ATHÉISME ET BIG BANG Ce document provient de l'article de Marc LACHIÈZE-REY, «L’insondable pré-histoire de l'univers », Sciences et Avenir, 146 hors série de mars/avril 2006, p. 23. L'auteur est directeur de recherches en astrophysique au CNRS. Il estime que les modèles de Big Bang permettent la reconstitution de l'évolution de l‘Univers depuis la période actuelle jusqu'à l'ère de Planck. « Ils sont en revanche impuissants à décrire le début de l'univers ». Il parle d'une monstruosité baptisée « singularité initiale » ; c'est un état de l‘Univers où la température et la densité sont infinies. Les cosmologues ont longtemps cherché à se débarrasser de cette singularité. En fait, ils en sont venus à établir un théorème de la singularité. « La physique contemporaine n'est pas en mesure de parler de ce qui s'est passé alors et a fortiori avant. Elle abandonne cette question dans un no man's land indéfrichable et indéchiffrable. Les notions familières telles qu'espace et temps devraient être modifiées. « Les notions de durée, de longueur et de volume disparaîtraient ». Le visage de Dieu des frères Bogdanov (2010). R. Wilson (prix Nobel de physique 1978) : l’éclair le plus ancien émis par l’Univers : 2,7° K ; il y a 13,8 milliards d’années. 100 000 milliards de milliards de milliards de degrés (p. 214). Le Big Bang est « un instant de brusque création à partir de rien » (p. 114). Trois minutes avant, il n’y avait encore rien. Pas un gramme de matière, pas un centimètre d’espace, pas une seconde de temps. Rien ! Weinberg (Nobel de physique ; p. 238). D’inconcevables torrents d’énergie apparemment venus de nulle part (p. 211). Einstein irrité, chiffonne et piétine un article de l’abbé Lemaître ; « vos calculs sont corrects mais votre physique est abominable » (p. 66). Idées absurdes, répugnantes. Des traîtres à la science. En 1960, pratiquement personne ne pense que l’Univers a un commencement. Le visage de Dieu des frères Bogdanov (2010) (suite). Les constantes fondamentales tellement bien réglées que l’on parle de « violentes coïncidences, de coïncidences miraculeuses » : un tant soit peu différentes, la vie et l’homme ne seraient pas là (p. 164). Des réglages extraordinairement fin, presque surnaturels (p. 33). S. Hawking : « qui semblent avoir été très finement ajustés pour rendre possible le développement de la vie » (p. 34). « Dans l’Univers rien n’a été laissé au hasard » : Wilkinson (p. 167), Dirac (p. 180). Le visage de Dieu des frères Bogdanov (2010) (suite). Une précision extrême (p. 168). La constante de structure qui gère la force électromagnétique : 0,0072973525376. Si 7 ou 5 tout se détracte (p. 172). Big Bang cataclysmique est finement orchestré (p. 177). Davies (pas chrétien) fait partie de ces chercheurs qui « refusent de croire que l’Univers est un accident fortuit... une telle ingéniosité » (p. 22). Un esprit infiniment supérieur à l’homme se manifeste dans les lois (Einstein à un enfant). S. Hawking : « un être responsable des lois de la physique » (p. 41). Wilson : « il y a ‘quelque chose’ au commencement pour tout mettre en place... Pas une meilleure théorie de l’origine de l’univers qui puisse correspondre à ce point à la Genèse ». Les grandes lois « viennent d’ailleurs » (p. 255). Image réalisée avec la caméra du télescope spatial Hubble qui scrute le ciel dans le domaine de l'infrarouge. Cette image est une vue très profonde de l'univers. Elle a été prise en août 2009 ; elle permet de remonter très loin dans le temps. Les objets les plus rouges à peine visibles sur cette photo correspondent à des galaxies qui se sont formées 600 millions d'années après le big-bang. Cette image vient de La recherche, 438, février 2010, p. 13. Le visage de Dieu des frères Bogdanov (2010) (suite). Plusieurs satellites (Cobe, WMAP lancé en 2000, Hubble, Planck européen) permettent maintenant de mesurer d’infimes différences de température. Planck peut déceler depuis la terre la chaleur d’un chat sur la lune (p. 159. On observe alors de mystérieuses irrégularités de températures qui expliquent la constitution d’amas de matières et donc de galaxies. George Smoot (prix Nobel 2006) : c’est « l’écriture manuscrite de Dieu » (p. 28). Si l’on est religieux, c’est comme voir le visage de Dieu » (p. 139). Nicolas Copernic Les données de WMAP (Wilkinson Microwave Anisotropy Probe) montrent les variations du rayonnement microondes d'arrière-plan à travers l'ensemble de l‘Univers depuis notre point de vue, bien que les variations réelles soient bien plus ténues que le diagramme ne le suggère. La température moyenne est de 2.725 K. Les parties rouges sont les plus chaudes ; les bleues plus froides de 0.0002 degré. Nicolas Copernic (1473-1543) : chanoine, médecin et astronome polonais. Il est célèbre pour avoir développé et défendu la théorie de l’héliocentrisme : le soleil se trouve au centre de l’univers et la terre tourne autour de lui ; c’est contre la croyance répandue que notre planète est centrale et immobile. Les conséquences de cette théorie -dans le changement profond des points de vue scientifique, philosophique et religieux qu'elle impose- sont baptisés révolution copernicienne. Ce qui motive la décision de sa condamnation est, non pas sa défense du système copernicien ou de la pluralité des mondes mais de nombreuses « hérésies » : il nie que la création soit l'œuvre de Dieu ; il croit à la réincarnation ; il rédige des livres de magie… Il est condamné à être brûlé vif (en 1600) au terme de huit années de procès ponctuées par de nombreuses propositions de rétraction qu'il paraît d'abord accepter puis qu'il rejette. Portrait tiré du Livre du recteur, 1578. Giordano Bruno, (1548-1600) : ancien frère dominicain et philosophe italien Sur la base des travaux de Nicolas Copernic, il développe la théorie de l’héliocentrisme. Galileo Galilei dit Galilée (1564-1642) vu par un maître toscan vers 1610. En 1889, une statue à son effigie est érigée ; elle est due à un sculpteur franc-maçon. 20 Galilée (1564-1642) né à Pise est un mathématicien, un physicien et astronome italien. Il construit la première lunette astronomique. Il proclame que la terre tourne autour du soleil. Il est poursuivi par le Saint Office comme hérétique et doit abjurer sa doctrine. Une erreur herméneutique désolante : l’affaire Galilée Le chanoine polonais Copernic envoie au pape : la Révolution des orbes terrestres. Pour lui, la terre tourne sur elle-même et elle tourne autour du soleil. Cette approche héliocentrique se heurte : aux critiques des philosophes partisans d'Aristote, qui proposent un géocentrisme stable, ainsi qu‘à certains théologiens jésuites. Ces derniers estiment que c’est contraire à l’Écriture. Ec 1.4 : le soleil se lève, se couche… De plus, à cette époque, avant les travaux exégétiques du XIXe siècle, Ps 93.1 suggère une cosmologie géocentrique. La traduction d’alors est : tu as fixé la terre ferme et immobile. On traduit actuellement : le monde est ferme, il ne vacille pas. En 1610, Galilée découvre les phases de Vénus ; c'est en faveur du système copernicien. En 1611, il est invité par le cardinal Barberini (futur Urbain VIII) à présenter ses découvertes au Collège pontifical ; ce dernier, composé de Jésuites, communique au cardinal Bellarmin que les observations de Galilée sont exactes. Cependant, ces savants se gardent bien de confirmer ou d'infirmer les conclusions héliocentriques tirées par le Florentin. Les opposants utilisent Jos 10.12-14 (Dieu arrête la course du soleil). Provocateur et orgueilleux, Galilée traite ses adversaires de « pygmées mentaux », d’« idiots stupides » « à peine dignes du nom d'êtres humains. » La controverse prend une telle ampleur que le cardinal Bellarmin, pourtant favorable à Galilée, intervient. Galilée dit que « l'intention du Saint-Esprit est de nous enseigner comment on doit aller au Ciel, et non comment va le ciel. » Bellarmin demande au Florentin de présenter l'héliocentrisme comme une hypothèse ; en effet, à l’époque, Galilée n’est pas en mesure de réfuter catégoriquement la thèse de ses adversaires. Le Florentin devient le porte-drapeau des cercles intellectuels en rébellion contre le conformisme intellectuel et scientifique imposé par les Jésuites. Galilée est convoqué plusieurs fois par le Saint-Office. On le menace de torture. On le dit « fort