trois appareils de mesures à sa disposition. La mécanique quantique prédit, et
l’expérience confirme, que pour certains systèmes physiques, tels que nos deux
photons, à chaque fois que les deux physiciens font le même choix d’appareil de
mesure, les photons donnent la même réponse : ces résultats sont donc fortement
corrélés.
Des corrélations entre des événements sont choses courantes dans notre quotidien.
Pour les scientifiques l’observation de corrélations est à la base des données
empiriques à partir desquelles ils construisent leurs théories. Dans le monde de tout
les jours (non quantique), les corrélations entre les photons décrites ci-dessus peuvent
s’expliquer de deux manières. Premièrement, on peut imaginer que les réponses
fournies par les photons auraient été décidées à l’avance : c’est l’explication par
« causes communes ». Par exemple, deux ordinateurs peuvent indépendamment l’un
de l’autre produire le même résultat s’ils exécutent le même programme (la cause
commune est dans ce cas le programme). En 1964, John Bell, un physicien Irlandais
travaillant alors au CERN à Genève, a montré que la mécanique quantique prédit
certaines corrélations incompatibles avec ce type d’explication, ce sont les célèbres
« inégalités de Bell ». Depuis, de nombreuses expériences ont réfuté l’explication des
« causes communes». En particulier, une expérience réalisée en 1997 par le Groupe de
Physique Appliquée de l’Université de Genève avec des photons voyageant par les
fibres optiques de Swisscom, et analysés à Bernex et à Bellevue [1].
Une deuxième explication naturelle des corrélations observées suppose que les deux
photons communiquent dès qu’ils sont analysés : le premier photon analysé
communique son choix au deuxième photon. Une difficulté de cette explication est le
principe d’Einstein qu’aucune information ne peut être communiquée plus rapidement
que la lumière. Or, l’expérience mentionnée ci-dessus entre Bernex et Bellevue a
démontré que cette hypothétique communication devrait se propager à une vitesse au
moins un million de fois plus rapide que la lumière [2,3,4]! En fait, cette difficulté
n’est pas fatale. En effet, seule la vitesse de l’information est limitée par le principe
d’Einstein. Dans le cas des photons, l’information du choix du premier photon n’est
pas contrôlable par le physicien: le choix est celui du photon et de l’appareil de
mesure, le physicien ne peut qu’observer le résultat et non l’influencer. Une liaison
téléphonique n’est utile que si l’émetteur peut choisir l’information reçue par le
récepteur. Dans le cas du « téléphone quantique », les deux personnes connectées
n’entendent que du bruit sans aucune signification, mais il s’agit exactement du même
bruit. Ainsi comme il n’y a pas d’information utile voyageant plus vite que la lumière,
le principe d’Einstein n’est pas violé.
Afin de tester cette deuxième explication des corrélations entre les photons, les Dr
Antoine Suarez et Valerio Scarani ont proposé en 1997 une expérience alliant théorie
quantique et la relativité du temps [5]. Rappelons que selon la théorie de la relativité
d’Einstein, l’ordre chronologique de deux événements peut dépendre de la vitesse de
l’observateur. Suarez et Scarani ont donc proposé une expérience dans laquelle les
appareils de mesure qui analysent nos deux photons sont en mouvement de telle sorte
que selon l’appareil de Bernex, le photon de Bernex est analysé avant celui de
Bellevue. Mais simultanément, selon l’appareil de Bellevue, le photon de Bellevue est
analysé avant celui de Bernex ! Dans une telle configuration, aucun des deux photons
n’est analysé en second, donc aucune communication n’est possible, quelle que soit la