Tumeurs lymphoïdes et cancer du sein chez la femme - BVS

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Pathologies
et populations
Tumeurs lymphoïdes et cancer du sein
chez la femme : effets cancérogènes
des solvants organiques.
Facteurs professionnels du cancer
du sein chez l’homme
Période : août 2010 à octobre 2010
Amélie MASSARDIER-PILONCHERY et Barbara CHARBOTEL
Université Claude Bernard Lyon1 – UMRESTTE – Lyon
Mots clés : Benzène, Cancer, Exposition, Perchloroéthylène, Perturbateurs endocriniens, Profession, Sein,
Solvants organiques, Trichloroéthylène, Tumeurs lymphoïdes Certaines professions sont considérées comme possiblement cancérogènes. C’est le cas des activités de blanchisserie ou de nettoyage
à sec, l’exposition aux solvants étant souvent mise en cause. Dans une récente évaluation d’études de cohortes, le CIRC retrouve un
lien entre l’exposition au perchloroéthylène et les cancers de l’œsophage, du col utérin et les lymphomes malins non hodgkiniens. Le
lien entre l’exposition aux solvants organiques, notamment le benzène, et les tumeurs lymphoïdes fait toujours débat.
Le cancer du sein est le cancer féminin le plus répandu. Le risque de cancer du sein s’accroît avec l’âge et plusieurs facteurs de risque
sont à ce jour clairement établis (âge de la ménopause, âge de la première grossesse, allaitement…). Des facteurs professionnels sont
discutés, notamment l’exposition aux solvants organiques.
Pour l’homme, le cancer du sein reste un cancer rare. Des facteurs hormonaux sont suspectés de même que l’exposition professionnelle
à des perturbateurs endocriniens.
L’exposition professionnelle aux solvants
organiques et les tumeurs lymphoïdes
chez les hommes : résultats d’une étude
française cas-témoins
Orsi L, Monnereau A, Dananche B, Berthou C, Fenaux P, Marit G,
Soubeyran P, Huguet F, Milpied N, Leporrier M, Hemon D, Troussard
X, Clavel J. Occupational exposure to organic solvents and lymphoid
neoplasms in men: results of a French case-control study. Occup
Environ Med. 2010 ; 67 : 664-672.
Analyse
Une étude française cas-témoins en milieu hospitalier, réalisée
dans six centres de 2000 à 2004 a étudié l’association entre
l’exposition professionnelle aux solvants et le risque de tumeurs
lymphoïdes chez l’homme. Les cas sont des cas incidents de
tumeurs des tissus lymphoïdes, âgés de 18 à 75 ans. Durant la
même période, des témoins de sexe masculin appariés sur l’âge
ont été recrutés dans les mêmes hôpitaux, principalement dans
des services d’orthopédie et de rhumatologie. L’exposition aux
solvants a été évaluée à l’aide de questionnaires standardisés
d’exposition professionnelle revus en aveugle (vis-à-vis du statut
de cas ou de témoin) par un expert en évaluation des expositions
professionnelles. L’exposition au benzène a été spécifiquement
quantifiée, selon la même méthode.
L’analyse présentée porte sur 491 patients (244 cas de lymphomes
non-hodgkiniens (LNH), 87 lymphomes de Hodgkin, 104
syndromes lymphoprolifératifs et 56 myélomes multiples) et 456
témoins. Les odds ratios (OR) et les intervalles de confiance (IC) à
95 % ont été calculés par régression logistique non conditionnelle.
Six cent quarante sujets sur les 949 ont été exposés
professionnellement au moins une fois à un solvant. La seule
association statistiquement significative observée concerne
le risque de LNH chez les sujets ayant travaillé dans l’industrie
chimique, OR = 2,6 [IC 95 % = 1,2-5,7].
L’exposition aux solvants (tous types de solvants confondus)
semble augmenter le risque de développer un LNH, mais l’odds
ratio est à la limite du seuil significatif, OR = 1,4 [IC 95 % = 1,0-2,0]
p = 0,06. En revanche, l’exposition aux solvants organiques
n’est pas associée à un risque accru des autres types de tumeurs
lymphoïdes. Lorsque chaque famille chimique de solvants est
individualisée, aucune association avec les pathologies étudiées
n’est observée. Aucune tendance n’est mise en évidence avec
l’intensité moyenne ou la fréquence de l’exposition. L’exposition
à des solutions ne contenant que du benzène, « benzène pur », est
associée à un risque accru mais non statistiquement significatif
de développer un LNH, OR = 3,4 [IC 95 % = 0,8-15,0]. Les niveaux
les plus élevés d’exposition au benzène sont associés à un risque
significativement accru de lymphome diffus à grandes cellules,
OR = 2,1 [IC 95 % = 1,0-4,6].
