Etude bibliographique I. Eléments de biologie cutanée Nous allons rappeler ici l’architecture générale de la peau avant de nous intéresser plus particulièrement au système immunitaire cutané. A. Structure de la peau chez les mammifères La peau constitue une interface séparant le milieu extérieur du milieu interne de l’organisme. Elle possède entre autres un rôle de protection mécanique et immunitaire. La peau est constituée de trois couches : l’épiderme, le derme et l’hypoderme. (Figure 1) Couche cornée Couche granuleuse Cellule de Langerhans Couche épineuse Kératinocyte Cellule de Merkel Couche basale Mélanocyte Membrane basale Fibroblaste Derme Capillaire et hypoderme Figure 1 : Schéma d’une peau saine (d’après Ibisch, 2002). 17 L’épiderme est constitué majoritairement de kératinocytes, mais aussi de mélanocytes, de cellules de Langerhans, et de cellules de Merkel. Les kératinocytes possèdent un rôle structural : ils élaborent la kératine, lipophile, qui limite les pertes hydriques et qui est responsable du maintien de l’épiderme. Par leur renouvellement constant et leurs jonctions serrées, les kératinocytes sont aussi la première défense mécanique contre la pénétration d’agents pathogènes. Ils exercent aussi un rôle actif lors d’inflammation cutanée puisqu’ils peuvent synthétiser, sous l’action d’agents divers comme l’INFγ, différentes molécules (Lloyd, 1990, Williams et Kupper, 1996) : - des cytokines en quantité suffisante pour initier une inflammation cutanée (IL-1 et TNFα) - des cytokines de type Th1 et Th2 (IL-10 et IL-12 (seulement la p35) - des facteurs de croissance pour les lymphocytes T (IL-7 et IL-15) - les cytokines IL-8, TGFβ... - des chimiokines - des molécules du CMH II - des molécules ICAM -1 permettant l’adhésion des lymphocytes T Ainsi les kératinocytes peuvent se comporter comme cellules présentatrices d’antigènes dans les inflammations cutanées : il s’agit du concept de « kératinocyte activé ». Ils peuvent de cette façon s’ajouter aux cellules de Langerhans lors d’inflammation pour présenter les antigènes. Les cellules de Merkel sont des mécanorécepteurs à réponse lente, les médiateurs qu’elles libèrent modulent l’activité des terminaisons nerveuses voisines. Les mélanocytes, par la synthèse de mélanine, sont responsables de la teinte de la peau et de la protection vis-à-vis des UV. Le derme assure les apports en nutriments de l’épiderme grâce à sa vascularisation. Il est essentiellement composé de fibroblastes qui élaborent une trame de fibres conjonctives apportant la résistance et l’élasticité à la peau. Il comporte aussi les cellules de la lignée granulocytaire et des cellules dendritiques. A l’interface entre le derme et l’épiderme, on trouve la membrane basale composée en majeure partie de collagène de type IV, qui permet l’adhésion derme-épiderme mais qui intervient également dans la cicatrisation en donnant une trame de déplacement aux kératinocytes basaux. 18 L’hypoderme est un tissu conjonctif plus lâche que le derme. Richement vascularisé, il comporte des adipocytes et joue ainsi un rôle dans l’isolation thermique et le stockage des réserves énergétiques de l’organisme. La peau est, de plus, recouverte d’un mince film lipidique constitué de sébum élaboré par les glandes sébacées et des sécrétions des glandes sudoripares. Le sébum, de composante lipidique (acide linoléique), possède des propriétés bactériostatiques et permet de stabiliser le pH cutané (Bouwstra et al. 2000). La peau est donc un organe capable de limiter la prolifération bactérienne et les pertes hydriques. Cependant, elle possède aussi tous les éléments nécessaires pour initier et amplifier une véritable réponse immunitaire. B. Système immunitaire cutané En plus d’avoir un mode de défense passif par renouvellement constant, la peau possède un système immunitaire propre qui permet l’initiation des réponses immunitaires. 