Le changement climatique dans les Pyrénées Orientales

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Le changement climatique dans les Pyrénées Orientales :
Impacts sur l’agriculture et stratégies d’adaptation
Pistes de réflexion préalables à l’atelier de prospective
mars 2010
Atelier réalisé dans le cadre du projet de recherche VULCAIN (ANR-06VULN008)
Date de l’atelier : 6 avril 2010
Auteurs : Laure Maton (Brgm)
avec la collaboration de Jean-Daniel Rinaudo et Yvan Caballero (Brgm)
Document support à l’atelier sur l’impact du changement climatique sur l’agriculture des Pyrénées Orientales
Projet VULCAIN
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Introduction
Lors de l’atelier de prospective auquel vous avez participé au mois de mai, nous avons réfléchi
ensemble à la manière dont l’agriculture des Pyrénées Orientales était susceptible d’évoluer d’ici
2030, compte tenu des évolutions socio-économiques anticipées. Nous souhaiterions poursuivre cette
réflexion en y intégrant la question du changement climatique
Nous vous proposons d’organiser la discussion autour des quatre temps suivants :
1. Nous souhaiterions tout d’abord identifier avec vous les principales conditions climatiques
auxquelles les exploitations agricoles et les filières agricoles des Pyrénées-Orientales
sont particulièrement vulnérables : température trop élevées à certaines périodes, manque
de pluie, gel tardif ou au contraire manque de froid en période de vernalisation, ou autres. Y at-il eu des années marquées par des conditions climatiques particulières où, d’un point de vue
économique, il y a eu des problèmes significatifs pour les filières et les exploitations
agricoles ?
2. Nous vous présenterons ensuite les résultats des travaux sur l’évolution du climat des PO
au cours des 35 dernières années et les prévisions de son évolution future d’ici 2050. Les
prévisions d’impact du changement du climat sur les ressources en eau du Roussillon
seront également présentées.
3. Au cours de la discussion qui s’ensuivra, nous discuterons de l’impact que ce changement
du climat pourrait avoir sur les exploitations et les filières ainsi que des adaptations
rendues nécessaires.
a. Dans un premier temps, nous ne considérerons que les stratégies d’adaptation qui
peuvent être mises en place dans les exploitations agricoles et les filières. Un
travail de synthèse bibliographique sur les impacts potentiels du CC sur l’agriculture
complété du point de vue de groupes d’agriculteurs du territoire sur les impacts et
adaptations possibles vous sera présenté pour lancer la discussion.
b. Dans un deuxième temps, nous aborderons les conséquences prévisibles en matière
de gestion de l’eau (réduction du débit d’étiage des cours d’eau…) et vous
présenterons le point de vue des agriculteurs. Nous chercherons à identifier avec
vous les stratégies d’adaptation possibles à la raréfaction de la ressource en eau en
matière de gestion de l’eau pour le territoire et ce qui pourrait en découler pour les
filières agricoles.
4. Enfin, nous terminerons l’atelier en revenant sur les scénarios discutés lors du premier
atelier : agriculture ultra-productive (S1), agriculture régionale à haute performance
environnementale (S3+S4), agriculture duale fortement aidée par l’Europe (S2). Nous nous
demanderons dans quel scénario l’agriculture des PO serait la moins vulnérable aux
changements hydro-climatiques dont nous venons de discuter. Quel scénario offre le plus
de chances à l’agriculture de s’adapter à ces changements potentiels?
Afin de préparer ces discussions, la suite de ce document présente les principaux résultats
scientifiques qui serviront de point de départ à la discussion :
A. Le changement climatique dans les Pyrénées Orientales
B. Impacts et stratégies d’adaptation à l’échelle des exploitations agricoles.
C. Questions à débattre lors de l’atelier
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Projet VULCAIN
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A. Le changement climatique dans les Pyrénées Orientales
a) Analyse rétrospective sur la période 1971-2006
Dans le cadre du projet de recherche VULCAIN, nous avons analysé les données climatiques des 35
dernières années dans le département des Pyrénées Orientales1.
Cette analyse confirme que le réchauffement observé à l’échelle de la planète se manifeste aussi
dans les Pyrénées Orientales. Entre 1971 et 2006, la température moyenne annuelle a augmenté sur
l’ensemble du département (plaine et montagne). L’augmentation est de l’ordre de 1,5 degré au cours
de ces 35 ans. Cette augmentation s’exprime essentiellement de mars à juin inclus sur tout le
département. En automne, une hausse est aussi détectée sur le piémont et la plaine du Roussillon.
