L`EXODE DES HEBREUX AU TEMPS DES PHARAONS J`avais 10

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L'EXODE DES HEBREUX AU TEMPS DES PHARAONS
J'avais 10 ans quand j'ai vu au cinéma les Dix commandements de Cecil
B de Mille. Ce film m'a marqué à vie. Les dix plaies envoyées par le
Créateur et l'ouverture de la Mer rouge ont été de grands moments de
cinéma. Je suis resté impressionné par la puissance divine et par le
courage de Moïse. Plus tard, lisant la Bible, j'ai retrouvé la force
évocatrice de ce récit. La personnalité du Pharaon m'intriguait et c'est
pourquoi je me suis interessé à l'histoire de l'Egypte ancienne. Mais on
ne peut étudier cinq mille ans d'histoire d'une civilisation éteinte sans
passer par la case "Archéologie". Les grandes découvertes
archéologiques du XX ème siècle en la matière ont remis en perspective
la réalité du récit biblique tout en s'appuyant parfois sur le texte luimême.
Je vais donc ici, pour vous, essayer de faire le tour des 4 questions que
je me suis posé, à savoir
A - Sous quelle dynastie se sont situés les faits ?
B - Les 10 plaies ont-elles réellement existées ou est-ce seulement des
métaphores symboliques ?
C - Quelle route ont pris les Hébreux pour arriver à Caanan en terre
promise ?
D - Où se situait la ville d'où sont partis les Hébreux ?
Pour répondre à cette dernière question, je vous présenterai les
découvertes étonnantes et les analyses de Manfred Bietak archéologue,
professeur permanent d'Egyptologie à l'Université de Vienne et Directeur
de l'Institut archéologique autrichien du Caire
A - SOUS QUELLE DYNASTIE SE SONT SITUES LES FAITS ?
A 1 MOÏSE
Au terme de 430 ans de présence (12,40), la descendance des 12 fils de
Jacob (les 12 tribus) fait ombrage au nouveau pharaon qui, inquiet du
nombre et de la puissance des Hébreux décide de les employer à
construire les villes de Ramsès et de Pithom (1,8- 12) .Un enfant de la
tribu de Lévi est caché par sa mère pendant trois mois puis placé dans
un panier de joncs sur le Nil afin qu’il échappe au sort réservé par
Pharaon (2,1-4). La fille de Pharaon le trouve, l’adopte et lui donne le
nom de Moïse (2,5-10). Au courant de ses origines, Moïse devenu adulte
tue un égyptien qui accable sous ses yeux un Hébreu. Il se cache dans
le sable et fuit au pays de Madian. Identifié à un égyptien, il épouse la
fille du sacrificateur Jéthro et devient berger (2,15-25).
A 2 LA MISSION DE MOÏSE
YHWH lui apparaît alors par l’intermédiaire d’un buisson ardent ne se
consumant pas et lui confie la mission de délivrer son peuple et de le
mener dans les contrées prospères occupées par des peuples comme les
Cananéens, les Héthiens ou les Amoréens (3,8).YHWH lui donne des
moyens d’accomplir des prodiges pour impressionner son peuple et
Pharaon (4,2- 10). Celui-ci refuse cependant de laisser partir les
Hébreux et leur impose un travail encore plus dur (5,1-18).
A 3 LES 10 PLAIES ENVOYEES PAR YHWH
La menace de YHWH se fait plus pressante et les plaies commencent à
s’abattre sur l’Egypte. Après chaque plaie, Pharaon semble accepter puis
se rétracte. Après la 9ème plaie, il convient que les Hébreux partent
mais en laissant leurs troupeaux en Egypte (10, 26-29). Les Hébreux
refusent. Pharaon décide alors l’exécution de tous les nouveaux nés
mâles hébreux (1,22). En réaction les Hébreux signent du sang des
agneaux sacrifiés leur porte et leurs premiers nés échappent à la 10ème
plaie. La nuit même, Pharaon libère les Hébreux qui partent.
A 4 L'éxode
Une file de 600 000 âmes (12, 37) se dirige alors vers la Mer Rouge et
les lacs amers. Elle est rattrapée par une troupe de Pharaon vers PiHahiroth près de Baal-Tsephon (14, 9). La mer Rouge, à sec pour les
Hébreux, se referme sur l’armée de Pharaon qui périt (14, 26-30). C’est
sur cette preuve de la puissance du Dieu des Hébreux que s’achève
l’épisode de la fuite d’Egypte.
A suivre
A 5 LE PROBLEME DE LA CHRONOLOGIE
On se souvient encore des mémorables scènes des Dix Commandements
où Moïse affronte son frère Ramsès. Bel exercice cinématographique
mais d’une réalité historique (très) douteuse. Expliquer l’Exode dans
l’histoire égyptienne et le placer dans le temps, pose d’insurmontables
problèmes et nous plongent dans des interrogations profondes.
