DISCOURS SUR LASTROLOGIE
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INTRODUCTION
Le mémoire de 85 pages, de Charles de Condren,
sur l’astrologie, présente un caractère unique en
France. Celui d’être la première, et la seule, réflexion
officielle inaboutie, sur un sujet devenu conjoncturelle-
ment préoccupant pour le pouvoir politique.
Essai non fini, parce que Charles de Condren, son au-
teur, se dispensa de conclure son pensum. Il donna
comme justification, de son devoir de bâcler son tra-
vail, que ses idées ne devaient servir à réprimer qui-
conque. Cette pensée lui était désagréable assurait-il.
Cette apparence franchise, lorsque l’on connait son art
de la dissimulation, nécessite d’engager une recherche
sur le contenu exact de sa pensée. Sa réponse, en ap-
parence, bien intentionnée, exprime le refus d’assumer
la responsabilité répressive anti astrologique des au-
torités auxquelles il obéissait. Toutefois, afin d’appré-
cier ce refus à sa juste mesure, il convient d’exposer la
conception de Charles de Condren, à propos de la dé-
linquance. Notamment, et en particulier, son attirance
quasi morbide pour le sort des victimes. L’expression
d’un trouble de sa personnalité non spécifiquement
anti sociale, toutefois expressive d’une distorsion en
terme persécutoire. On trouve dans la reproduction de
la lettre CX1 l’exposé de sa conception sous l’intitulé
1 4e Edition des Œuvres complètes du Père Charles de Condren datée 1857-1858 par
labbé Pin, Charles Guyot et Roidot Libraires à Paris, BNF Gallica. Page 379
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«sur la mort des criminels condamnés ». « Plus un homme est humilié,
plus il a de rapport avec le Fils de Dieu; et ces pauvres condamnés qui
sont plongés dans un abîme d’infamie, et pour qui le monde n’a que de
l’horreur et de l’exécration, sont bien souvent très illustres dans le ciel.
Car comme ceux qui approchent le plus de la grandeur des princes sont
les plus honorés devant les hommes, de même, ceux qui participent le
plus à l’ignominie de Jésus Christ sont les plus relevés devant les anges.
Dans un empire que le souverain s’est acquis par le supplice de la croix,
ceux qui meurent saintement sur un gibet obtiennent les plus hautes di-
gnités. »… « le bonheur d’expier ses propres péchés par le supplice public
nous doit être en haute estime ». Lexécution du Christ, par sa
banalité de droit commun, confère, à tous les condam-
nés au supplice, selon Charles de Condren, l’accès au
statut de la dignité retrouvée par le rachat des fautes.
Une conception excessive, de nature à faire litière des
actes commis par une absolution générale des respon-
sabilités délictuelles, ou criminelles. Charles de Cond-
ren réhabilite les délinquants, et les criminels, sans
équité pour leurs victimes. Cette conception exprime,
vraisemblablement, celle vécue par Louis Charles Gal-
land2, enfant, dans ses relations conflictuelles avec
son père. Il se réfugiait dans la religion en se compa-
rant au Christ, par une projection narcissique. En fonc-
tion du sens de sa propre importance. N’ayant pas été
reconnu, pour la ou les souffrances, qu’il endurait, il en
vint ensuite à développer l’idée selon laquelle tous les
criminels, et délinquants publiquement sanctionnés,
sont des individus hautement dignes d’intérêt et d’es-
time, ainsi qu’il l’écrivait dans le texte de cette lettre
reproduite, non datée.
Le motif du travail inachevé renvoie à des préoccupa-
tions complexes. Notamment, parce que Charles de
2 Louis Charles Galland de Condren 15/12/1588-07/01/1641
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Condren savait ne pouvoir mener à son terme la ré-
flexion demandée. Non par absence de maîtrise du su-
jet, mais parce que les conséquences répressives, atta-
chées à son analyse, étaient susceptibles de conférer,
aux crapules, un statut que l’oratorien estimait in-
digne d’elles. En se dispensant de conclure son pen-
sum, pour le cardinal de Richelieu, Charles de Condren
refusait d’accorder aux astrologues la considération
qui leur revenait pour leurs activités. Loratorien préju-
geait de leur déshonneur, pour des motifs religieux, en
condamnant ainsi leurs crimes, par avance, par le refus
de son pardon. Ainsi, la bienveillante attention initiale
exprime un jugement parfaitement égoïste.