1) Les cellules présentatrices d’antigènes (CPA) Les premières cellules capables de capter les antigènes et de les présenter aux lymphocytes Th sont les cellules de Langerhans et les cellules épidermiques dendritiques inflammatoires (IDEC). Les cellules de Langerhans sont reconnaissables en microscopie électronique grâce aux granules de Birbeck (granules en forme de raquette). Ces cellules migrent par voie lymphatique pour présenter l’antigène dans les ganglions. Les cellules de Langerhans sont CD1a+/CD207+, les cellules épidermiques inflammatoires, elles, sont caractérisées par la présence du récepteur au mannose (CD206+) et sont ainsi capables d’endocytose de composants bactériens (Wollenberg et al. 1996). Comme nous l’avons vu, les kératinocytes sont capables, eux aussi, d’exprimer le complexe majeur d’histocompatibilité de classe II et ainsi de se comporter comme une cellule présentatrice d’antigène dans un contexte inflammatoire. 19 2) Les lymphocytes Les lymphocytes T sont issus du thymus, ils migrent, après sélection positive et négative, dans les tissus périphériques. Au niveau cutané, on retrouve les lymphocytes épithéliotropes, les lymphocytes T CD4+ (ou lymphocytes Th) qui reconnaissent le CMH de classe II par l’intermédiaire de leur TCR. Une fois activés, ils orientent la réaction immunitaire vers une immunité à médiation cellulaire ou humorale. (Figure 2) Les lymphocytes B, originaires de la moelle osseuse, sont très peu présents dans le derme non inflammatoire, mais se retrouvent au niveau des ganglions drainants. 3) Les granulocytes Ils sont en nombre restreint dans une peau saine. Les granulocytes éosinophiles ont pour rôle principal la lutte contre les parasites. Cependant ils sont capables, même si ce n’est pas leur fonction la plus importante, d’endocytose comme les granulocytes neutrophiles (Roitt et al. 1994). Ces derniers jouent un rôle non négligeable lors d’infection bactérienne et constituent la majeure partie du pus. Les granulocytes basophiles présentent des similitudes avec les mastocytes : si le deuxième est tissulaire et se retrouve dans le derme, ils possèdent tous deux des récepteurs appelés FcεR et contiennent les mêmes médiateurs dans leurs vésicules comme : l’histamine, la sérotonine, l’héparine, des protéines neutres comme la tryptase et la chymase, et des chondroïtines sulfates (Roitt et al. 1984). 20 Th0 IL-12 IL-4 IL-10 IL-13 IL-4, IL-6 Th1 Th2 IL-4 IL-10 IL-13 INFγ IL-2 IL-4 IL-3 IL-4 IL-10 IL-5 IL-13 LB CPA IgG IgE Mastocyte Macrophage CPA : Cellule présentatrice d’antigène IL : Interleukine LB : Lymphocyte B Th : Lymphocyte T helper Eosinophile Ig : Immunoglobuline Figure 2 : Le paradigme Th1 / Th2 (Prélaud, 1999). Ce schéma présente de manière simplifiée le devenir possible des lymphocytes T helper, les différentes cytokines sécrétées selon les cas et l’action des différents sous-types Th sur le système immunitaire. Par souci de simplification, les boucles de régulation et l’action des CPA n’ont pas été incluses dans ce schéma. Nous venons de voir que la peau de Mammifère possède de nombreux éléments lui permettant de se défendre contre la pénétration d’allergènes cutanés. Cependant, dans le cas de la dermatite atopique par exemple, ou encore des allergies de contact, on observe une réponse immunitaire inappropriée suite à un contact avec un allergène déclenchant ainsi la maladie. Il s’agit d’une des rares maladies (avec quelques autres maladies allergiques comme l’asthme, la dermatite de contact et la rhinite allergique) dans lesquelles la pathogénie repose sur la réaction immunitaire qui survient suite à la présence d’une protéine exogène à la surface de la peau ou d’une muqueuse. Nous allons détailler dans cette deuxième partie, la physiopathologie de la dermatite atopique. 21