A 6 L'EXODE SOUS PEPI I (VIE DYNASTIE) (2323-2152 AVANT
JC) ?
Fouillant le mont Har Karkom dans le Néguev depuis 1980, le
préhistorien E. Anati a mis au jour 1 200 sites qui y révèlent une activité
cultuelle depuis le paléolithique. Des sanctuaires et des pétroglyphes
attestent que Har Karkom est, du bronze ancien au bronze récent, un
haut lieu de culte dédié en particulier au dieu lunaire Sîn. Prenant au
sérieux les indications géographiques de l’Exode, Anati croit avoir trouvé
soit le Mont Sinaï, soit la montagne qui a inspiré les rédacteurs de la
Bible du 7ème s. av.J.C. De fait, si Har Karkom est le mont Sinaï ou
Horeb, toute la géographie de l’Exode, relue, gagne en clarté. Toutefois,
pour que la cohérence soit complète, il faut situer l’épisode de l’Exode
non plus au 13ème s. av J.C. sous la XVIII ou la XIXe dynastie, mais au
delà du 2ème millénaire, sous la VIe dynastie (2345-2181 av. J.C.).
Cette these demeure controversée. Dans le cas contraire, on peut
supposer que les compilateurs bibliques du 7e s. av. J.C. se sont inspirés
de traditions ayant un fondement de vérité historique et géographique et
parfois déjà vieilles de 1500 ans, ce qui laisse encore dubitatif nombre
de spécialistes.
A 7 L'EXODE SOUS RAMSES II (XIXE DYNASTIE) (1314-1200
AVANT JC) ?
Revenons au fameux film les Dix commandements. On nous présente un
Moïse, fils “adoptif” de Séthi Ier, frère de Ramsès II promis à la
succession. Bien entendu, la réalité est bien plus complexe que ces
images qui ne sont qu’un spectacle. On a souvent l’habitude de placer
l’Exode à l’époque ramesside, pendant ou juste après le règne de
Ramsès II. Outre les vives discussions sur la réalité même de l’Exode
(qui reste effectivement à prouver d’un point de vu historique et
archéologique), il est admis par un grand nombre de spécialistes que cet
événement n’a pas pu se réaliser à l’époque traditionnellement admise,
soit le XIIIe siècle av. JC. Dans l’Exode, outre le problème de son
existence, la grande difficulté est d’établir une chronologie. Le plus
intriguant est le fait que l’on pense immédiatement à Ramsès II. En
grattant un peu plus, on s’aperçoit qu’aucune source égyptienne (je dis
bien aucune) connue ne mentionne directement ou indirectement
l’Exode. Si l’événement décrit dans la Bible était si important, pourquoi,
les sources égyptiennes restent-elles muettes ? Si Exode il y a eu,
l’événement ne devait pas être quelque chose d’important, juste un
incident local ne méritant aucune inscription monumentale. Cette
absence est dommageable, car, il est impossible de déterminer la
moindre chronologie.
A 8 L'EXODE SOUS AHMOSIS (XVIIIE DYNASTIE) (1580-1314) ?
Comme on vient de le voir, le fait de placer l’Exode à l’époque
ramesside, sous Ramsès II, paraît de plus en plus incompatible avec la
réalité. Un roi sans charisme et une Égypte affaiblie favorisent
d’importants mouvements de population. Un règne fort rendrait un tel
mouvement plus délicat. Certains font allusion au début du Nouvel
Empire, soit durant le XVIe siècle avant JC, période durant laquelle, les
Hyksôs sont expulsés d’Égypte. Le pouvoir d’Amôsis n’était pas encore
établi dans l’ensemble du pays. Il est prouvé que des mouvements de
populations entre la Palestine, le Sinaï et le Delta ont existé durant toute
l’Histoire égyptienne. Cette hypothèse rejoint les propos de Manéthon
plaçant l’Exode au début de la XVIIIe dynastie. Les auteurs anciens
estiment que les Hyksôs possédaient aussi une composante israélite.
Seul Manéthon fournit une date précise, sous le règne du premier roi de
la XVIIIe dynastie, soit Ahmôsis. Comme le note Claude Vandersleyen,
ces sources ne sont que peu ou prou utilisées. Même si Manéthon n’est
pas toujours fiable (sans oublier que ces écrits nous sont parvenus de
manière indirecte), c’est le seul à citer explicitement un souverain.
Concernant l’Exode, la Bible cite uniquement le terme Pharaon, sans
mention d’un nom de roi (Ramsès ne fait pas référence à un pharaon). Il
est étonnant de constater que le nom de Ramsès est cité deux fois, le
terme Pharaon plus d’une centaine.
