la
FEUILLE
VERTE
JOURNAL DES CONSERVATOIRE ET JARDIN BOTANIQUES – VILLE DE GENÈVE
DÉPARTEMENT DES AFFAIRES CULTURELLES – N° 36 – DÉCEMBRE 2005
BRÈVES ACTUALITÉS
impressum sommaire
Rédacteur responsable
Rédacteurs
Photographies
Conception graphique
Impression
D. Roguet
P. von Auw; B. Bäumler; C. Bavarel; F. Bieri; P. Boillat; A. Breda;
P. Clerc; D. Gautier; G. Gonzales; C. Lambelet; P.-A. Loizeau;
P. Martignano; B. Messerli; P. Mugny; J. Parra; A. Pin; M.-J. Price;
D. Roguet; R. Spichiger; F. Stauffer; M. Stitelmann; A. Traoré; R. Tripod
B. Renaud; D. Roguet
M. Berthod – G. Schilling
Imprimerie Nationale, Genève
Le journal des Conservatoire et Jardin botaniques de la Ville de Genève paraît une fois l’an.
© 2004 Conservatoire et Jardin botaniques, Genève.
Toute reproduction intégrale ou partielle des textes ou des illustrations de cette édition est
strictement interdite sans accord préalable auprès des CJB.
ous avons un petit problème dans le parc.
Suite aux pluies diluviennes de la semaine
passée, la mare a débordé. Le centre et une par-
tie du jardin botanique sont sous l’eau. Une toute
petite quantité d’eau est entrée dans les locaux.
Pas de dégâts. Je n’ai pas pu accéder au bâtiment.
C’est ce matin que j’ai demandé à ce qu’on me
sorte la machine pour que je puisse travailler sur
les rapports. Je l’ai déposée à la direction du parc
mais ces derniers ont des problèmes d’électricité.
C’est terrible mais au Sénégal, rien ne fonctionne
pendant l’hiver. Cette année, c’est pire parce qu’on
a voulu tester les pluies artificielles (un des fameux
projets du chef de l’Etat) et le résultat c’est une
inondation dans tout le pays.
Nous avons une cité derrière le parc, c’est cette cité
qui a été envahie par l’eau et les sapeurs pompiers,
en pompant ont tourné les tuyaux vers le mur du
parc. ce dernier s’est effondré et l’eau s’est dirigée
vers la mare et cette dernière a débordé.
La Direction des EF est en train d’évacuer l’eau
mais malheureusement nous sommes en période
hivernale et chaque fois qu’on évacue une partie
(trois moto-pompes ont été installées), il pleut
le soir ou le lendemain et la situation redevient
comme avant.
Nous espérons que la situation sera réglée sous
peu.
(Courriel du 5 septembre 2005)
Des INONDATIONS aussi en… AFRIQUE
Nos EXPOSITIONS circulent…
Plus précisément à Dakar, dans le Parc de Hann où nous avons créé
un Centre d’éducation à l’environnement. Voici quelques nouvelles de
notre cheffe de projet sur place, Altiné Traoré
Pour la première fois,les CJB produisent une exposition qui voyage
es «Envahisseurs!», car c’est de cette
exposition qu’il s’agit, circulent depuis
cet été. L’exposition co-produite avec le Musée du
Léman est présentée en version bilingue dans
l’Espace nature du Bois de Finges (L’Ermitage),
en Valais près de Sierre, depuis le mois de juin.
Une excursion a été dirigée dans ce cadre fin août,
par Daniel Jeanmonod, commissaire genevois de
l’exposition, sous le titre : «Les pestes: les plantes
envahissantes en Valais».
Il en va de même pour l’exposition «Ambiguë, la
relation plante-insecte» qui, après avoir obtenu
un très grand succès l’été dernier dans la serre
tempérée du jardin botanique, a pu être présentée
en partie dans le cadre des Floralies du 10 au
20 novembre.
Une autre grande voyageuse est l’exposition «Cap au
Sud», ou plutôt une partie de celle-ci, qui sera présen-
tée dès le printemps 2006, dans une version espagnole,
au Jardin botanique d’Asuncion au Paraguay.