Les résultats de cette étude sont compatibles avec l’hypothèse
selon laquelle l’exposition au benzène à des niveaux élevés
pourrait être associée à un excès de risque de LNH, mais ils
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Tumeurs lymphoïdes et cancer du sein chez la femme : effets cancérogènes des solvants organiques.
Facteurs professionnels du cancer du sein chez l’homme
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n’apportent pas d’argument fort en faveur de l’existence d’un lien
causal (notamment pas d’effet dose-réponse). Ils ne montrent
pas d’association entre l’exposition professionnelle au benzène,
ou à d’autre solvant, et le risque de myélome ou entre l’exposition
à d’autres solvants que le benzène et le risque de tumeur des
tissus lymphoïde quelle qu’elle soit.
Commentaire
Les femmes n’ont pas été incluses dans l’analyse en raison de la
rareté de leur exposition : trois fois moins fréquente que pour
les hommes. Les expositions extra professionnelles ont été
prises en compte. Cette étude est compatible avec un risque
augmenté de LNH associé à une exposition importante au
benzène. L’association précédemment décrite avec le myélome
multiple signalé dans certaines études épidémiologiques
antérieures n’est pas identifiée dans cette étude. Compte tenu
de la réglementation française actuelle, des niveaux d’exposition
élevés au benzène ne devraient plus être observés en France.
Un autre solvant est de longue date suspecté d’augmenter le
risque de LNH, le trichloroéthylène. Ce solvant est classé groupe
2A par le CIRC et n’a pas fait l’objet d’évaluation récente. Dans
cette étude Orsi et al. (2010) ont étudié l’ensemble des solvants
halogénés sans distinguer le trichloroéthylène. Une méta analyse
publiée en 2006 par Mandel et al. a estimé que les données de
la littérature n’apportaient pas la preuve d’un lien causal entre
l’exposition à ce solvant et le LNH. Les données plus récentes ne
semblent pas remettre en cause cet avis.
Morbidité par cancer chez les nettoyeurs à sec et
blanchisseurs : étude d’une cohorte prospective
Selden A I, Ahlborg Jr G. Cancer morbidity in Swedish dry-cleaners
and laundry workers: historically prospective cohort study. Int Arch
Occup Environ Health. 2011 ; 84 : 435-443. [Epub ahead of print Oct
2010]
Pathologies
et populations
95 % = 0,91-1,02]. Chez les femmes, le risque est significativement
diminué, SIR = 0,91 [IC 95 % = 0,85-0,98]. Chez les hommes le SIR
est légèrement supérieur à un 1 mais cette augmentation n’est
pas statistiquement significative, SIR = 1,10 [IC 95 % = 0,991,23]. Chez les hommes, les risques de cancer du poumon et de
lymphome malin non hodgkinien sont significativement élevés,
les SIR étant respectivement de 1,45 [IC 95 % = 1,03-1,98] et de
2,05 [IC 95 % = 1,30-3,07]. Plusieurs catégories d’emplois ont
été constituées en fonction du poste de travail occupé et de la
probabilité que les sujets soient exposés au perchloroéthylène
ou non. Le niveau de risque observé ne varie pas d’une catégorie
à l’autre. Les excès de risque observés sont d’interprétation
difficile, en raison de divers facteurs de confusion possibles qui
ne sont pas pris en compte (tabagisme, habitudes alimentaires,
données socio-économiques, etc.). Aucun excès significatif de
cancer de l’œsophage, du larynx, du col de l’utérus, du foie, des
reins ou de la vessie n’est mis en évidence.
Commentaire
Cette étude concerne une large cohorte professionnelle suivie
durant 20 ans. Aucune association claire entre l’exposition au PER
et le risque de cancer chez les travailleurs n’est mise en évidence.
