Page d`accueil Théâtre Epique Lorent Wanson 2013-2015

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© Alessia Contu
UNE AUBE BORAINE
Théâtre Epique
Lorent Wanson
2013-2015
Edito
dans le folklore, réinvente avec ses moyens démunis du sacré,
dans le sens le plus noble ou rudimentaire du terme. Le sacré,
tel que l’esquisse Pasolini, mais tel aussi qu’il perdure comme
par Lorent Wanson
une résistance dans cette région frontalement bousculée par
Directeur artistique et metteur en scène
l’histoire économique et sociale du siècle, cette région qui ne
se cache pas, (même si on la regarde peu) qui crie à la fois
Un projet comme “Une Aube Boraine” se clôture-t-il? Ce n’est son déclin et sa renaissance, qui le crie, le chante, avec cette
pas sa vocation. Il restera de ces deux années complètement franchise rare, qui ne joue pas et ne dissimule pas non plus ses
folles du visible et puis beaucoup d’invisible. Il y aura eu des abattements.
tonnes d’éphémère et des essais de pérennité, des graines
semées au vent dont nous ne pouvons savoir si elles porteront Il fut fondamental pour nous de travailler ici, là où les
leurs fruits, et d’ailleurs ces fruits que nous espérons, ce ne simulacres ne font pas le poids, car les populations en ont subi
seront déjà plus les nôtres mais ceux de celui ou celle qui les tant qu’on ne leur fera plus une promesse sans qu’une tournée
entretiendra.
générale ne suive.
Ce furent deux années magnifiques, dangereuses, humbles
mais d’une ambition démesurée, deux années où nous avons
tenté d’arracher de la lumière là où stagnait l’ombre ou plutôt
de tenter d’éclairer ce qui n’a jamais cessé d’être là, et cette
région, bien souvent, pas toujours, nous l’a rendu.
Nous ne pouvions savoir,deux ans auparavant, quand nous
avons déposé ce projet que son titre serait si révélateur, car
l’aube est un moment qui ne choisit pas, elle est le témoignage
d’une vibration, d’une incertitude, un moment que nous avons
voulu étendre deux années, avec des moments d’éclats, de
retrouvailles, des petites veillées où des badauds, des artistes
venus de partout, des piliers de comptoir, des musiciens du
dimanche, se retrouvaient, pas pour faire spectacle, mais pour
partager des espaces de parole, de fête, de tendresse. Car
l’Aube Boraine n’a jamais voulu être un spectacle et n’en
n’est jamais devenu un, elle est la mise en scène de l’instant.
Nous avons tenté que la vie s’invite partout dans nos pratiques
artistiques et qu’inversément l’art s’invite au zinc, se faufile
Théâtre Epique - Une Aube Boraine
Voilà, il est paradoxal que ma pratique théâtrale ait fermenté il
y a une quinzaine d’années ici même dans cette Salle culturelle,
cette Maison du Peuple pour les répétitions de Sainte Jeanne
des Abattoirs, et qu’il me fallut errer en Serbie, au Congo,
au Chili, écouter et tenter de donner écho aux silences où
sont relégués la majorité des êtres, acteurs de l’histoire mais
que les livres ne mentionnent jamais, pour en fin de compte
revenir ici, là où ma culture bat, là où résonnent mes propres
silences, là où purulent mes propres plaies, là où s’entament
mes fous rires et où surgissent mes larmes…
Paradoxal qu’ici nous ayons nous-mêmes tout au long de ces
deux ans compris le sens du mot silence, et de marginalité.
Sans doute que les douleurs ou les trahisons ne s’entendent
qu’avec la distance de l’exotisme.
Au moment de, sinon refermer ce chapitre, de l’ouvrir à
d’autres vents, de laisser les « enfants » de l’Aube Boraine
suivre leur propre marche, nous savons qu’il ne nous sera
pas possible, ni dans ce journal, ni ailleurs de raconter ce
que fut Une Aube Boraine : une compilation d’instants qui
ne sont enregistrés nulle part, un sentiment peut-être d’avoir
appartenu à ces instants, une complicité pour une chose qui
n’était plus ni du théâtre, ni de l’action socio-culturelle, une
aventure humaine qui n’avait d’autre ambition que d’exhorter
du mouvement, de la pensée, de la joie, de l’amicalité.
Sur “Une Aube Boraine”, nous avons frôlé des fins et rebondi
sans cesse, sans avoir l’ambition d’arriver à une conclusion,
mais juste offrir la vibration nécessaire à ce que le monde
résiste à la modélisation, à la formalisation de l’époque. Un
espace-temps de deux ans, où l’on pu tout à la fois réfléchir
l’histoire et tricoter du futur, dans un présent à réinventer sans
cesse.
Alors peut-être, ces (dé)marches, ces vins chauds et amusegueule, ces fontaines de voix, ces temps de cuisson qui
importent, ces Alions retrouvés, ces auberges boraines et
autres match amicaux, ces Van Gogh que nous sommes tous,
ces balades entre haine et trouille, et les quelque 11 ou 12, on
ne compte plus, spectacles mis en germe au cours de ces deux
ans, ne sont-ils pas grand chose, ne sont-ils pas l’événement
majeur, spectaculaire, mais un chemin vers une autre sorte de
lumière, celle d’une aube hésitante qui porte en elle tous les
possibles sans en occulter tous les démons.
Il est frustrant d’écrire un éditorial qui brosserait tous les
contours de cette aventure, c’est pourquoi je promets aux
quelque 300 personnes qui y ont participé activement et aux
quelques milliers de spectateurs et complices qui nous ont
suivis, aux associations sportives, culturelles, aux cafés etc…
sans le dévouement desquels ce projet aurait été impossible et
improbable, que nous en ferons germer plus qu’un spectacle,
mais des anecdotes qui, pas après pas, feront l’Histoire...
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pAGE 27
D
epuis janvier 2013 et jusqu'en août 2015, Lorent Wanson et des artistes de renommée associés au Théâtre Epique ont
parcouru le Borinage à travers des ateliers, rencontres, performances et autres actions poético-civiques impliquant des
populations boraines. Entre théâtre, folklore, création musicale, expression populaire, improvisation et événement…Une
Aube boraine est un projet artistique et citoyen mouvant, qui vise à remettre en lumière les histoires, à réinscrire la population
comme partie prenante d’une Histoire en marche.
“Une Aube Boraine”
Un vivier de projets artistiques initiés par le Théâtre Epique
«Une Aube Boraine» est un projet
polyforme, il se décline de différentes
manières: ateliers participatifs, projets
artistiques, évènements culturels et
festifs, en voici les grandes lignes...
Les ateliers participatifs
Organisation d’ateliers participatifs de longue haleine avec
les populations et qui débouchent sur des présentations
soit uniques et circonstentielles, soit s’inscrivant dans des
événements plus larges et existant au préalable dans le
tissu socio-culturel régional : carnavals, processions, fêtes
de quartiers…
© Roger Van Vooren
Entre la haine et la trouille, Slam oratorio
Projet mené toute l’année, intra-générationnel entre les
petits-enfants et leurs arrières grands-parents sur les
quotidiens. Quelle était la journée d’un mineur de fond?
Quelle est la journée d’un enfant grandissant sans réelles
perspectives d’avenir? En collaboration avec Sempai et la
Plate-Forme, Maison des Jeunes de Colfontaine.
Une Aube Boraine est une production du Théâtre Epique /Compagnie Lorent Wanson, soutenue par la Fédération Wallonie Bruxelles,
en coproduction avec la Fondation Mons 2015 et le Centre culturel de Colfontaine.