FLORA ALPINA primé
e 19 novembre 2005, l’ouvrage Flora
alpina a fait l’objet d’une distinction spé-
ciale lors de la XXIIIeédition du Prix Gambrinus
«Giuseppe Mazzotti» pour la littérature de mon-
tagne, d’exploration et de sciences naturelles. Une
cérémonie a eu lieu dans le Parc Gambrinus de
San Polo di Piave à Trévise. Le jury a relevé que
Flora alpina est un «livre complexe et rigoureux,
qui comble une lacune importante à propos des
connaissances sur le patrimoine végétal alpin, un
véritable catalogue officiel, utile au botaniste pro-
fessionnel comme à l’amateur». Cette distinction
récompense les efforts des Conservatoire et Jardin
botaniques de la Ville de Genève sur une décen-
nie pour élaborer Flora alpina (voir aussi La
Feuille verte 35: 11-16. 2004).
un CONCERT classique
Donné dans le cadre de l’exposition «Ambiguë,la relation plante-insecte»
es nuisances sonores rendant difficile la
pratique de la musique classique dans le
cadre des Conservatoire et Jardin botaniques, c’est
à une grande première que nous avons assisté le
18 septembre dernier lors de notre exposition esti-
vale en collaboration avec le Conservatoire de
Musique. Un concert était en effet programmé dans
le cadre des butinages proposés lors de l’exposition
et dans la grande salle de la Place-neuve: le trio
Desarzens-Ehinger-Fuchs (violoncelle, clarinette,
piano), avec au programme: Brahms, Tajcevic...
et une improvisation sur le thème «Ambiguë, la
relation plante-insecte».
Cette décentralisation de la manifestation fut une
réussite, comme les autres proposées dans le
cadre de notre exposition, et ne demande qu’à être
renouvelée.
Editorial / mot du magistrat – Transversalité
Présentations – Le nouveau Jardinier-chef
3
Passage de témoin
4
Contributions thématiques
Ambiguë, la relation plantes-insectes
5 - 6
Nouvelles du rucher du Jardin botanique
7 - 9
Lutte biologique aux CJB
9
CJB – Jardin
Les désinfections, pourquoi? comment?
10
4evoie CFF
10
Le Carrousel des Fables
11
Le Conservatoire
Préservation et conservation à la bibliothèque
12-13
L’herbier de Johannes Hedwig et son catalogue de types
14-16
Rétrospective
Le XVIIe congrès international de botanique
17
Rétrospective photographique annuelle
18-19
Rencontre annuelle de l’AJCBS
20
Programme 2006
Expositions et animation en 2006
21-22
A vos agendas!
23
Education
Formation continue pour les enseignants aux CJB
24-25
Nouveaux projets pédagogiques «l’Art et les enfants»
25
Partenaires
La Flore de Suisse en ligne (CRSF)
26
Le billet du président de l’AAJB
27
Rapports amicaux ou masos entre asticots et végétaux
27
Les Fermes de l’Arche (PSR)
28
Coopération
Nouvelles du Jardin Ethnobotanique à Dakar
29
Projet EPY au Paraguay
30
Brèves 2 & 31
Editorial
e sujet, à mi-chemin entre les mondes
animal et végétal, pouvait également être
ressenti comme le signe de la transversalité
qui caractérise l’exposition et toutes ses
déclinaisons. En effet, autour de ce projet, le public a
également pu apprécier des expositions satellites, dont
l’«Herbier Humerose» – des photographies géantes
accrochées dans l’Allée des platanes. La visite se pour-
suivait avec «Concordances», une série de photographies
présentant en comparaison des photos prise au micro-
scope électronique à balayage représentant d’une part
une section d’animal et un détail de végétal d’autre part.
Une troisième exposition, montrant le foisonnement des
insectes dans la bande dessinée, reflétait également la
collaboration entre le CJB, le Muséum d’histoire naturelle
et les Bibliothèques municipales.
