EEGS « l’espace social : outils et méthodes, objets et éthique(s) », Rennes 2006 – atelier Ethique(s)
Pour citer cet article : Viala L., De l’éthique disciplinaire en particulier et en sciences sociales plus généralement. Penser contre ou avec
variations autour du projet epistémologique de la géographie sociale, http://eegeosociale.free.fr/rennes2006, 4 pages
contact politique, science et opinion publique (La Technique et la science comme idéologie).
Le glissement de la philosophie analytique — la philosophie du langage, notamment,
complétant les approches syntaxique et sémantique par la pragmatique faisant du langage
une activité sociale (Austin proposera de passer des fonctions descriptive et constative à
l’énonciation performative) — à une philosophie sociale par la philosophie politique et
morale fait cette fois advenir la question éthique en termes d’offre théorique à destination du
social. Au-delà des propositions respectives de ces auteurs — position originelle pour Rawls
contre situation idéale de parole à vocation consensuelle pour Habermas (Théorie de l’agir
communicationnel) — un aspect crucial est mis au débat : du juste ou du bien, où se situe la
priorité ? Les sciences sociales, et la géographie précisément, travaillant pour le bien selon un
référent normatif établi, contribuent-elles à une forme d’équité ?
La troisième revient sur la très controversée position postmoderne amendant sans complexe
les repères de la modernité ayant jusque-là prévalu. Ecartant toute possibilité d’une théorie
de la justice, en tant qu’elle serait théorie, sans pour autant se dégager de la perspective de
justice, la position postmoderne s’inscrit contre tout universalisme et privilégie, par son
adhésion plus ou moins marquée au relativisme, l’expression d’une localité. Cette réalité
contextuelle permet d’introduire l’éthique, prenant corps dans quelques valeurs, en tant
qu’elle concerne la société (communauté humaine) et les conditions inhérentes de l’être et du
vivre ensemble. Sans doute moins conforme aux contours universalistes de la modernité, la
perspective téléologique de cette éthique (des situations) répond à la morale (individu) qui
relèverait du devoir (la loi morale chez Kant) et donc de la déontologie (réflexion sur les
principes). L’occasion est alors donnée d’orienter la réflexion dans deux directions : la
première interroge une possible inspiration pragmatiste caractérisée par un souci d’efficacité
(Richard Rorty) tandis que la seconde, soucieuse de voir le champ de la connaissance se
dégager de sa léthargie, encourage la sortie du dogmatisme scientifique par endroits
stérilisateur et en appelle à une forme de « créativité », marginalement exposée par la
philosophie des sciences, et précisément dès 1975 par Paul Feyerabend avec son radical
Contre la méthode.
Les premières questions concrètes soumises à discussion :
1. Comment puis-je être observateur et interprète de la réalité métropolitaine des
grandes villes françaises sans développer une pensée critique de la logique à l’œuvre ?
2. Comment puis-je contribuer à déterminer la conduite et l’action de l’homme en
participant de cette logique ou du moins en en faisant la situation de référence indiscutable
pour une recherche/action ou recherche/développement ?
3. Comment rendre les positions énoncées en 1. et 2. compatibles ? Est-ce d’ailleurs
souhaitable ou même possible ?
4. Peut-on imaginer une géographie politique de la forme de la ville, grande
inspiratrice d’une nouvelle géographie urbaine critique, qui accompagnerait en les adaptant
les objectifs de la philosophie politique et sociale ?
BIBLIOGRAPHIE
AUDARD Catherine [et al.], 1988, Individu et justice sociale. Autour de John Rawls, Seuil, 317 p.
AUSTIN John Langshow, 1962, Quand faire c’est dire (1991), Seuil, 202 p.
FELDMAN Jacqueline et CANTER KOHN Ruth, 2000, L’Ethique dans la pratique des sciences humaines : dilemmes,
L'Harmattan, 300 p.
FELDMAN Jacqueline, FILLOUX Jean-Claude [et al.], 1996, Ethique, épistémologie et sciences de l'homme, L'Harmattan,
202 p.
FEYERABEND Paul, 1975, Contre la méthode. Esquisse d’une théorie anarchiste de la connaissance (1979), Seuil, 349 p.
FEYERABEND Paul, 1987, Adieu à la raison (1989), Seuil, 374 p.
HABERMAS Jürgen, RAWLS John, 1997, Débat sur la justice politique, Cerf, 187 p.
HABERMAS Jürgen, 1991, De l’Ethique de la discussion (1992), Flammarion, 199 p.
HABERMAS Jürgen, 1982, Théorie de l'agir communicationnel (1987) Vol. 1. Rationalité de l'agir et rationalisation de la
société, Vol.
2. Critique de la raison fonctionnaliste, Fayard, 448 p. + 480 p.
HABERMAS Jürgen, 1968, La Technique et la science comme idéologie (1973), Gallimard, 211 p.