L’Alion
Relecture d’une procession païenne abandonnée depuis
1895 et qui remonte à la fin de l’Antiquité. Un enfant est
perdu dans la forêt, la cité envoie des prêtresses pour le
ramener à la cité et à la vie. C’est une fête, comme beaucoup,
célébrant de façon quasi animiste le renouveau, la nouvelle
saison, l’espoir et la demande à la nature d’une année de
récolte riche. Avec tous les symboles de la germination.
C’est une procession réalisée avec des enfants, par une
série d’ateliers musicaux, de cirque, de danse, de prise
de parole et d’écriture, conjointement organisés par des
Maisons de Jeunes, des écoles de devoirs, des écoles, des
académies de musique. La première édition a eu lieu le 10
mai 2014 dans les rues de la commune de Colfontaine, en
collaboration avec le Centre Culturel de Colfontaine dans
le cadre de son parcours poétique. La seconde édition a
rassemblé 200 enfants et a eu lieu le 26 avril 2015 dans le
cadre du Grand Ouest de Colfontaine.
Le Ha Cra borain
Projet ludique d’un rituel nouveau, création d’une danse
de supporters et de joueurs afin de les inscrire durablement
dans le quotidien des gens. En avant ou après match, en
collaboration avec le Royal Sporting Club de Wasmes et
peut-être d’autres club de foot ou de rugby de la région.
En partenariat avec le manège.mons/centre dramatique, la Fabrique de Théâtre, Service des Arts de la scène de la Province du Hainaut,
le Théâtre de la Communauté, le Mac’s, Musée des Arts Contemporains, le Centre des Arts Scéniques, Arts & Publics, ARTS² Ecole
supérieure des Arts, section Art Dramatique, la Charge du Rhinocéros, le Royal Sporting Club de Wasmes, le club Som Thai Gym de
Frameries, la Plateforme, maison des Jeunes de Colfontaine, l’Ensemble instrumental de Colfontaine, le Cargo X, Kilombo asbl, Had
Ominem, Les Blés d’or, Far Forward Music, l’asbl Garance, La Baleine noire asbl, Marcasse et sa mémoire asbl, Télé MB, les chorales
Les Alouettes, Les Grillons, Crescendo, la Chorale des Jeunes de Soignies et les élèves du cours de Chant d’Ensemble de l’Académie
de Colfontaine, les écoles fondamentales de Colfontaine, le No Maison, la Maison du Peuple de Pâturages…
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Théâtre Epique - Une Aube Boraine
Nous sommes tous des Van Gogh
Un travail avec des artistes du Borinage autour de la figure
de Van Gogh et de l’éloge de l’anonymat. Ces artistes
se sont rassemblés autour de Lorent Wanson durant les
vacances de Pacques 2015 pour élaborer des œuvres
invisibles, des propositions artistiques et humaines dont la
seule volonté serait d’offrir un gueuloir à l’inaudible. Le
résultat de cet atelier a été présenté le samedi 25 avril 2015
au Charbonnage de Marcasse lors de notre évènement du
même nom «Nous sommes tous des Van Gogh» dans le
cadre du Grand Ouest de Colfontaine.
Théâtre Epique - Une Aube Boraine
Regarder l’aube, l’étendre...
Un exercice de fin d’études des étudiants de la classe d’Art
dramatique de Frédéric Dussenne, Ecole Arts² (Mons),
en immersion dans le Borinage. Ces 12 jeunes artistes se
sont jetés avec curiosité en immersion dans le Borinage, à
la rencontre des gens, de la Région et d’eux-mêmes...12
artistes en marche jusqu’aux 27 et 28 juin 2015 où nous
leur avons donné rendez-vous pour partager avec le public
leurs expériences et découvrir leurs aubes de passage de
l’école à la vie professionnelle, avec le Borinage en écho
et en miroir...
Des spectacles issus et nourris de la
participation
Ces spectacles ont été initiés, produits ou coproduits par
le Théâtre Epique dans le cadre d’«Une Aube Boraine» :
Porteur d’eau
de Denis Laujol, portrait de Florent Mathieu, coureur
cycliste de la fin des années 40, originaire de Quaregnon.
Domestique des leaders, porteur d’eau comme on dit, mais
au courage et au dévouement sans borne. Il fut néanmoins
une star dans la région, quasiment son symbole de courage
et d’abnégation…
Ma Pucelette
de Laura Fautré, portrait de différentes pucelettes de la
tradition dans leur quotidien d’aujourd’hui, de l’écolière à
la mamie, de l’institutrice, à la mère de famille.
FIGHT
d’Emilie Maréchal. Une salle d’entrainement à Frameries.
Une rencontre avec Thong, ancien champion du monde,
Jason, son fils, qui entame une carrière professionnelle.
Un moment de théâtre, de cinéma et de démonstration
sportive. Entre rituel et sport, transmission des coups,
valeurs et spiritualité.
Cerebrum, le faiseur de réalités
d’Yvain Juillard. Biophysicien spécialisé dans la plasticité
cérébrale devenu acteur, Yvain Juillard propose d’interroger
le fonctionnement du cerveau afin de questionner, à travers
des expériences simples et ludiques, la nature multiple
de nos réalités. Notre cerveau étant l’organe qui construit
notre réalité sensible, découvrir sa plasticité ouvre un
champ immense quant à notre propre capacité à être libre
ou à être formaté.
Cette conférence-spectacle a pour enjeu d’amener la
connaissance scientifique dans de nouveaux espaces
publics, de la rendre accessible et d’interroger l’avenir.
Kalach’
de Julie Jaroszewski. Kalach’ est la prise d’otage d’un
théâtre par une terroriste wallonne qui n’a d’autre
revendication que le martyre. Au fur et à mesure du compte
à rebours de la tragédie, la terroriste laisse apparaître sa
fragilité et les causes de sa violence, déclenchée par un
linguicide et une acculturation. Alors qu’elle marche vers
sa mort et celle du public, un autre récit sous-tend au texte
jusqu’à le supplanter, celui d’une réconciliation, d’une
Andalousie mythique et minière, qui la ramènera chez elle
et aux siens. Le chant, tel une balise, jalonne son parcours.
HORS-JEU
de Violette Pallaro. Il était une fois, au pied du terril des
Vanneaux, le Royal Sporting Club de Wasmes.Il était une
fois une poignée de bénévoles qui se donnaient corps et
âme pour que perdure ce club de football, au coeur d’une
région désertée et en friche. Et puis, soudain, à quelques pas
du stade, alors que s’ouvre la 93 ème saison, la fermeture
de l’usine. 400 ouvriers perdent soudainement leur travail.
Parmi eux, le gérant du club…
Tu n’advanchras d’jamin tou seû
de Sébastien Bonnamy. Sur Quaregnon, on en dit des
choses, mais tout ce qu’on nous raconte, est-ce vrai?
Promenade dans les langues, les a priori...un éloge à la
débrouillardise.
Penser avec les mains
Une création collective basée sur la valorisation des
métiers manuels et plus largement des processus de
création, à l’adresse de publics nouveaux, peu habitués à
la chose artistique. Ce spectacle a été écrit et créé à partir
de témoignages d’artisans, maçons, ferroniers, ébénistes,
couturières, etc…
C’est presqu’au bout du monde
Spectacle musical et mosaïque autour de la chanson
Youkali de Kurt Weill et Roger Fresnay. 3 comédiennes et 1
pianiste voyagent dans toutes les beautés et contradictions
de cette chanson, à partir d’immersions dans des homes, des
CPAS, des maisons de jeunes ou des rencontres fortuites.
La chanson se promène ainsi d’une langue migratoire à
une autre, dans un espace confiné et de transit. Un camp
de réfugiés où les migrants de passage ne pensaient pas
y passer le reste de leur vie. Tout un travail de collecte de
témoignages et de photographies, de portraits a été réalisé
tout au long du processus. L’autre aspect essentiel est de
faire interpréter cette chanson par une grande diversité
d’ensembles musicaux borains allant de l’harmonie au hard
rock, en passant par le jazz ou la musique contemporaine.
