ENSEIGNEMENT METHODIQUE DU VOCABULAIRE
EN LIEN AVEC LE VOCABULAIRE SCIENTIFIQUE
"Le mot doit faire naître l’idée; l’idée doit peindre le fait.
Et comme ce sont les mots qui conservent les idées et qui les transmettent il en résulte qu’on ne peut
perfectionner le langage sans perfectionner la science, ni la science sans le langage et que, quelque certains
que fussent les faits, quelque justes soient les idées qui les auraient fait naître, ils ne transmettraient que des
impressions fausses si nous n’avions pas les expressions exactes pour les rendre" Lavoisier Traité élémentaire de chimie
1789
Après avoir travaillé plusieurs années dans le cadre du dispositif « Vocanet », nous nous sommes aperçus
qu’au cours du travail de vocabulaire, les enfants soulevaient de nombreuses questions scientifiques.
Nous avons commencé à faire du lien entre les séances de vocabulaire et les séances de sciences.
Depuis,
- Une affiche est présente lors des séances de vocabulaire, sur laquelle sont répertoriées toutes les
questions d’ordre scientifiques qui seront alors réglées en séances de science.
- Chaque séance de science commence par un déballage de mots.
En effet, le vocabulaire courant fait parfois obstacle aux notions scientifiques.
Et, la précision de notions scientifiques permet d’enrichir la compréhension des différents sens des mots et de
leurs évolutions.
1. Pourquoi un enseignement méthodique du vocabulaire ?
Une petite précision, avant toute chose : nous définissons le lexique comme l’ensemble des unités lexicales
d’une langue.
On définit donc les vocabulaires comme des sous-ensembles du lexique :
Le vocabulaire scientifique est donc le sous-ensemble du lexique utilisé en science ;
Le vocabulaire d’un individu est l’ensemble des mots employés par un individu pour être compris et
pour comprendre les autres.
On différencie :
Le vocabulaire passif : je suis capable de dire que je connais ce mot ou que je l’ai déjà vu, d’en saisir le sens
de manière plus ou moins précise, sans pour autant oser l’utiliser.
Du vocabulaire actif mis en œuvre : je suis capable d’activer et d’utiliser des mots appris ou connus.
Le vocabulaire passif s’enrichit plus vite que le vocabulaire actif, cependant des activités de rappel bien
choisies peuvent accélérer et augmenter le passage du vocabulaire passif à actif. En particulier en améliorant
la capacité à repérer de bons indices de rappel, par exemple par des stratégies d’analogie des mises en
réseaux etc…
Descartes écrit : lorsque je commence à découvrir les idées, il ne me semble pas que j’apprenne rien de
nouveau, mais plutôt que je me ressouvienne de ce que je savais déjà auparavant, c’est-à-dire que j’aperçoive
des choses qui étaient déjà dans mon esprit, quoique je n’eusse pas encore tourné ma pensée vers elle.
Le lexique général du français s’organise en un ensemble structuré de vocables, associés, reliés entre eux par
des relations :
de sens :
- champs lexicaux, (Par exemple, tout le vocabulaire de la mer)
- synonymie, (ayant le même sens - On en découvre la finesse de la langue)
- polysémie, (les différents sens d’un mot – ceux qui nous intéresseront particulièrement)
de hiérarchie :
- hyperonymie, Terme dont le sens inclut celui d'un ou de plusieurs autres (Très utiles dans les
classements mais dont il faudra se méfier car ils peuvent conduire à des contresens)
Exemple : Chaussure englobant (souliers mocassin,….) Les petits souliers (chaussures ne pouvant venir
remplacer souliers)
- de parenté et de forme (dérivation, voir le rôle des suffixes et des préfixes)
- d’histoire (étymologie) les mots sont travaillés avec les élèves tels qu’ils sont perçus
aujourd’hui. Leur histoire peut parfois être intéressante pour comprendre les sens donnés à un
mot. Mais cet enseignement est peu utile, le sens des mots ayant pris des orientations très
éloignée de leur origine.
Cela constitue un ensemble très complexe.
L’enfant va apprendre principalement par immersion dans l’oral puis par la confrontation aux écrits. Il
construira sa langue à partir de l’observation et de l’analyse du corpus offert par les adultes.
Exemple :
Moi habille tout seul tu t’habilles tout seul ? moi t’habille tout seul !
D’où l’exigence bienveillante nécessaire des adultes qui l’entoure.
Un enfant n’apprend pas le langage, c’est au contraire le langage qui fait grandir.
Mais cela ne va pas sans peine ni sans insuffisance.
Il ne faut pas oublier que c’est d’abord parce que les textes font sens que les enfants vont s’intéresser au sens
des mots.
Donc, lire un texte dont on ne comprend pas un nombre important de mots c’est :
- dépendre des adultes
- dépendre des outils disponibles
- cela ralentit sa lecture qui devient fastidieuse.
Lorsqu’un élève rencontre un mot dans un contexte particulier, celui-ci est paré d’une signification singulière,
propre au texte. Or ce mot polysémique a d’autres sens dans d’autres contextes.