Après avoir développé un propos, discutable, sur plus
de 80 pages, Charles de Condren trouva que cela suffi-
sait. Le sujet, de son point de vue, ne méritait pas tant
d’attention. Il se dispensa de conclure, afin de dissua-
der aussi, à l’avenir, les autorités politiques, auxquelles
il était soumis, de le consulter davantage. Par esprit
d’indépendance ? En réaction au pouvoir monarchique
détenteur du pouvoir exécutif ? Charles de Condren,
sans être un original, ni non plus une forte tête, s’était
composé une personnalité artificielle, aux réactions
imprévisibles. On lui demandait un service, sans rece-
voir l’assurance qu’il y donnerait suite. Car il avait, l’art
et la manière, de répondre par une pirouette, avec un
humour enrobé d’édifiantes références religieuses,
afin de couper court aux sollicitations dont il était
l’objet. Ainsi au commandeur de Sillery, lui demandant
des instructions, il répondit qu’après en avoir conversé
avec dieu, sans recevoir de réponse de sa part, il n’avait
rien à lui dire. C’était l’ordre divin, il fallait faire avec. Un
cocasse pied de nez, à défaut d’un caprice, afin d’expri-
mer l’expression d’un trouble de la personnalité. Tout
enfant déjà, Charles de Condren avait un problème
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avec l’autorité. Paternelle d’abord. Puis, plus tard avec
la collectivité sociale, au point de refuser d’assurer
des responsabilités communautaires en usant d’un
stratagème. Syndrome d’une personnalité évitante.
Ses contemporains se sont accommodés. Sans com-
prendre la raison de cet étrange comportement pa-
thologique.
Le Discours sur l’astrologie, de Charles de Condren, ré-
pondait à la commande officielle du Premier, et prin-
cipal, Ministre du roi Louis XIII, le cardinal de Richelieu.
A une époque, au cours de laquelle, le roi combattait
les protestants retranchés dans la ville de La Rochelle.
Ayant connaissance des procédés du politique, Charles
de Condren se plia d’abord à l’exercice qui lui était de-
mandé. Au motif que le cardinal était informé des ar-
guments anti astrologiques, élaborés par Charles de
Condren, dans sa pratique régulière de la dissuasion
des crédules de croire à cette divination. Lastrologie
était socialement suspecte par ses usages pernicieux.
Comment faire obstacle à l’usage de la prévoyance par
l’astrologie, voilà l’objet de la réflexion. S’adressant au
Cardinal, Charles de Condren écrivait « Je croy que c’est ce
que vostre Eminence me commande d’escrire : Je ne puis faillir en
luy obéissant ». En application de l’ordre hiérarchique dans
l’Église, selon lequel le prêtre obéit à l’évêque, l’évêque
à l’archevêque, et l’archevêque au cardinal. Jusqu’à ce
que, finalement, la désobéissance l’emporte sur l’atti-
tude conformiste, en laissant le pensum inachevé.
Les protestants tenaient la ville de La Rochelle, assié-
gée par l’armée royale. Année 1628. Des libelles étaient
imprimés dans le royaume, la plupart comportant des
prédictions d’astrologues, douteuses, sur l’issue du
conflit. Des textes déplaisants pour le pouvoir monar-
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chique. Or depuis l’Ordonnance de Blois, d’Henri III, et
son article 36, l’astrologie n’était légale que lorsqu’elle
s’occupait de météo, des travaux d’agriculture, ainsi
que des traversées nautiques. Ce que l’on appelle l’as-
trologie naturelle des almanachs, conforme au Concile
de Trente, soumise au contrôle du contenu par l’Église
avant impression. Or voilà que les astrologues se mê-
laient de la politique du royaume, en formulant des
prévisions jugeant de la politique du roi. Demander à
une autorité religieuse, une réflexion sur ces débor-
dements, était une attitude innovante pour l’époque.
La Ve République, plus de trois siècles après, se mon-
tra grande consommatrice de Rapports Officiels simi-
laires, sur des sujets très divers. Sans nécessairement
traduire les conclusions de ces études par des textes
de lois. A la différence, cette fois, que le roi publia une
déclaration sur l’astrologie, datée du 20 janvier 1628,
précisant l’ordonnance de Blois de 1579. Dans laquelle
il interdisait les prévisions politiques, ainsi que la pu-
blication de toutes les appréciations astrologiques in-
dividuelles sur les personnalités publiques. Sous peine
de sévères sanctions élargies visant aussi les impri-
meurs, et les libraires, ainsi que toute personne. Alors
que l’ordonnance de Blois réprimait uniquement les
devins.
Ordonnance confirmée en 1579 par Henri III, avec celle de Blois,
devenue la référence en droit de l’astrologie, article 36 tout
devin faiseur de pronostications et almanachs qui sortira des bornes
de l’astrologie licite et naturelle, sera puni extraordinairement et
corporellement, & défendons à tous imprimeurs et libraires, sur les
mêmes peines, d’imprimer ou exposer en vente, aucuns almanachs
ou prognostications que premièrement ils n’aient été vus, et visités
par l’Archevêque, Évêque, ou ceux qu’ils auront députés expressé-
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