Plus loin encore, c’est l’ensemble des institutions cultu-
relles genevoises qui ont collaboré autour du thème du
monde des insectes, mais en fonction de leur patrimoine
ou de leurs compétences propres: aux Bibliothèques
municipales ou à la «Fureur de lire», avec des ouvrages
ou des spectacles sur le même thème, au musée de
l’Ariana, avec un «parcours-découverte» de céramiques
représentant des insectes, au Musée d’art et d’histoire,
avec des entretiens proposés sur le thème de la protec-
tion du patrimoine contre les insectes nuisibles, sans
parler d’Insectissimo, la grande exposition proposée par
le Musée d’histoire naturelle sur ce thème dès octobre,
à l’occasion du centième anniversaire de la Société Gene-
voise d’entomologie.
Dans le cadre de tels projets interinstitutionnels, la trans-
versalité représente une véritable valeur ajoutée. En plus
de bénéfices évidents en matières didactique et pédago-
gique – avec des activités programmées de manière
concertée –, le fait que les diverses institutions partici-
pant au projet fassent référence les unes aux autres
permettent de démultiplier les occasions d’informer les
publics sur les expositions. Au plan médiatique, cette
convergence thématique et cette multiplication des points
de vue permet d’avoir un impact plus important avec une
communication commune particulièrement efficace susci-
tant l’intérêt au-delà des spécialisations dans lesquelles
certains journalistes sont quelquefois cantonnés (ex: art
contemporain, sciences naturelles, jardinage, etc.). Sans
mentionner, au plan interne – et à plus long terme – que
le succès de tels projets permettra d’encourager dans le
futur d’autres événements de même envergure.
Plus globalement, la transversalité, c’est aussi, d’une
certaine manière, l’abolition des frontières. Des accords
de collaboration culturelle ont par exemple été signés
avec des villes africaines (Dakar, Ouagadougou) et latino-
américaines (Asuncion, Sao Paulo, La Paz, Joao Pessoa)
avec pour principes de base la valorisation de la biodi-
versité naturelle et de la diversité culturelle qui lui est liée.
Cette volonté de partenariat culturel permet aux Conser-
vatoire et Jardin botaniques, musée vivant de la cité, de
travailler depuis presque dix ans sur différents projets
de coopération liés au développement durable. Basé sur
la valeur patrimoniale de la transmission des savoirs
(botanique appliquée et ethnobotanique), ces micro-
projets utilisent l’éducation environnementale comme
vecteur privilégié. Ils sont financés, en grande partie et
sans intermédiaires, par le Fonds de coopération de la
Ville de Genève.
On le voit, le principe de transversalité – mis à profit par
le biais des expositions thématiques ou d’autres projets
pédagogiques au plan international, est particulièrement
fructueux.
Gageons que les Conservatoire et Jardin botaniques conti-
nueront sur cette voie dans les années qui viennent.
près un cursus scolaire quelque peu en
dents de scie, Alexandre se tourne vers
l’Ecole d’Horticulture de Lullier où il
obtient son diplôme d’horticulteur paysagiste.
Pendant ses loisirs, il bricole des nichoirs à chouette,
se bat pour la protection des orchidées sauvages
du parc...
Mais il a pris goût aux études, à tel point qu’il décide
de les poursuivre à l’Ecole d’Ingénieurs de Lullier, d’où
il ressortira son diplôme d’ingénieur en gestion de
la nature en main. Il créé ensuite sa propre entreprise
avec deux collègues.
Membre du conseil d’administration, il est également
technicien/chef d’équipe dans le secteur «mise en
œuvre de projets environnementaux et paysagés».
A ce poste il gère les devis et les soumissions, s’occu-
pant également de toute la gestion administrative
et financière de l’entreprise. Alexandre est ensuite
engagé comme technicien dans le «Secteur Vert» chez
Boccard Parcs et Jardins SA, tout en restant au conseil
d’administration de son entreprise. Il a alors l’occa-
sion de démontrer ses aptitudes à mener ses équipes
de travail.