A 9 RELISONS LA BIBLE
Un exemple de contradiction : Livre des Rois I, 6, 1 “Ce fut la quatre
cent quatre-vingtième année après la sortie des enfants d'Israël du pays
d'Égypte que Salomon bâtit la maison à l'Éternel, la quatrième année de
son règne sur Israël, au mois de Ziv, qui est le second mois.” Cet extrait
du Livre des Rois I fournit un important indice d’une possible
chronologie. Le texte nous apprend que le roi Salomon (s’il a bel et bien
régné sur un royaume) a fondé le Temple durant la 4e année de son
règne, soit vers 964 av. JC. Si on ajoute à cette date les 480 ans donnée
par le Livre des Rois, cela donne la date de 1444 av. JC, soit sous le
règne de Toutmosis III. A quoi il faudrait rajouter 114 ans pour tenir
compte des années d’oppressions et les règnes des usurpateurs. Au
final, on aboutit à l’année 1568 av. JC. Cette date correspond aux
dernières années de domination hyksôs. Nous sommes encore dans la
XVIIe dynastie. Ahmosis règne à partir des années 1550. Même si nous
ne tenons pas compte des 114 ans, la Bible nous incite à placer l’Exode
au plus tard au milieu du XVe siècle av. JC, soit un décalage d’environ
deux siècles avec la période habituellement admise aujourd’hui, l’époque
ramesside. Donc, cette simple évocation de la Bible laisse une étrange
impression. Même si la Bible n’est pas une source chronologiquement
fiable, doit-on l’écarter ?
A 10 INCERTITUDES
Notons aussi dans la Bible que l’installation du père et des frères de
Joseph se fait dans une province nommée Ramsès. Ramsès serait donc
ici un emploi anachronique, qui ne correspond pas à une réalité
chronologique. Le nom Ramsès était employé en Palestine pour y
désigner plusieurs villes et régions. Tout semble indiquer qu’il est
impossible de placer l’Exode sous les ramessides. La Bible fournit des
indications temporelles qui placeraient la sortie d’Égypte non pas sous
Ramsès II mais durant le XVIe siècle av. JC. Donc sous la XVIII
dynastie. Ahmosis peut-être ?
B - LES 10 PLAIES ONT-ELLES REELLEMENT EXISTEES ?
B 1 LE RECIT BIBLIQUE
Le récit biblique de l'Exode détaille la fameuse confrontation entre Moïse
et pharaon, dont l'enjeu est l'autorisation, pour le peuple d'Israël, de
quitter l'Egypte. Le roi refusant obstinément, Dieu pour le convaincre fait
s'abattre sur son pays une succession de catastrophes naturelles : eau
changée en sang, grêle, ulcères, peste du bétail, ténèbres, invasions de
mouches, moustiques, grenouilles, sauterelles, et finalement mort des
premiers-nés (Exode 7-10). De nos jours, des scientifiques ont pensé à
des phénomènes naturels susceptibles de provoquer de tels fléaux. On a
d'abord supposé que la crue habituelle du Nil ait pu transporter une eau
boueuse d'une concentration exceptionnellement élevée, pouvant avoir
des conséquences dramatiques sur l'écologie du pays, dont les fameuses
plaies décrites dans l'Ecriture seraient la manifestation. Une autre
théorie, élaborée récemment par les géologues Ryan et Lericolais, fait
appel à un phénomène d'origine volcanique pour expliquer l'origine des
plaies bibliques.
B 2 SANTORIN
Santorin est un petit archipel d'îles volcaniques situé dans la mer Egée à
75 km au sud-est de la grèce continentale, Santorin est aussi connue
sous le nom de son île principale, Théra. C’est le membre le plus
méridional du groupe des îles Cyclades, ayant une superficie de 76 km²
et une population estimée à 10 700 habitants en 2001. Santorin
constitue le centre volcanique le plus actif de l'arc égéen
B 3 LA THEORIE DU VOLCAN
Selon le scénario mis en avant, l'explosion extrêmement violente du
volcan méditerranéen situé sur l'île grecque du Santorin, aurait eu des
effets cataclysmiques sur tout le pourtour méditerranéen. Cet
évènement est déjà connu pour avoir mis fin à la civilisation minoenne
en Crète, vers 1600 av. J-C. Si l'on en croit les chercheurs, il aurait en
outre provoqué un enchaînement de dérèglements climatiques et
biologiques qui ont pu se propager jusqu'en Egypte. Des relevés
stratigraphiques effectués dans le delta du Nil, ont effectivement montré
que des cendres volcaniques se sont bien déposées sur le sol égyptien à
une époque antique. S'appuyant sur des modélisations climatologiques,
leur travail semble donner des résultats présentant une cohérence
impressionnante pour expliquer l'ensemble des plaies d'Egypte.
