Disponibilité des ressources mondiales 270813 REVU

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Futuribles International
Produire et consommer à l’ère de la transition écologique
Disponibilité des ressources naturelles : état des lieux mondial
1.
Généralités : la question des limites .................................................................................................2
2.
La disponibilité des ressources naturelles : une approche globale ...................................................5
a.
Croissance de la consommation mondiale de ressources .............................................................5
b.
Croissance économique et croissance de la consommation matérielle : vers un découplage ? ...7
·
Le découplage absolu est-il inscrit dans les trajectoires de développement ?..........................8
·
Le recyclage peut-il permettre le découplage absolu entre croissance économique et
croissance de la consommation matérielle ? ..................................................................................10
·
Les prix et le progrès technique peuvent-ils permettre d’accroître les ressources
disponibles ? ...................................................................................................................................11
c.
3.
Scénarios.....................................................................................................................................14
La disponibilité des ressources : une approche (partielle) par ressource .......................................19
a.
Terres arables..............................................................................................................................21
b.
Poissons ....................................................................................................................................21
c.
Carburants fossiles......................................................................................................................21
d.
Minéraux industriels et de construction .....................................................................................23
e.
Métaux........................................................................................................................................24
4.
Les pollutions et limites systémiques .............................................................................................26
a.
Qualité de l’air et climat .............................................................................................................29
b.
Qualité de l’eau...........................................................................................................................30
c.
La surface et la qualité des sols ..................................................................................................31
d.
Biodiversité.................................................................................................................................32
Conclusion..............................................................................................................................................33
© Futuribles, « Produire et consommer à l’ère de la transition écologique », mai 2014
1
Introduction
La croissance économique telle qu’elle est aujourd’hui mesurée par le PIB (produit intérieur
brut) 1 a des traductions physiques : des ponctions croissantes des ressources naturelles et une
modification artificielle de l’écosystème provoquée par des pollutions, notamment dues à
l’utilisation des énergies fossiles.
Aussi, deux types de risques menacent-ils directement la pérennité de notre mode de
développement actuel : la disparition ou la raréfaction des ressources naturelles et la
dégradation de notre environnement (et donc de notre qualité de vie). Ces deux risques sont
liés puisque les pollutions entraînent des modifications de l’écosystème qui ont des
conséquences sur les ressources (l’eutrophisation entraîne une réduction du stock de poissons,
le changement climatique joue sur les ressources en eau, etc.) : ces risques se combinent pour
en créer un troisième que l’on peut qualifier de systémique.
Cet état des lieux a pour objectif d’établir une courte synthèse concernant ces trois risques qui
pèsent sur nos modes de développement. Des renvois aux principaux travaux sur le sujet
doivent permettre d’approfondir le diagnostic 2.
1. Introduction : la question des limites
Les travaux du Club de Rome publiés en 1972 sous le titre The Limits to Growth partaient du
constat qu’une ponction croissante de ressources physiques dans un monde de ressources
finies aboutissait nécessairement à une limite. Plus la ponction est importante et plus les
limites sont atteintes rapidement. Si la croissance est exponentielle, les limites sont atteintes
très rapidement.
Dans le cas des ressources non renouvelables, la limite est celle du stock (de pétrole, de
charbon, etc.) ; pour les ressources dites renouvelables, les limites sont dépassées quand les
prélèvements sont supérieurs au potentiel de reconstitution des stocks. Il est donc possible de
dépasser les limites sans s’en apercevoir immédiatement. Les auteurs de The Limits to Growth
ont d’ailleurs publié une mise à jour de leurs travaux en 1992 intitulée Beyonds the Limits.
1
Cette croissance économique équivaut à la croissance de la production qui correspond grosso modo à la
croissance démographique et à la croissance de la consommation par personne (auxquels il faudrait ajouter le
gaspillage).
2
Renvois aux sources en notes de bas de page de ce document et mise à disposition d’un dossier documentaire
sur la page réservée à cette étude : http://www.futuribles.com/fr/groupes/produire-et-consommer-en-france-en2030/
© Futuribles, « Produire et consommer à l’ère de la transition écologique », mai 2014
2
Le principe mathématique de l’impossibilité d’une croissance continuelle de la consommation
de ressources naturelles finies ne nous renseigne pas sur les échéances d’épuisement des
stocks. Deux phénomènes permettent de repousser les échéances : une meilleure productivité
de l’utilisation des ressources (ce qui équivaut à une baisse de l’intensité matérielle) et le
recyclage (qui équivaut à troquer une économie linéaire pour une économie circulaire).
Cependant, ces deux leviers permettent de réduire la consommation de ressources naturelles,
mais ne l’éliminent pas. Ils permettent de repousser les échéances, pas de les supprimer,
comme nous allons le voir (partie 1).
Cette approche par les flux physiques peut être remise en cause par une approche économiste.
En effet, plus une ressource est rare, plus elle devient chère3 ce qui entraîne deux
conséquences majeures : le progrès technique qui permet des gains d’efficacité dans
l’utilisation de la ressource (on construit aujourd’hui des automobiles diesel qui consomment
environ 6 litres pour 100 km contre près de 9 litres pour les véhicules essence dans les années
1980 4) et l’apparition de ressources de substitution. Cette approche semble être corroborée
par les récents développements intervenus dans le domaine de l’énergie avec l’exploitation du
gaz de schiste aux États-Unis, comme nous le verrons plus loin. Néanmoins, l’observation des
rendements énergétiques conduit à constater une « loi des rendements décroissants » où le
taux de rendement énergétique (ou EROEI, Energy return On Energy Invested) décroît
progressivement.
Les externalités, et notamment les pollutions générées par l’exploitation toujours plus
intensive des ressources naturelles, apportent une autre limite, systémique, à l’exploitation des
ressources naturelles. C’est aujourd’hui celle qui semble la plus contraignante, notamment à
travers le changement climatique, comme nous le verrons dans la partie 2. Or, elle est très
imparfaitement prise en compte dans notre fonctionnement économique actuel, qui n’accorde
pas de valeur monétaire aux ressources naturelles menacées (climat par exemple).
Travaillant sur les pressions exercées par l’Homme sur le « Système Terre », Johan
Rockström, Will Steffen et 26 chercheurs ont identifié pour leur part neuf frontières
planétaires (Planetary Boundaries) à ne pas dépasser si l’humanité veut pouvoir se développer
dans un écosystème sûr, c’est-à-dire évitant les modifications brutales et difficilement
prévisibles de l’environnement. Publiés en 2009, leurs travaux les amènent à considérer que
les seuils sont dépassés pour 3 des 7 frontières pour lesquelles ils proposent des valeurs
limites5. Ces travaux mettent l’accent sur la dimension systémique inhérente à toute réflexion
sur la disponibilité des ressources (la désertification entraînée par le changement climatique
peut, par exemple, se traduire par des pertes importantes de terres fertiles ; la déforestation en
Amazonie peut changer le régime des pluies en Asie, etc.). Ces effets systémiques peuvent se
décliner aux échelles régionales et mondiales.
3
Si l’on pousse ce raisonnement à l’extrême, on pourrait en conclure qu’aucune ressource ne parviendra à
épuisement, de même que la flèche de Zénon d’Elée ne parvient jamais à atteindre sa cible (car l’on peut à
chaque instant diviser par deux la distance qui sépare la flèche de la cible).
4
http://www.connaissancedesenergies.org/fiche-pedagogique/efficacite-energetique-et-transports
5
ROCKSTROM Johan (et alii). « Planetary Boundaries :Exploring the Safe Operating Space for Humanity »,
Ecology and Society 14, 2009.
© Futuribles, « Produire et consommer à l’ère de la transition écologique », mai 2014
3
Source : ROCKSTROM Johan (et alii). « Planetary Boundaries: Exploring the Safe Operating Space
for Humanity », Ecology and Society 14, 2009.
Certains indicateurs synthétiques ont pu être construits pour tenter d’analyser de façon globale
l’empreinte écologique de l’humanité et la comparer à la « capacité de charge » de la planète.
