Le principe mathématique de l’impossibilité d’une croissance continuelle de la consommation
de ressources naturelles finies ne nous renseigne pas sur les échéances d’épuisement des
stocks. Deux phénomènes permettent de repousser les échéances : une meilleure productivité
de l’utilisation des ressources (ce qui équivaut à une baisse de l’intensité matérielle) et le
recyclage (qui équivaut à troquer une économie linéaire pour une économie circulaire).
Cependant, ces deux leviers permettent de réduire la consommation de ressources naturelles,
mais ne l’éliminent pas. Ils permettent de repousser les échéances, pas de les supprimer,
comme nous allons le voir (partie 1).
Cette approche par les flux physiques peut être remise en cause par une approche économiste.
En effet, plus une ressource est rare, plus elle devient chère3 ce qui entraîne deux
conséquences majeures : le progrès technique qui permet des gains d’efficacité dans
l’utilisation de la ressource (on construit aujourd’hui des automobiles diesel qui consomment
environ 6 litres pour 100 km contre près de 9 litres pour les véhicules essence dans les années
1980 4) et l’apparition de ressources de substitution. Cette approche semble être corroborée
par les récents développements intervenus dans le domaine de l’énergie avec l’exploitation du
gaz de schiste aux États-Unis, comme nous le verrons plus loin. Néanmoins, l’observation des
rendements énergétiques conduit à constater une « loi des rendements décroissants » où le
taux de rendement énergétique (ou EROEI, Energy return On Energy Invested) décroît
progressivement.
Les externalités, et notamment les pollutions générées par l’exploitation toujours plus
intensive des ressources naturelles, apportent une autre limite, systémique, à l’exploitation des
ressources naturelles. C’est aujourd’hui celle qui semble la plus contraignante, notamment à
travers le changement climatique, comme nous le verrons dans la partie 2. Or, elle est très
imparfaitement prise en compte dans notre fonctionnement économique actuel, qui n’accorde
pas de valeur monétaire aux ressources naturelles menacées (climat par exemple).
Travaillant sur les pressions exercées par l’Homme sur le « Système Terre », Johan
Rockström, Will Steffen et 26 chercheurs ont identifié pour leur part neuf frontières
planétaires (Planetary Boundaries) à ne pas dépasser si l’humanité veut pouvoir se développer
dans un écosystème sûr, c’est-à-dire évitant les modifications brutales et difficilement
prévisibles de l’environnement. Publiés en 2009, leurs travaux les amènent à considérer que
les seuils sont dépassés pour 3 des 7 frontières pour lesquelles ils proposent des valeurs
limites5. Ces travaux mettent l’accent sur la dimension systémique inhérente à toute réflexion
sur la disponibilité des ressources (la désertification entraînée par le changement climatique
peut, par exemple, se traduire par des pertes importantes de terres fertiles ; la déforestation en
Amazonie peut changer le régime des pluies en Asie, etc.). Ces effets systémiques peuvent se
décliner aux échelles régionales et mondiales.
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3 Si l’on pousse ce raisonnement à l’extrême, on pourrait en conclure qu’aucune ressource ne parviendra à
épuisement, de même que la flèche de Zénon d’Elée ne parvient jamais à atteindre sa cible (car l’on peut à
chaque instant diviser par deux la distance qui sépare la flèche de la cible).
4 http://www.connaissancedesenergies.org/fiche-pedagogique/efficacite-energetique-et-transports
5 ROCKSTROM Johan (et alii). « Planetary Boundaries :Exploring the Safe Operating Space for Humanity »,
Ecology and Society 14, 2009.