Le marcheur est arrivé au sommet de la montagne.
La compréhension du mot « sommet » dans ce contexte, ne l’aidera pas à lire une prescription de montage en
géométrie.
En passant parfois trop de temps à donner la définition de mots compliqués rencontrés dans un texte, on
oublie d’apprendre les liens fondamentaux qui existent entre les mots, on construit alors des élèves
inventeurs de sens.
Car le sens propre du mot ne suffit pas, bien au contraire, il duit le mot à une représentation limitée. Il est
nécessaire de construire en même temps les liens qui existent entre ce mot et les autres mots.
- Pour le mémoriser
- Pour le réutiliser
- Pour le comprendre dans un autre contexte
- Pour le contextualiser, et mieux comprendre les inférences.
Nombreux enseignants pensent qu’un texte littéraire se caractérise d’abord par la richesse de son
vocabulaire.
Or, on confond souvent la richesse stylistique avec la richesse lexicale. Ajouter de nombreux adjectifs pour
définir un personnage par effet de style, ce n’est pas enrichir le vocabulaire du texte.
Quelques chiffres : Etienne Brunet a évalué la richesse du vocabulaire de divers auteurs français.
- Seuls Balzac et V Hugo dépassent les 20 000 mots.
- La moyenne des auteurs modernes tourne autour de 10 000.
- Racine avec (4 282) mots, a réussi à exprimer clairement sa pensée…
C’est la raison pour laquelle dans le protocole nous partons de mots usuels (piochés dans le dictionnaire du
français usuel DFU) pour aller vers d’autres mots.
2. Les notions vont s’élaborer successivement.
On peut noter que les progrès de la science n’influence pas la langue usuelle:
« Le temps passe » nous parlons du temps comme dans l’antiquité » Etienne KLEIN
Mais le discours sur la nature, enrichit le vocabulaire et le savoir de l’enfant, et lui fournit les premiers
éléments de compréhension du monde qui l’entoure
Exemple :
Le comment:
La pierre tombe vite elle tombe de plus en plus vite (on le vérifiera avec le chronomètre et une toise) elle
tombe verticalement elle tombe moins vite dans l’eau que dans l’air
Le pourquoi:
La pierre tombe car elle est soumise à une force qui l’attire vers le sol –
Qu’est-ce qu’une force?
Cette force s’appelle la gravitation, mot issu du latin « gravis » qui signifie « lourd »
C’est pour cela que nous alternons les séances de vocabulaire et de science
a. Commencer par le grand déballage de mots puis leur classement
Celui-ci peut amener des premiers questionnements scientifiques.
Exemple :
Le cœur est-il au milieu de corps? Le centre
Quelle est la forme du cœur? La forme symbolique
De quelle couleur est le cœur?......
b. Continuer des séances de sciences pour répondre aux questions.
c. Avoir des séances d’assouplissement lexical et d’écriture.
d. Revenir au classement et développer la colonne/pétale/classe « les mots scientifiques »
e. Expliquer ensuite son expérience partager sa connaissance avec les parents
Pour expliquer son expérience de science à ses parents le soir, l’enfant sera obligé de tenir compte du fait qu’ils
n’étaient pas présents en salle de classe. Le mot « truc » doit obligatoirement se préciser.
L’enfant s’aperçoit qu’il est indispensable d’avoir un vocabulaire précis en séance de science.
La nécessité de la précision scientifique montre à l’enfant l’importance du mot juste :
Le mot ampoule utilisé en langage courant- Devient le mot lampe en séance de science et permet de préciser le
sens du mot ampoule (partie vitrée de la lampe, en forme d’ampoule)
Si pour le romancier ou le poète, l’arbre peut généralement convenir donnant de l’ampleur au discours (sur un
arbre perché) en science il faudra dire l’eucalyptus, le mélèze et le dire à bon escient On ne laissera pas dire la
montre si c’est un chronomètre, ni la bête, si c’est un hanneton, ni le regard si c’est la vision, ni le cuivre si
c’est du laiton.
3. Comment cela se passe-t-il ?
Pour les séances de vocabulaire:
Les mots choisis sont des mots simples, usuels, bien connus des enfants.
Cela permet :
- De mettre les enfants à égalité du déjà su ce que l’on partage.
- Que les élèves se rendent compte qu’ils ont «du même» et «du différent » à dire -dessus,
ce qui est déjà un enrichissement.
- Que les enfants soient toujours motivés à la première partie du travail. Ils ont tous quelque
chose à dire, après les premières peurs levées.
Ce sont des mots fortement polysémiques. Polysémique par la métaphore ou la métonymie.
Des mots permettant de soulever des questions scientifiques.
Une priorité au verbe
Car le langage est là pour dire le monde et ne pas seulement le montrer
Le verbe c’est le moteur qui structure la phrase. Un verbe a au moins un sujet (verbe intransitif) et
généralement plusieurs compléments (verbes transitifs) Il y a donc autour de lui des places vides qu’il faut
remplir.