Un prélude fut par ailleurs proposé à la Salle culturelle
de Colfontaine le 15 Février, avec la participation de
6 chorales (une petite centaine d’enfants ayant chanté
Youkali lors d’une soirée festive et participative).
Les moments de retrouvailles, les évènements
Les évènements, autant d’étapes qui constituent la pierre
angulaire du projet «Une Aube Boraine»...Ces soirées
tentent de recréer du lien social, voire même du « sacré
» dans le sens pasolinien du terme. Nous tentons de créer
des atmosphères festives propices à la prise de parole et au
partage des expériences de vie. Nous les proposons à un
rythme soutenu afin de créer un lien véritablement profond
avec les populations, une forme de fidélisation et de rituel,
comme les veillées en étaient il n’y a pas si longtemps,
avant que la télévision et toutes les formes de modélisation
des populations ne prennent toute la place. Chacun des
apéros-rencontres développe une approche différente. Le
but n’y est pas de présenter des formes finies, mais des
chantiers, où la parole du spect-acteur se tisse avec les
expériences artistiques les plus diverses.
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Folklore
Folklore
Quels sont les dragons d’aujourd’hui? La Pucelette de Wasmes, revisitée par Laura Fautré.
© Ingra Soerd
L’Alion, une procession paienne millénaire disparue depuis 110 ans, réactualisée depuis 2014
© Julie Jaroszewski
Accompagnés par l’équipe artistique, associés au Théâtre Epique, les enfants du Borinage défilent dans les rues
de Colfontaine et de Wasmes pour fêter le printemps et le renouveau de la Région.
L
A l’image des terrils qui reverdissent
avec la force anarchique de la nature,
la procession de Alion célèbre un élan
nouveau: c’est une main tendue que
les jeunes, au cœur de la procession,
offriraient à une époque qui ne leur
promet plus grand chose, d’autant
plus dans cette région où l’avenir
a du mal à se dessiner. Comme une
revanche à l’histoire industrielle:
c’est la célébration des valeurs
universelles du partage et du respect,
la revendication sacralisée de cette
formidable et impérissable liberté que
chacun a devant soi...
© Cédric Le Goulven
’Alion est une procession sortie du
fond des âges qui racontait cette
simple fable: que fait-on de l’enfant
qui est perdu en forêt (la forêt comme
métaphore de la perte de sens et de
l’angoisse)? La communauté allait le
rechercher et le ramenait dans la cité,
sans le condamner de son errance.
Elle faisait de cet enfant perdu, de
ce délinquant (dirait-on aujourd’hui)
le symbole d’un renouveau, d’une
germination
printanière,
d’une
nouvelle ère basée sur l’humain,
fragile, dont les bourgeons ne sont pas
encore mûrs mais qui donneront des
fruits magnifiques...
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C
Deux éditions déjà!
Dans le cadre d’une Aube Boraine (2014)
et du Grand Ouest de Colfontaine (2015)...
’est dans le cadre de l’évènement “Une Aube Boraine # 7 L’Alion
r’trouvé” le 10 mai 2014 que la procession de l’Alion a refait surface
dans les ruelles du Borinage. Une cinquantaine d’enfants ont suivi des stages
créatifs, encadrés par des artistes associés au Théâtre Epique et au Centre
culturel de Colfontaine afin d’élaborer cette toute première procession. Char,
bannières, chansons, numéros de cirque ont été directement intégrés dans la
procession.
Cette première édition résulte d’un partenariat avec le Centre culturel de
Colfontaine, la Maison Ouvrière de Quaregnon, le Service Jeunesse de la
Province de Hainaut, l’Ecole des Devoirs en Chocolat.
Laurence Van Oost, directrice du Centre culturel de Colfontaine, partenaire
complice de l’ensemble du projet “Une Aube Boraine”, a souhaité donner
à cette procession sa pérennité, en collaboration avec le Théâtre Epique
Ainsi, le 26 avril 2015, dans le cadre du Grand Ouest de Colfontaine, plus
de 150 enfants ont participé à cette deuxième édition, traversant les rues
de Colfontaine et de Wasmes, frappant à toutes les portes pour inviter les
habitants à les rejoindre pour célébrer le renouveau de la nature et surtout
du Borinage. Une série d’ateliers créatifs se sont déroulés dans les écoles de
l’entité de Colfontaine afin de préparer la procession. Et comme souvent,
c’est par une fête au Charbonnage de Marcasse que la procession a pris fin,
avec un goûter géant et un concert d’après les chants retrouvés de l’Alion.
Des souvenirs pour rêver à l’édition 2016...
Ma Pucelette, une relecture du mythe
La Pucelette est cette petite fille de 4 ans qui arpente
les rues de Wasmes les lundis et mardis de Pentecôte
en donnant généreusement aux citoyens un salut
porte-bonheur.
“Il n’y a qu’à Wasmes que ça existe. Le dragon, c’est
l’histoire du dragon, oui c’est ça. En fait, le Doudou
de Mons, l’origine, c’est Wasmes.
On fait toutes les festivités à Mons mais… c’est pas,
c’est pas juste. Evidemment Wasmes c’est un village
et Mons c’est une ville et l’origine de… de… de la
Pucelette, c’est Wasmes.
Tu connais l’histoire, vous connaissez l’histoire du
dragon… Mais l’origine, c’est à Wasmes.”
E
Extrait du texte de Ma Pucelette
n 1133, une légende raconte qu’un certain Gilles de
Chin aurait délivré une petite fille de 4 ans des griffes
d’un dragon. Celle-ci devient alors connue sous le nom de
« Pucelette ». Depuis lors, à la Pentecôte, cette petite est
célébrée à Wasmes, elle détient la clé de la ville entre ses
mains, devient reine d’un jour, envoie des baisers et salue
son public…
Depuis plusieurs mois, Laura Fautré enquête sur des
pucelettes de différentes générations, ces petites filles qui ont
pris place au coeur des processions dont l’impact et le sens
ont évolué avec le temps. Qu’est-ce qu’une petite fille peut
comprendre de cette légende?
Les musiciens Eric Wattier et Jean-Jacques Renaut ont
détérrés et réarrangés les chants de l’Alion lors de sa
première édition en 2014.
“Y faut pas que Ze fais tomber ma couronne” Eloise, Pucelette 2015
Qu’est-ce que la Pucelette aujourd’hui ? Qui à
part les Wasmois connaissent ce personnage?
Le dragon du Doudou, oui, Saint George, oui,
mais Gilles de Chin ? Et cette fillette de 4 ans
qui aurait été sauvée des griffes du Dragon
? La légende se perd petit à petit, les gens
sont de moins en moins nombreux à faire les
16 km 700, le fameux tour de Wasmes. Cette
fillette de 4 ans, qui est-ce ? Ce dragon qui
est-ce ? Pourrait-on faire un parallèle avec le
grand méchant loup de Belgique ? Qui, lui
aussi, semble aimer les grottes pour y cacher
ses victimes! Dans la légende, le dragon fut
tué et la petite fille libérée, et ensuite célébrée
chaque année. La réalité n’est pas tout à fait
la même. La légende existait avant l’affaire
Dutroux, mais n’est-elle pas plus importante
à raconter maintenant ?
La pucelle d’aujourd’hui est-elle en danger?
L’icône de la jeune fille est mis en avant
par différents concours, mini-miss, beauté,
chant, danse, acrobaties etc. Le monde est
à la recherche de talents et la jeunesse fait
partie des premières cibles. Partout valorisée,
presque commercialisée, plus on est jeune
et talentueux, plus les médias s’affolent, et
l’honneur réel n’est pas envers l’enfant mais
les parents.
Y a-t-il un lien à faire entre Pucelette et minimiss ? Jeunesse et innocence ? Pureté et
séduction ? Une fois cette fillette vieillie, elle
n’est certainement plus la vedette du jour.