Une place de technicien en gestion des milieux
naturels est proposée à Alexandre à l’Etat de Genève
au sein du DIAE - Service des Forêt de la Protection
de la Nature et du Paysage. Il va pouvoir se donner à
fond pour la conservation de la nature à Genève.
Ce poste va rapidement évoluer et son rôle d’adjoint
au Conservateur de la Nature sera vite reconnu.
Pour ses vacances, la petite famille Breda se déplace
souvent en Italie, le plus près possible du parc natio-
nal des Abruzzes afin de pouvoir y observer... les loups
et les plantes endémiques, bien sûr.
A part cela, la voile, c’est la grande détente sur le lac,
et le vélo.
LA FEUILLE VERTE – JOURNAL DES CONSERVATOIRE ET JARDIN BOTANIQUES – N° 36 – DÉCEMBRE 05 – PAGE N° 3
D
e juin à septembre derniers, les Conservatoire et Jardin botaniques ont proposé
une exposition au titre en forme de question: «Ambiguë, la relation plante-insecte»
Marié, deux enfants
Alexandre Breda, nouveau jardinier-chef. Extrait d’une biographie
TransversaliP. Mugny
conseiller administratif en charge du
Département des affaires culturelles
de la Ville de Genève
ils d’un berger-fromager, Ray-
mond Tripod a vécu son jeune
âge et son adolescence dans le
milieu rural. En campagne vau-
doise, dans les années cinquante, des enfants
en dessous de 7 ans pouvaient être libérés tem-
porairement d’une présence en classe pour sui-
vre les parents durant les transhumances aux
alpages. Ainsi, sous le contrôle de l’inspectorat
des écoles et sous l’autorité parentale, on appre-
nait à lire, écrire et compter sur un coin de la
table du chalet. En dehors des devoirs scolaires
et des tâches journalières auxquelles ils
n’échappaient pas, les bambins avaient loisir
de gambader dans les pâturages, contexte très
favorable à l’éveil à la nature. Sans doute, cette
période a été décisive pour le choix du métier
que Raymond entreprendrait plus tard. Là-haut,
parmi les troupeaux et les grandes gentianes,
prélevant quelques pattes de chat, campanules,
benoîtes ou potentilles, Raymond se souvient
avoir jardiné d’éphémères plates-bandes ou
ronds de cailloux garnis de joubarbes.
Au printemps 1961, il est admis à l’Ecole
d’horticulture de Châtelaine. Au terme de trois
ans de formation, désirant se perfectionner, il
ira travailler au Jardin botanique de Berlin-
Dahlem. Cette année de formation complé-
mentaire dans le plus grand jardin botanique
du continent va lui procurer un excellent
bagage qui sera à l’origine d’un réseau pro-
fessionnel aussi dense que solide.
Après avoir travaillé dans le secteur privé
en Suisse et en Allemagne, Raymond revient
définitivement en Suisse en 1967, engagé comme
jardinier aux CJB par Jean Iff. Il se voit confié
l’espace de multiplication des plantes de rocailles
et l’entretien de la parcelle de «La Console».
En 1969, on le charge de la formation des
apprentis et des stagiaires. Très disponible pour
transmettre des connaissances, il collabore avec
les centres de formation des métiers de la terre
et les milieux professionnels. Il donnera des
cours de floriculture et de botanique élémen-
taire. Afin de répondre aux conditions requises
pour la formation, il obtient le diplôme de
Maître horticulteur-floriculteur en 1977. Solli-
cité par l’Ecole d’horticulture de Lullier, il y
enseignera pendant une vingtaine d’années
dans la section d’architecture du paysage de
l’Ecole d’ingénieurs.
Ses compétences reconnues par tous en font
bientôt le bras droit du jardinier chef. Délé-
gué auprès des bureaux d’architectes, il par-
ticipe à l’élaboration des plans et des dossiers
de restauration du jardin (étape bot IV). De
1977 à 1985, une grande partie de son temps
est ainsi absorbée par les séances et réunions
de chantier.