- Un verbe ne se combine pas avec n’importe quel nom, des affinités sémantiques s’imposent
Exemple
Boire liquide
Croquer pomme
Un verbe permet de mettre en place des listes de mots :
- Des sujets
- des actants
- puis d’autres verbes
- qui amènent de nouveaux actants d’autres sujets….. Les listes s’allongent.
On peut aussi partir d’un nom :
Ce type de mot associe une liste de verbes, trop longue. Il faudra savoir faire des choix lors des exercices
d’assouplissement lexico-syntaxiques.
Ou partir d’un adjectif
Plus rare car ils sont généralement dérivés du nom
Une fois le mot choisi, le travail se déroule suivant un protocole en 4 étapes. (Voir document 3 Etape du
protocole)
ÉTAPE 1 VOCABULAIRE ET SCIENCES
2 TEMPS : COLLECTE DE MOTS PUIS PREMIÈRE CATÉGORISATION
EMERGENCE DES QUESTIONS SCIENTIFIQUES
L’objectif est de créer un corpus de mots et de faire surgir les liens sémantiques qui existent entre les mots.
De soulever des questionnements scientifiques.
Les étapes de sciences et de vocabulaire se déroulent en parallèle.
ETAPE 2 :
SCIENCES :
SEQUENCE DE
SCIENCE
ÉTAPE 2 - VOCABULAIRE - ASSOUPLISSEMENTS LEXICAUX, SÉMANTIQUES ET
MANIPULATION DE PHRASES
Les objectifs sont d’expérimenter les mécanismes de la langue. Voir qu’une même réalité
peut être dite différemment ; que le sens d’un mot se définit dans un contexte. Selon le mot
choisi, on pourra travailler :
LA POLYSÉMIE ET LA PARASYNONYMIE - LES MECANISMES DE DÉRIVATION - LE SENS
FIGURÉ- LES REGISTRES DE LANGUE - L’HYPERONYMIE - LES PÉRIPHRASES
ÉTAPE 3 : VOCABULAIRE - APPLICATIONS ET PRODUCTIONS
L’objectif est d’activer le vocabulaire des élèves. Ils sont amenés à s’approprier les mots du relevé pour
construire leurs propres énoncés. Les mots relevés et manipulés dans les étapes précédentes servent donc
d’outils pour construire un énoncé oral ou écrit.
LA DESCRIPTION D’IMAGES - DES IMPROVISATIONS THÉÂTRALES - DES RÉDACTIONS
ÉTAPE 4 : VOCABULAIRE ET SCIENCES :
PROLONGEMENTS ET OUVERTURE CULTURELLE
ENRICHISSEMENT DU CORPUS PAR LES SEANCES DE SCIENCES
RETOUR SUR LES PRODUCTIONS DES ÉLÈVES - APPORT CULTUREL - CARTE MENTALE
VOCABULAIRE SCIENTIFIQUE - RETOUR SUR LA COLLECTE DE MOTS
En science, lorsque j’exprime une idée, j’ai besoin d’être précisément compris. En particulier lors de la
description d’une expérience. Le mot choisi doit donc avoir une définition précise et presqu’unique me
permettant d’avoir un propos sans ambiguïté.
Quels liens entre les séances de science et de vocabulaire ?
Nous pouvons voir de nombreuses relations entre les séances de sciences et de vocabulaire
1- La joie, tout d’abord : On parle on est heureux
Une leçon de science va commencer par la parole : on se pose des questions on fait des propositions on
essaie Un expérimente l’effet de la parole
Une leçon de vocabulaire aussi : on fait des propositions orale ; on essaie en insérant le mot dans une phrase ;
on fait des liens entre les mots.
En science : C’est ce que l’on perçoit des lois naturelles qui validera.
En vocabulaire, c’est l’usage d’aujourd’hui qui validera.
2- Les enfants ne parlent pas uniquement pour décrire mais pour « dire sur ».
« Dire quelque chose sur » c’est émettre une explication à propos d’un élément du monde, c’est tenter de
répondre à cette question : pourquoi les choses sont-elles ce qu’elles sont ?
3- La langue par sa grammaire permet de dépasser l’œil,
Par exemple, en posant grammaticalement :
Je vois que le soleil tourne autour de la terre.
Je vois que la terre tourne autour du soleil.
Les deux phrases sont correctes : laquelle est vraie ? Alors vérifions……
4- La science a besoin de la description et de la prédication en les portant à leur limite de rigueur et de
vérité
C’est la combinaison des deux qui permettra de rectifier certains langages
Par exemple : MANGER une pomme MANGER de la viande
Croquer une pomme Mâcher de la viande
Donc la langue avec son réseau de mots, porte et diffuse la pensée scientifique, et dans le même élan ouvre
à la poésie et aux portes de l’imaginaire. Grace à ce mélange d’imagination et de rigueur mêlée :
On peut croquer la vie à pleine dents
Et avoir une orange bleue
i
Anne-Josèphe Laperdrix
Michelina Nascimbeni
Adrien Wallet
i
Bibliographie
Le vocabulaire comment enrichir sa langue A Bentolila B Germain J Picoche
Le vocabulaire en classe de langue C Cavalla E Croizier D Dumarest C Richou
Langue et sciences A Bentolila Y Quéré
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