Le plus connu de ces indicateurs est celui du Global FootPrint Network (voir encadré).
L’utilisation d’un tel indicateur composite pose de grandes difficultés méthodologiques qui
nous conduisent à ne l’utiliser qu’avec prudence (voir encadré).
L’empreinte écologique
Cet indicateur synthétique estime « la quantité de capacité régénérative de la biosphère nécessaire au
fonctionnement de l’écosystème ». En d’autres termes, elle désigne « l’espace utilisé par les hommes pour
produire les ressources et les déchets qu’ils emploient et rejettent ». Elle est mise en parallèle avec la capacité
écologique de la planète (la biocapacité), qui représente le « revenu » écologique dont dispose l’humanité.
D’après ces indicateurs, l’humanité serait en « déficit écologique », car son empreinte écologique, donc sa
consommation de ressources et leurs externalités, dépassent les limites de la planète. En effet, alors que la
biocapacité disponible par personne et par an représentait 1,8 hectare global en 2006 6, la même année, la
consommation moyenne d’un humain représentait 2,6 hectares globaux. En 2006, la consommation a donc
dépassé les capacités de la planète de 40 %, ce qui signifie qu’1,4 planète aurait été nécessaire pour satisfaire les
besoins mondiaux sans surexploiter les milieux.
L’empreinte écologique est cependant critiquée car elle serait trop réductrice et simplificatrice, à la fois dans les
indicateurs de consommation et d’impacts qu’elle prend en compte, et dans son estimation de la biocapacité. En
effet, elle ne prend pas en compte un certain nombre de matériaux dont la consommation a pourtant un impact
lourd sur les écosystèmes (plutonium, métaux lourds, dioxines, chlorofluorocarbones, etc.). Par ailleurs, elle est
6
Un hectare global représente un hectare de bioproductivité moyenne sur Terre une année donnée.
© Futuribles, « Produire et consommer à l’ère de la transition écologique », mai 2014
4
calculée à partir d’indicateurs hétérogènes et part du principe que toutes les biocapacités de la planète sont
disponibles pour satisfaire les besoins humains, sans prendre en compte leur dégradation, leur surexploitation ou
leur besoin de régénération.
Sources : PAUL PIGUET Frédéric, BLANC Isabelle, CORBIÈRE-NICOLLIER Tourane, ERKMAN Suren, « L’empreinte
écologique,
un
indicateur
ambigu »,
Futuribles,
n°
334,
octobre
2007.
URL :
http://www.futuribles.com/fr/base/revue/334/lempreinte-ecologique-un-indicateur-ambigu/ ; Boutaud Aurélien, Gondran
Natacha, L’Empreinte écologique, Paris : La Découverte (Repères), 2009, 128 p.
2. La disponibilité des ressources naturelles : une approche globale
a. Croissance de la consommation mondiale de ressources
Entre 1980 et 2007, selon l’OCDE (Organisation de coopération et de développement
économiques), le volume total de ressources matérielles extraites ou récoltées dans le monde a
augmenté de 65 %, pour atteindre 60 milliards de tonnes 7. Ce volume a été multiplié par huit
en un siècle. D’ici 2030, si la croissance actuelle de la consommation se poursuit, il pourrait
atteindre 100 milliards de tonnes.
Les chiffres donnés par le SERI (Sustainable European Research Institute)8 sont dans les
mêmes ordres de grandeur. Selon cet institut, l’extraction mondiale de matières premières a
augmenté de 79 % entre 1980 et 2008 9. Le total atteindrait quasiment 70 milliards de tonnes
en 2008. Le scénario tendanciel du SERI table lui aussi sur une consommation de 100
milliards de tonnes à l’horizon 2030.
Matériaux extraits et matériaux utilisés
Sur les 60 milliards de tonnes de matières extraites en 2007, 40 milliards de tonnes n’ont pas été utilisées, si l’on
prend les chiffres de l’OCDE. Ces extractions (inférieures) inutilisées correspondent par exemple aux mortsterrains (couches de matières à extraire dans une exploitation minière avant d’atteindre le minerai recherché),
aux résidus de récolte et aux captures accessoires du secteur de la pêche. Ces matières représentent 70 % du
volume total de matières extraites dans le cadre de l’exploitation d’énergies fossiles, et environ la moitié pour les
métaux et minéraux industriels. Cependant, l’amélioration des procédés d’extraction et de production permet de
réduire progressivement la part de ces matières inutilisées.
Au-delà des chiffres globaux, quelle est la part des différentes catégories de ressources dans
ces consommations ?
On distingue généralement quatre catégories de ressources matérielles : la biomasse
(alimentation et bois), qui correspond aux ressources renouvelables, les combustibles fossiles,
les métaux et les minéraux (industriels et de construction), qui sont des ressources non
renouvelables.
7
OCDE, Productivité des ressources dans les pays du G8 et de l’OCDE, Paris : OCDE, 2011.
Le SERI est un think tank européen reconnu sur les questions de développement durable.
9
SERI, base de données sur les flux de matières, www.materialflows.net
8
© Futuribles, « Produire et consommer à l’ère de la transition écologique », mai 2014
5
La biomasse représente toujours la grande majorité des ressources extraites dans le monde,
avec environ 30-35 % du total, mais cette proportion a été presque divisée par deux en 30 ans.
Parallèlement, la part des ressources non renouvelables a explosé : selon les chiffres du SERI,
la hausse a atteint 133 % pour les minéraux industriels et de construction, contre 35 % pour la
biomasse. La part des ressources renouvelables ne cesse de diminuer, puisqu’elle est
passée de 36 % du total en 1980 à 28 % en 2008, toujours selon les chiffres du SERI.
Source : OCDE, Productivité des ressources dans les pays du G8 et de l’OCDE, 2008.
© Futuribles, « Produire et consommer à l’ère de la transition écologique », mai 2014
6
Source : SERI, 2012.
b. Croissance économique et croissance de la consommation
matérielle : vers un découplage ?
Note : GDP (PP $ 2005) = PIB (en parité de pouvoir d’achat, exprimé en dollars de 2005)
Source : SERI, 2012.
© Futuribles, « Produire et consommer à l’ère de la transition écologique », mai 2014
7
Entre 1980 et 2008, le PIB mondial (en prix constants) a augmenté de 147 %, alors que la
population mondiale a crû d’environ 50 %, et la consommation de ressources, de 79 % selon
le SERI 10. Un découplage relatif entre la croissance économique et l’extraction de matières
s’observe donc, qui s’explique notamment par une hausse de la productivité matérielle
(volume de richesse produit par unité de matière consommée) de 37 % et une baisse de
l’intensité matérielle (consommation de matières nécessaire à la production d’une unité de
richesse) d’environ un tiers en 30 ans. En 2008, le monde avait besoin de 20 % de
ressources de moins qu’en 1980 pour produire la même quantité de richesses. Cependant,
aucun découplage absolu ne s’observe pour l’instant, ce qui explique que l’extraction totale de
matières continue d’augmenter, les efforts accomplis étant compensés par la poursuite de la
croissance économique.
Développement et structure de la consommation de matière
Les évolutions de la composition de la consommation matérielle mentionnée plus haut (baisse de la part des
ressources renouvelables, croissance de la part des non renouvelables) sont liées au processus de développement.
À mesure qu’un pays se développe, ses habitants ont tendance à accroître leur consommation de carburants
fossiles, et de minéraux industriels et de construction, alors que la consommation de biomasse augmente
beaucoup moins (saturation des besoins alimentaires et substitution des sources d’énergie biomasse par des
énergies fossiles).
Pour envisager l’avenir des courbes présentées ci-dessus, il convient donc de s’interroger sur
les évolutions démographiques, sur les perspectives économiques et sur la possibilité et
l’intensité d’un découplage entre croissance économique et consommation de ressources
matérielles.
• Le découplage absolu est-il inscrit dans les trajectoires de développement ?