La bonne connaissance des parcelles et des
bâtiments, les expériences acquises durant son
parcours professionnel, la conscience précise
des exigences pour une bonne gestion du
jardin, tout cela le destine naturellement à la
succession de Jean Iff. En accord avec ce der-
nier, il postule à la fonction de jardinier chef.
Sur préavis de la direction, le Conseil admi-
nistratif le nomme à partir du 1er mars 1985.
Il va poursuivre le travail de son prédécesseur
mais de nouvelles réalisations vont encore
élargir l’offre du jardin: la convention de
cession du Domaine de Penthes signée avec
l’Etat en 1989 permettra d’héberger l’Exposi-
tion nationale ProSpecieRara en 1996; sur la
Terre de Pregny, c’est l’installation du
Jardin des Senteurs et du Toucher, inauguré
en 1991; suite à une donation par l’Etat
de Genève, c’est la réhabilitation, entre 1994
et 1995, des anciennes serres du Baron
Rothschild; restauration entre 1997 et 1998
du Jardin d’hiver, la plus ancienne de nos
serres; enfin, l’aménagement paysager dans
le cadre des travaux de la construction de la
3evoie CFF Genève – Coppet.
Le jardinier chef est un personnage clé; il
assure la marche quotidienne du service, la
conduite du personnel du jardin – environ
30% de l’ensemble du personnel –, la ges-
tion des bâtiments, la planification des plan-
tations, expositions, manifestations, etc. En
bref, l’image des CJB, leur rayonnement local
et international dépendent en grande partie
de l’investissement du jardinier chef. Il
va sans dire que Raymond Tripod a rempli
l’ensemble de ses tâches avec une conscience
professionnelle, un dévouement et une com-
pétence scientifique et technique exception-
nelles.
Raymond est un des meilleurs connaisseurs
de la flore au sein des CJB. Il fait jeu égal avec
les meilleurs botanistes du Conservatoire, et
Dieu sait si notre institut regorge de spécia-
listes reconnus mondialement. Son savoir
englobe aussi bien les variétés horticoles –
en fait, le domaine de compétence des horti-
culteurs –, que les espèces sauvages.
Projetant et dessinant le jardin, organisant
l’emploi du temps de chacun, jonglant avec
les horaires, les remplacements et autres
absences prévisibles ou non, Raymond s’est
fait une réputation qui dépasse largement nos
frontières. Même le prestigieux Jardin des
plantes de Paris nous envie cet organisateur
hors pair. Ce sens de l’organisation mis au
service de la semaine de travail telle que
la conçoit Raymond, à savoir 7 jours sur 7,
garantissait un fonctionnement du jardin
sans faille. Il est vrai que le stakhanovisme
du jardinier chef n’avait pas grand-chose à
envier à celui de ses subordonnés directs. Bref,
avec de pareils collaborateurs, la direction n’a
pas eu de soucis à se faire.
En ce qui concerne la transversalité chère au
conseiller administratif (voir préface de M.
Mugny), Raymond a eu le constant souci d’inté-
grer le fonctionnement du jardin à celui du
conservatoire. Collaborant avec les scientifiques,
il a favorisé les initiatives originales consacrées
à la conservation d’espèces menacées et à la lutte
biologique. Il a également développé les relations
avec les autres services «verts» de la Ville et de
l’état, ainsi qu’avec les groupements de profes-
sionnels et d’amateurs (Société Genevoise d’Hor-
ticulture, Arboretum du Vallon de l’Aubonne,
Société des Roses, Associations des Jardins bota-
niques de Suisse, de France, etc). Depuis 1989,
Raymond supervise la gestion du Jardin alpin de
«La Linnaea» à Bourg-Saint-Pierre.
Dans le cadre des programmes de coopération
soutenus par la Ville de Genève, Raymond s’est
investi dans la création ou la restauration de
jardins botaniques au Sénégal et au Mali, et
cela parfois au péril de sa santé. Nos parte-
naires ont été impressionnés par sa puissance
de travail et sa modestie, lorsque sous le soleil
de Dakar, il prêchait par l’exemple le travail
bien fait auprès de jardiniers sénégalais qui
n’avaient pas l’habitude de voir les «patrons»
travailler la terre à leur côté.
