Argumentaire pour la recherche de financement auprès des
Fondations d'entreprises françaises en vue du
développement de l'UdM
I. Quel problème résout l'Université des Montagnes ?
L’Université des Montagnes est née pour répondre à une multitude de problèmes dont
on peut citer deux ou trois importants d’entrée de jeu. Le 1er problème est l’offre en
formation technique et scientifique. A l’époque, c’est-à-dire, dans les années 1990, pour un
pays qui s’en allait tranquillement vers les dix-huit millions d’habitants, nous avions une
seule école de médecine qui formait à peine soixante dix médecins par an ; ce qui était
ridicule. De même, il existait une seule école d’ingénieurs qui formait à peine une centaine
d’ingénieurs par an pour un pays qui devait se développer. Et par rapport à la santé, il y
avait une faculté de médecine mais pas du tout de formation en pharmacie, en chirurgie
dentaire, en médecine vétérinaire, etc.
On s’est donc posé la question de comment résoudre ce genre de problèmes ? Et on s’est
tout d’un coup dit pourquoi ne pas créer une université et y privilégier ces formations?
Malheureusement dans le contexte camerounais, comme des autres anciennes colonies
françaises, nous n’avions pas de tradition d’université non étatique, non publique.. On s’est
dit alors, certes cette tradition n’existe pas, mais rien ne l’interdit et donc ce qui n’est pas
interdit est permis. Alors pourquoi ne pas essayer ? Essayer… mais alors dans quel cadre ?
C’est alors qu’un groupe d’une vingtaine de professionnels de tous horizons,
médecins, professeurs d’université, ingénieurs, avocats, architectes, administrateurs,
fonctionnaires, bref de hauts cadres de la société camerounaise, se sont réunis pour
réfléchir sur la mise en œuvre d’une telle idée. D’où l’idée de mettre sur pied une structure,
par exemple une association, qui peut porter une Université ayant le profil que nous lui
donnerions, à savoir notamment, de former du personnel de santé puisque nous étions et
sommes toujours un pays en développement ; et la première ressource pour le
développement nous paraît être la ressource humaine bien portante. Nous étions conscients
qu’il faut avoir une ressource humaine bien portante pour pouvoir assurer le
développement. C’est pour cela que nous avons pensé qu’il fallait multiplier par autant de
facteurs que possible le nombre de personnel pouvant assurer le bien être physique de la
population. D’où l’idée de créer une Ecole de médecine et des sciences de la santé en
général.
Deuxièmement, il fallait augmenter le nombre de techniciens, en formant des cadres
techniques pas nécessairement de haut niveau, mais surtout des cadres moyens pour
répondre aux problèmes spécifiques de notre société. D’où l’idée de mettre aussi en place
des formations technologiques. Et l’une des filières à laquelle nous avons pensé en premier a
été la filière d’instrumentation et de maintenance biomédicale. Et pour cause !... Même
dans les quelques hôpitaux dont disposait notre pays, les équipements médicaux étaient
abandonnés par manque de personnel de maintenance.
Et d’un autre côté, pour revenir à la santé, il se trouve que dans toute la région
Afrique Centrale il n’y avait pas de formation de pharmaciens. Or il se trouve que nous avons
dans notre pays une tradition de pharmacopée endogène qui est très riche et très réputée,
mais sur laquelle on n’a pas encore posé un œil scientifique pour pouvoir la domestiquer. Et
nous nous sommes dit que le type de pharmacie qu’on pratique dans notre région est de
tradition occidentale l’on achète des médicaments prêts à consommer ; et les
pharmaciens sont simplement des « boutiquiers » ou des commerçants du médicament. On
s’est donc dit pourquoi ne pas former des pharmaciens qui pourraient, tout en continuant la
pharmacie traditionnelle, domestiquer la pharmacopée endogène. C’est donc pour tout cela
que nous avons dès le départ créé la filière pharmacie.
Telles sont les premières raisons qui ont justifié la création de l’Université des
montagnes et le choix des filières à privilégier, à savoir les filières des Sciences de la Santé,
la recherche sur les plantes médicinales et les filière technologique, l’objectif étant
l’appropriation de la technologie, tout au moins des équipements minimum qui puissent
nous permettre de nous développer. Tel est, en quelque sorte, le problème que nous
voulions résoudre.
Mais la situation se trouvait encore compliquée par divers autres facteurs, dont
l’environnement économique. Il faut en effet relever qu’en ces années 1990, le Cameroun
entrait profondément dans la crise économique et que pour l’État lui-même, les moyens
étaient devenus totalement dérisoires même pour le peu de formation qu’il finançait.