B 4 CONSEQUENCES DE L'ERUPTION
On devine facilement les contours de l'ancien cratère, ainsi qu'un cône
central plus récent. En résumé, le scénario proposé est le suivant :
l'explosion du volcan du Santorin, situé au nord de la Crête, aurait
provoqué un raz-de-marée et formé une colonne de fumée haute de 36
km. Poussée en altitude par des vents stratosphériques en direction de
l'Egypte, la colonne de cendres et de scories acides retombant dans les
eaux du Nil, aurait contribué à le teinter de rouge. Les nuages denses
opacifiant totalement l'atmosphère, auraient en outre initié des chutes
abondantes de pluie et de grêle. Dans un pays sec, de soudaines
précipitations suffisent pour provoquer l'éclosion en très grand nombre
de toutes sortes d'animaux nuisibles. Par suite, les conditions d'hygiène
se dégradant, l'apparition d'épidémies est facilement imaginable, y
compris de maladies mortelles. On reconnaît bien là une suite de
phénomènes pouvant s'apparenter aux plaies du livre de l'Exode.
B 5 LE PAPYRUS MEDICAL DE LONDRES
En complément de cette étude, il peut être intéressant de signaler ici un
document égyptien, le papyrus médical de Londres, écrit vers 1350 av.
J.-C., qui donne une liste de maladies et de remèdes connus en Egypte
pharaonique. Nous citons à ce propos le biologiste S. Trevisanato qui
résume tous ces résultats de la manière suivante. Par exemple, le
remède 55 du même papyrus médical parle d'une plaie causée par des
eaux rouges brûlantes du Nil. Le remède étant basé sur un composé
actif alcalin, l'agent caustique ne peut être qu'acide. Ceci n'est possible
que si le Nil reçut des cendres volcaniques qui vont modifier la couleur et
le pH des eaux. Or de telles eaux tueraient les poissons, mais pas les
amphibiens qui parviendraient à s'enfuir sur les rivages où ils iraient
mourir de toute façon, faute de pouvoir rentrer dans l'eau qui était
devenue un bain acide ; les poissons et amphibiens (et plaies) auraient
offert des occasions à ne pas refuser aux insectes qui y auraient déposés
maints œufs, d'où seraient sortis des myriades de larves, qui se seraient
transformées en insectes adultes ... bref, le début de la série des plaies
bibliques.
puisque l'on n'identifie même aujourd'hui aucune mer des Roseaux. Il
serait désormais intéressant de savoir où se trouvait cette mer des
Roseaux.
B 6 OU L'ON RETROUVE AHMOSIS
Si Santorin est bien à l’origine de plusieurs événements de l’Exode, quid
de la datation ? L’éruption de Santorin ne se situe pas durant le XIIIe
siècle av. JC mais plusieurs siècles avant : entre le XVIIe et XVe siècle
av. JC. La marge est grande car les études menées ne permettent pas
de définir une date précise. Mais il est fort possible que l’éruption se soit
déroulée entre 1550 et 1450 av. JC, soit entre les règnes d’Ahmosis et
de Toutmosis
C 3 HYPOTHESE DE LA ROUTE DU SUD
La Bible cite les noms de plusieurs lieux traversés par les Hébreux
pendant leur exode, qui sont Ramsès, Socoth, Etham, Pi-Hahiroth,
Magdalum, Beel-Séphon. Seule Ramsès est reconnue comme ayant
peut-être été la capitale égyptienne Pi-Ramsès. Mais si les noms des
lieux ont pu changer, la géographie de la région également, en
particulier la situation des lacs existant entre la mer Rouge et la
Méditerranée. L'itinéraire habituellement retenu dans l'Histoire classique
de la Bible est celui qui passe par la région des lacs Amers et du lac
Timsah, situés au nord-ouest de Suez. Selon les spécialistes de
géographie ancienne, il est probable que dans l'Antiquité ces lacs étaient
reliés entre eux ainsi qu'à la mer Rouge, et constituaient donc un
obstacle continu que les Hébreux ont été obligés de traverser En outre,
cette zone marécageuse est aujourd'hui encore entourée de roseaux ;
en revanche, les rives de la mer Rouge au niveau du Golfe de Suez, ne
sont pas bordées de roseaux. De plus, le bras de mer que les Hébreux
franchirent était sans doute de faible largeur, car après leur traversée ils
purent apercevoir les cadavres des soldats égyptiens sur l'autre rive
(Exode 14, 30).
C - QUELLE ROUTE ONT PRIS LES HEBREUX ?