Concernant les précipitations (pluie + neige) et la durée des périodes de sécheresse (nombre de jours
consécutifs sans pluie), aucune évolution significative n’est observée en valeur moyenne annuelle. Si
l’on regarde ce qu’il se passe à l’échelle saisonnière, on constate une baisse des précipitations au
printemps (notamment en juin) et une hausse en automne (notamment novembre). Parallèlement,
l’intensité des pluies du mois de Mars semble être en augmentation.
Pendant cette même période, l’évapotranspiration a aussi eu tendance à augmenter, notamment en
février, mars et en juin.
b) Les prévisions d’évolution pour 2030 – 2050
Pour réaliser ces prévisions, les climatologues du projet VULCAIN ont utilisé plusieurs modèles
permettant de simuler l’évolution du climat à l’échelle planétaire. Ils en ont extrait les résultats relatifs
au département des Pyrénées Orientales et les ont ajustés pour tenir compte des spécificités
climatiques locales, liées aux effets de relief en particulier. Les résultats obtenus sont les suivants :
Concernant la température, une augmentation de la température moyenne annuelle de 1,5 degré d’ici
2030 est prévue. Cette évolution sera donc du même ordre de grandeur que celle que l’on a connu au
cours des 35 dernières années. Le réchauffement se poursuivra ensuite au cours de la période 20402060. Il ne concernera cependant que l’été, les températures hivernales cessant d’augmenter après
2040. Conséquence directe de ce réchauffement, l’évapotranspiration (et donc le besoin en eau des
1
Les données utilisées on été fournies par Météo France. Il s’agit des données SAFRAN, qui intègrent à la fois
les observations réalisées au niveau des stations de mesure au sol et une prise en compte du climat régional. La
combinaison des deux permet d’avoir des données météorologiques homogènes sur l’ensemble du département,
tenant compte en particulier, des effets de relief.
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cultures) augmentera de 7% en moyenne annuelle au cours de la période 2020 – 2040, cette hausse
étant plus sensible en hiver (+15%).
Concernant les précipitations, aucune évolution significative n’est anticipée pour la période 2020-2040
(par rapport à la situation actuelle). En revanche, les précipitations devraient baisser de 15% au cours
de la période 2040 – 2060. Cette baisse s’observera surtout en été et de manière très modérée en
hiver.
Figure 2 : Prévisions des écarts des températures mensuelles moyennes entre le présent et le futur
(2030 et 2050) dans la basse vallée de la Têt. Source : VULCAIN.
c) Impact du changement climatique sur la ressource en eau dans les PyrénéesOrientales
Les changements climatiques que nous avons décrits ci-dessus auront des impacts importants sur le
cycle de l’eau.
La hausse des températures et la baisse des précipitations induiront une augmentation de
l’évapotranspiration, donc des besoins en eau du couvert végétal naturel et cultivé. Les agronomes du
projet VULCAIN ont ainsi estimé que, en 2030, les besoins en eau d’irrigation de l’agriculture seraient
de 10% supérieurs à ceux d’aujourd’hui, à surfaces et cultures constantes. Cette hausse des besoins
en eau d’irrigation sera proche de 30% en 2050.
Les ressources en eau seront donc plus sollicitées alors même qu’elles seront réduites par la baisse
des précipitations. Les hydrologues du projet VULCAIN ont ainsi calculé que le débit du Tech
baisserait de 20% en moyenne entre mai et septembre (période où les besoins agricoles sont les plus
importants) et de 30% en octobre et novembre. La baisse du débit pourrait être encore plus marquée
sur la Têt où les apports d’eau liés à la fonte des neiges diminueront au printemps (en lien avec la
réduction du manteau neigeux en hiver).
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Figure 3 : Prévisions sur l’évolution du débit du Tech (écart en pourcentage de sa valeur actuelle).
Dans ce contexte, on peut s’attendre à ce que les conflits d’usages de l’eau s’intensifient. Des
problèmes de remplissage des barrages pourraient éventuellement apparaître. Le niveau de la nappe
quaternaire pourrait baisser (de l’ordre de 50 cm pour le Tech)2. Les débits d’étiages réservés
(actuels) risqueraient d’être franchis plus souvent.
