Quaderni
Communication, technologies, pouvoir
71 | 2010
Le changement climatique : les résistances à
l'adaptation
Le changement climatique : conquences pour les
gétaux
Bernard Seguin
Édition électronique
URL : http://quaderni.revues.org/525
DOI : 10.4000/quaderni.525
ISSN : 2105-2956
Éditeur
Les éditions de la Maison des sciences de
l’Homme
Édition imprimée
Date de publication : 5 janvier 2010
Pagination : 27-40
Référence électronique
Bernard Seguin, « Le changement climatique : conséquences pour les végétaux », Quaderni [En ligne],
71 | Hiver 2009-2010, mis en ligne le 05 janvier 2012, consulté le 30 septembre 2016. URL : http://
quaderni.revues.org/525 ; DOI : 10.4000/quaderni.525
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Tous droits réservés
QUADERNI N°71 - HIVER 2009-2010 CHANGEMENT CLIMATIQUE ET VEGETAUX .27
le changement
climatique :
conséquences
pour les
végétaux
Directeur de recherches à l'INRA
Mission "Changement
climatique et effet de serre"
Bernard
Seguin
D o s s i e r
Le changement climatique n’est, bien sûr,
qu’un des déterminants qui vont conditionner
l’évolution de l’agriculture au cours du XXIe
siècle. La remise en question de sa vocation
unique de production d’alimentation, déjà
largement entamée depuis quelques années par
la reconnaissance de sa multifonctionnalité,
est fortement accentuée actuellement par
l’ouverture des perspectives de l’utilisation de la
biomasse pour la substitution d’énergie fossile
(biocarburants, cultures énergétiques).
Le tout se situe dans un contexte de transformation
profonde du contexte économique, incluant
les réformes de la PAC (Politique Agricole
Commune).
Cependant, l’agriculture reste sans aucun doute,
parmi les activités humaines, une de celles
le plus directement inuencées par le climat,
malgré l’augmentation de sa productivité dans
le cas des pays développés.
Le changement climatique aura donc un impact
sur la composante biotechnique de la production.
Accroissement de la teneur en gaz carbonique
et autres gaz à effet de serre dans l’atmosphère,
élévation de la température, modication des
régimes pluviométriques, et donc des différents
termes du bilan hydrique (évaporation, drainage,
ruissellement), évolution de la couverture
nuageuse, et donc du bilan radiatif : l’ensemble
des facteurs bioclimatiques qui régissent le
fonctionnement des écosystèmes est amené
à se modier, et il faut donc en premier lieu
prévoir et quantier ces modications et leurs
conséquences.
28. CHANGEMENT CLIMATIQUE ET VEGETAUX QUADERNI N°71 - HIVER 2009-2010
Les impacts futurs sur les végétaux
Conséquences pour la production végétale
Le gaz carbonique favorise la croissance végétale.
Les plantes xent le CO2 de l’atmosphère grâce
à une molécule organique dont le nombre d’ato-
mes de carbone diffère selon les espèces :
les plantes en C3 (3 atomes de carbone) et
celles en C4 (4 atomes de carbone) réagiront
différemment à une variation de la quantité du
CO2 atmosphérique. Si cette dernière double
d’ici à la n de ce siècle, la photosynthèse brute
augmentera de 30 % pour les plantes en C3 (blé et
riz) et de 15 % pour celles en C4 d’origine tropicale,
comme le maïs. Les premières assimileront
20 % de carbone en plus, les secondes 10 %. La
production de biomasse devrait alors augmenter.
Cet effet sur la photosynthèse se combinant aux
variations de températures et de précipitations,
les conséquences sur le rendement des espèces
cultivées ou la productivité forestière seront
cependant plus contrastées qu’une simple
augmentation de la production de biomasse.
Les plantes possèdent en effet une température
optimale pour la photosynthèse, qui est souvent
déjà atteinte, voire dépassée dans le Sud de
la France. Par ailleurs, dans les conditions
tempérées, l’élévation de température favorise
la plupart des processus physiologiques (avec,
aussi, des seuils tels que, par exemple, 36° C pour
la viabilité du pollen de maïs). Mais elle accélère
aussi le rythme de développement des cultures
annuelles, de sorte qu’elle raccourcit leurs cycles
et, par suite, la durée de fonctionnement de la
photosynthèse. À l’inverse, pour les plantes à
cycle non déterminé (en particulier les forêts),
la saison de croissance, qui commencera plus tôt
au printemps et nira plus tard à l’automne, sera
allongée. Au nal, le bilan de la production de
biomasse dépendra à la fois du type de couvert,
des conditions climatiques et des pratiques de
culture ou de conduite des couverts végétaux.
Il existe encore assez peu d’études spéciques
sur les conséquences pour les végétaux
d’ornement et les couverts urbains. Ce sont
donc celles, beaucoup plus documentées, sur
les espèces cultivées (en agriculture) ou gérées
(en sylviculture) qui peuvent nous donner les
indications les plus complètes pour avoir une
idée des grandes lignes des impacts attendus.
