© Futuribles, « Produire et consommer à l’ère de la transition écologique », mai 2014
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Futuribles International
Produire et consommer à l’ère de la transition écologique
Disponibilité des ressources naturelles : état des lieux mondial
1. Généralités : la question des limites .................................................................................................2
2. La disponibilité des ressources naturelles : une approche globale ...................................................5
a. Croissance de la consommation mondiale de ressources .............................................................5
b. Croissance économique et croissance de la consommation matérielle : vers un découplage ? ...7
· Le découplage absolu est-il inscrit dans les trajectoires de développement ?..........................8
· Le recyclage peut-il permettre le découplage absolu entre croissance économique et
croissance de la consommation matérielle ? ..................................................................................10
· Les prix et le progrès technique peuvent-ils permettre d’accroître les ressources
disponibles ? ...................................................................................................................................11
c. Scénarios.....................................................................................................................................14
3. La disponibilité des ressources : une approche (partielle) par ressource .......................................19
a. Terres arables..............................................................................................................................21
b. Poissons ....................................................................................................................................21
c. Carburants fossiles......................................................................................................................21
d. Minéraux industriels et de construction .....................................................................................23
e. Métaux........................................................................................................................................24
4. Les pollutions et limites systémiques.............................................................................................26
a. Qualité de l’air et climat .............................................................................................................29
b. Qualité de l’eau...........................................................................................................................30
c. La surface et la qualité des sols ..................................................................................................31
d. Biodiversité.................................................................................................................................32
Conclusion..............................................................................................................................................33
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Introduction
La croissance économique telle qu’elle est aujourd’hui mesurée par le PIB (produit intérieur
brut) 1 a des traductions physiques : des ponctions croissantes des ressources naturelles et une
modification artificielle de l’écosystème provoquée par des pollutions, notamment dues à
l’utilisation des énergies fossiles.
Aussi, deux types de risques menacent-ils directement la pérennité de notre mode de
développement actuel : la disparition ou la raréfaction des ressources naturelles et la
dégradation de notre environnement (et donc de notre qualité de vie). Ces deux risques sont
liés puisque les pollutions entraînent des modifications de l’écosystème qui ont des
conséquences sur les ressources (l’eutrophisation entraîne une réduction du stock de poissons,
le changement climatique joue sur les ressources en eau, etc.) : ces risques se combinent pour
en créer un troisième que l’on peut qualifier de systémique.
Cet état des lieux a pour objectif d’établir une courte synthèse concernant ces trois risques qui
pèsent sur nos modes de développement. Des renvois aux principaux travaux sur le sujet
doivent permettre d’approfondir le diagnostic 2.
1. Introduction : la question des limites
Les travaux du Club de Rome publiés en 1972 sous le titre The Limits to Growth partaient du
constat qu’une ponction croissante de ressources physiques dans un monde de ressources
finies aboutissait nécessairement à une limite. Plus la ponction est importante et plus les
limites sont atteintes rapidement. Si la croissance est exponentielle, les limites sont atteintes
très rapidement.
Dans le cas des ressources non renouvelables, la limite est celle du stock (de pétrole, de
charbon, etc.) ; pour les ressources dites renouvelables, les limites sont dépassées quand les
prélèvements sont supérieurs au potentiel de reconstitution des stocks. Il est donc possible de
dépasser les limites sans s’en apercevoir immédiatement. Les auteurs de The Limits to Growth
ont d’ailleurs publié une mise à jour de leurs travaux en 1992 intitulée Beyonds the Limits.
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1 Cette croissance économique équivaut à la croissance de la production qui correspond grosso modo à la
croissance démographique et à la croissance de la consommation par personne (auxquels il faudrait ajouter le
gaspillage).
2Renvois aux sources en notes de bas de page de ce document et mise à disposition d’un dossier documentaire
sur la page résere à cette étude : http://www.futuribles.com/fr/groupes/produire-et-consommer-en-france-en-
2030/
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Le principe mathématique de l’impossibilité d’une croissance continuelle de la consommation
de ressources naturelles finies ne nous renseigne pas sur les échéances d’épuisement des
stocks. Deux phénomènes permettent de repousser les échéances : une meilleure productivité
de l’utilisation des ressources (ce qui équivaut à une baisse de l’intensité matérielle) et le
recyclage (qui équivaut à troquer une économie linéaire pour une économie circulaire).