2
Concernant la nappe profonde (pliocène), il est possible que l’impact du changement climatique ne soit visible qu’à
très long terme. Il faut en effet plusieurs milliers d’années pour que l’eau s’infiltre et rejoigne cette nappe. L’état de
cette nappe sera en revanche très fortement impacté par l’augmentation des prélèvements qui la sollicitent. A l’heure
actuelle, la complexité de cet aquifère rend la prévision de son comportement difficile.
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B. Impacts et stratégies d’adaptation à l’échelle des exploitations agricoles
Pour chaque grand type de culture présent dans les Pyrénées Orientales, des informations provenant
d’ « experts » (scientifiques, techniciens) et d’agriculteurs vous sont présentées à propos des impacts
du changement climatique et des adaptations possibles à l’échelle des exploitations agricoles et des
filières.
VITICULTURE
I. Les impacts….
a. Qu’en disent les experts?
i.
Quelques données scientifiques sur l’impact des
températures Des simulations, effectuées à partir de modèles
simples pour les cépages utilisés actuellement,
prévoient une modification importante de la phénologie (figure 4). Une élévation de la
température de 4°C dans la région de Montpellier ramènerait la date moyenne de la véraison
de la Syrah dans la première décade de juillet.
Figure 4 : Projection de l’évolution de la phénologie de la Syrah dans la région de Montpellier.
(source : Lebon, 2002)
Une des conséquences du déplacement de cette phase vers la période la plus chaude de l’été
serait alors la modification radicale du régime thermique pendant la maturation. Dans
l’hypothèse d’un réchauffement climatique compris entre 2 et 4°C, la période de maturation
actuellement caractérisée par des nuits tempérées (température minimale moyenne comprise
entre 14 et 18°C) évoluerait vers des nuits chaudes (température moyenne minimale supérieure
à 18°C).
La température est un facteur important de la maturation des fruits. Elle diminue l’acidité et agit
sur l’accumulation des sucres, des anthocyanes et des polyphénols selon des courbes à
optimum propre à chaque cépage. En zone méditerranéenne, les températures minimales de
l’air fraîches pendant la période véraison-récolte sont généralement facteur de qualité. Leur
effet est particulièrement perceptible sur les cépages à coloration délicate comme le Muscat de
Hambourg où elles constituent le principal facteur discriminant de l’aire AOC-Muscat du
Ventoux (Tonietto, 1999). Il pourrait en être de même pour le développement de certaines
molécules impliquées dans le profil aromatique des vins. Le réchauffement pourrait être
particulièrement pénalisant pour les cépages proches de leur limite thermique de culture. Par
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exemple, en Californie, on observe que pour les Grenache noir et Cabernet sauvignon les
températures élevées (>37°C) atteintes en milieu de journée s'opposent à l’accumulation des
sucres, des anthocyanes et des polyphénols dans les baies.
ii.
Zoom sur l’impact du déficit hydrique sur la vigne
La maturation correcte des raisins est également obtenue grâce à un léger déficit hydrique :
cela permet la concentration des sucres et l’équilibre sucres/acidité. En cas de léger déficit
hydrique, les effets positifs l’emportent sur les effets négatifs. L’idéal est que le léger stress
hydrique se produise tôt dans la saison (avant la véraison). Si la sécheresse est importante
pendant la véraison ou s’il n’y a aucune contrainte hydrique, le potentiel œnologique du raisin
sera moindre. Une sécheresse excessive peut changer la typicité des vins. Le stockage des
sucres est ralenti en raison d’une compétition entre développement végétatif et maturation des
raisins.
L’effet de la contrainte hydrique diffère selon le type de raisin : les vins rouges supportent une
plage de contrainte hydrique plus large que les vins blancs. Ainsi, les cépages rouges sont
généralement implantés sur les sols aux plus faibles réserves hydriques que les blancs. Il est
important de noter que la température du sol est en relation avec sa teneur en eau : sur les sols
humides (froids et fournissant une eau non limitante), les raisins arrivent à maturité tardivement
car le cycle phénologique y est retardé ; sur les sols secs, la maturation est plus précoce. Les
sols argileux (exemple : St Emilion et Haut Médoc) présentent la particularité d’êtres riches en
eau (donc froids) mais de provoquer des contraintes hydriques précoces en raison d’une faible
disponibilité de l’eau.