Laura Fautré
Qu’est-ce qu’une petite fille peut comprendre
de cette légende ? Est-elle vraiment
consciente d’être l’icône de la pureté, de
l’innocence? Ne se prend-elle pas pour la
mini miss de Wasmes? Que veut devenir la
petite fille aujourd’hui, Mini-miss, Princesse,
où Pucelette? La mini-miss est à la fois cette
princesse pucelle d’un soir. C’est avant tout
un honneur et une fierté pour les parents, ainsi
qu’un remerciement à la Vierge. Une enfant
de 4 ans ne choisit pas. Quel souvenir va-telle garder ? A-t-elle son mot à dire ? Mon but
est de répondre à ces questions, de rencontrer
des anciennes ainsi que des futures Pucelettes
et de récolter leurs témoignages.
© Anne-Sophie Costenoble
Théâtre Epique - Une Aube Boraine
Théâtre Epique - Une Aube Boraine
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Sports
Sports
une super soirée de communion avec toute la
troupe de comédiens.
Je crois simplement que c’est mon Père et ma
Mère, de là-haut, qui ont tout fait pour que je
me trouve, avec vous, ce jour de lancement.
Cette vidéo, que Franco a postée sur facebook,
cette équipe de comédiens qui se retrouvent avec
moi au foot, et bien sûr, ma nièce Violette que
je retrouve ici à Wasmes. Tous ces signes ne
peuvent pas être de simples coïncidences .
Je profite de ce moment magique de témoignage
pour rendre un hommage à mon Père qui est venu
mourir à petit feu dans la mine pour que mon
frère et moi puissions avoir un avenir meilleur.
MERCI PAPA
Salvatore Frisa
© Camille Meynard
Famille de Salvatore Frisa
Georges Piscart et René Fourmois, du Royal Sporting Club de Wasmes
En marche dans le Borinage à la recherche de légendes de sorcières, Violette Pallaro remarque un club de foot au pied d’un
terril. De sa rencontre avec le gérant du club, Salvatore Frisa, délégué syndical à l’usine Doosan, est né le spectacle HORS JEU
E
n juin 2013, Lorent Wanson, metteur en scène
du projet Aube Boraine, m’invite à récolter
des légendes de sorcières, en m’envoyant marcher
dans le Sud du Borinage, du côté de la forêt de
Sauwartan. Mais j’ai toujours eu un mauvais sens
de l’orientation… Après deux heures de marche,
je me suis retrouvée complètement à l’ouest, au
Royal Sporting Club de Wasmes !
banc de touche. Carton rouge pour trois centaines
de travailleurs. Une règle simple de la sorcellerie
capitaliste. D’un coup, la notion de HORS JEU
prenait tout son sens. Et pas uniquement dans le
Borinage.
J’ai alors décidé de partir à la rencontre d’autres
hommes et femmes qui se sont retrouvés
brusquement HORS JEU. Qui les avait exclus ?
Là, au pied du terril, j’y ai rencontré des footballeurs. L’arbitrage était-il impartial ? Comment changer
On était loin des histoires de sorcières. Salvatore, les règles du jeu ? Quel sera le prochain match ?
le gérant bénévole du club, ouvrier ajusteur, me prit
sous son aile, me présenta à tout le monde comme Et si je me retrouvais, moi aussi, un jour,
sa nièce, et m’apprit l’histoire du club.
soudainement sur le banc de touche ?
Les règles du football, le corner, le tir au but, le
coup franc, la deuxième tranche, le classement
en poule, je dois vous avouer que j’y comprenais
pas grand chose. Mais j’ai toujours aimé écouter
les gens raconter leur histoire. Tellement que j’ai
fini par acquérir un appareil enregistreur, qui m’a
permis - et me permet encore aujourd’hui- de les
garder en mémoire.
Violette Pallaro
Jusqu’à ce que, à l’automne 2014, Salvatore
apprenne que son usine allait fermer brusquement.
J’ai décidé de l’y accompagner, avec mon appareil
enregistreur, jusqu’à la fermeture définitive.
Pendant plusieurs mois j’y ai rencontré des ouvriers
démunis, errants dans une usine silencieuse
quasiment à l’arrêt. Du jour au lendemain, cette
entreprise, en partant s’installer sur des terres
plus « rentables », abandonnait ses ouvriers sur le
Violette Pallaro joue HORS JEU dans le cadre
de notre neuvième évènement Nous sommes
tous des Van Gogh au sein du Grand Ouest de
Colfontaine le 24 avril 2015 au Charbonnage de
Marcasse
eorges Piscart est secrétaire du club depuis 42 ans. Il a aussi été
Président du Comité provincial du Hainaut pendant 19 ans. A choisir,
il préfèrerait de loin assister à un match du RSC de Wasmes avec sa femme
que d’aller voir jouer le standard. “Un véritable clubman” me confie René
Fourmois, arrivé au RSC de Wasmes en 1977, actuellement entraineur des
équipes de jeunes et de l’équipe première, ancien joueur de Mons en D3
et de La Louvière en D1. Ces deux hommes-là, c’est une histoire de foot
et d’amitié qui les relie, et elle n’est pas courte. Un regard sur le terrain où
quelques jeunes joueurs exécutent des acrobaties, le soleil dans les yeux,
poursuivis par leurs parents (c’est déjà l’heure de rentrer) et Georges et
René me racontent un peu le club.
Lettre publique de Salvatore Frisa
J
’aimerais faire bénéficier, à tous mes amis, d’une petite
histoire de ces derniers temps. Il y a quelques semaines,
une troupe de comédiens arrivent ici au foot (RSC Wasmes).
Après la présentation de leurs projets ambitieux, certains
comédiens ont pris part à notre traditionnel match amical
entre parents et amis du RSC Wasmes qui clôture notre
tournoi de Pentecôte.
L’histoire du Royal Sporting Club de Wasmes, c’est une histoire boraine,
avec un grand H. Fondé il y a plus de quatre-vingt ans, le club a été
longtemps la propriété du Charbonnage. A cette époque, on venait assister
aux matchs par tous les moyens, en train, en car, en camion, en vélo et
à pied...le nombre de supporters grandissant, il a parfois fallu poser des
gradins sur le terril pour accueillir tout le monde. Dans les années 60 les
usines ferment et le Royal Sporting Club de Wasmes vit tant bien que mal,
porté par ses bénévoles à bras le corps, jusqu’au rachat des installations
en 1972 par l’administration communale de Wasmes. Aujourd’hui le
Dernièrement, un ami a posté, sur sa page Facebook ,
une émission sur l’histoire de l’immigration. J’ai bien sur
regardé cette émission avec énormément d’émotions.
Dernièrement, une comédienne lâchée cinq jours dans la
nature dans le Borinage, comme d’autres comédiens de la
troupe, elle se retrouve ici au club, un vendredi soir, lors du
souper de nos amis les corpos.
Violette, la jeune comédienne de la troupe, se présente à
moi par l’intermédiaire de notre ami Claude qui avait fait
des commentaires sur les belles vues du haut du terril près
du stade du pont d’Arcole (installations du RSC Wasmes).
Notre comédienne, plongée dans cette région pour préparer
ce projet, passe la soirée avec nous, recueillant des
témoignages de toutes ces personnes présentes au barbecue,
la plupart enfants d’immigrés Italiens, des témoignages
riches en souvenirs et en émotions.
Je suis retournée au club, un an durant, j’ai couru
sur le terrain, joué avec les minimes, hurlé avec
les corporatistes, chanté avec les anciens. Ballon
au pied, sifflet en bouche et bière à la main.
G
Violette dépose des invitations pour la soirée de lancement
de leur projet UNE AUBE BORAINE, au départ, je ne
pouvais pas participer à cette opération de lancement.
