La montée inexorable du contenu en connaissances dans les activités productives est synonyme
d’une sélection des participants à la production sur la base de leurs compétences et de leurs
qualifications. Cette « division cognitive du travail » (Pilati et Tremblay, 2007) engendre une
polarisation géographique des activités dans les zones intensives en recherche-développement et
riches en capital humain. Il est donc très important, que dans les grandes agglomérations dotées en
appareil de recherche (privée et publique), l’économie de la connaissance s’organise ou s’optimise, y
compris pour générer des effets de retombée (revenu, formation…) au-delà des individus dotés d’un
capital connaissance important. Cette concrétisation locale peut s’accompagner de dispositifs
originaux, voire d’une redéfinition des contours de l’économie de la connaissance, concept encore
flou.
En ce qui concerne l’action publique, depuis les années 2000, l’investissement dans la R&D, et plus
largement les processus conduisant à l’utilisation de la connaissance sont mis en avant comme
devant constituer de nouveaux objectifs. Un point important est que la capacité d’innovation ne
résulte pas uniquement des entreprises, mais est aussi produite par d’autres acteurs, comme
l’enseignement supérieur et la recherche. Dans ce contexte, tout en reconnaissant les mérites des
approches quantitatives (portant sur les dépenses en recherche-développement, les dépôts de
brevets, les effectifs d’étudiants avancés, le repérage de la « classe créative »…), il nous semble
judicieux, dans le cadre de POPSU 2, de rendre compte d’un certain nombre de dispositifs d’action
publique visant à stimuler l’économie de la connaissance, pour permettre in fine aux acteurs nantais
d’en apprécier la concrétisation ou non, et d’échanger avec les chercheurs.
L’économie de la connaissance recèle plusieurs ambiguïtés qui ont des conséquences importantes
pour l’action publique (Musso, 2005). S'agit-il de pointer l’importance de la connaissance humaine
générale, ou spécifiquement des connaissances scientifiques (issues des sciences dures) et techniques
(maniées par les ingénieurs) ? Dans un cas, l’élévation du niveau général d’éducation d’une classe
d’âge est un objectif prioritaire, dans l’autre le renforcement des enseignements scientifiques, ou le
développement de collaborations entre structures de recherche et industrie, sont mis en avant. Un
deuxième débat, consiste à interroger la place de la connaissance comme facteur majeur de
transformation économique et sociale. N’est-ce pas plutôt la technologie, l’innovation, la
tertiairisation, voire la dérégulation, qui sont déterminants dans les évolutions contemporaines ?
Au niveau théorique, l’économie de la connaissance connait des débats nombreux (Pilati et
Tremblay, 2007). Nous en retrouverons certainement des traces sur le terrain nantais, dans des
dilemmes auxquels sont confrontés les acteurs publics, des tensions possibles entre orientations, voire
entre identités. Considérant que l’économie de la connaissance est un concept flou plus qu’une réalité
repérable, donc qu’elle constitue une référence non stabilisée pour l’action publique, nous proposons
de balayer un large champ, allant des activités d’innovation scientifique à l’économie de la culture
et des arts. Il s’agit de considérer que la capacité d’innovation se situe pour partie dans l’organisation
du croisement de connaissances et de besoins jusque-là compartimentés. La production de
connaissances scientifiques et techniques est une activité sociale, qui demande notamment des
capacités à maximiser les interactions (Latour, 1989). De son côté, le potentiel économique et social
des activités culturelles, avéré dans le cas nantais, signale peut-être une nouvelle phase de
développement. La recherche de la créativité et de la transdisciplinarité amènent à déplacer les
frontières de l’activité, au profit de réseaux collaboratifs, d’expérimentations, de dispositifs
temporaires, dans lesquels les individus jouent un rôle moteur.
Au fond, le thème de l’économie de la connaissance invite à réinterroger ce qui fait le
développement métropolitain. Il s’agit de donner corps à l’intuition de M. Roncayolo il y a quelques
années : le rang métropolitain se mesure peut-être moins aux équipements, que l’on trouve
banalement dans chaque grande ville, qu’à la détection de volontés de changement et d’innovation.