C 1 UN TRAVAIL COMPLIQUE
Le chapitre 33 du livre des Nombres détaille les étapes du voyage qui
aurait conduit les Hébreux au Jourdain. En associant cette liste de noms
de campements aux indications géographiques de l’Exode, on pourrait
croire disposer d’une sorte de carte scripturale. Toutefois, à ce jour,
seuls deux lieux du périple biblique ont été identifiés par l’archéologie :
Cadès Barnéa et Eçyôn-Gébèr. L’identification de l’oasis d’Ein el-Qudeirat
située dans la partie orientale du Sinaï avec le Cadès Barnéa où auraient
campé les Hébreux durant 38 ans comme celle d’un tertre situé entre
Eilat et Aqaba avec Eçyôn-Gébèr ne suffisent cependant pas à
déterminer le parcours du peuple d’Israël . Il s’agit pour les
archéologues de retrouver les lieux, chercher les traces de campements
importants qui s’y seraient tenus, de les dater et enfin de les rapprocher
du récit de l’Exode. Le travail est peu évident.
C 2 LA "MER DES ROSEAUX"
D'après le livre de l'Exode, les Hébreux quittant l'Egypte et conduits par
Moïse ont dû traverser la mer, qui se serait ouverte miraculeusement
devant eux, puis se serait refermée en noyant derrière eux la cavalerie
égyptienne lancée à leur poursuite (Exode 14, 21).On a longtemps cru
qu'il s'agissait de la mer Rouge, en se fiant aux traductions classiques de
la Bible. Une transcription plus exacte a récemment montré que le texte
original parlait non pas de la mer Rouge, mais de la "mer des Roseaux",
qui est la signification précise du mot hébreu Yam-suph. L'erreur a été
commise à partir de la Bible anglaise du roi Jacques (XVIIème s.), dont
le copiste a utilisé l'expression Red Sea (mer Rouge) alors qu'il fallait
inscrire Reed Sea (mer des Roseaux). Une telle erreur est expliquable,
C 4 LE DETOUR CHOISI PAR DIEU
Enfin, l'orientation vers le sud-est de l'itinéraire est compatible avec le
récit biblique, dans la mesure où Dieu les fit passer par une route
indirecte (Exode 13, 17-18). Quand Pharaon laissa aller le peuple, Dieu
ne le conduisit point par le chemin des Philistins, bien que le plus court,
de crainte, disait Dieu, que le peuple ne se repentît en voyant la lutte et
ne retournât en Egypte. Et Dieu fit faire un détour au peuple par le
chemin du désert vers la mer Rouge (ou des Roseaux)". La partie nord
de l'isthme de Suez était barrée par une ligne de fortins égyptiens qui
constituait un obstacle militaire important. C'est peut-être l'idée qui est
derrière l'énigmatique expression de "voir la lutte". Par ailleurs, le
chemin des Philistins désigne sans nul doute la région côtière de la
Méditerranée où ce peuple vécut.
C 5 L'OUVERTURE DE LA MER
Pour toutes ces raisons, il est permis de considérer la région des lacs
Amers comme le lieu probable de la traversée de la mer par les
Hébreux. Quant à l'incroyable épisode de l'ouverture de la mer et de
l'engloutissement des Egyptiens, il trouve une possibiblité d'explication
dans l'hypothèse du volcanisme citée plus haut, qui serait aussi à
l'origine les dix plaies bibliques. D'après les simulations climatiques des
chercheurs, des vents violents générés par l'explosion du volcan du
Santorin ont pu souffler jusque dans la région des lacs égyptiens qui
prolongent la mer Rouge. A en croire les calculs des chercheurs, la force
des vents aurait retenu l'eau des lacs au point de former réellement une
muraille d'eau haute de plus de deux mètres, laissant un passage avant
de se refermer brusquement. Si ces simulations s'avéraient réalistes,
elles seraient en plein accord avec le récit de l'Exode (Exode 14, 21-29).
C 6 HYPOTHESE DE LA ROUTE DU NORD
Dans un autre scénario, la "mer des roseaux" était peut-être au
contraire une étendue d'eau proche de la mer Méditerranée. C'est sur
cette idée que se fonde une théorie concurrente, qui veut que l'itinéraire
des Hébreux ait été tout simplement celui longeant la côte
méditerranéenne.Cet itinéraire est compatible avec la théorie du
volcanisme développée plus haut. Elle fait appel au phénomène du razde-marée pour expliquer la traversée de la mer des roseaux et
l'engloutissement de la cavalerie du pharaon. Balayant toutes les côtes
de la Méditerranée et se propageant jusqu'en Egypte, une lame de fond
gigantesque aurait déferlé sur les troupes égyptiennes, après avoir
laissé un passage aux Hébreux par un effet de reflux L'hypothèse du
raz-de-marée incite à suposer que l'énigmatique "mer des Roseaux" ait
été en communication avec la Méditerranée. En ce sens, on a proposé de
l'assimiler au lac Baudoin, un vaste étang bordant encore aujourd'hui la
côte nord-est égyptienne. Ce qui impliquerait que l'itinéraire des
Hébreux ait consisté à prendre la direction du nord-est, solution qui ne
paraît pas être précisément celle désignée dans l'Ecriture.