Une demande transpiratoire plus élevée combinée avec une pluviométrie réduite devrait
modifier les aptitudes hydriques actuelles des terroirs. Le bilan des effets bénéfiques ou
défavorables d’un accroissement de la demande atmosphérique et de la baisse de la
pluviométrie est difficile à réaliser car très dépendant des propriétés des sols. On peut
logiquement s’attendre à un accroissement du risque de déficit hydrique sévère préjudiciable à
la qualité des vins dans les sols les plus superficiels ou dans le cas de parcelles enherbées.
b. Le point de vue des agriculteurs
L’augmentation générale des températures risque de provoquer un décalage des
cycles phénologiques. Pour l’instant, les viticulteurs n’observent pas de changement
flagrant dans les dates de débourrement et de véraison, ni même dans les dates de
traitement de la tordeuse. Par contre, les vendanges s’effectuent environ trois
semaines plus tôt « qu’avant » : fin aout/début septembre au lieu de fin septembre.
Par rapport à l’augmentation des températures, ils pensent que le décalage des
cycles s’accentuera dans le futur et s’inquiètent de la façon dont évoluera l’alternance
de températures chaudes le jour et froides la nuit en été, caractéristique précieuse du climat
des Pyrénées orientales pour la qualité du vin. Les principaux problèmes identifiés sont des
problèmes de gestion des salariés pendant ces vendanges précoces et des problèmes
engendrés par une évolution de la qualité du vin. Des températures trop élevées, associées à
une augmentation du stress hydrique pourraient en effet provoquer des problèmes de maturité,
en particulier pour les vins blancs et rosés. Déja des changements observés concernant la
teneur des vins en alcool
Les viticulteurs pensent qu’en été une baisse des précipitations de 15% provoquerait un stress
hydrique trop important pour la vigne, préjudiciable à la qualité du vin. L’absence d’eau
provoquerait un appauvrissement des sols, qui en se compactant, limiteraient l’enracinement
des souches. Par ailleurs, ils ont remarqué une baisse durable des rendements depuis les
sécheresses exceptionnelles de 2003, 2005 et 2006 et pensent qu’avec une baisse des
précipitations en été, le phénomène serait encore accentué. Enfin, étant donnée l’absence
d’évolution notable des précipitations en automne, les viticulteurs s’inquiètent aussi de
l’occurrence d’épisodes pluvieux peu intenses et prolongés.
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II. Les adaptations…
a. Qu’en disent les experts?
Pour faire face à la sécheresse qui impacte fois les rendements, la typicité du vin et à terme la
vigueur des ceps, il est envisager d’irriguer la vigne. La réglementation permet en effet d’irriguer
les vins secs en appellation entre le 15 juin et le 15 aout après autorisation annuelle de l’INAO.
Afin de limiter les effets négatifs qu’aurait une avancée des vendanges à des journées chaudes
(éclatement des grains, pourriture des raisins mûrs), des modifications des pratiques de récolte
sont à envisager. Les vendanges devront peut être avoir lieu de nuit ou au petit matin pour
préserver la fraicheur du raisin. Le transport des raisins à la cave devra peut être se faire par
camion réfrigéré afin de réduire le risque de début de fermentation pendant le trajet. L’hygiène
du matériel de récolte devra être mieux maitrisée.
Concernant les pratiques œnologiques, de nombreux travaux sont menés sur le contrôle de
l’acidité et de l’alcool/sucre. De même sur les difficultés de fermentation et la maturité
phénolique. Dans le futur, d’après un bilan réalisé par l’organisation internationale de la vigne et
du vin, les travaux devraient porter sur la microbiologie (pression accrue des micro-organismes,
stratégie de levurage, sélection de levures, bactéries..), le suivi de la modification de la
composition du mout (précurseurs d’aromes, acides aminés…), ainsi que sur la gestion
énergétique de la cave. Par exemple, l’INRA a récemment lancé un projet de recherche
consacré « aux vins de qualité à teneur réduite en alcool » (INRA Pech Rouge, JL Escudier).