Pour évaluer l’ampleur du découplage et le relier au mode de développement d’un pays, il
faut pouvoir estimer la consommation matérielle nécessaire au fonctionnement économique
du pays. Des indicateurs ont été développés qui permettent, en théorie, d’évaluer ces
consommations.
Ainsi, l’indicateur le plus couramment utilisé pour estimer l’évolution de la consommation de
ressources dans les pays développés est le DMC (Domestic Material Consumption), qui prend
en compte l’ensemble des extractions nationales ainsi que les importations, et soustrait les
exportations11. En se basant sur cet indicateur, un certain nombre d’analyses affirment que
l’on assiste depuis quelques années à un découplage absolu : depuis 30 ans (et surtout depuis
2000), dans la plupart des pays développés, alors que le PIB a continué à croître, la
consommation de matières par habitant aurait diminué ou serait restée stable12. Selon les
10
SERI (Sustainable Europe Research Institute), Green Economies around the world, Implications of resource
use for development and the environment, Vienne : SERI, 2012.
11
Une description plus précise des indicateurs est fournie en annexe.
12
Au sein des pays de l’OCDE, le DMC par habitant s’est stabilisé autour de 19 tonnes par an. Cela signifie
qu’un habitant de ces pays consomme en moyenne 50 kilogrammes (kg) de matières par jour, dont 10 kg de
biomasse, 20 kg de minéraux de construction et 15 kg de combustibles fossiles.
© Futuribles, « Produire et consommer à l’ère de la transition écologique », mai 2014
8
experts de l’OCDE, cette stabilisation du volume de consommation observée depuis quelques
années signifie qu’il existe probablement « un seuil de revenu (autour de 25 000 dollars US
par an) au-delà duquel la consommation matérielle par habitant cesse d’augmenter, voire
diminue, à condition que des politiques idoines soient mises en place ». En réalité, cette
analyse doit être remise en cause. L’indicateur est en effet impropre pour en tirer ces
conclusions, puisqu’il ne prend pas en compte les matières qui ont été nécessaires à la
fabrication des biens importés, mais uniquement le poids de l’objet importé. Au vu de cet
indicateur, toute externalisation de la production se traduit donc par une baisse de la
consommation matérielle.
Pour véritablement savoir, grâce à des indicateurs synthétiques, si certains pays ont pu
atteindre un découplage absolu, il faudrait disposer de données fiables concernant les flux
indirects (ou cachés) de matières liés notamment aux combustibles fossiles et aux métaux. Le
TMC (Total Material Consumption) ou le TMR (Total Material Requirement), qui prennent
en compte tous ces flux, sont bien plus délicats à calculer et donneraient aujourd’hui des
résultats assez différents (selon certaines estimations, le TMC par habitant atteindrait 45
tonnes par an dans l’UE-15, soit deux fois plus que le DMC) 13. Deux limites importantes à
ces indicateurs sont là encore à souligner :
‐
Le peu de données fiables sur les analyses de cycle de vie des biens et services
empêchent aujourd’hui de disposer de chiffres globaux fiables sur ces indicateurs
synthétiques.
‐
La TMC ou la TMR négligent l'impact du recyclage national (estimé par l’indicateur
Domestic Recycling). De fait, on risque d'interpréter comme structurants des
phénomènes purement transitoires liés à l'évolution momentanée des politiques de
recyclage, qui peuvent modifier des courbes de TMC sur plusieurs années d'affilée,
voire une ou deux décennies, mais sans espoir de pérennité puisque le recyclage ne fait
que repousser les échéances (voir le point suivant). Certaines analyses concluant au
découplage absolu pour tel ou tel matériau sont simplement l'effet en trompe-l'œil de
ce genre de phénomènes, intrinsèquement provisoire (par exemple, le plomb dans les
années 1980).
Aujourd’hui, il semble impossible de prouver de façon rigoureuse avec les indicateurs et les
données dont nous disposons qu’un pays a pu connaître un découplage absolu entre croissance
économique et consommation matérielle. Ceci ne revient pas à dire que ce découplage est
impossible.
13
Eco-innovation observatory, 2010. URL :
http://www.eco-innovation.eu/index.php?option=com_content&view=article&id=200
© Futuribles, « Produire et consommer à l’ère de la transition écologique », mai 2014
9
Le recyclage peut-il permettre le découplage absolu entre croissance économique
et croissance de la consommation matérielle ?
Le recyclage est la solution la plus évidente qui peut permettre de limiter la consommation de
ressources naturelles vierges. Son développement peut permettre de nourrir une économie
circulaire qui réinjecte ses déchets dans le cycle économique. Intuitivement, son potentiel est
donc important.
•
Le recyclage comporte néanmoins certaines limites :
‐
‐
‐
Il est d’autant plus difficile que les matériaux utilisés sont en petite quantités et donc
difficiles à trier 14. Le tri peut en effet demander une énergie telle que le bilan global
de l’opération n’est pas nécessairement positif. Or, plus les produits sont élaborés et
plus ils sont composites. Selon le PNUE, 36 des 60 métaux les plus utilisés par
l’économie présentent des taux de recyclage inférieurs à 10 %. Les taux de recyclage
pour des métaux comme l’indium, le tantalum, le gallium, les terres rares sont
inférieurs à 1% 15.
Le recyclage n’est pas infini, car les matériaux s’érodent et que cette dispersion de
matière est (actuellement) irrémédiable.
Dans une économie en croissance, le recyclage ne fait que décaler dans le temps la
consommation de ressources. Or, comme le montre François Grosse, pour les matières
dont le taux de consommation croît à un taux supérieur à 1%, le décalage dans le
temps est très faible et les échéances de pénurie repoussées de quelques années
seulement (voir graphique).
14
C’est pourquoi les démarches d’éco-conception s’attachent à prendre en compte la fin de vie dans la
conception initiale du produit.
15
BLOODWORTH Andrew, GUNN Gus, « The future of the global minerals and metals sector: issues and
challenges out of 2050 », Géosciences, n°15, juin 2012.
© Futuribles, « Produire et consommer à l’ère de la transition écologique », mai 2014
10
Le recyclage ne permet donc qu’un report très temporaire et marginal des échéances
d’épuisement des ressources. Ainsi, la totalité de l’acier recyclé au cours du XXe siècle n’a
permis qu’une baisse de 5,3% de l’extraction totale d’acier au cours des deux siècles passés.
Seul un découplage absolu entre la consommation de matières et la croissance économique
permettrait au recyclage d’avoir un impact significatif sur les prélèvements de ressources.
•
Les prix et le progrès technique peuvent-ils permettre d’accroître les ressources
disponibles ?
L’existence d’une demande soutenue pour une ressource en déclin entraîne normalement une
hausse des prix qui rend rentable l’exploitation de nouveaux gisements ou de nouvelles
ressources équivalentes (substitution). Le progrès technique, souvent lui-même engendré par
une hausse des prix, peut également entraîner une croissance des réserves en rendant
exploitables des ressources qui ne l’étaient pas dans les conditions techniques antérieures.
Récemment, l’exploitation du gaz de schiste a ainsi été rendue possible par la mise au point
d’une nouvelle technique d’exploitation. Ce progrès technique a accru les réserves prouvées
de combustibles fossiles aux États-Unis.
© Futuribles, « Produire et consommer à l’ère de la transition écologique », mai 2014
11
© Futuribles, « Produire et consommer à l’ère de la transition écologique », mai 2014
12
Cette extension des réserves prouvées peut être imputée à l’augmentation des prix de la
ressource (voir figure ci-dessus) et à la disponibilité à un coût abordable de la technique de
fracturation.
Cette approche confiante dans les vertus des prix et de la technologie (« économie de la
rareté ») se fonde sur l’idée que le phénomène de rareté va entraîner une croissance des prix et
donc un élargissement du champ des ressources (par exploitation de nouvelles ressources, ou
par meilleure efficacité de l’utilisation des ressources existantes). Elle comporte deux limites :
-
L’information sur le degré de rareté n’est jamais « parfaite » du fait d’une estimation
imparfaite des ressources (méconnaissance, désinformation).
