Pour une définition des difficultés d'apprentissage :
du caractère déclaratif à la modalité opérationnelle
Jean-Pierre Brunet Ph.D.
Il est difficile de comprendre comment un professionnel
peut réussir à identifier, diagnostiquer, ordonner un
traitement, enseigner ou rééduquer, motiver, ou améliorer de
manière générale la vie d'une personne qui présente des
difficultés d'apprentissage sans avoir préalablement une idée
claire et précise de la nature des difficultés d'apprentissage
Hammill (1990)
De tous les élèves ayant des besoins particuliers, ceux qui présentent des
difficultés d'apprentissage sont sans contredit les plus nombreux. Dans
l'ensemble, les définitions trouvées dans la littérature sont assez semblables et se
fondent essentiellement sur la présence d'un retard scolaire variant d'une à deux
années. Retard qui ne s'expliquerait pas par une déficience intellectuelle,
physique, sensorielle ou par une défavorisation culturelle. En général, en
Amérique du nord, ceci inclut le Québec, on constate un taux d'incidence de
ces difficultés variant, selon les milieux, entre 5 et 10%. Un examen plus
détaillé des taux d'incidence à travers les vingt dernières années met en
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évidence une baisse des difficultés légères au profit malheureusement des
difficultés graves.
Souvent, les chercheurs, les praticiens et les administrateurs ne partagent
pas une même conception des difficultés d'apprentissage. Cette divergence de
point de vue et de compréhension a engendré certains problèmes. Parmi, les
plus sérieux, mentionnons la difficulté d'établir un diagnostic et un pronostic
convergents, d'orienter les interventions, d'évaluer les succès obtenus auprès de
ces élèves et enfin, de coordonner la recherche scientifique.
Ce champ d'études est à la fois récent, moins de quarante ans, et intense
puisque, comme nous le soulignions, ces difficultés touchent une grande partie
de la population étudiante. Comme pour tout domaine comportant des
retombées sociales importantes, celui des difficultés d'apprentissage a connu un
essor considérable. Les associations de parents, les groupes de pression de
toutes sortes ainsi que les équipes scientifiques de recherche se sont faits de plus
en plus nombreux et actifs et ce, pour le plus grand bien des enfants aux prises
avec ces difficultés.
La formation spécialisée des maîtres dans ce domaine s'est rapidement
développée et les instruments de mesure sont devenus de plus en plus
nombreux et complexes. Les expériences menées sur le terrain par des
intervenantes et des intervenants dévoués se sont multipliées. La concertation
au niveau national et international s'est accrue.
Après des efforts intenses et un investissement financier considérable, les
chercheurs, d'Amérique du Nord et d'ailleurs dans le monde, ont entrepris,
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depuis le début des années quatre vingt dix, une réflexion concertée sur le
phénomène des difficultés d'apprentissage. Leur examen de la question se veut
davantage critique et fondamental. Cette remise en question débute avec la
définition même de l'expression «difficultés d'apprentissage».
Les intentions
Le présent texte se veut essentiellement une invitation à la réflexion. Il n'a
pas l'intention de dénoncer les pratiques établies ou de révolutionner la vision
des difficultés d'apprentissage. Il souhaite plus simplement revisiter ce vaste
domaine d'études en mettant l'accent sur la complexité entourant la définition
de sa notion centrale. Il s'agit bien évidemment d'une tentative osée et le succès
d'une telle entreprise est loin d'être assuré. La synthèse proposée ne pourra
malheureusement qu'être partielle et n'a pas la prétention de régler
définitivement une problématique qui perdure depuis plusieurs décennies. Le
texte tente de baliser le chemin parcouru en rendant évidentes les sources
bibliographiques utilisées de manière à permettre une exploration plus
personnelle du matériel.
Nous nous proposons donc d'examiner, de façon quelque peu
approfondie, la complexe réalité de la définition des difficultés d'apprentissage.
D'abord, nous explorerons ce qui caractérise la notion même de définition en
considérant les différentes logiques qui la déterminent. Ensuite, nous
dégagerons les principaux paramètres qui marquent les définitions usuelles en
passant en revue leurs liens avec la compréhension que l'on se donne des
différentes causes associées à ces difficultés. Enfin, nous considérerons quelques
aspects concernant leur évaluation et l'intervention rééducative.
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Mais avant d'aborder le contenu, examinons les préoccupations qui ont
entouré la présente réflexion ainsi que les positions adoptées.
Les préoccupations et les choix
Trois préoccupations ou questions ont marqué le parcours de la présente
analyse. La première concernait le choix des termes. Allions-nous parler des
«difficultés d'apprentissage» ou de «l'inhabileté à apprendre»? Nous faisons ici
référence au terme anglais disabilities qui ne se traduit pas par le mot
difficultés qui est le terme usuel en français.
En deuxième lieu, il s'agissait pour nous de décider si nous allions
privilégier une approche mettant l'accent exclusivement sur l'élève et ses
caractéristiques ou aborder la problématique d'un point de vue holistique.
Enfin, la dernière préoccupation, davantage méthodologique celle-là,
portait sur l'importance à accorder au poids absolu des textes traitant de la
question. En d'autres mots, allions-nous nous limiter à refléter des positions
scientifiques au seul fait qu'ils appartenaient aux tendances lourdes de la
littérature? Allions-nous répercuter la voix de la majorité ou plutôt, tenter de
dégager et de mettre en évidence des points de vue synthétiques et critiques
évidemment moins nombreux?
À la première question, nous avons décidé d'utiliser le terme «les difficultés
d'apprentissage» plutôt que celui d'«incapacités ou d'«inhabiletés à apprendre».
Nous l'avons fait pour ne pas rendre confuse la lecture des textes et surtout,
parce que les langues française et espagnole utilisent le terme «difficultés
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d'apprentissage». Nous avons également décidé de ne pas inclure les élèves
présentant des troubles de l'apprentissage — en anglais disorders plutôt que
disabilities. Cette catégorie comprend trois types d'élèves, à savoir les sous-
performants, les sur-performants et les phobiques.
De la même façon, nous avons dû trancher entre les expressions «la
difficulté d'apprentissage et «les difficultés d'apprentissage». Nous avons opté
pour l'expression «les difficultés d'apprentissage» pour les mêmes raisons
qu'invoquées précédemment. Nous l'avons également décidé pour ne pas
donner l'impression dès le départ de trancher en faveur d'une prise de position
sémantique au détriment d'une autre.
Quant à la deuxième préoccupation, à savoir choisir entre la réalité des
difficultés d'apprentissage considérées strictement du point de vue de l'élève ou
l'aborder d'un point de vue holistique, nous avons résolument opté pour une
perspective holistique. Nous l'avons fait en sachant bien que la prise en compte
simultanée de plusieurs dimensions rendra plus ardue la lecture du phénomène.
Enfin, quant à l'importance accordée aux textes scientifiques sur le sujet, il
nous a semblé plus riche d'aller au-delà des impacts créés par certaines masses
de documents. Nous avons donc tenté de dégager et de privilégier les pistes
qui nous apparaissaient plus percutantes parce que formulant de nouvelles
questions ou proposant des hypothèses de compréhension qui forcent une
nouvelle réflexion.
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