Cependant, les données permettant d’estimer les expositions
ont été recueillies pour une période de 11 années précédant la
constitution de la cohorte alors que la cohorte a été suivie de
1984 à 2006. Les expositions antérieures à 1972 et postérieures
à 1983 ne sont donc pas prises en compte. L’absence de données
individuelles et collectives précises sur les expositions au PER
et les informations limitées dans le temps peuvent entrainer
des biais de classement des sujets dans les différents groupes
d’exposition sans toutefois influer sur les résultats globaux
d’analyse de la mortalité. De plus, l’évaluation de l’exposition est
basée sur des renseignements donnés par les employeurs. Enfin,
pour ce qui concerne les lymphomes, il est regrettable que le type
histologique des tumeurs n’ait pas été pris en compte.
Analyse
Malgré la profusion de données épidémiologiques, il n’existe
actuellement pas de certitude quant aux effets cancérogènes
des expositions professionnelles au perchloroéthylène (PER). Les
cancers pour lesquels des excès de risque ont le plus souvent
été rapportés sont les lymphomes non-hodgkiniens, les cancers
du rein et du col de l’utérus, mais les résultats de ces études
sont d’interprétation difficile en raison de nombreux facteurs
de confusion (habitudes de vie, co-expositions, facteurs socioéconomiques). L’objectif de la présente étude était d’apporter de
nouvelles connaissances sur ce sujet.
Une cohorte de 10 389 employés du secteur du nettoyage à sec
et de la blanchisserie a été suivie depuis 1984. Les nouveaux cas
de cancer ont été recensés à partir du registre suédois du cancer
de 1985 à 2006 (inclus). Les résultats ont été comparés avec les
fréquences attendues de cancer dans la population générale.
Le suivi a été complet pour 90,9 % de la cohorte (2 810 hommes,
6 630 femmes). Le rapport standardisé d’incidence du cancer
(SIR) pour les deux sexes est proche de l’unité, SIR = 0,96 [IC
Exposition professionnelle aux solvants
organiques et cancer du sein chez la femme
Peplonska B, Stewart P, Szeszenia-Dabrowska N, Lissowska J, Brinton
LA, Gromiec JP, Brzeznicki S, Yang XR, Sherman M, García-Closas M,
Blair A. Occupational exposure to organic solvents and breast cancer
in women. Occup Environ Med. 2010 ; 67 : 722-729.
Analyse
Une étude cas témoins a été conduite dans deux villes de Pologne
sur les facteurs de risque du cancer du sein chez la femme.
Peplonska et al. (2010) présentent les résultats concernant les
expositions aux solvants organiques.
L’étude a porté sur 2 383 cas de cancer du sein diagnostiqués
de janvier 2000 à janvier 2003, et 2 502 témoins recrutés
via un fichier comprenant toute la population du pays et
appariés sur l’âge et la commune de résidence. Les expositions
professionnelles ont été évaluées par un hygiéniste industriel
à partir des descriptions faites par les sujets de leur histoire
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professionnelle et de leurs expositions. Des analyses ont été
faites en sous-groupes en fonction de la présence ou non de
récepteurs hormonaux aux œstrogènes et à la progestérone dans
la tumeur. Les odds ratios (OR) ont été ajustés sur l’âge, le site
d’étude, le niveau de qualification, l’indice de masse corporelle,
l’âge des premières règles, l’âge de la ménopause, le nombre de
grossesses, l’allaitement, les antécédents familiaux de cancer du
sein et les antécédents de dépistage par mammographie.