-
L’anticipation de la demande est souvent très imparfaite et ne se traduit pas de façon
automatique par une augmentation des prix telle et suffisamment tôt que cette hausse
permette de mettre au point des solutions de substitution qui prennent le relais des
ressources épuisées16.
La foi dans les seuls mécanismes de marché suppose que les marchés soient « parfaits » et
intègre nécessairement le risque de crises importantes (rupture d’approvisionnement d’une
ressource stratégique par exemple).
Autre limite à l’approche par les prix : les ressources de substitution développées ne sont pas
nécessairement plus économes en ressources que celles auxquelles elles se substituent. La
« loi des rendements décroissants » mentionnée plus haut tendrait même à affirmer le
contraire. L’exploitation des gaz dits de schiste par la fracturation hydraulique augmente la
taille des réserves de gaz mais est très consommatrice de ressources (eau et acier notamment),
16
D’où le “cycle” des matières premières avec des phases haussières (croissance de la demande et raréfaction de
l’offre) et des pahses baissières (surabondance de l’offre résultatn de nouvelles découvertes, de la mise en route
de nouvelles installations, de politiques de réduction de l’intensité matérielle de la croissance). Source : VARET
Jacques. « Les matières premières minérales. Flambée spéculative ou pénurie durable ? » Futuribles, n° 308, mai
2005.
© Futuribles, « Produire et consommer à l’ère de la transition écologique », mai 2014
13
et fortement polluante (émissions de méthane, polluants chimiques). Ceci renvoie à la
nécessité d’une approche systémique que nous développerons plus loin.
Il ne s’agit évidemment pas ici de remettre en cause le progrès technique et l’impact
économique important de la rareté sur celui-ci, mais de noter que les solutions techniques
possibles de substitution ou d’économie d’une ressource donnée ne sont pas automatiques,
peuvent passer par des périodes de crises de l’accès à la ressource qui peuvent être
dramatiques, et ne sont pas nécessairement bénéfiques à l’environnement global. Ainsi, des
pénuries de ressources peuvent-elles être dues non à leur rareté, mais à leur indisponibilité du
fait d’une mauvaise anticipation de la demande et d’une absence d’exploration suffisamment
tôt.
c. Scénarios
La question de la durabilité de la consommation de ressources a fait l’objet de prévisions du
SERI, basées sur la prolongation des tendances mondiales récentes, et de trois scénarios du
PNUE, qui concluent que la poursuite de la croissance mondiale de consommation de
ressources aux taux actuels pourrait se révéler très problématique, voire impossible à
l’horizon de 20 ans.
Projections du SERI
Comme nous l’avons déjà mentionné plus haut, selon le scénario tendanciel du SERI, les
extractions mondiales de ressources pourraient passer de 62 milliards de tonnes en 2010 à 100
© Futuribles, « Produire et consommer à l’ère de la transition écologique », mai 2014
14
milliards de tonnes en 2030 17. Ce scénario suppose que la consommation de ressources des
pays développés se maintienne, et que celle des pays en développement augmente fortement,
sous l’effet conjugué de leur croissance démographique et de la hausse du pouvoir d’achat de
leurs habitants. Ce scénario part du principe que les ressources naturelles disponibles seront
suffisantes pour satisfaire cette demande croissante, mais les experts du SERI rappellent que
cette hypothèse n’est pas certaine.
Le Panel international sur les ressources du PNUE envisage trois scénarios pour l’évolution
de la consommation mondiale de ressources à l’horizon 2050.
Dans le scénario tendanciel, le découplage relatif observé dans les pays développés se
poursuit. Leur consommation de ressources retrouve son niveau de l’année 2000.
Parallèlement, la consommation de ressources des pays en développement double à l’horizon
2050 et atteint celle des pays développés. La convergence s’observe aussi pour les pays les
moins développés, qui multiplient leur niveau de consommation par cinq.
En conséquence, l’extraction mondiale de ressources serait multipliée par trois. La
consommation de biomasse est multipliée par deux, celle des carburants fossiles par presque
quatre, et celles des minéraux industriels et de construction par trois. La consommation de
ressources atteint 16 tonnes par habitant et par an en 2050, et les émissions mondiales de CO2
sont multipliées par quatre. Cette croissance de la consommation équivaudrait, selon les
experts du PNUE, à la consommation de ressources équivalente à celles de 2000, à un
17
Ce scénario a été calculé avec un modèle économétrique, the Global Interindustry Forecasting System
(GINFORS) model (see www.gws-os.com), source des données : www.materialflows.net was integrated
© Futuribles, « Produire et consommer à l’ère de la transition écologique », mai 2014
15
triplement de la population mondiale d’ici 2050, soit l’équivalent de 18 milliards de personnes
(deux fois plus que dans l’hypothèse médiane des Nations unies).
Ce scénario suppose qu’aucune rupture ne s’observe dans les technologies ou les modes de
vie, et que les systèmes dépendent donc toujours massivement de la consommation de
ressources (notamment des énergies fossiles). Selon le PNUE, il représente un futur
insoutenable pour les ressources et les émissions de gaz à effet de serre, dont les impacts
seraient probablement impossibles à gérer à l’échelle mondiale.
Un deuxième scénario envisage que d’importants progrès sont réalisés en termes de modes de
production et de consommation.
Les pays développés diminuent leur consommation absolue de ressources par deux (passant
de 16 tonnes à 8 tonnes par habitant et par an). Les pays en développement augmentent leur
propre consommation de manière plus modérée (d’un facteur 1,2), et rejoignent les niveaux
des pays riches en 2050.
Cependant, la consommation annuelle de ressources augmente toujours d’environ 40 % entre
2000 et 2050. À cette date, la consommation moyenne par habitant atteint 8 tonnes par an
dans le monde, et les émissions individuelles de CO2 augmentent de 50 %. Ce scénario
suppose des évolutions importantes dans les modes de production et de consommation afin de
les rendre plus économes en ressources. Des investissements dans des technologies et des
innovations plus « durables ».
Enfin, un troisième scénario permet une stabilisation de la consommation mondiale de
ressources au niveau de l’année 2000, grâce à une baisse absolue de la consommation dans les
pays riches mais aussi dans certains pays en développement. La consommation de ressources
par habitant et par an atteint 6 tonnes en 2050. La consommation des pays riches est divisée
par un facteur 3 à 5. Les pays actuellement en développement diminuent eux aussi leur
consommation de 10 % à 20 %. Les émissions de CO2 diminuent de 40 %, et retrouvent leur
niveau de l’année 2000.
Ce scénario n’est possible, selon le PNUE, que si des innovations majeures sont mises en
place pour transformer les modes de production et de consommation.
© Futuribles, « Produire et consommer à l’ère de la transition écologique », mai 2014
16
Source : UNEP, IRP, 2011,
http://www.unep.org/resourcepanel/decoupling/files/pdf/decoupling_report_english.pdf
Les scénarios du PNUE dressent un tableau alarmant du point de vue de la disponibilité des
matières premières, et du point de vue des externalités générées par cette consommation.
Pourtant, l’analyse croisée des deux courbes suivantes nous inciterait à relativiser la pénurie
envisagée. L’une montre la croissance forte de la consommation matérielle, l’autre la baisse
importante du prix des ressources. L’analyse croisée tendrait à dire que les ressources
semblent de plus en plus accessibles.
Source : UNEP, IRP, 2011,
http://www.unep.org/resourcepanel/decoupling/files/pdf/decoupling_report_english.pdf
© Futuribles, « Produire et consommer à l’ère de la transition écologique », mai 2014
17
La hausse globale des cours des matières premières dans les années 2000 (malgré la chute de
2008-2009, et celle, moindre, de 2012) peut être perçue comme marquant la fin de cette
tendance de long terme à la baisse du prix des matières premières ou être interprétée comme
une hausse conjoncturelle (liée aux déficits d’exploration des années passées ou à la crise
économique) du même type que celle qui a suivi le premier choc pétrolier, les prix retrouvant
ensuite leur tendance de long terme.
