Transition écologique : les dix principes du nouveau rôle

117 | La pensée verte et La crise financière : repartir de L’essentieL
TransiTion écologique :
les dix principes
du nouveau rôle
des pouvoirs publics
>sarah Turine
Chercheuse-associé à Etopia, secrétaire
gionale d’Ecolo-Bruxelles.
sarah.turine@ecolo.be
Ces dix principes ont été inspirés par les moignages de
plusieurs collaborateurs du Cabinet de la ministre bruxelloise
de l’Environnement, Evelyne Huytebroeck1 sur les actions quils
ont mees durant cette législature. Cet article se propose
d’en extraire ce qui peut être traduit en principes applicables
à d’autres actions, d’autres compétences, dans le cadre de la
mise en œuvre de la transition écologique.
2004, c’était à peine il y a cinq ans. Et pourtant, depuis, l’état desprit
a bien changé. Quand Ecolo est arrivé au Gouvernement bruxellois,
non seulement le rapport de forces ne nous permettait pas, a priori,
dimposer grand-chose mais en outre, la crise climatique nétait
pas encore prise très au sérieux par les autres partis politiques et
les enjeux environnementaux étaient plutôt considérés comme une
tare pour le développement socio-économique.
étopia | économie | 118
En tout cas, nous avions au moins une grande force et certainement
deux longueurs d’avance. Une conscience aiguë des enjeux environne-
mentaux et sociétaux et une vision claire et cohérente de la société durable
telle que l’écologie politique l’envisage. Gce à lexrience des cabinets
verts précédents, nous savions exactement dans quelles directions mener
nos projets. Le tout était de velopper les outils pour ouvrir la voie.
Avoir une vision politique, c’est le 1er principe. Sans vision, il ne
peut y avoir de bonne gestion publique.
A partir de 2004, forts de notre entêtement et de nos convictions, il a
fallu persuader nos partenaires politiques de la pertinence et de l’impact
positif, notamment dun point de vue économique, de la prise en compte
de l’environnement dans les décisions et les projets. Pour y parvenir,
nous avons associé à notre requête dautres forces vives, les syndicats et
certains acteurs économiques qui rejoignaient nos convictions.
Cest le 2e principe. Une gestion publique durable passe par
l’association le plus en amont possible, des acteurs concernés.
C’est ainsi qu’Evelyne Huytebroeck, forte du soutien dautres acteurs,
a réussi à apposer sa marque verte au «Contrat Economie-Emploi»
initié par Benoit Cerexhe et Charles Picqué. Ce C2E, comme il est
appelé, nest pas (encore) devenu un véritable C3E où l’environnement
serait transversal à tous les projets initiés dans ce cadre.2 Néanmoins,
il a permis la mise en place de deux beaux projets dans le secteur
de léco-construction, qui est en eet porteur demplois et porteur
dinnovation, les deux exigences du contrat Economie-emploi:
- Tout d’abord, la création d’un cluster de l’éco-construction qui a pour
mission de mettre en réseau tous les acteurs publics ou privés du secteur
et de mettre en place des services leur permettant de se renforcer.
- Ensuite, la création d’un centre de référence qui assure l’interface
entre le secteur de la construction et les acteurs publics de lemploi
et de la formation.3
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Pour renforcer le lobbying vers dautres acteurs politiques à
dautres niveaux de pouvoir (européen par exemple), ou pour
aider à la diffusion de nos ies, les pouvoirs publics doivent
s’inscrire dans des réseaux qui permettent de multiplier la
force de l’action - cest le 3e principe: seaux institutionnels,
comme Energie-cis, par exemple, qui rassemblent toutes les
villes s’inscrivant dans une politique énergétique durable. Mais les
pouvoirs publics peuvent également provoquer la mise en seaux
dacteurs sectoriels (comme la cation du seau bruxellois pour
lalimentation durable) ou soutenir lémergence d’acteurs «de
seaux» commeSlow Food, pour n’en citer qu’un.
Or, nos idées ayant souvent deux longueurs davance, ces réseaux
ne concernent encore quune minorité. Cétait dautant plus vrai
en 2004. Il a donc fallu absolument faire tomber les barrières men-
tales, culturelles et les fausses idées, et démontrer combien lenjeu
environnemental pouvait être générateur dimpacts positifs. Dans
un premier temps donc, il s’est agi dorganiser des Rencontres de
l’Energie (sous forme de conférences ou de séminaires), des voyages
vers des villes exemplatives (notamment à Freiburg avec des décideurs
économiques4) et autres actions de sensibilisation.