Pour des raisons presque inexplicables, je suis à nouveau
disponible le lundi 10 en soirée, je retrouve l’invitation et je
me fais déposer au Charbonnage de Marcasse où j’ai passé
Théâtre Epique - Une Aube Boraine
L
© Camille Meynard
C'était dimanche 24 mai, il faisait beau à Wasmes, au pied du
terril. Au Royal Sporting Club de Wasmes, c'était le tournoi de la
Pentecôte et la journée des Anciens. Violette Pallaro jouait HORS
JEU sur le terrain, "à domicile", devant les membres du club qu'elle
avait interviewés, les supporters et de jeunes footballeurs qui,
médailles au cou et tee shirt rouge et jaune, n'étaient pas peu
fiers d'être là. A la buvette, derrière la baie vitrée avec vue sur le
terrain, j'ai rencontré Georges Piscart et René Fourmois.
Une comédienne rencontre un club de foot et une usine
6
Violette Pallaro et Salvatore Frisa avant la
représentation de HORS JEU le 24 avril 2014
au Charbonnage de Marcasse.
chômage n'a pas reculé dans le Borinage. Des hommes comme René et Georges
continuent de porter ce club, entretenant le lien social, offrant aux 200 jeunes qui le
fréquentent un espace d'apprentissage nécessaire, l'esprit d'équipe, le mental.
Le journée s'étire dans la cafétéria du Royal Sporting Club de Wasmes. Au pied
du terril quelques irréductibles terminent leur bières, les stands de saucisses-frites
sont presque démontés, on range les bancs, la comédienne discute avec Salvatore,
le gérant du club. Il est des spectacles qui sont aussi des hommages. Je salue les
femmes de René et Georges, qui ont passé la journée ici à accueillir les gens. Je
salue aussi un autre homme avec ses petits-enfants, parce qu'on m'a dit que cet
homme a été joueur ici, comme son fils, et comme son arrière petit-fils qu'il vient
d'inscrire. Comme quoi le club, c'est aussi une histoire de famille.
Avec “Porteur d’eau”, un ancien coureur cycliste
rend hommage à Florent Mathieu
es porteurs d’eau sont ces obscurs qui servent leur leader dans les courses
cyclistes : ils le protègent, l’amènent à la victoire, lui filent leur vélo
quand le leader casse le sien, supportent ses excès… Bref, les sans-grades, ces
hommes (forts) de l’ombre…
Denis Laujol s’inspire d’abord de la vie d’un de ces coureurs belges de l’immédiat
après-guerre, Florent Mathieu, gloire boraine locale, qui fit plusieurs tours de
France, et dont on donna le nom à un rond-point orné d’un monumental vélo,
sur la place de Quaregnon. Ce gars-une vraie bête- fit demi-tour au sommet
d’un col du Tour, pour récupérer son chef d’équipe qui avait crevé… et grimpa
le col une deuxième fois. Il était sponsorisé en nature par son boucher (un steak
par course), et voulait à toutes forces que ses enfants échappent à la mine. Avec
Porteur d’eau, on plonge dans une époque, ce qui est passionnant, et on passe
avec une justesse déconcertante du particulier à l’universel…
Théâtre Epique - Une Aube Boraine
Car le spectacle n’est pas la succession d’une série d’anecdotes nostalgiques,
tendres et drôles; Denis a entamé lui-même une carrière de coureur dans son
Sud-ouest natal et a remporté plusieurs courses en catégorie jeunes. Son gabarit
aurait probablement fait de lui un porteur d’eau. Mais il fait à 21 ans le choix
du théâtre, part en Belgique, met en scène et joue abondamment pour Michel
Dezoteux , Armel Roussel, Selma Alaoui, Aurore Fattier, Antoine Laubin…
Dans “Porteur d’eau” -probablement le plus personnel des spectacles de Denis-,
il met en scène son propre personnage, en même temps que celui de Mathieu,
part sur une réflexion sur l’héroïsme, le courage, le travail et l’humilité.
Réussissant la gageure de la philosophie et de l’humour, Denis fait intervenir
Armstrong, Merckx et Sancho Pancha…
Olivier Blin, La Charge du Rhinocéros
7
Sports
Sports
De la transmission des règles et des valeurs, de champion à champion,
de père en fils, en fille
Denis Laujol sent remonter une passion lointaine, il vit à travers l’histoire de
Florent Mathieu comme un double fantasmé de lui-même
© Stéphane Arcas
Pour commencer, puisqu’il
faut bien commencer quelque
part, ces pas me menèrent
devant un café (fermé à
l’époque) de la place de
Quaregnon,
le
Galibier.
Un Galibier à Quaregnon
? Mon sang de cycliste ne
fit qu’un tour (et de fait, ce
café s’appelait auparavant le
Tour...de France, bien sûr).
J’appris bientôt qu’il avait
été tenu pendant plus de trente ans par un
ancien cycliste, un certain Florent Mathieu...
et Lorent me dégotta bien vite un livre rare,
une biographie de ce Borain de Légende, par
Jean Godin, et nous en fîmes une petite forme
théâtrale, présentée et enrichie lors de plusieurs
étapes de l’Aube Boaine, et notamment lors
d’une mémorable inauguration du rond-point
Florent Mathieu, sur la place de Quaregnon,
en présence du bourgmestre, du député, de la
fanfare municipale, de deux des fils de Florent
Mathieu, et surtout de nombreux Borains
enthousiastes, qui me posèrent mille questions
sur mon propre parcours sportif...
Peu à peu, cette aventure fit
renaître en moi la passion
du cyclisme, et me donna
l’envie de raconter une
autre histoire, la mienne,
qui vient s’entremêler avec
celle de Florent, comme
un double fantasmé, peutêtre.
Ce spectacle s’est donc
constitué
par
strates
successives,
et
s’est
enrichi peu à peu du limon déposé par la vie qui
passe ; il se fait tout seul en fait, ou plutôt avec
vous, spectateurs, à chaque représentation,
puis qu’au-delà de l’anecdote, il parle de nous
tous, de nos aspirations, de nos renoncements,
de nos rêves et de notre lutte.
Denis Laujol
©Théâtre Epique
Q
uand Lorent Wanson m’a proposé en
juin 2013 de rejoindre l’exercice des
marches dans le Borinage , j’étais bien loin
de m’imaginer que mes pas allaient me mener
vers une aventure qui occuperait une si grande
place dans les années suivantes...
I
Ancien champion du monde, il crée un club de Muay-Thaï à Frameries
Son fils rêve de devenir champion à son tour
Emilie Maréchal prépare FIGHT
l y a un an et demi, dans le cadre d’”Une Aube
boraine”, projet initié par Lorent Wanson, pour
Mons 2015, je suis partie quelques jours dans le
Borinage, avec mon sac à dos, et une carte de la
région.
Le but de cette marche : prendre un premier contact
avec le Borinage et aller à la rencontre des Borains,
entendre leurs histoires.
Mon voyage curieusement se polarisa entre la
spiritualité, fréquentant nombre d’églises, de
temples et pasteurs et par des expériences flirtant
avec la violence.
Le dernier jour de cette marche, je rentrais par
hasard dans le hall de sport désert de Frameries, et
fit une rencontre qui rassembla ces deux extrémités
: celle de Thong, 44 ans, entraîneur de boxe
thaïlandaise. Il formait alors une jeune femme de
20 ans, Samantha.
© marieaurore
J’étais intriguée, fascinée par ce couple étrange.
La violence de l’entraînement, l’acharnement,
les pleurs de dureté. Mais aussi par le très grand
respect et les prières de remerciements à Bouddha,
affiché sur les murs de la salle.