Evolution des prix des matières premières (1960-2013)
© Futuribles, « Produire et consommer à l’ère de la transition écologique », mai 2014
18
Source : World Bank Commodity Price Data (Pink Sheet), March 2013
3. La disponibilité des ressources : une approche (partielle) par
ressource
Au-delà des analyses et des extrapolations générales qui additionnent toutes les ressources
matérielles, ne convient-il pas de distinguer la situation selon les ressources ? La question de
la disponibilité des ressources se pose différemment selon qu’il s’agit de ressources
renouvelables ou non renouvelables (encadré), même si dans les deux cas, la question du
rythme d’exploitation est importante.
Ressources renouvelables et non renouvelables
Les ressources dites non renouvelables sont des ressources qui se sont formées sur un pas de temps géologique,
soit lors de la création de la Terre, soit à l’issue d’un lent processus d’accumulation et de transformation. Dans
cette catégorie se trouvent les ressources énergétiques et minérales, notamment les terres émergées, les sols
cultivables, les hydrocarbures, les minerais, le système climatique, etc. Une fois utilisées ou détériorées, ces
ressources ne peuvent donc pas se renouveler à l’échelle de temps humaine (quelques dizaines ou centaines
d’années).
Dans le cas des ressources non renouvelables, toute consommation suppose donc une diminution nette
des stocks. Ce problème se pose à des rythmes différents selon les ressources, en fonction de leur
stock initial, du rythme de consommation et de l’ancienneté de consommation.
© Futuribles, « Produire et consommer à l’ère de la transition écologique », mai 2014
19
Les ressources renouvelables sont les ressources biologiques qui sont inépuisables (soleil, vent, etc.)
ou qui peuvent se reproduire dans un environnement approprié. Un stock de ressources est caractérisé
par son taux de croissance naturelle, qui dépend de ses caractéristiques biologiques (taille,
composition par âge) et de ses relations avec son environnement. Tant que les prélèvements restent
inférieurs au potentiel de reconstitution des stocks, la consommation ne pose pas problème.
Cependant, l’accélération de la croissance de la consommation mondiale menace ce potentiel pour
certaines ressources.
Citons également le cas de l’eau douce, qui est à la fois une ressource finie, renouvelable et
« dégradable », puisque les conditions de son utilisation peuvent en altérer la qualité, et rendre son
usage problématique.
Il n’est pas possible dans le cadre de cette synthèse de passer en revue l’ensemble des
ressources naturelles pour estimer les perspectives de la demande et celles de l’offre. Les
principales études disponibles sont consultables sur les sites du BRGM, de l’USGS, du
Fraunhofer Institute, de la Commission européenne18 et du Panel International des ressources
mis en place par le PNUE.
Nous proposons ici quelques éléments d’analyses globales sur des familles de ressources
caractérisées i) par l’importance de la demande et ii) par les risques supposés de difficultés
d’approvisionnement. Nous ne parlons donc pas ici des ressources inépuisables comme le
rayonnement solaire ou le vent. Nous reprenons le classement proposé plus haut en quatre
grandes familles de ressources : biomasse, carburants fossiles, minéraux (industriels et de
construction), métaux.
Ressources et réserves
Source : WG Critical Ressources, Commission européenne, p. 15
18
Voir notamment http://ec.europa.eu/enterprise/policies/raw-materials/ et http://www.era-min-eu.org/
© Futuribles, « Produire et consommer à l’ère de la transition écologique », mai 2014
20
a. Terres arables
La croissance démographique et la croissance économique (entraînant une transition
nutritionnelle) engendrent une hausse de la demande en produits alimentaires, d’où une
pression importante sur la mise en culture des terres disponibles.
Selon une étude du Centre de prospective du ministère français de l’Agriculture 19, les
réserves de terres agricoles non exploitées restent importantes sur la planète (environ 520
millions d’hectares). Une comparaison des différents scénarios disponibles sur les besoins
d’accroissement des surfaces agricoles à l’horizon 2050 fait apparaître des fourchettes allant
de 130 millions d’hectares (FAO, Organisation des Nations unies pour l’alimentation et
l’agriculture) à 550 millions d’hectares (INRA, Agrimonde 1). Dans tous les cas, la surface
disponible ne devrait pas être un facteur limitant important. Le potentiel d’exploitation
dépendra également de la qualité de ces terres (pollutions et impacts du réchauffement
climatique). Selon le GIEC, le changement climatique pourrait entraîner (via l’aridité) une
baisse de 110 millions d’hectares de la superficie des terres cultivables dans certaines
régions (nord de l’Afrique et de l’Amérique latine, certaines régions d’Océanie…), et une
hausse de 160 millions d’hectares dans d’autres (nord du Canada, de l’Europe, de la
Russie...), soit une hausse de 3 % de la surface cultivable d’ici 2100.
b. Poissons
20
Selon la FAO, la proportion de stocks de poissons sous-exploités ou modérément exploités a
suivi un déclin linéaire, passant de 40 % au milieu des années 1970 à 20 % en 2007, alors que
celle des stocks pleinement exploités est restée stable sur près de 30 ans, à environ 50 %. La
proportion de stocks surexploités, épuisés ou en cours de relèvement semble stabilisé à près
de 28 % depuis 10 ans (dont 19 % de surexploités, 8 % épuisés et 1 % en cours de
relèvement).
Si les rythmes actuels de capture se maintiennent, les volumes de pêche pourraient
commencer à diminuer en 2040 pour certaines des espèces les plus consommées (hareng,
saumon, sardine, anchois…), même si les productions de l’aquaculture continueraient à
croître 21.
c. Carburants fossiles
Nous extrayons les carburants fossiles à une vitesse bien supérieure à celle nécessaire à leur
constitution (des millions d’années). Et nous trouvons moins de pétrole que nous en
consommons. C’est ce constat 22 illustré dans la figure ci-dessus qui a nourri la théorie du pic
19
ROUDART Laurence, EVEN Marie-Aude. « Terres cultivables non cultivées : des disponibilités suffisantes
pour la sécurité alimentaire durable de l’humanité ». Analyse, n° 18, Centre d’études et de prospective du
ministère de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Pêche, mai 2010.
20
Source :
FAO,
L’État
des
ressources
halieutiques
marines
mondiales.
URL :
http://www.fao.org/knowledge/doc-details-fr/fr/c/115875/?type=networks
21
GARCIA Serge M., GRAINGER Richard J. R., « Gloom and doom? The future of marine capture fisheries »,
Philosophical Transactions of the Royal Society, 2005.
22
Constat porté notamment par des géologues comme Colin Campbel ou Jean Laherrère qui se sont réunis au
sein d’une association, Association Study of the Peak Oil (ASPO), qui étudie et fait connaître les risque de
© Futuribles, « Produire et consommer à l’ère de la transition écologique », mai 2014
21
pétrolier (peak oil), désormais largement acceptée. Ainsi, l’AIE, qui l’a longtemps refusée, a
estimé dans son rapport World Energy Outlook 2010, que le pic de production du pétrole
conventionnel a été atteint en 2006.
Sources : IHS, ASPO, traitement IRP
Compte tenu de l’ampleur des réserves prouvées de gaz (exploitables selon les techniques
actuelles) et de celles « techniquement récupérables », y compris celles de gaz non
conventionnel, l’AIE estime aujourd’hui que les ressources correspondent à 75 années de la
consommation mondiale actuelle. L’exploitation des ressources non conventionnelles pose
cependant de nombreux problèmes23.
Dans son dernier rapport (2013), BP envisage lui aussi une montée régulière de la production
de gaz naturel (stimulée par la percée du gaz de schiste aux États-Unis puis en Chine), dont la
part dans l’énergie primaire dépasserait celle du charbon vers 2025, ce dernier commençant
son déclin après 2020, la part des renouvelables (avec les biocarburants) étant multipliée par
trois (de 2 % à 7 %). Le problème des réserves de pétrole et de gaz ne se posera pas, selon BP,
avant 50 à 60 ans.