Un des axes de travail consiste à étudier de quelle manière des levures œnologiques naturelles
pourraient lors de la fermentation alcoolique transformer une fraction des sucres des raisins en
d’autres composés que l’éthanol (le glycérol notamment), sans pour autant nuire aux qualités
gustatives. D’autres voies sont explorées, notamment l’utilisation de levures génétiquement
modifiées, qui sont déjà commercialisées aux Etats-Unis. D’autres spécialistes préconisent
d’utiliser des ferments œnologiques sélectionnés dans le vignoble et produits commercialement
afin de mieux maîtriser la fermentation malolactique (fermentation qui remanie les acides du vin
et permet sa stabilité). Par rapport au problème de manque de maturité phénolique, il est
parfois proposé de vendanger dès que la teneur en sucre est optimale et d’adapter la méthode
de vinification pour extraire moins de tanins de pépins, soit d’attendre la maturité phénolique et
d’appliquer des techniques permettant de contrôler le degré alcoolique et l’acidité. L’ensemble
de ces procédés bouleverseraient les procédés ancestraux de vinification (afin d’éviter un
processus- la transformation des sucres en alcool- qui fut la quête principale de l’élaboration
des vins…).
Si l’augmentation de température moyenne dépassait 3°C, un changement de cépage pourrait
être envisagé. Cependant vu le temps nécessaire à un pied de vigne pour arriver à une certaine
maturité de production, les changements de cépages devraient être anticipés. La migration des
vignobles vers le Nord est de plus en plus considérée également comme une éventualité. En
zone méditerranéenne les vignerons ou les investisseurs recherchent déjà des vignobles situés
entre 300 et 450 mètres d’altitude.
b. Le point de vue des agriculteurs
Certains viticulteurs pensent pouvoir adapter leurs pratiques (travail sol, taille,
palissage, densité…) à ces changements, notamment en abandonnant la culture
sur palissage et en revenant à des tailles en gobelet, avec un feuillage plus près du
sol pour limiter l’évaporation. D’autres préfèreraient garder le modèle actuel car il
facilite la mécanisation et les traitements. L’irrigation de la vigne apparaît comme
une solution technique possible portée par la Chambre d’agriculture et
s’accompagne d’un certain nombre de questions : les ressources en eau serontelles suffisantes pour accompagner le développement de l’irrigation de la vigne ? Sera-t-elle
possible pour tous types de vins ? Certains agriculteurs proposent d’autres pratiques
permettant de maintenir l’humidité dans le sol (Bois raméal fragmenté, mulch) ou de créer un
micro-climat (haies, petites parcelles…). Pour pallier au stress hydrique, les agriculteurs
imaginent aussi changer de cépages : abandonner la syrah et se tourner vers des cépages plus
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rustiques, dont ceux cultivés en Espagne, au Maroc… Pour éviter de changer la typicité des
vins, d’autres préféreraient changer les portes greffes pour des portes greffes plus résistants à
la sécheresse.
L’évolution des techniques de vinification apparaît également comme une adaptation possible.
Les viticulteurs évoquent la désalcoolisation. Enfin, pour pallier aux petits rendements, la
recherche de nouveaux produits à forte valeur ajoutée est évoquée.
Enfin, de manière générale, les agriculteurs pensent que les friches représentent un potentiel
de bonnes terres (avec un sol profond, qui permettait de faire des céréales) qui pourrait être
utilisé à la place des terres souvent moins fertiles souvent dédiées à la culture de la vigne.
ARBORICULTURE
I. Les impacts….
a. Qu’en disent les experts ?
L’analyse de séries chronologiques des dates de stades
phénologiques des principales espèces fruitières dans
différents sites a révélé une tendance commune vers plus
de précocité de la floraison durant un passé récent en
France. Les changements phénologiques se seraient produits sous forme de « rupture » et non
de façon progressive, la phase de rupture se situant entre 1988 et 1989. Parallèlement, des
travaux de simulation font apparaître des dates de fin de levée de dormance des bourgeons
floraux plus tardives depuis cette période là chez le pommier.