Porteur d’eau, dans le cadre de l’inauguration du monument à Forent Mathieu sur la place de Quaregnon le 19 avril 2014
8
Théâtre Epique - Une Aube Boraine
Thong m’invita à assister à leur entraînement, et
même à y participer. Ce fut la première fois que je
mis des gants de boxe.
Puis nous avons discuté, 2 heures durant après cet
entraînement.
Théâtre Epique - Une Aube Boraine
Thong m’apprit qu’il était double champion du
monde, double champion d’Europe et champion
de Belgique. Qu’il fut un des premiers boxeurs de
boxe thaïlandaise à montrer et à inculquer en Europe
cette pratique. Qu’il est aujourd’hui président de sa
propre fédération, et qu’il entraîne et forme dans
le Borinage de futurs grands champions, comme
Samantha.
Enfin, il m’apprit que, dans quelques mois, cette
année donc, il livrerait à Frameries son dernier
combat, le dernier combat de sa vie.
Je racontais cette rencontre à Lorent, qui me
proposa d’emblée de travailler à une forme
théâtrale autour de Thong. Lorent voyait aussi
un rapport direct entre la boxe et moi, une sorte
d’évidence entre cette discipline et la manière dont
j’aborde le travail. Entre la persévérance, la dureté,
l’acharnement, le dépassement de soi et sa mise en
danger, inhérente.
J’ai donc revu Thong, plusieurs fois, je suis allée
aux entrainements de son club.
Et c’est là que je rencontrais Jason, le fils de Thong,
âgé de 17 ans.
Cette rencontre acheva de me persuader
d’entreprendre cette écriture.
si Jason gagne les cinq combats de ces prochains
mois, il passera en catégorie professionnelle. La
boxe deviendra alors son métier.
J’avais mon sujet : un père qui livre son dernier
combat et son fils qui prend la relève.
Le début d’un sujet qui résonnait aussi
fatidiquement avec ce que je vivais avec mon
propre père, malade, ne pouvant plus se battre,
alors que moi commençant ma vie active je menais
mes premiers combats.
En assistant aux entraînements, je sus aussi très
vite que je souhaitais filmer ces corps qui se
battent. L’évidence de l’image était là, les corps
des boxeurs appelaient à cette proximité.
J’ai alors demandé à Camille Meynard, un ami
réalisateur, de venir avec sa caméra. Notre duo
commença.
Pendant plusieurs mois, nous avons suivi, avec
sa caméra, Thong et Jason, qui nous laissèrent les
filmer. Filmer leur intimité, leur quotidien, leurs
premiers et derniers combats.
Je commençais à écrire FIGHT.
Emilie Marechal
Jason, boxeur semi-professionnel, veut devenir un
grand champion, comme son père. Et c’est celuici qui l’entraîne. Cette année est pour lui aussi un
moment aussi crucial qu’il ne l’est pour son père :
9
Métiers
Sciences
Cerebrum, le faiseur de réalité: un scientifique devenu comédien
Penser avec les mains, sur l’artisanat
Représenté plus d’une centaine de fois au Théâtre de la
Communauté de Liège (entre autre), pour un public de
tous âges et de tous horizons... quelques réactions:
Les gestes de l’artisan font partie de son être.
Ils sont mémorisés et incorporés.
Ils lui donnent une richesse intérieure
et une capacité d’agir avec contrôle et précision.
Et toi, ton grand-père, il faisait quoi comme métier ?
U
n spectacle participatif, coproduit par Le Théâtre de la Communauté
(Liège) et le Théâtre Epique, qui a pour but de remettre les métiers
manuels à l’honneur et s’interroger sur la frontière habituellement posée
entre l’artisanat et les travaux intellectuels. “Penser avec les mains” est
une création collective sur base de rencontres d’artisans et d’intervention
des publics durant la représentation. Une pièce de théâtre mouvante, en
constante redéfinition.
“Il était prof de français. Mais pas ici hein, là-bas, au bled”
“Mon grand-père a construit les premiers chemins de fer de
Belgique!”
“Mes grands-parents étaient dans l’armée en Russie. Mon grandpère dans les tanks, ma grand-mère infirmière”
“Je ne sais pas...”
“Papa, il faisait quoi papy?”
“J’ai vraiment l’impression d’avoir 10 ans d’être face à un tableau noir
et de ne rien comprendre. Et d’me trouver nul, mais nul ! […] Ben oui,
moi j’étais nul en dictée ! Voilà ! » Yvain Juillard, le comédien principal
n’hésite pas à raconter ses propres faiblesses pour mettre le public à l’aise.
Démarrant sur un quiproquo, la pièce instaure une complicité naturelle
entre lui et les spectateurs… à tel point qu’ils finissent par dialoguer. Au
moment d’écrire ces lignes, “Penser avec les mains” a déjà été vu par
une centaine de groupes en scolaires. Tous y ont trouvé leur compte car
la force de ce spectacle est de donner une place légitime aux spectateurs,
de leur montrer que, quels que soient leurs savoir-faire, quels que soit le
métier qu’ils voudraient apprendre – manuel, intellectuel, ou les deux –ils
ont de la valeur.”
Dans ton métier, tu fais quoi avec tes mains?
“Ah ça, le jour où je ne sais plus me servir de mes mains je ne peux
plus travailler”
C’est quoi votre métier?
“Kiné”
“La première chose c’est toucher”.
“Toucher quoi?”
“Le bois”
“Tu es menuisier?”
“Oui, enfin, j’apprends”
“Il construisait des ponts”
Mélodie Mertz, Théâtre de la Communauté
Combien d’années pour apprendre ton métier? C’est combien de
temps la formation que tu fais?
“euh... toute une vie, non?”
“Ébéniste, c’est trois ans”
“Cinq ou trois ans selon l’école, mais pas moins de trois ans en tout
cas”
“Toute la vie, mais pas forcément à l’école”
Le thème du spectacle “Penser avec les mains”
est l’artisanat :
son importance, sa pratique et la transmission des
savoir-faire qu’il nécessite
Titre de la photo : “Parole au corps”.
Dans le cadre des représentations au Théâtre la Balsamine en janvier 2014 (Bruxelles)
Ta réalité, ma réalité, notre réalité, leur réalité… Qu’est-ce que c’est que cette chose qui semble se transformer au fur et à mesure de nos
expériences, qui fluctue d’un individu à l’autre, d’une culture à l’autre, qui nous empêche parfois de nous comprendre ? Quelle est cette chose
que j’appelle « ma réalité » ? Ancien biophysicien spécialisé dans la plasticité cérébrale, aujourd’hui acteur, Yvain Juillard vous propose lors
d’une conférence-spectacle d’interroger ensemble le fonctionnement du cerveau afin de questionner la nature multiple de la réalité.
Une proposition faite aux nouvelles générations de franchir les frontières qui nous séparent trop souvent
des connaisances scientifiques qui seront à la base des enjeux de demain
“Cerebrum, le faiseur de réalités” est une proposition faite aux
nouvelles générations de franchir les frontières qui nous séparent trop
souvent des connaisances scientifiques qui seront à la base des enjeux
de demain. En particulier les connaissances sur notre cerveau, qui n’ont
jamais été aussi importantes et opèrent une véritable révolution dans
la compréhension de qui nous sommes, une révolution unique dans
l’histoire de l’humanité. Nous sommes notre cerveau, notre cerveau c’est
nous, mais comment fonctionne-t-il ? Qui sommes-nous ? Qu’est-ce que
notre réalité ? Avant de repenser l’avenir, ne faudrait-il pas apprendre
à se repenser soi-même, au delà de ses préjugés, de ses a priori, de ses
croyances ? Pourquoi ne pas accepter d’entrer dans les propositions
10
fascinantes des neurosciences sur le fonctionnement de notre cerveau ?
La science démocratisée a toujours libéré l’Homme de ses dogmes, de
l’esclavage par sa remise en cause perpétuelle des croyances trop bien
établies et trop souvent au service d’intérêts particuliers...