Selon Jean Laherrère (ASPO), la production mondiale de combustibles fossiles
(conventionnels et non conventionnels) a atteint « un plateau ondulé » et elle devrait
plafonnement puis de décroissance de la production pétrolière mondiale.
PAPON Pierre. http://www.futuribles.com/fr/base/document/le-gaz-naturel-un-avenir-en-or-mais-avec-desincer/
23
© Futuribles, « Produire et consommer à l’ère de la transition écologique », mai 2014
22
commencer à décroître après 2025 si la croissance de la demande se poursuit. Le géologue
envisage également un plafonnement de la production de gaz à partir de 2030 et un
plafonnement probable de celle de charbon vers 2050 24 (voir graphique).
Source : LAHERRÈRE Jean, « Les perspectives pétrolières et gazières », Futuribles, n° 373, avril
2011, http://www.futuribles.com/fr/viewer/pdf/3675/
Plus globalement, les réserves de carburants fossiles restent difficiles à estimer, pour des
raisons techniques (difficulté à estimer précisément la durée de vie des gisements, l’horizon
d’exploitation, etc.) mais aussi géopolitiques (certains pays producteurs ayant intérêt à sousestimer leurs réserves, ou le contraire). Les prévisions concernant les réserves et la production
de carburants fossiles sont donc très sensibles à la conjoncture économique, géopolitique et
technologique.
d. Minéraux industriels et de construction
Les ressources en matériaux minéraux, qu’ils soient de construction (sables, graviers, ciments,
etc.) ou industriels (silice, kaolin, gypse, talc, sel, etc.), sont abondantes. Mais Jacques Varet
note que « les volumes extraits dépassent aujourd’hui l’érosion naturelle »25. On entre donc ici
aussi dans le cas d’une exploitation non durable dans le sens où la consommation dépasse la
capacité de reconstitution du stock.
24
« Les perspectives pétrolières et gazières », Futuribles, n° 373, avril 2011.
http://encyclopedie-dd.org/encyclopedie/territoires/3-2-les-ressources-minerales/ressources-mineraleset.html#les_ressources_minerales_se_repartissent_en_cinq_classes_selon_leur_durabilite
25
© Futuribles, « Produire et consommer à l’ère de la transition écologique », mai 2014
23
Les perspectives d’épuisement appréhendées au niveau mondial constituent un risque qui est
plus éloigné dans le temps que les risques environnementaux entraînés par une croissance
forte de l’exploitation. Consommatrices d’un espace croissant, les industries extractives sont,
de plus en plus souvent, amenées à s’éloigner des centres urbains, ce qui accroit les
consommations énergétiques et les nuisances liées au transport.
e. Métaux
Les tonnages extraits varient fortement selon les métaux considérés. Plusieurs milliards de
tonnes de fer sont extraites chaque année, contre une centaine de milliers pour le titane et une
centaine de tonnes pour le palladium26. L’estimation des réserves est soumise à de nombreuses
incertitudes et à de fréquentes révisions, surtout lorsqu’elles sont concentrées dans un petit
nombre de pays. Mais, dans l’ensemble, ces ressources sont abondantes dans l’écorce terrestre
(hors métaux rares), et la disponibilité de la ressource est surtout une question d’accès aux
gisements les plus rentables. . De nouvelles découvertes ont jusqu’à présent permis de
satisfaire la demande même si, selon le BRGM (Bureau de recherches géologiques et
minières), le déficit d’explorations observé entre 1997 et 2003 dans le monde aura des
conséquences jusqu’en 2020 sur la production mondiale.
Malgré la relative abondance des métaux (hors métaux rares), et tout comme pour les
carburants fossiles, la croissance des extractions ne peut sans doute pas suivre les courbes du
passé. Prenant l’exemple de l’acier brut, François Grosse montre ainsi que sa production a crû
en moyenne de 3,5 % par an au vingtième siècle. La perpétuation de ce rythme de croissance
au XXIè siècle conduirait à produire au cours du siècle autant qu’un un millénaire au rythme
de production d’aujourd’hui. La prolongation des courbes conduit donc à des absurdités qui
poussent l’auteur à considérer que « selon toute probabilité, on ne produira pas sur Terre, dans
270 ans, 10 000 fois plus de métal qu’aujourd’hui selon des processus industriels comparables
aux nôtres, ni même probablement au prix d’innovations technologiques révolutionnaires. 27»
Si l’on veut néanmoins prolonger les courbes sur des horizons plus courts, il convient de noter
qu’au rythme de développement annuel de l’extraction dans la période 1998-2008, l’ensemble
des ressources en fer actuellement identifiées ou estimées pourraient être épuisées
avant 2060 28. Pour éviter d’être confrontés à un épuisement rapide des ressources, il est donc
nécessaire, selon deux chercheurs du British Geological Survey, d’améliorer les
connaissances scientifiques (en métallogénie), mais également de développer les techniques
d’exploration et d’extraction29.
Exemple de la production minière mondiale de cuivre
26
VARET Jacques, « Ressources minérales et minières », in Rapport Vigie 2012, Paris : Futuribles International,
2012.
27
GROSSE François, « Le découplage croissance / matières premières. De l’économie circulaire à l’économie de
la fonctionnalité : vertus et limites du recyclage », Futuribles, n° 365, juillet-août 2010.
28
GROSSE François, « Le découplage croissance / matières premières. De l’économie circulaire à l’économie de
la fonctionnalité : vertus et limites du recyclage », Futuribles, n° 365, juillet-août 2010.
29
BLODDWORTH, Op. Cit.
© Futuribles, « Produire et consommer à l’ère de la transition écologique », mai 2014
24
Années 1980 : 2,2 %/an
Années 1990 : 3,1 %/an
2000-2005: 4,3 %/an
Si on parvenait à stabiliser la production minière au niveau de l’année 2000 (15 millions de tonnes), il faudrait
néanmoins découvrir chaque année trois nouveaux gisements de porphyry copper de plus de 500 Mt de minerai à
1% (5 Mt de cuivre contenu).
Source : http://encyclopedie-dd.org/encyclopedie/territoires/3-2-les-ressources-minerales/ressources-mineraleset.html#les_ressources_minerales_se_repartissent_en_cinq_classes_selon_leur_durabilite
Comme pour les carburants fossiles, mais avec une acuité moindre, les ressources sont ici
aussi de plus en plus difficiles d’accès et l’exploitation massive de certains gisements entraîne
une baisse rapide de leurs réserves et de leurs rendements30. Ainsi, la concentration moyenne
des gisements de cuivre est passée de 1,8 % dans les années 1930 à 0,5 % aujourd’hui. De
même, la concentration moyenne des mines de zinc est passée de 7 % à 5,5 % entre 2000 et
2012. Donc, même si les réserves des principaux métaux restent théoriquement importantes,
leur qualité et leur accessibilité se dégradent 31. Cette dégradation entraîne en retour des
dépenses énergétiques croissantes d’exploitation.
Ressources minérales stratégiques
L’accessibilité des ressources minérales peut aussi être compliquée par des facteurs géopolitiques, et notamment
par la concentration des producteurs dans un nombre toujours plus restreint de pays. Ainsi, la Chine détient un
quasi-monopole sur la production des terres rares, qui entrent dans la composition d’un grand nombre de
produits, des pots catalytiques aux scanners médicaux, en passant par les éoliennes 32. Aussi de nouvelles
approches sont développées depuis quelques années qui visent à identifier des minerais « critiques » (critical).
Ce critère dépend de deux paramètres représentés dans le graphique ci-dessous : les risques de rupture
d’approvisionnement et l’importance économique. La « criticité » ne dépend pas ici de grands équilibres entre
ressources et besoins à l’échelle mondiale, mais peut conduire à développer des politiques de sobriété et à
soutenir la recherche de substitutions. L’Union européenne a ainsi défini 14 minerais stratégiques.