Un risque faiblement accru à la limite du seuil de significativité est
mis en évidence en lien avec l’exposition aux solvants organiques,
après ajustement sur les facteurs de confusion possibles, l’OR est
de 1,16 [IC 95 % = 0,99-1,4]. Il n’est pas observé d’augmentation du
risque avec la l’intensité, la fréquence, la durée de l’exposition ou
l’exposition cumulée aux solvants. De même, il n’est pas observé
d’excès de risque associé à l’exposition au benzène. Un OR de 1,91
[IC 95 % = 1,1-3,4] est retrouvé pour les fréquences d’expositions
les plus faibles mais il n’y a pas de relation dose-effet, les niveaux
de risque observés dans les catégories d’exposition supérieures
étant plus faible et non statistiquement significatif. L’association
à l’exposition professionnelle à des solvants a également été
recherchée en prenant en compte la présence éventuelle de
récepteurs aux oestrogènes ou à la progestérone dans le tissu
tumoral. Parmi les femmes ayant des récepteurs hormonaux
négatifs pour les œstrogènes et pour la progestérone, le risque
en lien avec une exposition aux solvants organiques atteint la
significativité statistique : 1,40 [IC 95 % = 1,1-1,8]. Dans ce sousgroupe de tumeurs, le risque est également significativement
élevé pour des expositions supérieures à 10 ans (OR = 1,46 [IC
95 % = 1,1-2,0]), lorsque la durée d’exposition dépasse 20 h/
semaine en moyenne (OR = 1,59 [IC 95 % = 1,0-2,5]) et lorsque
la probabilité de l’exposition dépasse 90 %, OR = 2,44 [IC 95 %
= 1,3-4,5]. Cependant aucune relation dose-effet n’est retrouvée
quel que soit le critère d’exposition (durée, fréquence, intensité,
exposition cumulée) considéré. Dans le groupe des sujets
ayant des récepteurs hormonaux positifs pour les œstrogènes
et pour la progestérone, l’OR est de 1,71 [IC 95 % = 1,0-3,1] pour
une durée d’exposition de 5 à 10 ans, 1,64 [IC 95 % = 1,1-2,4] pour
une fréquence d’exposition de 10 à 20 %. En revanche, parmi
les femmes ayant des récepteurs progestérone positifs aucun
OR n’est significativement supérieur à 1. L’analyse portant
spécifiquement sur les expositions au benzène ne met pas en
évidence de lien avec le risque de cancer du sein.
Commentaire
Cette étude met en évidence un risque accru de développer un
cancer du sein chez des femmes ayant été exposées aux solvants
organiques, principalement lorsque les récepteurs hormonaux
de la tumeur sont négatifs. L’absence de relation dose effet,
malgré une puissance statistique conséquente, limite cependant
la portée de ces résultats, de même que l’absence de précision
sur les types de solvants organiques utilisés par les femmes
exposées. Quelques études ont mis en évidence un risque
faiblement accru de cancers du sein chez des femmes ayant été
exposées aux solvants organiques en général ou à un solvant
organique clairement identifié. Cependant, les données actuelles
ne permettent pas d’affirmer l’existence d’un lien causal.
L’hypothèse d’un lien concernant principalement les tumeurs
sans récepteur aux œstrogènes mérite d’être approfondie.
Rôle de l’exposition professionnelle à des
perturbateurs endocriniens et de la profession
dans le cancer du sein chez l’homme : une étude
cas-témoins en Europe
Villeneuve S, Cyr D, Lynge E, Orsi L, Sabroe S, Merletti F, Gorini G,
Morales-Suarez-Varela M, Ahrens W, Baumgardt-Elms C, Kaerlev
L, Eriksson M, Hardell L, Févotte J, Guénel P. Occupation and
occupational exposure to endocrine disrupting chemicals in male
breast cancer: a case-control study in Europe. Occup Environ Med.
2010 ; 67 : 837-44. [Epub ahead of print Aug 2010]
Analyse
Le cancer du sein chez l’homme est une pathologie rare qui
représente moins d’un pourcent des cancers du sein. Le taux
d’incidence est d’environ 1 cas pour 100 000 hommes par an. Ce
cancer a été beaucoup moins étudié que le cancer du sein chez
la femme.
Une étude cas témoins a été conduite dans huit pays européens
afin d’étudier les facteurs de risque professionnels du cancer
du sein chez l’homme. Les 104 cas sont des patients pris en
charge pour un cancer du sein entre 1995 et 1997, âgés de 35 à
70 ans au moment du diagnostic. Mille neuf cent un témoins
ont été recrutés en population générale ou à l’hôpital. Cas et
témoins ont été interrogés sur leur carrière professionnelle, les
tâches effectuées et les produits manipulés. L’évaluation des
expositions (probabilité, fréquence, intensité) à des perturbateurs
endocriniens (alkylphénols, phtalates, polychlorobiphényls,
dioxines, pesticides) a été faite par un expert ignorant le
statut (cas ou témoin) de la personne expertisée. Des scores
d’exposition ont été établis en faisant le produit, pour chaque
nuisance, de la probabilité, de la durée, de l’intensité et de la
fréquence de l’exposition. Les odds ratios (OR) ont été ajustés
sur les facteurs de risque non professionnels suivants : âge, pays
d’origine, consommation d’alcool, indice de masse corporel et
niveau d’étude.