Responsable de chefs de culture et d’horti-
culteurs hautement qualifiés, ses compéten-
ces scientifique et d’organisation, reconnues
de tous, lui ont permis d’être un patron
respecté malgré une gentillesse et une recher-
che du consensus parfois peu compatibles
avec une telle fonction.
Si je devais relever un point fort dans
ma carrière de directeur, je mentionnerais
l’excellente collaboration entre Raymond et
moi. Cette estime professionnelle a d’ailleurs
débouché sur une amitié réciproque qui a
permis de régler bien des problèmes. Je ne
peux que souhaiter à nos successeurs une
telle harmonie.
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° 36 – DÉCEMBRE 05 – LA FEUILLE VERTE – JOURNAL DES CONSERVATOIRE ET JARDIN BOTANIQUES
PASSAGE de témoin
R. Spichiger directeur
Le 30 septembre 2005, Raymond Tripod, jardinier chef
des Conservatoire et Jardin botaniques partira à la retraite
après 38 ans passés au service de la Ville de Genève
e te mange. Tu me dégustes. Je t’aime. Tu
me repousses. Je me défends. Tu te fais belle.
Je te fais la cour. Tu me trompes. Tu as une
jolie trompe. J’adore ton parfum. Tu me fais
peur. Je ne peux me passer de toi. Tu as des couleurs
magnifiques. Je m’habille comme toi. Tu me nourris. Je
t’attrape. Tu me plais. Je te hais. Tu es le soleil de mes
jours. Je suis le bonheur de tes nuits. Je vais chercher mes
copines. Je préfère la fidélité. Tu me pollinises. J’agonise.
Tu me décoiffes. Je t’ai dans la peau. Tu aides ton
prochain. Je le repousse. Tu adores la société. Je vis
seul. Tu changes de vie. Je te survis. Tu survoles. Je me
cramponne. Je m’intègre. Tu résistes. Tu produis des
toxines. J’hallucine. Tu imites. Je mimétise. Tu t’éterni-
ses… Et si on se faisait une bonne bouffe…»
Allégorie de la vie, la relation plante-insecte est passionnelle.
Elle est riche en contradictions et pleine d’ambivalences.
Elle transcende notre vision de la nature et lui rend tout son
pouvoir de fascination. Cette exposition nous a fait entrer
de plein pied dans un monde fusionnel et sensoriel où se
mêlaient tour à tour couleurs, parfums et sons. L’attraction,
la répulsion, la fascination et le dégoût, autant de sentiments
mitigés, souvent incontrôlables qui prévalent lorsque l’on
aborde le sujet ou côtoie ces organismes vivants.
Nos collègues du Jardin bota-
nique du Parc de la Tête d’Or
à Lyon (France) avaient com-
mencé l’analyse de cette ren-
contre passionnante. Nous
l’avons poursuivie en changeant
de décor et en y ajoutant notre
grain de sel. Un grain de sel
qui s’est matérialisé dans
notre musée vivant par le tra-
vail de recherche d’une équipe
de scientifiques, qui s’intéresse
à la pollinisation et à la co-
évolution, ceci à l’exemple
d’une famille tropicale, les
Gesnériacées. Cette dernière
met parfaitement en exergue
la magie d’un processus évolutif parallèle. Une serre,
ouverte au public et interprétée, est consacrée à cette
famille botanique depuis l’hiver 2004.
La thématique de l’exposition était par essence trans-
disciplinaire, puisqu’elle se plaçait à la frontière entre
deux mondes, celui des insectes et celui des plantes.
Elle nous a poussés à trouver d’autres axes de vision, à
susciter des collaborations, à tisser des liens et à construire
des passerelles avec d’autres acteurs culturels à Genève,
que ce soit dans les musées ou auprès des Bibliothèques
municipales et du Conservatoire de musique.