30
Voir les travaux du International Ressource Panel de l’UNEP, et notamment :
http://www.unep.org/resourcepanel/Portals/24102/PDFs/SYNOPSIS%20Final%20compressed.pdf.
31
Bihouix Philippe, « Matérialité du productivisme », in Sinaï Agnès (sous la dir. de), Penser la décroissance,
Paris : Presses de Sciences Po, 2013.
32
http://www.brgm.fr/content/ressources-minerales-enjeu-strategique
;
http://encyclopediedd.org/encyclopedie/territoires/3-2-les-ressources-minerales/ressources-minerales-et.html
© Futuribles, « Produire et consommer à l’ère de la transition écologique », mai 2014
25
Source : Ad-Hoc Working Group on Defining Critical Raw Materials, Critical Raw materials for the EU, 2010.
4. Les pollutions et limites systémiques
Nos modes de développement entraînent une transformation de notre écosystème telle que
certains chercheurs qualifient notre ère d’Anthropocène33. Ce terme signifie que nous sommes
entrés dans une nouvelle époque géologique dans laquelle les activités humaines constituent
les facteurs les plus influents de modifications de l’écosystème terrestre.
Ces transformations du Système Terre sont liées à l’utilisation des ressources naturelles (sols,
ressources fossiles, etc.). Elles ont en retour des impacts sur la disponibilité de certaines
ressources prises isolément (eau, air, etc.), mais pourraient également entraîner des
changements brutaux de notre environnement global et menacer donc les équilibres de notre
milieu34.
L’analyse des externalités liées à la consommation des ressources naturelles est donc délicate.
Il est possible d’identifier des tendances d’évolution de la dégradation de telle ou telle
ressource à laquelle on estime que l’accès est essentiel ; mais, il est aussi nécessaire
d’envisager les interactions entre des dégradations partielles de ressources qui peuvent
entraîner des modifications brutales et des difficultés majeures d’accès à des ressources qui
n’avaient pas particulièrement été menacées en elles-mêmes. De même, les réflexions doivent
pouvoir articuler échelles globales et locales puisque des changements globaux peuvent
résulter de l’addition de multiples petites dégradations locales, et que ces changements
globaux sont susceptibles d’affecter des zones a priori préservées.
33
CRUTZEN P. J. “Geology of Mankind : the Anthropocene”. Nature 415, 2002.
Voir notamment : BARNOSKY Anthony D. et alii. « Approaching a State Shift in Earth’s Biosphere », Nature
486, June 2012.
34
© Futuribles, « Produire et consommer à l’ère de la transition écologique », mai 2014
26
Ces constats ont amené des chercheurs à proposer le concept déjà mentionné plus haut des
« frontières planétaires » (Planetary Boundaries). Nous reprenons ici rapidement leurs
analyses car elles dressent un tableau synthétique des ressources les plus menacées (qui ne
sont pas nécessairement les plus directement exploitées).
Dans la dernière édition du State of the World (2013) du Worldwatch Intitute, Carl Folke
(Académie Royale des sciences de Suède) propose un tableau actualisé des neuf frontières
planétaires que nous reproduisons ici. Sur les trois premiers de ces fronts, les limites seraient
déjà dépassées (parties grisées du tableau) 35.
© Futuribles, « Produire et consommer à l’ère de la transition écologique », mai 2014
27
Le concept des « Planetary Boundaries », les neuf entrées proposées, les seuils choisis par les
experts sont autant de sujets de controverses. Cependant, une large majorité de la
communauté scientifique s’accorde aujourd’hui sur la réalité de risques systémiques que font
peser sur l’écosystème planétaire les activités humaines telles qu’elles sont menées
aujourd’hui, et s’inquiète des conséquences très probablement catastrophiques qu’entraînerait
la prolongation des courbes actuelles dans certains domaines (émissions de GES, acidification
océanique, artificialisation des sols, etc.)
© Futuribles, « Produire et consommer à l’ère de la transition écologique », mai 2014
28
Sans entrer ici dans le détail de ces neuf frontières qui sont aujourd’hui au cœur de
nombreuses recherches scientifiques, nous reprenons quelques éléments clés des pollutions de
l’air, des eaux, des sols, et de dégradation de la biodiversité.
a. Qualité de l’air et climat
La consommation de ressources, notamment de carburants fossiles, se traduit par une
accumulation de polluants et de gaz à effet de serre dans l’atmosphère.
La principale conséquence de ces émissions est le changement climatique.
Selon le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), la vitesse de
réchauffement factuelle de la surface de la planète est maintenant comprise entre 0,14 et
0,17°C par décade et de 0,71 à 0,77°C par siècle (depuis 1901 seulement). A l’été 2012, la
glace arctique s’étendait sur 70 000 km2 de moins que le précédent record de l’été 2007,
année où la mer de glace a atteint sa superficie la plus basse depuis que les mesures satellites
de la glace ont commencé en 1979. L’objectif international de limitation du réchauffement à
2°C d’ici 2100 semble désormais très improbable alors que les émissions de GES continuent
de croître.
L’évolution de la qualité de l’air est plus contrastée. D’un côté, les émissions des principaux
polluants atmosphériques ont beaucoup diminué en Europe depuis 20 ans, notamment celles
de dioxyde de soufre (- 56 %), de monoxyde de carbone (- 44 %), de dioxyde d’azote (- 28 %)
et de particules fines en suspension (-16%).
Parallèlement, la pollution atmosphérique a au contraire tendance à augmenter dans les pays
en développement, notamment dans les zones urbaines, à cause de la croissance des activités
© Futuribles, « Produire et consommer à l’ère de la transition écologique », mai 2014
29
industrielles et du trafic automobile. Des concentrations atmosphériques élevées de dioxyde
de soufre, de particules en suspension, d’oxyde d’azote et d’ozone sont aujourd’hui
enregistrées dans les plus grandes villes chinoises, indiennes ou latino-américaines.
b. Qualité de l’eau
Les pollutions des eaux douces ont trois origines principales : industrielles, agricoles et
domestiques.
Les nitrates sont naturellement présents dans l’eau mais en faibles quantités. Une eau non
polluée ne contient naturellement que 2 à 3 mg/l de nitrates, une concentration supérieure à 10
mg/L résultant d’apports excessifs d’azote liés à des activités humaines : agriculture (engrais),
élevage intensif, assainissement défectueux…
La réglementation européenne estime qu’une eau est potable si elle contient moins de 50 mg
de nitrates par litre, tout en recommandant un taux inférieur à 25 mg/l. En Europe, les deux
tiers des eaux de surface présentent un taux inférieur à 25 mg/l 36.
Cependant, d’autres polluants font l’objet, depuis quelques années, d’une surveillance ou
d’une législation spécifique. Selon une étude de l’AEE (Agence européenne de
l’environnement) publiée en 2011, 60 % des rivières européennes analysées et 25 % des eaux
souterraines contiennent toutes un grand nombre de substances chimiques37. Y figurent
notamment, dans des concentrations élevées, des métaux lourds, un tensio-actif, un anticorosif, un anti-épileptique, un antibiotique, un herbicide…
Les pays pauvres et en développement doivent faire face à des pollutions croissantes des eaux
liées aux activités agricoles et industrielles. Selon le PNUE, dans la plupart des pays en
développement, plus de 70 % des déchets industriels sont déversés dans les eaux de surface
sans traitement préalable 38.
Selon la Banque mondiale, à cause de la pollution, en 2005, plus de la moitié des eaux des
principales rivières chinoises étaient impropres à la consommation (en hausse d’environ 12 %
par rapport aux années 1990). Un quart d’entre elles sont tellement polluées qu’elles ne
devraient même pas être utilisés pour l’irrigation 39.