La science est l’inverse d’un dogme, d’une vérité absolue. Elle est une
tentative, la plus sincère et la plus objective, qu’ont créé les humains
pour tendre vers une vérité insaisissable qui les concerne directement.
Par ailleurs, ce projet s’étant constitué par étapes successives toujours
en dialogue, avec la participation des “spectacteurs”, il gardera cette
dynamique de rencontre et d’évolution permanente afin, comme notre
cerveau, de rester plastique. Ainsi, entre chaque représentation, se
poursuivront des phases de recherches...
© S Alain Janssens
C
e projet s’est concrétisé suite aux rencontres qui ont eu lieu autour
du spectacle “Penser avec les mains” de Lorent Wanson et des
marches effectuées dans le Borinage dans le cadre du projet artistique
et participatif Une Aube Boraine. Lorent et moi avons pu être à l’écoute
des préoccupations présentes d’adolescents et de jeunes adultes,
d’apprentis mécaniciens, d’étudiants en fin d’humanité mais aussi de
personnes en fin de vie, tous inquiets pour leur avenir.
Il est beau de voir une intuition se poursuivre et se préciser sans cesse,
tisser perpétuellement des liens au fil des rencontres.
Yvain Juillard
Théâtre Epique - Une Aube Boraine
Théâtre
Théâtre Epique
Epique -- Une
Une Aube
Aube Boraine
Boraine
Photographie prise durant les représentations au festival des Rencontres
Jeune public de Huy en 2014
1111
© Ingra Soerd
Culture
Culture
Des évènements pour rassembler, reportage photo
En Appétit! (C’est le temps de cuisson qui importe)
Différentes étapes ont balisé notre aventure, autant de rendez-vous entre les artistes et les populations pour se
rencontrer, échanger et faire la fête! Quelques photographies d’instants suspendus sur le parcours d’une Aube Boraine...
Deux jours de fête, de scènes ouvertes, des concerts, des spectacles en chantier, des ateliers d’expression artistique et sportive, des films, des improvisations nocturnes, des expositions, des conférences déjantées, un barbecue géant, une fanfare, des cocktails improbables …un événement culturel et participatif majeur à la
Fabrique de Théâtre à La Bouverie les 5 et 6 avril 2014 pour se retrouver et fêter les 25 ans du Théâtre Epique/Cie Lorent Wanson!
Des marches
L’Alion r’trouvé
© Alessia Contu
© Alessia Contu
© Barbara Dulière
Point de départ d’”Une Aube Boraine”, une quinzaine de comédiens ont marché à travers le Borinage durant plusieurs jours pour tisser des liens avec les gens de
la région. Cette traversée a été mise en scène et en partage durant deux rendez-vous festifs au Charbonnage de Marcasse les 18 et 23 juin 2013. Plusieurs centaines
de personnes, du Borinage et d’ailleurs, se sont retrouvées pour échanger, partager leurs points de vue, s’appuyant sur les témoignages poétiques des comédiens.
Les spectacles initiés dans le cadre d’”Une Aube Boraine”sont nés de ces échanges.
Le 10 mai 2014, dans les rues de Colfontaine, ont défilé une cinquantaine d’enfants: la procession de l’Alion a été remise sur pied pour la première fois depuis plus de 100 ans!
Les enfants de la procession ont suivi des stages créatifs, le résultat de ces stages (char, bannières, chansons, numéros de cirque) a été directement intégré dans la procession.
Vin chaud et amuse-gueules
Fontaine de voix
En prélude au projet musical et théâtral « C’est presqu’au bout du monde», 6 chorales ont travaillé durant quelques mois le chant «Youkali» de Kurt Weill. Nous
avons invité leurs parents et tous autres publics à venir partager leurs chants et témoignages. Cette manifestation a suivi une journée d’ateliers expressifs et
créatifs animés par les actrices du projet. Le 15 février 2014, ce rendez-vous a rassemblé plus ou moins 300 personnes, en collaboration avec le Centre Culturel
de Colfontaine.
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Théâtre Epique - Une Aube Boraine
© Cedric Le Goulven
© Cedric Le Goulven
© Maxime Pistorio
© Maxime Pistorio
Deuxième rendez-vous artistique et festif, Vin chaud & amuse-gueules s’est déroulé le 20 décembre 2013 dans la Salle des Fresques de l’ICET de Cuesmes.
Spctacles en chantier, scène ouverte aux artistes du Borinage et d’ailleurs, l’évènement peut se définir comme une mise à disposition d’un espace singulier de
prise de parole pour les populations locales et venues d’ailleurs.
L’aube(rge) boraine
Un grand Cra-Raoké borain ouvert à tous, le 26 octobre 2014 à la Maison du Peuple de Pâturages. Scènes ouvertes, présentations de spectacles en chantier… un vrai moment
de fête et de partage, pour inaugurer les bureaux du Théâtre Epique!
Théâtre Epique - Une Aube Boraine
15
Culture
Culture
Nous sommes tous des Van Gogh
L’Ensemble instrumental de Colfontaine
© Gaetano Barrile
© Gaetano Barrile
© Gaetano Barrile
“Une Aube Boraine” est une aventure. Tout au long du chemin, des liens se sont tissés entre les artistes et les populations du Borinage. Avec l’atelier “Nous
sommes tous des Van Gogh”, nous avons convié plusieurs artistes et personnalités complices à élaborer, dans le cadre de la série d’évènement “Van Gogh, la folle
légende” du projet Grand Ouest de Colfontaine, des propositions artistiques et humaines dont la seule volonté serait d’offrir un gueuloir à l’inaudible, un éloge
de l’anonymat. Samedi 25 avril, sous le chapiteau planté pour l’occasion au Charbonnage de Marcasse, nos amis ont pris la scène et la parole. Des spectacles en
chantier ont également été présentés.
L’Alion
© Ingra Soerd
© Ingra Soerd
© Ingra Soerd
Plus de cent cinquante enfants, issus des écoles fondamentales de Colfontaine ont participé à cette deuxième édition le 26 avril 2015 dans le cadre du Grand Ouest de Colfontaine.
Le soleil et la pluie ont rythmé la procession, jusqu’au Charbonnage de Marcasse où les chants de l’Alion ont pu résonner, repris en choeur par les enfants, dans tout le Borinage!
Témoignage de Fabian Fiorini, compositeur
I
l est des expériences de création qui vous remettent réellement au travail,
qui tendent à radicalement changer le regard que vous portiez jusqu’alors
sur le monde, l’expérience induite par Lorent Wanson dans le cadre de
l’Aube Boraine est bien de celles-là.
Je vais développer en quelques points les intuitions, les ressentis, les
souvenirs liés à cette grande aventure.
D’abord, cette réunion, la première du projet, Lorent me parle, en mot tous
simples : des jeunes acteurs vont sillonner le borinage pour se rendre compte
de l’intérieur, par l’intérieur, de ce que c’est vraiment cette région, de ce que
sont vraiment les gens qui y vivent comme entre deux mondes… Je suis déjà
impressionné. Une telle expérience ne peut être que fondatrice et libératrice…
Retrouver le temps de flâner, tout en recueillant des impressions, être ouvert
aux autres comme on n’en a plus jamais le temps. Formidable !
Et, en effet, la première séance de retour, je veux dire lorsque les acteurs nous
ont fait un compte-rendu quasi exhaustif de leur cheminement, l’émotion était
telle qu’elle était à la limite du soutenable. Chacun, chacune, après avoir été
déposé dans un coin très différent du Borinage avait, évidemment, des tonnes
d’anecdotes, drôles, moins drôles, sur tout ce qui lui était arrivé. Et ce qui
leur était arrivé, c’était une profonde transformation de leur statut d’acteur.