Un risque accru de cancer du sein est mis en évidence chez les
hommes ayant occupé un emploi de mécanicien automobile OR
= 2,1 [IC 95 % = 1,0-4,4] ou de peintre OR = 2,3 [IC 95 % = 1,0-5,2].
Chez les mécaniciens automobiles le risque est encore plus
élevé lorsque l’emploi a été exercé plus de 10 ans, OR = 5,9 [IC
95 % = 2,4-14,6]. Une augmentation significative du risque est
observée chez les sujets ayant travaillé dans l’industrie forestière,
OR = 2,4 [IC 95 % = 1,0-5,6], le secteur du travail social et de la
santé, OR = 2,3 [IC 95 % = 1,1-5,1] et dans le secteur de la vente
et de la réparation de véhicules automobiles OR = 1,8 [IC 95 %
= 1,0-3,2].
Une augmentation statistiquement significative du risque de
cancer du sein est mise en évidence chez les hommes les plus
exposés aux alkylphénols (au dessus de la médiane du score
d’exposition), OR = 3,8 [IC 95 % = 1,5-9,5]. Le risque est également
élevé chez les sujets les plus exposés aux PCBs et dioxines,
OR = 2,1 [IC 95 % = 1,0-4,5]. Un risque accru mais non significatif
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Tumeurs lymphoïdes et cancer du sein chez la femme : effets cancérogènes des solvants organiques.
Facteurs professionnels du cancer du sein chez l’homme
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est mis en évidence en lien avec une exposition aux phtalates.
Pour les sujets exposés en deçà de la médiane l’OR est de 2,9
[IC 95 % = 0,8-10,4]. Il est de 1,7 [IC 95 % = 0,5-6,2] chez les sujets
les plus fortement exposés. Aucune augmentation du risque de
cancer du sein n’est observée en lien avec une exposition aux
pesticides. Enfin, une analyse a été faite en entrant les divers
expositions (alkyphénols, PCB-dioxines, phtalates, pesticides)
dans le même modèle, seuls les alkyphénols présentent encore
un OR significatif.
Commentaire
Cette étude cas témoin est l’une des premières études publiées
sur les facteurs de risque professionnels du cancer du sein
chez l’homme. Dans cet article aucune référence n’est faite
aux niveaux d’expositions actuels en milieu professionnel. Or,
l’inclusion des sujets a concerné des patients diagnostiqués pour
un cancer du sein il y a près de 15 ans. Les expositions susceptibles
d’être à l’origine de ces pathologies sont donc des expositions
datant des années 1970 et 1980.
Cette étude met en évidence un excès de risque chez les
mécaniciens et chez les peintres (dose-dépendant chez les
mécaniciens) ; cela peut faire suspecter un facteur de risque
commun, par exemple l’exposition aux solvants organiques.
Cependant, cette exposition n’a pas été spécifiquement
étudiée dans cette enquête et pourrait faire l’objet d’une étude
complémentaire ou d’autres études spécifiques.
Conclusion générale
Actuellement, aucune étiologie professionnelle des
tumeurs lymphoïdes n’est clairement établie. Certaines
études vont dans le sens d’un lien entre l’exposition
au benzène et le risque de développer un lymphome
non-hodgkinien. Il convient de rappeler qu’en 2009, dans
le volume 100 des monographies, le CIRC n’a pas classé
le benzène comme cancérogène certain pour le LNH. Le
niveau de preuve était considéré comme limité. L’étude
française qui vient d’être publiée par Orsi et al. (2010)
apporte de nouveaux éléments pour un risque accru de
LNH en lien avec de fortes expositions au benzène, c’est à
dire pour des niveaux d’exposition devenus historiques.
Actuellement la réglementation limite fortement la
fréquence et les niveaux d’exposition. Concernant les
autres solvants organiques, les arguments scientifiques
pour un effet cancérogène pour les tumeurs lymphoïdes
restent faibles. L’étude d’Orsi et al. (2010) n’apporte pas
d’arguments en faveur de l’existence de cette association.
Pour les tumeurs lymphoïdes, la puissance statistique
de l’étude permettait de mettre en évidence des odds
ratios de 4,6 et 1,6 pour des prévalences d’expositions
allant de 1 % à 40 % ; ce qui est le cas pour la majorité
des solvants considérés. La puissance est insuffisante
pour mettre en évidence des risques plus faibles.