36
http://ec.europa.eu/environment/water/water-nitrates/index_en.html
http://www.eea.europa.eu/publications/hazardous-substances-in-europes-fresh
38
PNUE, Sick water, 2010, http://www.grida.no/publications/rr/sickwater/
39
BANQUE
MONDIALE,
Cost
of
pollution
in
China,
2010.
URL :
siteresources.worldbank.org/INTEAPREGTOPENVIRONMENT/Resources/China_Cost_of_Pollution.pdf
http://www.lefigaro.fr/environnement/2009/12/30/01029-20091230ARTFIG00298-en-chine-la-pollution-tue300000-personnes-par-an-.php
37
© Futuribles, « Produire et consommer à l’ère de la transition écologique », mai 2014
30
c. La surface et la qualité des sols
Les perspectives envisagées dans différents exercices de prévision et de prospective
concernant les superficies de terres arables mondiales ont été évoquées plus haut. Il convient
cependant de noter que ces exercices négligent sans doute les emprises au sol de certaines
activités, par exemple minières, dont on a vu qu’elles pouvaient connaitre un développement
important. La concurrence sur l’espace, déjà extrêmement vive dans les métropoles
mondiales, pourrait s’accentuer, du moins dans les zones les plus peuplées, ce qui pourrait
entrainer une hausse de la valeur foncière, engendrant un éloignement des activités les moins
intensives (agriculture, forêt, mines, etc.) et augmentant d’autant les flux de transport et les
émissions liées.
La qualité des sols dépend de trois facteurs principaux : les techniques culturales,
l’artificialisation des sols entraînée principalement par l’urbanisation et les impacts du
changement climatique. Les sols une fois dégradés sont extrêmement difficiles à restaurer.
Concernant les cultures, l’augmentation des rendements à l’échelle mondiale nécessite une
part toujours croissante d’intrants qui, en retour, nuisent à la qualité à long terme des terres.
Source : IRP, Facts and Figures,
http://www.unep.org/resourcepanel/FactsFigures/tabid/106638/Default.aspx.
© Futuribles, « Produire et consommer à l’ère de la transition écologique », mai 2014
31
L’artificialisation est entraînée notamment par l’urbanisation, qui accroît les surfaces
construites là où les concentrations humaine sont les plus importantes, c’est-à-dire souvent là
où les ressources en eau et en terres arables sont également les plus riches.
Globalement, le changement climatique tendrait à accentuer la dégradation des terres
(érosion, désertification, salinisation) 40.
Les principales menaces identifiées dans la littérature internationale sur le sujet (FAO,
European soil portal de l’European Research Center, Millenium ecosystem assessment,
IFPRI, ADEME, etc.) mettent en avant l’érosion, la salinisation, le tassement, la diminution
des teneurs en matières organiques, les glissements de terrain, la contamination, et
l’imperméabilisation des sols.
d. Biodiversité
La biodiversité évolue naturellement, en dehors de toute intervention humaine. La vitesse à
laquelle certaines espèces disparaissent explique d’ailleurs en partie la difficulté à les
quantifier et à analyser leur évolution.
Cependant, la communauté internationale admet désormais que cinq types de pression
contribuent à accélérer les pertes de biodiversité : la dégradation des habitats naturels causée
par les activités humaines (agriculture, pêche, urbanisation…) ; la pollution des milieux
naturels (en particulier le nitrogène et le phosphore) ; les espèces envahissantes ; les
40
IFPRI, 2009, Climate change: impact on agriculture and cost of adaptation ; Jaggard K. W., 2010, Possible
changes to arable crop yields by 2050, Royal society.
© Futuribles, « Produire et consommer à l’ère de la transition écologique », mai 2014
32
changements climatiques ; la surexploitation des ressources biotiques comme les pêcheries ou
les forêts (qui empêche leur renouvellement).
Par ailleurs, les évolutions climatiques contribueraient aussi à modifier les conditions de vie
de certaines espèces, et entraîneraient la disparition ou la migration progressive de certaines,
et la prolifération d’autres. Cependant, l’ampleur exacte de ce phénomène est pour l’instant
très mal connue. Selon Gilles Bœuf, le réchauffement climatique serait responsable d’un quart
des disparitions d’espèces 41. Sous l’influence de ces deux phénomènes, le rythme de
disparition des espèces aurait tendance à s’accélérer. Selon l’évaluation des écosystèmes pour
le Millénaire réalisée en 2005, les espèces disparaîtraient 1 000 fois plus vite aujourd’hui
qu’avant l’arrivée des humains 42. L’accélération est telle que la communauté scientifique
considère désormais que l’on se dirige vers une sixième extinction de la biodiversité, causée
presqu’exclusivement par les activités humaines, contrairement aux cinq premières 43.
Si ce rythme se maintient, deux tiers des espèces pourraient être éteintes en 2100, compte tenu
des interdépendances entre les espèces (la disparition de l’une peut accélérer celle d’une autre
qui en dépend).
Selon le rapport Millennium Ecosystem Assessment de l’ONU, publié en 2005, 60 % des
services fournis à la planète par les écosystèmes (et sans lesquels la vie ne serait pas possible)
sont dégradés ou surexploités (soit 15 des 24 types de services étudiés). Et, selon les experts,
cette dégradation se poursuivra au cours des 50 prochaines années si aucune mesure n’est
prise pour y remédier.
La baisse de la biodiversité a des conséquences encore mal appréhendées, mais il est
couramment admis que la disparition des espèces entraîne un fonctionnement dégradé des
écosystèmes et diminue donc également leur capacité de réponse et d’adaptation aux
changements. Autrement dit, la perte de biodiversité diminue la résilience du milieu, alors
même que cette capacité de résilience devient essentielle au maintien d’un écosystème
favorable à la vie de l’homme.
Conclusion
Au terme de cette synthèse, deux points principaux méritent d’être dégagés :
1) Les pénuries de ressources matérielles sont inscrites dans le fonctionnement
d’une économie dont la croissance n’est pas découplée de la consommation
matérielle
41
http://www.terraeco.net/Gilles-Boeuf-On-ne-sauvera-pas-l,8678.html
Travaux réalisés sous la direction de l’ONU, 1 360 scientifiques y ont participé.
43
www.economie.eaufrance.fr/IMG/pdf/rapport_bio_v2.pdf
42
© Futuribles, « Produire et consommer à l’ère de la transition écologique », mai 2014
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Les échéances de ces pénuries sont impossibles à prévoir avec précision du fait des progrès
techniques, qui permettent d’exploiter des ressources toujours plus difficiles d’accès. Des
ruptures d’approvisionnement ou des crises ponctuelles ne sont cependant pas à exclure, y
compris à relativement court terme.
À moyen terme (2030-2050), les croissances attendues de la population mondiale et de
l’économie ne sont pas soutenables, à consommation de ressources par unité de PIB
équivalente à celle d’aujourd’hui, y compris pour les ressources a priori abondantes. Elles
supposent donc des transformations de grande ampleur des modes de production et de
consommation.
À long terme, une croissance économique continue n’est possible qu’à la condition d’un
découplage absolu avec la croissance de la consommation de biens matériels.
2) Le fonctionnement actuel de l’économie mondiale repose sur une exploitation
toujours plus problématique des ressources naturelles
Les ressources sont dans l’ensemble présentes, mais dans des conditions d’exploitation plus
difficiles et plus consommatrices d’énergie (la rentabilité baisse).
Les modalités actuelles d’exploitation des ressources entraînent des dégradations importantes
à l’environnement (eau, air, climat, sols, biodiversité). Celles-ci sont porteuses de risques
globaux importants, potentiellement catastrophiques, mais encore très imparfaitement évalués.
Plus que la pénurie des ressources (qui entraîne des risques essentiellement économiques et
sociaux de court-moyen terme), ce sont les dégradations de l’environnement provoquées par
les conditions actuelles de leur exploitation qui sont porteuses des risques les plus importants
pour la poursuite à long terme des progrès de la qualité de vie.
© Futuribles, « Produire et consommer à l’ère de la transition écologique », mai 2014
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