Les impacts attendus en agriculture
En prenant le cas de la France, au niveau des
grandes cultures, les résultats des simulations
effectuées à l’INRA avec les modèles de culture
sur le blé et le maïs (Delecolle et al 1999)
permettent de conclure à des effets légèrement
positifs sur le premier, avec des augmentations de
rendement allant de 2,5 % à 5,7 %, et des effets
plus variables sur le maïs (+ 10 % à - 16 % dans
le cas d’une culture irriguée dans le Sud-Est). Ils
sont en bon accord avec les études comparables
d’autres pays pour les conséquences sur les
céréales en milieu tempéré (gure 1, d’après
Easterling et al 2008). Au niveau des prairies
(Soussana 2001), la conjugaison de travaux
expérimentaux (sous serre et en enrichissement
naturel à l’extérieur) et de modélisation à partir
d’un modèle d’écosystème prairial conduit
à envisager, dans les conditions du Massif
Central, une augmentation de la production de
biomasse aérienne de l’ordre de 25 % (dont
18 % attribuables au seul doublement de CO2).
QUADERNI N°71 - HIVER 2009-2010 CHANGEMENT CLIMATIQUE ET VEGETAUX .29
En termes de système d’élevage, la valorisation
de cette augmentation de production devrait
permettre une augmentation du chargement
animal (en gros de 20%) ou une augmentation
de la saison de pâturage de l’ordre de trois
semaines, avec un accroissement de l’ingestion
de 7 à 20 % et de 2 à 20 % pour la production de
viande. Mais ce potentiel plus fort pourrait être
très largement contrebalancé par l’effet négatif
du stress hydrique, en particulier dans les régions
du Sud de la France, mais la perspective de
sécheresses plus fortes amène aussi à envisager
des effets signicatifs de la sécheresse dans
l’Ouest et même le Nord de la France.
Pour les cultures pérennes, essentiellement
arbres fruitiers et vigne (Seguin et al 2004), le
facteur primordial devrait être l’avancée des
stades phénologiques, d’autant plus marquée
que l’on s’éloigne en cours de saison de la
levée de dormance, qui risque elle d’être plus
tardive à cause du manque de froid. Pour
certaines espèces telles que l’abricotier, les
hivers doux risquent même de créer des troubles
physiologiques (chute de bourgeons, fruits
avortés). Ensuite, l’action de la chaleur reprendra
vite le dessus et l’avancée de la date de oraison
peut conduire paradoxalement à augmenter
le risque de gel (gure 2), et à envisager des
conditions climatiques moins favorables pour
la fécondation et la pollinisation, en dépit du
réchauffement des températures. Pour la vigne,
la période de la maturation sera décalée (pour
le Midi, avancée d’après le 15 août à courant
juillet selon Lebon 2002), ce qui a pour effet de
‘démultiplier le réchauffement, en ajoutant au
seul effet climatique un effet lié à l’avancée du
calendrier, avec des conséquences certaines sur
Figure 1. Effet du réchauffement sur le rendement du
blé et du maïs en zone tempérée avec indication des
effets possibles de l’adaptation (d’après Easterling et
al., 2008).
30. CHANGEMENT CLIMATIQUE ET VEGETAUX QUADERNI N°71 - HIVER 2009-2010
la qualité de la vendange, plus chargée en sucre
(et donc en degré alcoolique) et moins en acide.
Il faudra aussi considérer l’impact sur les
adventices (mauvaises herbes) et les insectes et
maladies cryptogamiques, encore mal cerné à
l’heure actuelle.
Les tendances que nous venons de détailler
dans le cas de la France se retrouvent dans leurs
grandes lignes au niveau européen (Olesen et
Bindi 2002), avec la perspective de conditions
nalement globalement plus favorables pour
le Nord du continent, et à l’inverse avec des
impacts plutôt négatifs dans le Sud, la ligne
de partage se retrouvant au niveau français.
C’est évidemment une vision simpliée, très
schématique, qui est actuellement de plus en
plus complétée dans le détail des régions et des
cultures par un grand nombre d’études. Il n’en
reste pas moins que ce partage se retrouve en
tendance dans les projections au niveau du globe
(Easterling et Apps 2005, Easterling et al. 2008),
avec des productions fortement pénalisées dans
les climats des pays à faible latitude, alors que
celles des pays de climat tempéré pourraient
être légèrement favorisées, du moins tant que
le réchauffement reste inférieur à 2 ou C.
Figure 2. Effet du réchauffement climatique sur les dégâts de gel simulés pour 3 productions fruitières (pommier,
abricotier, pêcher) sur le site d’Avignon.
Evaluation du pourcentage degâts de gel sur les productions fruitières
pour différents scénarios climatiques (Avignon)
0 ,7
1,2
3,4
26,5
1,9
20,5
0,00
5,00
10,00
15,00
20,00
25,00
30,00
Golden1
Golden2
Golden3
Goldrich1
Goldrich2
Goldrich3
Richlady1
Richlady2
Richlady3
scénario 1: températures de 1965 à 1989
scénario 2: températures de 1990 à 2000
scénario 3: scénario prévu par le LMD pour
un doublement du CO2 atmosphérique
POMMIER
ABRICOTIER
PECHER
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