Figure 1 : extrait de « Vulnérabilité et adaptation des arbres fruitiers face au réchauffement
climatique, quelles spécificités en agriculture biologique ? » (Source : J-M. Legave, 2008)
Dans un site donné, les symptômes dits de « manque de froid » décrits en climat doux (tropicaux
et sub-tropicaux) ont été observés en 2001, 2007 et 2008 (Années faisant suite à des conditions
particulièrement douces d’automne (2000 et 2006) ou de début d’hiver (2008)). Il s’agit
d’étalements d’importance inhabituelle entre le début et la fin de la floraison, notamment pour
l’abricotier et le cerisier dans les régions méridionales (Sud-Est, Vallée du Rhône) et
d’excessives nécroses florales pour les variétés sensibles à ces nécroses (abricotier, pêcher).
Suite à l’été particulièrement chaud de 2003, des taux élevés de fleurs à double pistil ont été
observés chez le cerisier. Vingt-cinq pourcents de la production des arbres fruitiers a été perdue
en France en 2003.
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Ces observations sont considérées comme des prémices d’impact du changement climatique.
L’avancée de la floraison des arbres fruitiers n’entrainera pas a priori d’augmentation du
risque de gel printanier car, en parallèle, la fréquence du nombre de gel diminue. Un des
risques potentiels associé ces tendances serait d’oublier que le risque de gel subsiste,
notamment dans un contexte d’irrégularités climatiques croissantes alors que cela peut avoir
de graves conséquences économiques.
Un étalement de la floraison pourrait créer des conditions défavorables à la pollinisation et un
étalement excessif de la maturité des fruits, préjudiciables à la régularité de la production et à la
commercialisation. D’autres impacts sont également attendus, comme la modification de la qualité
du fruit (coloration, rapport sucre/acidité), de la croissance végétative et la ramification de l’arbre.
b. Le point de vue des agriculteurs
L’augmentation de la température pourrait avoir un impact à chaque saison :
- en automne/hiver, les arbres fruitiers ont besoin de 500 à 800 heures de
froid (T inférieure à 7 degrés) pour la levée de dormance. Avec le
réchauffement, cette dernière pourrait être perturbée et limiter la production.
- Au printemps, une diminution du risque de gel tardif pourrait favoriser le
développement de l’arboriculture dans de nouvelles zones plus en altitude.
Par exemple, l’arboriculture pourrait se développer dans la zone de Prades.
En été, l’atteinte plus fréquente de hautes températures (dépassant 35°C) pourrait provoquer une
augmentation des nécroses et des dommages causés par les parasites. Les agriculteurs
s’inquiètent également de l’évolution de l’amplitude thermique, dont la diminution pourrait limiter
l’aoutement3.
Par rapport à la pluviométrie, les agriculteurs s’intéressent essentiellement à l’intensité des
précipitations, c'est-à-dire aux caractéristiques du régime pluviométrique méditerranéen. Pour
certains, une baisse des précipitations pourraient engendrer des pluies plus régulières pendant
plusieurs jours d’affilée en automne et au printemps et ainsi provoquer le développement de
champignons par exemple tandis que pour d’autres, cela pourrait au contraire limiter les maladies.
Enfin, certains notent qu’une diminution de la pluviométrie en été entrainera un manque d’eau pour
les arbres fruitiers.
II. Les adaptations…
a. Qu’en disent les experts ?
Selon les scientifiques, les techniques culturales offrent peu de possibilités en dehors de
régularisateurs de croissance agissant sur la levée de dormance (technique utilisée en climat
doux : Afrique du Sud, Brésil, Israël…) mais difficilement envisageable dans une optique
d’agriculture durable et soucieuse de la santé humaine. Compte tenu des caractéristiques de
pérennité et de complexité de la culture des arbres fruitiers, l’adaptation génétique apparaît
prioritaire. Elle permettrait d’éviter des bouleversements de spécificités régionales. Néanmoins,
l’amélioration variétale est très longue chez les arbres fruitiers et l’introduction de caractères
d’adaptation au milieu de génotypes d’intérêt commercial (cultivars) difficile. La sélection de
cultivars à faibles besoins en froid a par exemple permis l’extension de la culture du Pêcher en
climats doux. L’adaptation par déplacement ou extension des aires de production (latitude, altitude)
peut représenter une adaptation à moyen long terme en cas de difficultés pour l’adaptation
génétique.
b. Le point de vue des agriculteurs
En dehors du développement du pilotage de l’irrigation, aucune adaptation technique
n’a été particulièrement évoquée par les arboriculteurs. Les arboriculteurs pesent que
de nouvelles variétés pour le pêcher, l’abricotier, seront développer par la recherche
agronomique. Le changement de cultures leur apparaît sinon comme une possibilité.