Il en a résulté un programme complet, ludique et édu-
catif qui a tissé sa toile (attention les araignées se sont
pas des insectes!) pendant tout l’été 2005, du 7 juin au
25 septembre, dans et autour de notre serre tempérée,
proche de la route de Lausanne. Cadre sublime pour
présenter différentes facettes de la relation ambiguë tis-
sée entre insectes et plantes, la serre a abrité tout un
petit monde vivant d’insectes (sauterelles, coléoptères,
papillons, phasmes, abeilles) et de plantes (orchidées,
insectivores, mirmécophiles, mellifères) spectaculaires.
Une médiation a été assurée en continu grâce aux «jobs
d’été de la ville» pendant les mois de juillet et août.
Des ateliers d’été, montés en collaboration avec les autres
musées genevois pour le jeune public, ont été proposés
au début juillet. Une bonne façon de commencer ses
vacances, de cultiver son sens de l’observation et de
l’école «butinière»!
Des expositions artistiques, les «satellites», ont accompa-
gné la présentation centrale en offrant des regards diffé-
rents sur ce monde fascinant: photographies géantes
de l’«Herbier Humerose» accrochées dans l’Allée des
platanes; «Concordances», des microstructures végétales
et entomologiques photographiées au microscope électro-
nique à balayage par Jean Wuest; cheminement des
insectes dans la bande dessinée et sculptures d’insectes
géants en fil de fer.
Enfin des «butinages» ont complêté cet ensemble, thé-
matique et éclectique tout à la fois. Prolongements des
expositions, ils ont accompagné votre été au Jardin
botanique, mais également bien au-delà dans différents
musées, fêtes et lieux culturels de la République. Musique,
porcelaine, «Fureur de lire», spectacles, lectures, confé-
rences et carrousels ont prolongé la découverte par des
D. Roguet conservateur
LA FEUILLE VERTE – JOURNAL DES CONSERVATOIRE ET JARDIN BOTANIQUES – N° 36 – DÉCEMBRE 05 – PAGE N° 5
Syndrome floral et Gesneriacées
La grande diversité des formes florales des plantes tropicales a impressionné les premiers explora-
teurs. Au XIXesiècle, l’essor de la culture en serre a permis de faire connaître ces beautés exotiques à
un large public.Au-delà du côté esthétique de ces fleurs aux couleurs vives ou aux contours étranges,
le biologiste souhaite comprendre comment une telle diversité a pu être produite par la nature.
Darwin a montré dans sa théorie de l’évolution le rôle de la sélection naturelle qui conduit les orga-
nismes vivants à s’adapter non seulement aux conditions du milieu, mais aussi à d’autres organismes.
Parmi ces adaptations, l’influence des organismes pollinisateurs sur les plantes est reconnue comme
ayant contribué à la diversification des plantes à fleurs. Dans les forêts denses et luxuriantes des
tropiques, les rapports fleurs/pollinisateurs sont particulièrement variés. Des familles telles que celles
des Orchidées, Bromeliacées, Gesneriacées, des hyménoptères (groupe des abeilles), des papillons
de jour et de nuit, des coléoptères, des oiseaux nectarivores et même certaines chauves-souris jouent
un grand rôle dans la reproduction. Cependant, dans leur grande majorité, les rapports sont relative-
ment peu spécifiques: une espèce de plante ne dépend pas que d’une espèce de pollinisateur,
mais est visitée par plusieurs organismes, dont certains sont des pollinisateurs effectifs. On observe
toutefois chez des fleurs appartenant à différentes familles une convergence des caractères morpho-
logiques correspondant à une adaptation à des classes de pollinisateurs.
Ainsi, les corolles tubulaires et étroites, de couleur rouge, produisant du nectar et sans odeur sont
préférées par les colibris, tandis que les corolles très longues, de couleur crème et parfumées attirent
des papillons de nuit. Ces caractères floraux constituent des syndromes, c’est à dire un ensemble
de caractéristiques de forme, couleur, odeur ou sécrétion de substances telles que nectar ou résine,
qui correspond à un type de pollinisateur (tiré de A. Chautems, Feuille verte, 1999).
Contributions thématiques
AMBIGUË,
la relation plante-insecte
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