C 7 ENCORE LE SANTORIN
Quel que soit l'itinéraire que l'on défend, la théorie du volcanisme qui
met en scène l'éruption du Santorin, peut elle-même également
soulever des interrogations. Est-il possible qu'à des milliers de
kilomètres de sa source, une pluie de cendres acides s'abattant sur
l'Egypte ait pu suffire pour colorer le Nil en rouge vif ? D'autre part, il
faut que la date de l'éruption du Santorin (vers 1600 av. J.-C.) coïncide
avec l'époque de l'Exode (vers 1500 ou 1250 av. J.-C., selon les
auteurs). Sera-t-il possible de s'accorder sur la chronologie ? En
attendant de nouvelles études, il est encore difficile d'affirmer avec
certitude ce qui s'est réellement passé lorsque les Israélites ont migré
hors d'Egypte. On peut certes faire correspondre ces récits à des
mécanismes naturels rationnellement crédibles. Cela dit, pourquoi
refuserait-on l'image merveilleuse d'une suite d'évènements réellement
miraculeux ?
C 8 HYPOTHESE DE LA ROUTE DE L'EST
Une thèse encore différente a été soutenue par l'archéologue américain
Ron Wyatt, convaincu que la traversée de la mer et la noyade des
Egyptiens aurait eu lieu non pas dans le golfe de Suez, mais dans celui
d'Aqaba, c'est-à-dire dans la branche Est de la mer Rouge. En effectuant
des plongées sous-marines dans les eaux du golfe, Wyatt aurait ainsi
mis à jour des vestiges de roues de chars ainsi que d'ossements
humains, engloutis près de Nuweiba, au large d'Aqaba .Si la traversée
avait bien eu lieu à cet endroit, cela modifierait totalement l'idée que
l'on se fait de l'itinéraire suivi par le peuple hébreu. Selon cette thèse, le
mont appelé Sinaï à l'époque de Moïse serait par conséquent situé en
Arabie saoudite, à l'est du golfe d'Aqaba Identifié traditionnellement
depuis le IVe s. ap. J.C. au Djebel Mousa qui domine le monastère Ste
Catherine, une quinzaine de sites dispersés entre le Nord-Sinaï et
l’Arabie actuelle ont été proposés. Faire correspondre des noms de lieux
ou de régions à la géographie actuelle est délicat.
D - OU SE SITUAIT LA VILLE D'OU SONT PARTIS LES HEBREUX ?
D 1 LES PREMISSES D'UNE GRANDE DECOUVERTE
Manfred Bietak archéologue, professeur permanent d'Egyptologie à
l'Université de Vienne et Directeur de l'Institut archéologique autrichien
du Caire, alors qu'il étudiait la cartographie des affluents du Delta du Nil
du temps de l'Egypte ancienne, se pencha sur les découvertes de Pierre
Montet. Qui était Pierre Montet ? Pierre Montet est un égyptologue
français, né le 27 juin 1885 à Villefranche sur Saône décédé le 18 juin
1966. Il a été élève à l'institut français d'archéologie orientale du Caire.
Les découvertes capitales de Tanis faites entre 1939, 1940 et 1946, lui
vaudront les plus grands honneurs de la communauté scientifique.
D 2 LE SITE DE TANIS
Le site de Tanis fut largement mis en valeur de 1929 à 1956 par Pierre
Montet, en particulier avec le temps fort de la découverte des tombes
royales et de leurs trésors. A 130 km au NE du Caire, le site de Tanis, le
Tell San, est bordé par le bahr Saft, une ancienne branche du Nil. Il
s’étend sur des dunes de sable fossile, en produisant une surélévation
de terrain d’une longueur de près de 3 km et d’une largeur approchant
1,5 km. Il domine de plus de trente mètres les terres alluviales du Delta.
Sa surface couvre près de 180 hectares. Tanis fut à l'origine un port de
Pi-Ramses, et la métropole d’Amon pour le Nord de l’Egypte; la ville
s’est développée à partir de la fin de la XXe dynastie (vers 1100 av.JC),
et devint sous la XXIe dynastie (1070-945 av.JC) la capitale d’une
Egypte prête à se diviser entre le Nord et le Sud. Curieusement la
plupart des monuments découverts étaient inscrits au nom de Ramses
II. Cette constatation amena les égyptologues du XIXe siècle et Pierre
Montet, à penser qu'il s'agissait de Pi-ramsès, la capitale ramesside.