3 L'aoûtement ou aoutement est un processus de lignification des jeunes rameaux des plantes ligneuses. Cela correspond à l'apparition de l'écorce
sur les rameaux, et à la mise en réserve des sucres sous forme d'amidon dans le vieux bois et dans les racines.
.
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Le développement de la culture d’agrumes, et en particulier de clémentines, est cité. « Il y a déjà
eu des vergers d’agrumes dans le département ».
MARAICHAGE
I. Les impacts …
a. Qu’en disent les experts ?
Les experts estiment que sans adaptation, une
augmentation des températures pourrait provoquer
la diminution des productions. Par exemple, pour la
tomate, la température de 35-36°C est un seuil
déterminant au-delà du quel on observe une baisse
des rendements (à noter que dans la région
d’Alméria en Espagne, la culture de tomate s’arrête en juin à cause de la chaleur). En outre,
toujours dans la perspective d’une augmentation de la température, la question des bioinvasions et
de l’émergence de maladies nouvelles est cruciale. Cette question se pose particulièrement dans
le Roussillon où le climat est déjà favorable aux introductions/acclimatation des bioagresseurs
d’origine tropicale, où 5 à 10000 tonnes de fruits et légumes transitent par jour et où l’important
légale ou domestique de plants espagnols est loin d’être négligeable. L’augmentation de fréquence
des épisodes caniculaires pourrait remettre en cause certaines productions légumières notamment
sensibles au pathosystème Bémisia TYLCV, qui en 2003 a constitué un risque de crise
phytosanitaire majeure pour les cultures légumières intensives sous abris. En ce qui concerne la
production de plein champ, bien que des améliorations aient eu lieu ces dernières décades par
rapport aux risques liés aux fortes pluies (nivellement) et au gel (variétés supportant mieux le gel),
elle pourrait continuer à subir trop d’accidents climatiques.
b. Le point de vue des agriculteurs
L’augmentation des températures est perçue comme le facteur impactant le plus
important.
En abris froids, l’augmentation de la température pourrait entrainer un changement de
planning des plantations, un calendrier de récolte plus concentré. En automne, la
salade risquerait de monter trop rapidement. Des températures trop élevées en été
pourraient provoquer des accidents sur les légumes d’été (tomates, aubergine,
concombre…), voire l’impossibilité de cultiver si les accidents sont trop fréquents. Ainsi,
selon les agriculteurs, une telle évolution du climat pourrait entrainer le déclin du maraichage d’été
en abris froids et la disparition des petits serristes.
II. Les adaptations …
a. Qu’en disent les experts ?
Le système de production sous serres en verre pourrait permettre de contrôler les conditions
climatiques et ainsi d’éviter une trop forte hausse de température. Concernant le risque
phytosanitaire, il apparaît aujourd’hui techniquement possible de produire sans traitement dans ce
type d’abris. Des auxiliaires tels que les macrophalus pourraient être par exemple utilisés contre
les Bémisia. Il existe un certain nombre de solutions en lutte biologique. Néanmoins, les systèmes
sous serres en verre sont très gourmands en énergie et pourraient alors vite devenir non viable
économiquement.
L’adaptation variétale est une adaptation largement envisagée. La relocalisation (par exemple,
relocalisation des serres près de centres de production d’énergie renouvelables et/ou permettant la
transformation en énergie à bas coût - centres de méthanisation, d’incinération…) et la
diversification des productions pourraient également être des solutions intéressantes.
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b. Le point de vue des agriculteurs
En abris froids, il apparait difficile d’avancer les dates de plantation car des
plantations trop précoces ne bénéficieraient pas de l’ensoleillement suffisant. Il s’agit
également d’une prise de risque trop grande étant donné l’investissement que
représente l’achat des graines. Pour que la prise de risque reste acceptable, les
agriculteurs devraient s’orienter vers des cultures moins couteuses en investissement
initiale. Et il faudrait sinon s’orienter vers un cycle unique par an. L’ensemble
conduirait à une importante baisse de rentabilité.
Un changement de variétés est possible. Par exemple, pour la salade, certaines variétés ont des
besoins en froid moins importants. L’extensification apparaît également comme une solution.