Pathologies
et populations
Pour certaines familles de solvants l’évaluation reste
grossière. Il est par exemple regrettable que l’exposition
au trichloréthylène n’ait pas été individualisée alors qu’il
s’agit d’une hypothèse pour le LNH.
Le lien entre une exposition aux solvants organiques et le
risque de développer un cancer du sein est une hypothèse
relativement récente et qui nécessitera de nouvelles
investigations. L’étude des facteurs professionnels du
cancer du sein est souvent rendue difficile par l’existence
de facteurs individuels prépondérants. Ces facteurs de
confusion n’existant pas chez l’homme, l’analyse des
facteurs professionnels du cancer du sein chez l’homme
est particulièrement pertinente. Cependant, s’agissant
d’un cancer extrêmement rare, il est nécessaire de
conduire des études internationales pour augmenter la
puissance statistique des analyses.
Lexique
(1) OR : Odd Ratio
(2) IC : Intervalle de confiance à 95 %.
(3)SIR : Ratio standardisé d’incidence
Publications de référence
I nternational Agency for Research on Cancer (1995a) Dry cleaning.
IARC monographs on the evaluation of carcinogenic risks to
humans. Dry cleaning, some chlorinated solvents and other
industrial chemicals. Lyon, IARC 63 : 33–71
International Agency for Research on Cancer (1995b)
Tetrachloroethylene. IARC monographs on the evaluation of
carcinogenic risks to humans. Dry cleaning, some chlorinated
solvents and other industrial chemicals. Lyon, IARC 63 : 159–221
Baan R, Grosse Y, Straif K et al. WHO International Agency
for Research on Cancer Monograph Working Group. A review
of human carcinogens--Part F: chemical agents and related
occupations. Lancet Oncol. 2009 ; 10 : 1143-1144.
Mandel JH, Kelsh MA, Mink PJ et al. Occupational trichloroethylene
exposure and non-Hodgkin’s lymphoma: a meta-analysis and
review. Occup Environ Med. 2006 ; 63 : 597-607.
Revues de la littérature
Steingraber S. What we know about pesticides and breast cancer.
Rev Environ Health. 2009 ; 24 : 345-55. Review.
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Tumeurs lymphoïdes et cancer du sein chez la femme : effets cancérogènes des solvants organiques.
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Autres publications identifiées
Mayr SI, Hafizovic K, Waldfahrer F et al. Characterization of initial
clinical symptoms and risk factors for sinonasal adenocarcinomas:
results of a case-control study. Int Arch Occup Environ Health.
2010 ; 83 : 631-638.
Cet article apporte peu de données nouvelles.
Gold LS, Milliken K, Stewart P et al. Occupation and multiple
myeloma: an occupation and industry analysis. Am J Ind Med.
2010 ; 53 : 768-779.
Cet article porte essentiellement sur les professions sans analyse
des expositions professionnelles.
Mohner M, Gellissen J, Marsh J W et al. Occupational and
diagnostic exposure to ionizing radiation and leukemia risk
among German uranium miners. Health Phys. 2010 ; 99 : 314-321
L’objectif de la présente étude est d’évaluer le risque de leucémie
chez les mineurs, en tenant compte de l’exposition aux rayons
x utilisés à des fins diagnostiques, notamment lors d’examens
paracliniques.
Moore LE, Boffetta P, Karami S et al. Occupational
trichloroethylene exposure and renal carcinoma risk: evidence
of genetic susceptibility by reductive metabolism gene variants.
Cancer Res. 2010 ; 70 : 6527-6536.
Étude sur l’association entre exposition au trichloroéthylène et le
cancer du rein en incluant le polymorphisme génétique.
Quach T, Doan-Billing PA, Layefsky M et al. Cancer incidence in
female cosmetologists and manicurists in California, 1988-2005.
Am J Epidemiol. 2010 ; 172 : 691-699.
Cohorte dans un milieu professionnel possiblement exposée à des
substances CMR
Vineis P. Bladder cancer risk in painters. Occup Environ Med.
2010 ; 67 : 505-506.
Méta analyse
Mots clés utilisés pour la recherche
bibliographique
Breast, Cancer, Exposure, Lymphoma, Occupation, Occupational,
Work
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