Cependant les fondations des temples et leurs dépôts de fondation ainsi
que tous les témoins en place ne remontent pas au delà de la XXIe
dynastie. Aucune trace archéologique sérieuse n'a été retrouvée sur le
Tell Sân qui soit datable du Nouvel Empire pas plus que du Moyen ou de
l'Ancien Empire. Alors Tanis était ou n'était pas Pi-ramses ? Cela restait
une énigme.
D 3 QANTIR, PI-RAMSES ANTIQUE ?
C'est alors qu'entra en scène Manfred Biétak. Travaillant sur les divers
affluents du Nil dans le Delta aux temps des anciens egyptiens il
remarqua que la branche pélusiaque du Nil au temps des Ramses
passait quelques 20 Km au sud Ouest de Tanis Et d'après sa
cartographie une ville devait exister sur un site appelé aujourd'hui
Qantir. Le village moderne de Qantir (Khatana-Qantir) est située environ
9 kilomètres (5.5 milles) de nord de Faqus dans la province de Sharqiya
du delta oriental du Nil (environ 60 milles de nord-est du Caire). On sait
que Ramses II a déplacé la capitale égyptiene antique, d'Egypte
méridionale dans le delta, pour échapper probablement à l'influence des
prêtres puissants de Thèbes et pour être plus proche des côtes de la
Turquie et de la Syrie modernes afin de protéger les frontières de
l'Egypte.
D 4 LES RECHERCHES DE BIETAK
Manfred Bietak utilisa le magnétocompteur qu'il promena sur les terres
de Qantir pour faire apparaître le tracé de la longue ville perdue. Cette
méthode relativement nouvelle de découverte archéologique est la
plupart du temps non-intrusive. Dans beaucoup de cas où la terre est
agricole par nature, elle reste la seule méthode appropriée pour explorer
un emplacement. Fin 1999, environ 75.000 mètres carrés avaient été
mesurés dans les domaines autour de Qantir, et des secteurs
domestiques, les quartiers administratifs d'un vaste composé de palais-
temple, un cimetière possible et une région avec des maisons plus
pauvres, ont été définis.Ce travail démontra avec précision
l'emplacement d'une importante métropole. Mais était-ce Pi-ramses ?
D 5 PI-RAMSES
Pi-ramsès (ou Per-Ramsès), fut la capitale de l'Egypte antique sous les
XIXe et XXe dynasties Signifiant Maison de Ramsès, cette cité riche et
prospère fut le centre du pouvoir à l'époque ramesside. Établie sur la
branche pélusiaque du Nil, son emplacement fut choisi à proximité
immédiate d'Avaris l'ancienne capitale des Hyksôs qui avaient régné sur
la Basse-Egypte lors de la Deuxième période intermédiaire. Séthi Ier y
avait bâti un premier palais qui sera agrandi par son fils Ramses II,
quand celui-ci y établit la capitale dynastique. Le choix de l'emplacement
de Pi-Ramsès n’était certainement pas dû au hasard. En effet, le site
présentait des avantages évidents, qui décidèrent Ramses II à déplacer
la cour royale dans le delta. La région d’Avaris était le berceau des
Ramessides. En effet, non seulement Séthi Ier y avait fait construire un
palais, mais en plus le site de la future Pi-Ramsès comprenait un
sanctuaire dédié à Seth, le dieu dynastique. Rappelons que le père de
Ramsès II portait le nom de Séthi, ce qui veut dire "Celui qui appartient
à Seth". La volonté, suite à la fin chaotique de la XVIIIe dynastie,
d'éloigner le pouvoir royal du clergé thébain, dont l’emprise s'était
renforcée après les réformes avortées d'Akhénaton et la restauration des
anciens cultes par Horemheb notamment finirent par emporter la
décision de construire Pi-ramses dans le Delta.
