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Tumeurs lymphoïdes et cancer du sein chez la femme : effets cancérogènes des solvants organiques.
Facteurs professionnels du cancer du sein chez l’homme
Amélie MASSARDIER-PILONCHERY et Barbara CHARBOTEL
ne permettent pas d’affirmer l’existence d’un lien causal.
L’hypothèse d’un lien concernant principalement les tumeurs
sans récepteur aux œstrogènes mérite d’être approfondie.
Rôle de l’exposition professionnelle à des
perturbateurs endocriniens et de la profession
dans le cancer du sein chez l’homme : une étude
cas-témoins en Europe
Villeneuve S, Cyr D, Lynge E, Orsi L, Sabroe S, Merletti F, Gorini G,
Morales-Suarez-Varela M, Ahrens W, Baumgardt-Elms C, Kaerlev
L, Eriksson M, Hardell L, Févotte J, Guénel P. Occupation and
occupational exposure to endocrine disrupting chemicals in male
breast cancer: a case-control study in Europe. Occup Environ Med.
2010 ; 67 : 837-44. [Epub ahead of print Aug 2010]
Analyse
Le cancer du sein chez l’homme est une pathologie rare qui
représente moins d’un pourcent des cancers du sein. Le taux
d’incidence est d’environ 1 cas pour 100 000 hommes par an. Ce
cancer a été beaucoup moins étudié que le cancer du sein chez
la femme.
Une étude cas témoins a été conduite dans huit pays européens
afin d’étudier les facteurs de risque professionnels du cancer
du sein chez l’homme. Les 104 cas sont des patients pris en
charge pour un cancer du sein entre 1995 et 1997, âgés de 35 à
70 ans au moment du diagnostic. Mille neuf cent un témoins
ont été recrutés en population générale ou à l’hôpital. Cas et
témoins ont été interrogés sur leur carrière professionnelle, les
tâches effectuées et les produits manipulés. L’évaluation des
expositions (probabilité, fréquence, intensité) à des perturbateurs
endocriniens (alkylphénols, phtalates, polychlorobiphényls,
dioxines, pesticides) a été faite par un expert ignorant le
statut (cas ou témoin) de la personne expertisée. Des scores
d’exposition ont été établis en faisant le produit, pour chaque
nuisance, de la probabilité, de la durée, de l’intensité et de la
fréquence de l’exposition. Les odds ratios (OR) ont été ajustés
sur les facteurs de risque non professionnels suivants : âge, pays
d’origine, consommation d’alcool, indice de masse corporel et
niveau d’étude.
Un risque accru de cancer du sein est mis en évidence chez les
hommes ayant occupé un emploi de mécanicien automobile OR
= 2,1 [IC 95 % = 1,0-4,4] ou de peintre OR = 2,3 [IC 95 % = 1,0-5,2].
Chez les mécaniciens automobiles le risque est encore plus
élevé lorsque l’emploi a été exercé plus de 10 ans, OR = 5,9 [IC
95 % = 2,4-14,6]. Une augmentation significative du risque est
observée chez les sujets ayant travaillé dans l’industrie forestière,
OR = 2,4 [IC 95 % = 1,0-5,6], le secteur du travail social et de la
santé, OR = 2,3 [IC 95 % = 1,1-5,1] et dans le secteur de la vente
et de la réparation de véhicules automobiles OR = 1,8 [IC 95 %
= 1,0-3,2].
Une augmentation statistiquement significative du risque de
cancer du sein est mise en évidence chez les hommes les plus
exposés aux alkylphénols (au dessus de la médiane du score
d’exposition), OR = 3,8 [IC 95 % = 1,5-9,5]. Le risque est également
élevé chez les sujets les plus exposés aux PCBs et dioxines,
OR = 2,1 [IC 95 % = 1,0-4,5]. Un risque accru mais non significatif
professionnelle et de leurs expositions. Des analyses ont été
faites en sous-groupes en fonction de la présence ou non de
récepteurs hormonaux aux œstrogènes et à la progestérone dans
la tumeur. Les odds ratios (OR) ont été ajustés sur l’âge, le site
d’étude, le niveau de qualification, l’indice de masse corporelle,
l’âge des premières règles, l’âge de la ménopause, le nombre de
grossesses, l’allaitement, les antécédents familiaux de cancer du
sein et les antécédents de dépistage par mammographie.
Un risque faiblement accru à la limite du seuil de significativité est
mis en évidence en lien avec l’exposition aux solvants organiques,
après ajustement sur les facteurs de confusion possibles, l’OR est
de 1,16 [IC 95 % = 0,99-1,4]. Il n’est pas observé d’augmentation du
risque avec la l’intensité, la fréquence, la durée de l’exposition ou
l’exposition cumulée aux solvants. De même, il n’est pas observé
d’excès de risque associé à l’exposition au benzène. Un OR de 1,91
[IC 95 % = 1,1-3,4] est retrouvé pour les fréquences d’expositions
les plus faibles mais il n’y a pas de relation dose-effet, les niveaux
de risque observés dans les catégories d’exposition supérieures
étant plus faible et non statistiquement significatif. L’association
à l’exposition professionnelle à des solvants a également été
recherchée en prenant en compte la présence éventuelle de
récepteurs aux oestrogènes ou à la progestérone dans le tissu
tumoral. Parmi les femmes ayant des récepteurs hormonaux
négatifs pour les œstrogènes et pour la progestérone, le risque
en lien avec une exposition aux solvants organiques atteint la
significativité statistique : 1,40 [IC 95 % = 1,1-1,8]. Dans ce sous-
groupe de tumeurs, le risque est également significativement
élevé pour des expositions supérieures à 10 ans (OR = 1,46 [IC
95 % = 1,1-2,0]), lorsque la durée d’exposition dépasse 20 h/
semaine en moyenne (OR = 1,59 [IC 95 % = 1,0-2,5]) et lorsque
la probabilité de l’exposition dépasse 90 %, OR = 2,44 [IC 95 %
= 1,3-4,5]. Cependant aucune relation dose-effet n’est retrouvée
quel que soit le critère d’exposition (durée, fréquence, intensité,
exposition cumulée) considéré. Dans le groupe des sujets
ayant des récepteurs hormonaux positifs pour les œstrogènes
et pour la progestérone, l’OR est de 1,71 [IC 95 % = 1,0-3,1] pour
une durée d’exposition de 5 à 10 ans, 1,64 [IC 95 % = 1,1-2,4] pour
une fréquence d’exposition de 10 à 20 %. En revanche, parmi
les femmes ayant des récepteurs progestérone positifs aucun
OR n’est significativement supérieur à 1. L’analyse portant
spécifiquement sur les expositions au benzène ne met pas en
évidence de lien avec le risque de cancer du sein.
Commentaire
Cette étude met en évidence un risque accru de développer un
cancer du sein chez des femmes ayant été exposées aux solvants
organiques, principalement lorsque les récepteurs hormonaux
de la tumeur sont négatifs. L’absence de relation dose effet,
malgré une puissance statistique conséquente, limite cependant
la portée de ces résultats, de même que l’absence de précision
sur les types de solvants organiques utilisés par les femmes
exposées. Quelques études ont mis en évidence un risque
faiblement accru de cancers du sein chez des femmes ayant été
exposées aux solvants organiques en général ou à un solvant
organique clairement identifié. Cependant, les données actuelles
Pathologies
et populations
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Anses • Bulletin de veille scientifique no 14 • Santé / Environnement / Travail • Juin 2011