Cest le 4e principe: le rôle des pouvoirs publics est aussi de
sensibiliser, informer, faire tomber les barrières mentales comme
première étape d’implémentation d’une politique.
Mais il faut aussi faire tomber les barrières techniques et nan-
cières et donner les moyens pour transformer les contraintes en
opportunités: Cest le 5e principe, la mise en place de facilitateurs
et de mécanismes d’accompagnement et de soutien pour faciliter
la transition écologique pour toutes et tous.
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A Bruxelles, on peut citer:
- l’arsenal des primes5 (à lachat d’électronagers, à l’investissement
dans les constructions passives, à linstallation d’équipement de
production dénergie renouvelable) ;
- les appels à projets pour les bâtiments exemplaires6qui, en deux
éditions et couplés à un taux élevé de primes, ont suscité un tel
engouement que Bruxelles vise à présent le top 5 mondial des villes
ayant le plus de timents à haute performance environnementale;
- les facilitateurs de la politique énergétique, secteur par secteur,
basé sur le modèle développé en Région wallonne lors de la législa-
ture précédente: facilitateur cogénération, facilitateur Logements
collectifs-tertiaire-industrie, facilitateur EnR/Grands systèmes,
facilitateur Eco-construction, facilitateur Quartiers durables7;
- le énergie qui a placé les gens en état de démonstration(dont
un ciblé sur les publics précarisés et dorigine étrangère) : avec
laide de facilitateurs «ménages», ils ont expérimeneux-mêmes
les constats négatifs et les pistes qu’ils pouvaient velopper pour
améliorer leur consommation. Lenjeu de la prochaine législature
sera de permettre aux nages de réaliser les travaux sans surcoût
grâce à la mise en place dun partenariat public-ménages (tiers-
investisseur public à destination des ménages).
- des outils spéciques comme laccompagnement des entreprises
voulant réduire leur empreinte écologique. En eet, il faut pouvoir
orir des outils dorientation et daccompagnement aux entre-
prises pour les aider à se lancer dans la transition écologique. A
la gestion des nuisances, on substitue s le départ une aide à des
choix environnementaux en démontrant lintérêt nancier de
linvestissement8.
Une étape importante au niveau de la conscientisation, cest 2007.
Rapport Stern, rapport du GIEC, lm dAl Gore et prix Nobel. Les
consciences se réveillent et nous poussent dans le dos, permettant
de goner dénergie renouvelable nos velléités à mener à bien notre
projet politique. Le Feder (fonds européen pour le veloppement
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régional) inscrit la protection de lenvironnement dans ses priorités
du plan 2007-2013. Dans ce cadre9, Bruxelles Environnement et
lABE (lagence bruxelloise pour lentreprise) réalisent actuellement
un plan stratégique de développement des lières vertes à Bruxelles.
7 grandes lières ont été identiées au départ: léco-construction et
la performance énergétique des bâtiments, les énergies renouvelables,
la gestion des déchets, les biotechnologies et la chimie verte, la gestion
de leau, les éco-produits et lalimentation durable. Il s’agira au sein
de ces 7 lières didentier les sous-lières stratégiques et les appuis
et soutiens nécessaires pour permettre leur développement.10
On peut être également er de ce projet du point de vue de la
transformation du rôle de ladministration et en particulier de
ladministration de lenvironnement. En eet, lensemble du projet
est chapeauté par Bruxelles Environnement. C’est donc bien à partir
des enjeux environnementaux que va se dénir le plan stratégique
et non pas à partir des enjeux économiques! Cest le 6e principe :
inscrire comme préalable les enjeux environnementaux et dénir
toute politique régionale sur cette base. Cette coordination depuis
Bruxelles Environnement permettra donc de rendre stratégiques et
de soutenir des lières qui sont très importantes dun point de vue
environnemental, même si elles nont pas encore fait nécessairement
toutes leurs preuves dun point de vue économique.
En fait, on a rétabli lordre des choses. En développant les lières
vertes au départ de l’Environnement, léconomie retrouve son rôle
premier: être un outil au service de lhomme et de la planète. En
outre, lapproche environnementale de léconomie est transversale
et permet donc davoir une vue sur l’ensemble du cycle: au-delà du
développement dune ore de produits et services écologiques et du
travail sur la réorientation des modes de consommation, il est aussi
question de la gestion de la n de vie des produits. Seul un ministre
de lenvironnement peut inuer de façon cohérente et articulée sur
ces trois aspects liés au développement d’une lière11.
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