont exclus du droit de vote les oisifs, les ecclésiastiques,
les bourgeois et les nobles. Le pouvoir est confisqué par les bolcheviques.
C’est un régime inédit apparu rapidement sans trop de violence. Charisme d’un
chef, rôle DU parti, poids idéologique qui contraste avec le soutien de la population ralliée sur
quelques mots d’ordre démagogique.
Les bolcheviques au pouvoir : l’expérience fondatrice de
la guerre civile
D’octobre 17 à l’automne 20, la période est très complexe et mouvementée. En
21, on peut dire qu’un certain nombre de traits sont définis : toute puissance du parti, rapports
sociaux tendus, méthodes de direction administrative empreintes de militarisme et de
violence. Quelle est la part de la conjoncture ? Quels sont les facteurs les plus profonds ?
Héritage du tsarisme, idéologie socialiste et fonctionnement du parti.
1. Les mécanismes de la violence
A. Une guerre totale
Cette guerre commence vraiment début 18. L’armée blanche se constitue à partir
de morceaux de l’ancienne armée tsariste. Fin de la guerre en mars 18, avec le traité de Brest-
Litovsk. A partir du front, les Blancs vont faire la guerre aux bolcheviques.
Au sud, les cosaques du Don sont menés par Denikine. A l’extrême orient,
création d’un gouvernement par l’amiral Koltchak. Forces anti-bolcheviques en Ukraine,
Biélorussie, Finlande, Pologne, dans les Pays Baltes. Les SR considèrent qu’ils ont la
légitimité et créent un gouvernement à Samara. Formation d’une armée, attentats contre les
bolcheviques (Fanny Kaplan en août 18 contre Lénine).
Les Alliés vont maintenir un front à l’Est : négociation avec tout le monde. L’aide
à l’armée blanche vise d’abord à maintenir un front, puis cela devient un combat contre les
bolcheviques. Aide matérielle, envoi de conseillers militaires, débarquement de quelques
soldats à Odessa. Les Tchèques, qui s’étaient rendus massivement aux Russes pour lutter
contre l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie du côté des Français se retrouvent coincés au beau
milieu de la Sibérie, à Irkoutsk. Du coup, ils se battent contre les bolcheviques.
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