Entretien : Manuel Valls : « Il y a une ligne infranchissable, l’Etat de
droit »
Il y a, selon votre rapport, 301 imams détachés en France pour environ 2 500
lieux de culte musulmans. En quoi est-ce un problème ?
Il y a 301 fois la possibilité, pour des citoyens français de confession
musulmane, d’assister à des prêches dirigés par des imams qui ne sont pas
français et sont payés par un Etat étranger. C’est plus problématique que les
financements étrangers de mosquées. Là, il ne s’agit pas de pierres…
« La plupart des imams détachés n’ont jamais reçu d’éducation sur la Shoah,
l’homophobie, la peine de mort… »
Les imams détachés turcs, par exemple, arrivent sous l’appellation
d’assistants sociaux et non d’imams. Ils parlent à peine français, n’ont
jamais vu un Arménien de leur vie, ne savent pas qu’en France on reconnaît le
génocide arménien. La plupart des imams détachés n’ont jamais reçu
d’éducation sur la Shoah, l’homophobie, la peine de mort… Ils n’ont pas ces
éléments de contexte importants, or ils jouent un rôle dans les communautés.
Aujourd’hui en France, la formation des imams est éclatée et payante. Cela
revient souvent moins cher d’aller se former au Maroc. Il faut mettre en
place une formation qui soit homologuée, scientifiquement et religieusement.
Lire : Au Maroc, former des imams africains et français pour lutter contre
le terrorisme
Pourquoi cette question du financement est-elle cruciale ?
On considère que l’islam est une religion comme une autre, mais on ne lui
donne pas les moyens de l’être. L’islam est une religion récente sur le
territoire national, confrontée à un accroissement de sa population. Il y a
un besoin de rattrapage par rapport aux autres religions. Les communautés
musulmanes ont besoin d’avoir des structures, des écoles, des mosquées, des
lieux associatifs. Il faut que les musulmans puissent exercer leur culte de
façon décente.
Aujourd’hui, si une fille de 14 ans veut porter le voile, elle va chercher
une école religieuse musulmane, mais il y en a très peu. Un enfant juif qui
veut manger casher et porter sa kippa trouvera lui une école juive. Les
crispations sont plus fortes dans les communautés musulmanes car elles ne
disposent pas de tous les outils pour exercer leur culte.
Quelles sont les pistes pour un financement français de l’islam ? Que pensez-
vous de l’idée de relancer une « fondation de l’islam de France », évoquée
par M. Valls ?
Il faut réactiver cette Fondation pour les œuvres de l’islam de France [créée
par décret en 2005] pour que tous les financements transitent par elle. Ceux
de l’étranger, et ceux des communautés musulmanes françaises [ce sont elles
qui financent, par leurs dons, l’essentiel des coûts de construction et
d’entretien des mosquées – seule une vingtaine de mosquées ont été financées