Deuxièmement, la crise économique ne permettait plus l’envoi à l’étranger par l’Etat ; et
pour cause il ne pouvait plus offrir de bourse pour les formations en Médecine, Pharmacie
et Ingénierie. Par ailleurs, et toujours du fait de cette crise, les parents qui prenaient aussi en
charge les frais des études de leurs enfants à l’étranger n’étaient plus en mesure de le faire.
Troisièmement, à cette même époque, il y avait dans les pays européens et même africains
de moins en moins de places réservées aux enfants d’autres nationalités du fait du
« numerus clausus » qui faisait que le nombre des étrangers était limité dans les universités
européennes et même dans les universités africaines. Ainsi donc, on se trouvait à un
moment l’offre de formation était de plus en plus réduite notamment dans les domaines
de la santé et de l’ingénierie, d’autant plus qu’en ces années 1990 la fermeture des
frontières, que ce soit des pays de l’hémisphère Nord, ou même dans les pays de
l’hémisphère Sud, est devenue une réalité ; et il est devenu de plus en plus difficile aux
ressortissants camerounais et aux ressortissants des pays du tiers monde d’une manière
générale de s’expatrier pour les besoins de formation dans les pays de l’hémisphère Nord et
même dans certains pays de l’hémisphère Sud.
II. Quelle a été notre solution et comment nous l'avons implémentée?
1. Puiser dans nos diverses expériences individuelles.
Compte tenu donc de cet environnement et de cette équation qui nous interpellaient
de manière historique, nous nous sommes demandé quelle solution y apporter ? Et alors
chacun a essayé de trouver dans son expérience, dans sa formation, dans son parcours, des
esquisses de solutions qu’on pouvait apporter. Il y en avait parmi nous qui avaient fait leurs
études et avaient une expérience professionnelle dans les pays de l’Amérique du Nord(Etats-
Unis, Canada) ou qui avaient fait leurs formations ou avaient travaillé dans des universités
qui n’étaient pas nécessairement publiques, qui avaient vu comment la société civile
américaine pouvaient s’organiser pour créer des institutions universitaires répondant aux
besoins spécifiques de la communauté, de l’environnement, du pays. A partir de ce moment,
compte tenu du fait que dans notre pays toute initiative de ce type requiert énormément de
moyens matérielles, ces expériences nous ont amené à penser que l’on n’avait pas
nécessairement besoin de grands moyens, immédiatement, pour créer une université et
c’est la raison pour laquelle nous nous sommes mis ensemble pour créer une association et
pour qu’à l’intérieur de l’association (AED) nous réfléchissions ensemble pour trouver les
moyens intellectuels et matériels pour la création de l’université.
Une fois l’idée conçue, et la question juridique de ce qui n’est pas interdit est permis
réglée, il fallait trouver les moyens matériels de sa mise en œuvre. Nous avons commen
par frapper aux portes des nantis de notre société, parce que dans ce pays il faut bien le dire,
il ya des gens qui ont des moyens financiers énormes. Malheureusement, la tradition du
mécénat n’est pas connue de notre environnement. Même les gens qui ont d’énormes
moyens financiers hésitent à financer des projets d’intérêt communautaire qu’ils ne peuvent
pas nécessairement contrôler par eux-mêmes ou pour eux-mêmes. Donc le mécénat n’est
pas connu chez nous. Raison par laquelle après avoir fait le tour d’un certain nombre de
groupes d’opérateurs économiques et de personnes titulaires de portefeuilles passablement
fournis, on s’est rendu compte qu’on ne pouvait pas compter sur ces gens pour créer
notre université. Nous avons dès lors choisi de nous inspirer du modèle nord américain où la
société civile intervient pour résoudre ses propres problèmes. Nous nous sommes aussi dit
qu’on pouvait s’appuyer sur la diaspora camerounaise et son réseau de relations installée en
Europe, en Amérique, en Asie et qui a une autre expérience du développement, une autre
expérience de service à la communauté. On s’est donc dit que l’on va faire ce que nous
pouvons à notre niveau et par la suite on va tendre la main à la diaspora camerounaise
installée un peu partout dans le monde. Voilà quelle est donc l’approche que nous avons
choisie pour soudre ce problème d’une université d’un type nouveau que nous avons
décidé de créer.
2. De la philosophie du financement.
Il faut dire qu’au départ, et s’agissant du financement, nous n’étions pas d’accord
entre nous, la vingtaine de professionnels qui étions à l’origine du projet. Il y avait deux
thèses en présence. Certains d’entre nous prétendaient que sans mécènes il valait mieux
convaincre des opérateurs économiques de mettre leur argent pendant que nous mettions
nos cerveaux à leur service pour créer une entreprise dont ils se partageraient les
dividendes. Ils investiraient dans l’université comme dans une entreprise privée à actions ;
et que l’on pourrait mettre les actions en vente ; et nous les professionnels qui avions eu
l’idée, nous servirions essentiellement comme conseil dans cette entreprise qui en fait leur
appartiendrait. C’était là la première thèse.