D 6 LES FOUILLES SUR LE SITE DE QANTIR
Manfred Bietak mena des fouilles sur Qantir, révélant peu à peu le plan
d'une importante ville et son histoire. Ainsi, outre le grand palais dont
l'enceinte s'étendait sur plus de 500 mètres de côté, les archéologues y
ont retrouvé les casernes des célèbres charreries de pharaon, fer de
lance de l'armée égyptienne. Les plottings d'ordinateur faits par l'équipe
montrèrent des rues denses, des structures qui ressemblent à de petites
maisons, des bâtiments spacieux, des palais. Certaines des trouvailles
stupéfiantes incluent une écurie énorme, à laquelle le char royal était
joint. Couvrant presque 17.000 mètres carrés, l'écurie possedaient six
rangées identiques de halls reliés à une vaste cour. Chaque hall
comprenait 12 salles de 12 mètres chacune. Apparemment, ces écuries
pouvaient contenir 460 chevaux et sont la plus grande écurie antique
jamais découverte. Les chevaux étaient très importants dans l'expansion
de l'empire égyptien et ces écuries ont été construites sur un endroit
stratégique près des itinéraires commerciaux menant au Liban et en
Syrie, et pas très loin des Hittites
D 7 LA FIN DE LA CITE ET LA FIN D'UN EMPIRE
En raison du déplacement de la branche pélusiaque du Nil remarqué par
Bietak, Pi-Ramsès n'était plus arrosé par les eaux du Nil. Dans ces
périodes antiques, il y avait beaucoup plus de branches du fleuve du Nil
situé dans le delta, mais seulement deux branches subsistent
aujourd'hui. Pi ramses était situé sur une branche qui a commencé à se
dessécher au cours de la XXeme dynastie La ville périclita. Elle fut peu à
peu abandonnée à la fin de la XXe dynastie pour des sites plus propices
comme Tanis par exemple. De plus, la crise dynastique qui suivit le
règne de Ramses III, et les largesses que ce dernier offrit aux temples,
favorisèrent l'emprise du clergé thébain qui finit par usurper le pouvoir
pendant la Troisième periode intermédiaire. Pi-ramsès deviendra une
vaste carrière comme beaucoup d’autres sites, pour disparaître
définitivement sous le coup des inondations et des cultures humaines, à
la fin de la Basse époque mais surtout quand les Romains occuperont
cette terre fertile. Sa disparition fut si complète que l'on rechercha
longtemps en vain son emplacement parmi les grands sites ruinés du
delta.
D 8 LE DEMENAGEMENT DE PI-RAMSES
Manfred Biétak grâce à ses recherches sur le site de Qantir mettant à
jour Pi-ramses venait d'expliquer la présence des monuments de
Ramses II sur le site de Tanis, répondant ainsi aux justes interrogations
de Pierre Montet à savoir : Les égyptiens avaient déplacé pierres après
pierres la ville de Pi-ramses vers le site de Tanis ! Ce fut pour les
hommes et les femmes de cette époque l'effort de toute une vie ! Mais
ces découvertes mettaient aussi en lumière la plus grande écurie antique
jamais découverte. Or les Hébreux; lors de leur fuite de la ville où ils se
trouvaient, avaient été poursuivi par une armée gigantesque de chars et
de cavaliers égyptiens, nous dit la Bible. Les archéologues conclurent
que Qantir-Pi-ramses pouvait être la ville d'où ils étaient partis !
LAISSONS A FRANÇOIS TONIC DE TOUTANKHAMON-MAGAZINE
LE SOIN DE CONCLURE.
D’un point de vu historique et scientifique, rien ne prouve la réalité de
l’Éxode. Les récits de la Bible ne fournissent aucun indice fiable sur
l’époque ramesside. Des spécialistes restent sceptiques sur les
descriptions données par les textes. D’après ces dernières il s’agirait
plutôt d’une Égypte tardive (époque perse ?). Plusieurs éléments
tendent à imposer une révision de la chronologie et de replacer l’Éxode
au début du Nouvel Empire, soit vers le milieu du XVIe siècle av. JC. La
difficulté d’interprétation vient aussi de l’absence de sources égyptiennes
et de traces archéologiques de l’événement. Il est certain que la
rédaction de l’Exode fut postérieure de plusieurs siècles au déroulement
des faits. D’autre part, la Bible n’a jamais été une référence historique.
totalement fiable."
QUE DIT GIHEL ?
Vous aurez bien compris que "L’Exode des hébreux" et les questions que
je me suis posées ne sont qu’un pretexte. Cette étude essaie de démonter
les mécanismes d’investigations de nos archéologues ainsi que les
difficultés qu’ils rencontrent. En la matière, rien n’est jamais sûr. Sonder le
passé en étudiant les vestiges est un art véritable. Et chaque découverte
peut contredire la précédente ! L’archéologie est donc aussi l’art de la
patience. Nous étions partis pour trouver des réponses à quatre
questions sur l'exode de la bible. Nous revenons avec une certitude : la
découverte de l'emplacement de Pi-ramses et l'extraordinaire entreprise
de déplacement de cette ville vers Tanis suite à l'assèchement d'un bras
du Nil. Ainsi va l'archéologie. On découvre toujours ce à quoi on ne
s'attend pas. C'est sans doute ce qui en fait son charme. Alors on se
prend encore à rêver. Quand allons-nous découvrir avec certitude les
réponses à mes quatre questions sur l'exode ?
FIN
REMERCIEMENTS
Livres de référence : Toutankhamon magazine, Merveilleuse Egypte des
pharaons, Mystère des dieux de l'Egypte. Wikipédia et l'encyclopédie
multimédia de Michel Guay
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