Cependant, ces deux leviers permettent de réduire la consommation de ressources naturelles,
mais ne l’éliminent pas. Ils permettent de repousser les échéances, pas de les supprimer,
comme nous allons le voir (partie 1).
Cette approche par les flux physiques peut être remise en cause par une approche économiste.
En effet, plus une ressource est rare, plus elle devient chère3 ce qui entraîne deux
conséquences majeures : le progrès technique qui permet des gains d’efficacité dans
l’utilisation de la ressource (on construit aujourd’hui des automobiles diesel qui consomment
environ 6 litres pour 100 km contre près de 9 litres pour les véhicules essence dans les années
1980 4) et l’apparition de ressources de substitution. Cette approche semble être corroborée
par les récents développements intervenus dans le domaine de l’énergie avec l’exploitation du
gaz de schiste aux États-Unis, comme nous le verrons plus loin. Néanmoins, l’observation des
rendements énergétiques conduit à constater une « loi des rendements décroissants » le
taux de rendement énergétique (ou EROEI, Energy return On Energy Invested) décroît
progressivement.
Les externalités, et notamment les pollutions générées par l’exploitation toujours plus
intensive des ressources naturelles, apportent une autre limite, systémique, à l’exploitation des
ressources naturelles. C’est aujourd’hui celle qui semble la plus contraignante, notamment à
travers le changement climatique, comme nous le verrons dans la partie 2. Or, elle est très
imparfaitement prise en compte dans notre fonctionnement économique actuel, qui n’accorde
pas de valeur monétaire aux ressources naturelles menacées (climat par exemple).
Travaillant sur les pressions exercées par l’Homme sur le « Système Terre », Johan
Rockström, Will Steffen et 26 chercheurs ont identifié pour leur part neuf frontières
planétaires (Planetary Boundaries) à ne pas dépasser si l’humanité veut pouvoir se développer
dans un écosystème sûr, c’est-à-dire évitant les modifications brutales et difficilement
prévisibles de l’environnement. Publiés en 2009, leurs travaux les amènent à considérer que
les seuils sont dépassés pour 3 des 7 frontières pour lesquelles ils proposent des valeurs
limites5. Ces travaux mettent l’accent sur la dimension systémique inhérente à toute réflexion
sur la disponibilité des ressources (la désertification entraînée par le changement climatique
peut, par exemple, se traduire par des pertes importantes de terres fertiles ; la déforestation en
Amazonie peut changer le régime des pluies en Asie, etc.). Ces effets systémiques peuvent se
décliner aux échelles régionales et mondiales.
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3 Si l’on pousse ce raisonnement à l’extrême, on pourrait en conclure qu’aucune ressource ne parviendra à
épuisement, de me que la flèche de Zénon d’Elée ne parvient jamais à atteindre sa cible (car l’on peut à
chaque instant diviser par deux la distance qui sépare la flèche de la cible).
4 http://www.connaissancedesenergies.org/fiche-pedagogique/efficacite-energetique-et-transports
5 ROCKSTROM Johan (et alii). « Planetary Boundaries :Exploring the Safe Operating Space for Humanity »,
Ecology and Society 14, 2009.
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Source : ROCKSTROM Johan (et alii). « Planetary Boundaries: Exploring the Safe Operating Space
for Humanity », Ecology and Society 14, 2009.
Certains indicateurs synthétiques ont pu être construits pour tenter d’analyser de façon globale
l’empreinte écologique de l’humanité et la comparer à la « capacité de charge » de la planète.
Le plus connu de ces indicateurs est celui du Global FootPrint Network (voir encadré).
L’utilisation d’un tel indicateur composite pose de grandes difficultés méthodologiques qui
nous conduisent à ne l’utiliser qu’avec prudence (voir encadré).
L’empreinte écologique
Cet indicateur synthétique estime « la quantité de capacité régénérative de la biosphère nécessaire au
fonctionnement de l’écosystème ». En d’autres termes, elle désigne « l’espace utilisé par les hommes pour
produire les ressources et les déchets qu’ils emploient et rejettent ». Elle est mise en parallèle avec la capacité
écologique de la planète (la biocapacité), qui représente le « revenu » écologique dont dispose l’humanité.
