Toutes les villes honoraient donc ensemble la déesse Rome et le premier empereur fondateur de
l’Empire ainsi que l’empereur régnant. Parallèlement à ce culte « municipal », les trois capitales provinciales
(Narbonne, Lyon, Cologne) se sont ornées d’un sanctuaire fédéral. L’exemple un peu mieux connu aujourd’hui
est celui de Lyon. Face à la colonie, sur la pente de la Croix-Rousse, dans un territoire appartenant en commun
aux soixante cités de la « Gaule », se trouvait un ensemble monumental (amphithéâtre, autel des Trois Gaules,
etc.) dans lequel, chaque année au mois d’août, une fête réunissait les délégués des cités dans le but de renouer
les liens de fidélité à l’Empire, de verser le tribut dû par les Gaules et de régler avec le magistrat romain les
affaires en souffrance. Les notables recherchaient souvent la prêtrise du culte impérial de leur cité. L’ultime
promotion se trouvait dans les fonctions, plus prestigieuses encore, de « prêtre de Rome et d’Auguste » du culte
fédéral de Narbonne, de Lyon ou de Cologne. On retiendra de ce paragraphe que le culte impérial a été un agent
de romanisation et un facteur de promotion sociale pour les élites urbaines.
3° Les cités comme vecteur de romanisation
La romanisation a commencé en Gaule du Sud avec la fondation de villes comme Aquae Sextiae (Aix
en Provence), Narbo Martius (Narbonne)… Toutefois, c’est vers 50 après J.-C., donc sous l’Empire, que la
« Gaule » est dotée d’un tissu urbain dense et complexe, formé de villes aux statuts juridiques complexes. La
ville est en effet l’élément qui caractérise l’emprise de Rome. Toutes ces villes ont été fondées par le conquérant,
sur l’emplacement des agglomérations gauloises, ou mieux à distance, afin de rompre avec le passé indépendant
et de s’intégrer au réseau des axes de communication, réseau réorganisé par Auguste et Agrippa à partir de
Lugdunum (Lyon).
Dans le concept de ville romaine, apparaît tout un processus de déstabilisation des peuples conquis. Les
habitudes des Gaulois devaient être changées, et les Romains leur fournissent un modèle d’habitat éloigné de
leurs anciennes coutumes : un plan urbain, un centre monumental, une enceinte au rôle souvent honorifique.
Pour les inciter à adopter leur civilisation, ils
offrirent, après la conquête, à une portion de
l’ancienne aristocratie gauloise, qui aurait du tout
perdre avec la conquête, le privilège de devenir les
élites de cette romanisation (octroi de la
citoyenneté romaine). Cet épisode de romanisation
sur une courte durée fut suivi d’une période plus
longue de transformations culturelles.
Résider en ville est la seul manière pour
les habitants de la « Gaule », d’obtenir le
parrainage des notables et ainsi, quelquefois,
d’acquérir un statut social supérieur à l’intérieur de
cette société gallo-romaine très hiérarchisée. Le
sommet de cette société était formé par les
descendants des anciennes familles de l’aristocratie
gauloise, les premiers à avoir pu profiter des
largesses du conquérant. Document 3 – Plan d’Arles (Arelate).
Les campagnes formèrent longtemps des foyers de conservatisme gaulois. Là, la romanisation a été plus
longue et parfois incomplète. C’est dans les villes que la langue latine s’est d’abord imposée. La langue des
vainqueurs était utilisée dans l’armée, dans l’administration et les relations commerciales. Le latin a été
probablement assez largement compris d’une bonne partie de la population dès le Ier siècle av. J.-C. avant de se
répandre lentement dans les campagnes.
En conclusion, la ville a joué un rôle de premier plan dans la romanisation des Gaules. Elle a été au
cœur de ce processus, elle en a été le facteur le plus fécond et le plus dynamique. Elle est « devenue le
véritable foyer de la civilisation occidentale » (P.-M. Duval). Néanmoins, on ne doit pas oublier que de forts
éléments de tradition indigène ont perduré tout au long de l’Empire, surtout dans les campagnes. La
romanisation a été plus ou moins profonde. L’urbanisation fut un phénomène progressif et surtout très inégal
selon les régions. En d’autres termes, le pays ne fut pas couvert de « petites Rome ». En effet, on rappellera avec
l’historien Christian Goudineau que les Gaules « ne furent pas le siège d’une grande réussite urbaine, malgré
la somptuosité apparente de certaines manifestations ».