La défaite est durement ressentie même si la ville située en zone sud, échappe à l’occupation
allemande. Le chroniqueur dans son éphéméride s'en fait l’écho : "Il s’agit des mois de la
guerre la plus douloureuse que la France ait vécue, au cours de laquelle tant de malheurs se
sont abattus sur notre terre"
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. La situation n’apparaît pas sans issue : "Néanmoins tant de
motifs d’espérance nous restent, notre foi dans le Christ qui aime les Francs, l’union de nos
cœurs meurtris, le travail remis à l’honneur, le culte ravivé de la patrie et de la Famille, et
c’est avec quelque fierté que nous relaterons la vie du collège intimement unie à tous les
efforts de rénovation nationale". Nulle trace de germanophilie dans cette évocation des
"Francs" mais une référence à la conversion de Clovis et de son armée qui marque les débuts
d’une France chrétienne, fille aînée de l’Eglise.
La nouvelle devise (travail, famille, patrie), les valeurs défendues par le nouvel "Etat français"
ne sont pas pour déplaire aux catholiques, plus encore aux congrégations, aussi le collège y
adhère-t-il comme en témoigne notre chroniqueur. Il évoque la "Rénovation nationale"
l’expression exacte étant la "Révolution nationale", erreur ou volonté délibérée dans la non
utilisation d’un mot connoté (bien négativement à ses yeux) ?
La rentrée d’octobre 1940 a lieu dans des circonstances particulières : "La guerre est finie
pour nous, la guerre désastreuse qui nous a fait tant de mal. Sous la houlette ferme du grand
Maréchal, la France se recueille et travaille déjà à panser ses plaies immenses. La vie du
collège reprend, sous le signe des temps nouveaux"
7
.
Il faut compter avec les religieux prisonniers ou blessés, aussi des changements ont-ils lieu.
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Le Père Gland doit quitter la direction de l'établissement pour le collège de Riom, il est
remplacé par le Père Olmi directeur spirituel. Le Père François-Julien, nanti d'une citation,
comportant la croix de guerre avec palme, est prisonnier en Allemagne. Le Père Peillon a reçu
lui aussi une citation.
Enfin, un nouveau venu, replié de Paris, n'allait pas passer inaperçu : c'était le Père Fillère
professeur de psychologie à l'Institut Catholique (Université catholique). Le Père Rozier
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témoigne : " Dès la retraite de rentrée… tout le monde, Pères et élèves, comprirent qu'ils
entraient dans une aventure spirituelle nouvelle… tout facilitait l'empoigneur d'hommes que
fut le Père Fillère, au souffle incontestable. L'Externat entrait dans une mystique nouvelle, au
sens de Péguy. Le Père transforma la participation aux offices en les animant par des messes
dialoguées, des chants très vivants… l'école des parents, qui avait été inaugurée l'année
précédente, fut continuée…"
Faut-il voir dans ces initiatives nouvelles les signes avant-coureurs de l'aggiornamento
qu'allait réaliser bien plus tard, la seconde guerre mondiale paralysant les énergies, le concile
Vatican II ? Si la réponse n'est pas aisée, la question mérite d'être posée.
Pour l'heure, les difficultés de ravitaillement obligent à supprimer la demi-pension à
l'Externat, qui compte près de 420 élèves.
Dans ces conditions de détresse, la visite toute paternelle du Maréchal Pétain, chef de l'Etat
Français et héros de Verdun, le 4 décembre 1940, est accueillie avec enthousiasme au collège
et dans toute la ville. "Grande effervescence dans la ville. Jamais, de mémoire de Toulonnais,
on n'a vu pareille foule dans la rue. L'Externat est magnifiquement pavoisé… une messe est
célébrée pour le chef de l'Etat… redire l'enthousiasme populaire durant tout le séjour de
notre illustre visiteur est inutile"
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.
6
A.E.S.J. Bulletin Association Anciens Elèves, 1940, p. 40.
7
A.E.S.J. Bulletin Association Anciens Elèves, 1940, p. 45.
8
A.E.S.J. Bulletin Association Anciens Elèves, 1940, p. 20-23.
9
ROZIER C., Op. Cit. p. 93.
10
A.E.S.J. Bulletin Association Anciens Elèves, 1940, p. 47.