Commercialement, viser les circuits courts pourrait aider à s’adapter mais les agriculteurs notent
que cela risque de rester une production de niche puisqu’il faut actuellement faire partir 80% de la
production hors du département.
En serres hors sol, les solutions d’adaptation sont d’ordre technologique essentiellement : les
serres pourraient être plus hautes, avec plus d’air, éventuellement tempérées par de la géothermie.
Des écrans d’ombrage pourraient être utilisés pour diminuer les températures. L’évolution vers le
modèle d’Alméria n’apparaît cependant pas comme une solution durable aux agriculteurs
biologiques.
Point de vue des agriculteurs sur d’autres paramètres climatiques
Les agriculteurs, en particulier les viticulteurs, se demandent également quelle sera
l’évolution de la tramontane. En effet, si celle ci baissait au profit d’entrée d’air marin, cela
poserait des problèmes de protection phytosanitaire dont pour l’instant, le territoire des PO
ne souffre pas. Une telle évolution serait de nature à réduire l’avantage comparatif dont
dispose l’agriculture des PO, notamment en ce qui concerne le vent. Si celle-ci augmentait,
il y aurait plus de pertes de fruits dans les vergers (chute, branchage des fruits) à gérer.
Ainsi, dans tous les cas, une modification du régime de la tramontane pourrait engendrer un
surplus de charges.
Document support à l’atelier sur l’impact du changement climatique sur l’agriculture des Pyrénées Orientales
Projet VULCAIN
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C. QUESTIONS A DEBATTRE…
Concernant la viticulture
-
Selon vous, quels seraient les principaux impacts du changement climatique sur la filière
vitivinicole des PO ? Quelles différences attendre selon les terroirs des PO ?
Comment la filière pourrait-elle s’adapter ?
o Quelles pratiques favoriser ? Comment aider les viticulteurs à changer leurs
pratiques ?
o Quel développement de l’irrigation ? sur quel type de vignoble ? à partir de quelle
ressource ?
o Quel est votre point de vue sur le changement de cépage ? de porte de greffe ? vers
quels cépages ?
o Quel est votre point de vue sur la délocalisation des vignes en altitude?
Concernant l’arboriculture
‐
‐
Selon vous, quels seraient les principaux impacts du changement climatique sur la filière
arboricole ?
Comment pourrait-elle s’adapter ?
o Un changement de variétés vous parait il possible et souhaitable ?
o Que pensez vous de l’éventualité de déplacer l’aire de production plus en altitude ?
o Quelles cultures pourraient remplacer les productions actuelles ? agrumes, fruits
tropicaux (avocat, mangue) ? Quelles contraintes techniques, économiques et
organisationnelles sont susceptibles de favoriser une telle évolution ?
Concernant le maraîchage
‐
‐
Selon vous, quels seraient les principaux impacts du changement climatique sur la filière
maraichère ?
Comment pourrait-elle s’adapter ?
o Quel serait l’avenir pour les différents types de productions : sous serres verre, sous
serres plastique, plein champ ? Vers quelles cultures le maraichage de plein champ
ou en abris pourrait-il s’orienter ?
o Pour quelles cultures, un changement de variétés vous parait-il possible/souhaitable ?
o Si une relocalisation des productions était réalisée, comment s’organiserait- elle ?
Questions transversales
‐ Quel type de « modèle agricole » entre les scénarios…
1 : « modernisation ultra compétitive » : baisse de la SAU, concentration des exploitations,
spécialisation, hors sol, standardisation des produits,
2 : « l’agriculture duale ou le caddie et le panier » : agriculture ultra compétitive et agriculture
multifonctionnelle (filières locales, diversification, extensification)
3 : « Sud intense ou l’Europe des régions » : agriculture à forte valeur ajoutée, diversification,
normes sanitaires strictes, contrats de confiance locaux
4 : « Agriculture Haute Performance Environnementale » : fin des produits phytosanitaires
chimiques, augmentation de la SAU, diversification, poids important du monde agricole, haute
technicité
…discutés lors du précédent atelier vous parait le moins vulnérable et le plus vulnérable au
changement climatique ?
‐
Quelle pourrait être la politique départementale ou régionale pour faciliter l’adaptation de
l’agriculture des PO au changement climatique ?
Document support à l’atelier sur l’impact du changement climatique sur l’agriculture des Pyrénées Orientales
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