D’après ces indicateurs, l’humanité serait en « déficit écologique », car son empreinte écologique, donc sa
consommation de ressources et leurs externalités, dépassent les limites de la planète. En effet, alors que la
biocapacité disponible par personne et par an représentait 1,8 hectare global en 2006 6, la même année, la
consommation moyenne d’un humain représentait 2,6 hectares globaux. En 2006, la consommation a donc
passé les capacités de la planète de 40 %, ce qui signifie qu’1,4 planète aurait é nécessaire pour satisfaire les
besoins mondiaux sans surexploiter les milieux.
L’empreinte écologique est cependant critiquée car elle serait trop réductrice et simplificatrice, à la fois dans les
indicateurs de consommation et d’impacts qu’elle prend en compte, et dans son estimation de la biocapacité. En
effet, elle ne prend pas en compte un certain nombre de matériaux dont la consommation a pourtant un impact
lourd sur les écosystèmes (plutonium, métaux lourds, dioxines, chlorofluorocarbones, etc.). Par ailleurs, elle est
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6 Un hectare global représente un hectare de bioproductivité moyenne sur Terre une année donnée.
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calculée à partir d’indicateurs hétérogènes et part du principe que toutes les biocapacités de la planète sont
disponibles pour satisfaire les besoins humains, sans prendre en compte leur dégradation, leur surexploitation ou
leur besoin de régénération.
Sources : PAUL PIGUET Frédéric, BLANC Isabelle, CORBIÈRE-NICOLLIER Tourane, ERKMAN Suren, « L’empreinte
écologique, un indicateur ambigu », Futuribles, 334, octobre 2007. URL :
http://www.futuribles.com/fr/base/revue/334/lempreinte-ecologique-un-indicateur-ambigu/ ; Boutaud Aurélien, Gondran
Natacha, L’Empreinte écologique, Paris : La Découverte (Repères), 2009, 128 p.
2. La disponibilité des ressources naturelles : une approche globale
a. Croissance de la consommation mondiale de ressources
Entre 1980 et 2007, selon l’OCDE (Organisation de coopération et de développement
économiques), le volume total de ressources matérielles extraites ou récoltées dans le monde a
augmenté de 65 %, pour atteindre 60 milliards de tonnes 7. Ce volume a été multiplié par huit
en un siècle. D’ici 2030, si la croissance actuelle de la consommation se poursuit, il pourrait
atteindre 100 milliards de tonnes.
Les chiffres donnés par le SERI (Sustainable European Research Institute)8 sont dans les
mêmes ordres de grandeur. Selon cet institut, l’extraction mondiale de matières premières a
augmenté de 79 % entre 1980 et 2008 9. Le total atteindrait quasiment 70 milliards de tonnes
en 2008. Le scénario tendanciel du SERI table lui aussi sur une consommation de 100
milliards de tonnes à l’horizon 2030.
Matériaux extraits et matériaux utilisés
Sur les 60 milliards de tonnes de matières extraites en 2007, 40 milliards de tonnes n’ont pas été utilies, si l’on
prend les chiffres de l’OCDE. Ces extractions (inférieures) inutilisées correspondent par exemple aux morts-
terrains (couches de matières à extraire dans une exploitation minière avant d’atteindre le minerai recherché),
aux résidus de récolte et aux captures accessoires du secteur de la pêche. Ces matières représentent 70 % du
volume total de matières extraites dans le cadre de l’exploitation d’énergies fossiles, et environ la moitié pour les
métaux et minéraux industriels. Cependant, l’amélioration des procédés d’extraction et de production permet de
réduire progressivement la part de ces matières inutilisées.
Au-delà des chiffres globaux, quelle est la part des différentes catégories de ressources dans
ces consommations ?
On distingue généralement quatre catégories de ressources matérielles : la biomasse
(alimentation et bois), qui correspond aux ressources renouvelables, les combustibles fossiles,
les métaux et les minéraux (industriels et de construction), qui sont des ressources non
renouvelables.
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7 OCDE, Productivité des ressources dans les pays du G8 et de l’OCDE, Paris : OCDE, 2011.
8 Le SERI est un think tank européen reconnu sur les questions de développement durable.
9 SERI, base de données sur les flux de matières, www.materialflows.net
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