La deuxième thèse était que dans tous les cas on ne pouvait pas compter sur des
gens qui n’avaient pas une expérience d’entreprise universitaire de ce type avec toutes les
difficultés que cela comporte et aussi du temps que cela prendrait pour être rentable. Et il
nous semblait difficile que les opérateurs économiques qui ont l’habitude des
investissements privées qui leur rapportent à plus au moins court terme puissent
comprendre les enjeux d’un tel projet. C’est pour cela qu’il ya eu une deuxième tendance qui
a pensé que, de toute façon, une université qui serait une entreprise pouvant verser des
dividendes à d’éventuels actionnaires étaient, d’après nous, voués à l’échec. Cela ne pouvait
pas fonctionner.
Nous nous sommes donc dit qu’il valait mieux commencer petit en comptant sur nos
propres moyens, sur les énergies bénévoles et sur la bonne volonté des uns et des autres, y
compris de notre seau de relations à l’étranger, pour structurer le projet. Aussi, nombre
d’entre nous qui étions les enseignants du supérieur et qui travaillions pour l’État, nous
avons mis notre temps, notre énergie, et notre potentiel intellectuel à contribution pour
poser les jalons de cette institution universitaire ; et chacun d’entre nous y est allé de son
expérience professionnelle et de vie pour pouvoir lancer cette institution.
Mais même pour commencer petit, il fallait des locaux, il fallait un minimum
d’infrastructures et des équipements, même de seconde main, pour pouvoir lancer cette
université. Et sur ce plan nous pouvons dire que les circonstances nous ont été
extrêmement favorables. En effet, ayant fait le tour des chefferies traditionnelles de la
région pour savoir lequel des chefs pouvait nous offrir un terrain sans que nous ayons à
débourser des sommes énormes pour l’acheter, nous avons ainsi bénéficié de 204 ha de
terrain offerts par le chef des Bangangté.
Le terrain offert, il fallait trouver les moyens d’y mettre des locaux ; il fallait des
bâtiments et nous n’avions pas les moyens de les construire. C’est pour cette raison que
nous avons décidé de chercher, dans la région de Bangangté où nous avions le terrain
définitif, des locaux provisoires pour démarrer l’institution. C’est comme cela qu’on s’est
approché de l’Eglise Evangélique du Cameroun qui avait un ancien Collège d’Enseignement
Technique à Bangangté, lequel collège avait fermé ses portes depuis une quinzaine d’années
pour des raisons économiques et dont les locaux étaient abandonnés dans la broussaille.
L’Eglise Evangélique a donc accepté de mettre à notre disposition ces locaux, bâtis sur une
superficie de 2 hectares, pour une modique contre -partie financière. Mais encore, il a
fallu que nous les réhabilitions. Ce que nous avons fait, les transformant en un campus
provisoire qui est celui du centre ville de Bangangté et nous avons démarré l’Université
des Montagnes en l’an 2000.Elle continue à y fonctionner jusqu’à ce jour, c’est-à-dire 10
ans après. Et si ces travaux ont pu être réalisés, c’est parce que les initiateurs du projet y ont
cru et ont accepté toutes sortes de sacrifices, y compris l’hypothèque des biens de famille.
C’est en effet ici le lieu de relever que le Pr Lazare Kaptuè, Président de l’AED, a
hypothéqué des titres fonciers personnels pour obtenir de sa banque les premiers fonds qui
nous ont permis les réhabilitations sus-évoquées. Et il nous a fallu 4 à 5 ans pour lui restituer
l’emprunt.
C’est aussi le lieu ici de dire que cette démarche participe de la philosophie
fondatrice des initiateurs de ce projet qui ont voulu se démarquer de l’approche souvent
adoptée en Afrique et qui veut que , quand on a une idée pareille, on croit toujours qu’on ne
peut la réaliser qu’en allant vers les bailleurs de fonds internationaux ou régionaux pour
trouver de l’argent.
Nous autres, nous avons cru qu’il fallait d’abord prouver que nous pouvions compter
sur nous-mêmes avant d’aller auprès des autres, même auprès de la diaspora. Nous avons
toujours tenu à prouver que nous-mêmes pouvions faire les premiers pas, faire marcher le
projet pendant au moins les premières années, montrer que cela pouvait marcher avant de
frapper même aux portes des institutions internationales.
Et nous devons avouer que jusqu’aujourd’hui, dix ans après, nous n’avons pas encore
frappé aux portes de ce qu’on appelle les bailleurs de fonds internationaux. Nous avons
essentiellement fonctionné sur la base du bénévolat, sur la base de nos fonds propres, et
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