suspect d'hérésie ! » Il « abjure et maudit d'un cœur sincère et d'une foi non feinte » ses erreurs. On dit parfois qu’à cette occasion qu’il aurait dit : « et pourtant, elle tourne ! » Une telle remarque « apocryphe » l’aurait conduit au bûcher. Alexandre Friedmann (1888-1925) physicien et mathématicien russe. Quand Friedmann découvre la théorie de la relativité générale d'Einstein en 1922, il entreprend d'en chercher les solutions exactes. Il entrevoit le premier que cette théorie permet l'étude de la structure de l’univers dans son ensemble. En janvier 1638, Galilée perd définitivement la vue et s’éteint en 1642. Plus tard, D’Alembert (Jean le Rond D’Alembert 1717-1783 ; mathématicien et encyclopédiste français) critique sévèrement l’Inquisition : « …l'abus de l'autorité spirituelle réunie à la temporelle forçait la raison au silence ; et peu s'en fallut qu'on ne défendit au genre humain de penser. » Au XIXe siècle les travaux d’exégèse s’intensifient ; on établit des règles à adopter pour les études bibliques. L'Église catholique reconnaît lors du Concile Vatican II que les interventions de certains chrétiens, dans l‘histoire, dans le domaine scientifique étaient indues. On finit par dire que Galilée avait une bonne herméneutique ! Les équations d'Einstein permettent la description d'un univers en évolution ; il introduit pour la première fois l'idée d'un univers en expansion (1922). Friedmann parle de la singularité initiale. Il poursuit son raisonnement dans un deuxième article publié en 1924. Une violente controverse oppose à distance Friedmann à Albert Einstein qui refuse longtemps un univers non-statique. Alexandre Friedmann est l'un des trois « pères » de l'expansion de l'univers avec Georges Lemaître et George Gamow un de ses élèves. Monseigneur Georges Lemaître (1894-1966) chanoine belge, astronome et physicien. Sa « théorie de l'atome primitif », visant à expliquer l'origine de l'univers, est à la base de la théorie du Big Bang. Einstein irrité, chiffonne et piétine un article de l’abbé Lemaître ; « vos calculs sont corrects mais votre physique est abominable » (p. 66). Idées absurdes, répugnantes provenant de traîtres à la science. En 1960 encore, pratiquement personne ne pense que l’Univers a un commencement. George Gamow (19041968) : cosmologiste américano-russe. En 1948, il publie un article capital sur la formation des éléments au cours des premières phases de l'expansion de l'Univers ; ainsi, il participe à l'élaboration de la théorie du Big Bang. Avec ses élèves, il prédit l’existence d’un rayonnement persistant d’environ 5 degrés audessus du zéro absolu. La réalité effective de ce fond diffus cosmique sera confirmée en 1964. Staline se jure d'éliminer les « savants subversifs ». Staline aime « le hasard diabolique » et s’oppose aux sottises contre révolutionnaires. En 1932, Gamow fomente le projet insensé de fuir de l'URSS en traversant la mer Noire à bord d’un kayak (250 km) ; à 30 km des côtes soviétiques, il fait demi-tour. En 1936, le chef de la police secrète inquiète ceux qui pensent que l'éternité de la matière n'est qu'une illusion et que l'univers lui-même a un commencement. Landau est condamné à 10 ans de travaux forcés ; un autre savant (Bronstein) est condamné à mort en 1938 pour avoir nié l'éternité de la matière et répandu des idées subversives concernant « le soi-disant commencement de l'univers ». Il est exécuté d'une balle dans la nuque. Vers les années 1920, personne ne remet en cause l'idée que l'univers est éternel. Face à la terreur stalinienne, un petit groupe d'hommes remet en cause l’idée de la l'éternité de la matière. Friedman a remarqué un détail gênant au milieu des calculs d’Einstein ; ce dernier a rajouté « à la main » en 1915 un terme qui n'a rien à faire dans ses équations, un paramètre étranger qui l'a appelé « constante cosmologique ». En 1926, Gamow subit un long interrogatoire de la police secrète ; en 1927 le pouvoir apprend que le défenseur de la théorie de la création est un ecclésiastique ; il faut donc « que ceux qui soutiennent cette imposture quasi religieuse soient matés à tout prix » (Bogdanov, La fin du hasard, 2013 p. 192).