Ils n’étaient plus acteur de théâtre, uniquement, mais ils étaient redevenus
plus intensément que jamais des acteurs du monde, tout simplement. Ce
monde que l’on n’a plus le temps de rencontrer, et que l’on ne connaît
presque plus que par les livres, la télévision, les journaux. Là, pendant les
trois jours de marche, ils avait renoué avec ce grand monde, ce lieu magique
et troublant qui est le creuset de toutes les vies, de toutes les passions. Dans
ce chaudron particulièrement bouillonnant qu’est le Borinage, ils s’étaient
plongés et en étaient revenus avec un cœur ouvert et sensible….
16
Lors des présentations publiques de ces aventures, acteur, artiste, musicien,
et spectateur avait renoué avec un sens quasi primaire de l’art : on a partagé
et transmis une parole qui ne peut se dire hors de son lieu habituel, pour
l’offrir avec les autres par le biais de la scène. Tous, public et artistes, nous
étions les colporteurs de toutes ces vies, de toutes ces formidables épopées
de vie que chaque être porte, avec courage, intimité, fierté et parfois aussi
douleur ou inconscience. Et presque à chaque fois, les larmes remplaçaient
les mots qui ne pouvaient se dire.
Et puis comment ne pas évoquer la rencontre avec l’Ensemble Instrumental
de Colfontaine… Moi je disais toujours « la fanfare ». Ils m’ont expliqué
que c’était péjoratif.
Je n’ai pas compris pourquoi mais ce que j’ai compris c’est que quand
des musiciens jouent avec le cœur, quels que soient leurs niveaux, la
musique qui en ressort est toujours magnifique, touchante et complètement
surprenante. Je me souviendrai toute ma vie être devant eux, pour travailler
l’enregistrement de la chanson « Youkali », pour le spectacle « C’est presque
au bout du monde ». J’ai ressenti cette volonté, cette puissance de vouloir se
donner à fond pour que quelque chose advienne au centre du son.
Je terminerai par Laurence, la directrice du centre culturel de Colfontaine,
qui nous a accueillis comme des rois, toujours complètement investie dans
ce projet de manière époustouflante. A chaque étape, donnant ses retours,
critiques, mais toujours de façon à faire avancer cette aventure. Elle a donné
à Lorent la confiance « Boraine » nécessaire pour chaque pas soit réellement
légitime dans cette folle aventure qui touche bientôt à sa fin (provisoire…).
C’est presqu’au bout du monde, HORS-JEU, la Conférence-Concert sur la Danse Barbare de Fernand
Carion... cet Ensemble instrumental de plus de cent ans est un partenaire incontournable du projet
“Une Aube Boraine”.
S
i vos pas vous conduisent un dimanche près de la Maison du
Peuple de Pâturages, vous entendrez sans doute la rue chanter.
De la magie? Sans doute. Dans la salle du haut répètent les
musiciens de l’Ensemble instrumental de Colfontaine, fidèles à
leur rendez-vous musical depuis plus de cent ans.
Cet ensemble instrumental, c’est un peu la mémoire du Borinage.
Créé à la fin du XIXème siècle en pleine lutte ouvrière, il se nommait à l’origine la « Fanfare Ouvrière Socialiste », jusqu’à la fusion des communes en 1972 où les différentes sociétés musicales
périclitantes se sont rassemblées en un ensemble du même nom:
l’Ensemble instrumental de Colfontaine. Les musiciens prennent
place dans l’aile gauche de la Maison du Peuple (aujourd’hui inaccessible pour cause de délabrement) jusqu’à ce que le plafond
s’écroule sur les timbales d’André Bouillon....
Si la plupart des sociétés musicales ont aujourd’hui disparues,
il reste quelques musiciens qui résistent encore et toujours à
l’envahisseur. Ils et elles sont une quarantaine, âgé(e)s de 16 à
80 ans, qui retardent diners de famille et autre festivités dominicales pour interpréter ensemble et avec la même passion autant
de grands classiques que des chansons régionales, de la « Romance » de Beethoven à la chanson “Enn c’est nie co Fram’ri’s”
de Joseph Dufrane, en passant par des standards de jazz, Stevie
Wonder, la chanson française et la musique de films italiens…
Autrefois anciens ouvriers, les membres de l’Ensemble instrumental représentent à présent tous les corps de métiers: gardien
de prison, ancien soudeur inox (qui a soudé les cuves de toutes
les grandes brasseries de Belgique), institutrice, cardiologue
retraité, tailleur de pierre, musicien professionnel, étudiant en
médecine…c’est toute la diversité sociale que j’écoute jouer ce
dimanche matin (bien que personne ici ne connaisse vraiment le
métier de l’autre, comme si savoir de quel instrument il ou elle
joue leur suffit).
A la fin de la répétition, nous descendons au café. J’avale une
petite bière entre deux joyeuses blagues de musiciens accoudés
au comptoir, et rejoins Mélanie Bouchez et Daniel Delhaye, les
deux chefs d’orchestre. Ils me confient leurs voyages musicaux,
de l’inauguration du parlement wallon à l’enregistrement de la
bande son du magnifique documentaire “D’arbres et de charbon”
de Bénédicte Liénard, des interventions musicales sur l’album
“Vis ta vie en harmonie” de Lazare jusqu’à la Conférence-concert
sur la Danse barbare de Fernand Carion interprétée en avril 2014
à La Fabrique de Théâtre dans le cadre de notre Aube Boraine et
reprise le 23 août 2015 lors de notre évènement de clôture...ces
rendez-vous musicaux et festifs ponctuent leur programmation
traditionnelle: des concerts de Ducasse, de noël et de printemps
où on fait la fête depuis des générations, bercés par les sons d’un
ensemble centenaire.
C’est avec émotion que je pousse la porte du café. A l’intérieur
les gens rient encore, autour d’une bière dominicale levée au
plaisir simple de jouer ensemble, pendant encore 100 ans, nous
l’espérons tous.
Fabian Fiorini
Théâtre Epique - Une Aube Boraine
Théâtre Epique - Une Aube Boraine
17
Culture
Patrimoine
Le Photomaton de Cédric Le Goulven
Des Marches en juin 2013 en passant par les portraits projettés dans le spectacle “C’est presqu’au bout du
monde”, Cédric Le Goulven n’a jamais quitté son appareil photo. Témoignage d’un parcours.
T
out avait commencé par une marche, une errance un quasi
vagabondage…il s’agissait de se perdre, par les soirs bleus d’été,
d’aller par les sentiers comme l’écrivait le poète ; de se laisser suspendre
et, dans cet entretemps embelli de sa plus parfaite inutilité, laisser
vaguer son imaginaire au gré des humeurs, étrangement s'étonner. J’étais
donc cet étranger dans cette région terreuse, minière, moi qui suis d’un
pays de marins aux horizons tendus vers les Amériques. Il me fallait à
présent descendre dans les puits sur les traces du jeune Van Gogh qui ne
s’imaginait pas encore peintre, à la recherche des traces d’un passé qui
m’était inconnu, « presque au bout du monde » dans cet autre Finistère
qu’est le Borinage….
Enquêteur en quête, de cette histoire refoulée, elle qui bâtit notre monde,
cette Europe en perpétuel recherche d’une histoire commune, il avait bien
fallu aller la chercher quelque part cette foutue énergie qui fit rouler les
trains et forgea l’acier des villes. Cette histoire elle est là, en représentation
permanente, c’est le décor, la toile peinte qui reflète la région : c’est
les montagnes, c’est les prairies, c’est les rocheuses, c’est Niagara,
Madeleine, mon Amérique à moi, c’est la vallée de la mort aussi…Ici on
enterre dans la même terre que celle qu’on a sorti à coup de pioche pour
faire un terril. Et si la mémoire est affaire de sensation alors on en a pour
son pesant de gayettes. Tout vous ramène à la mine comme quand toute la
région y travaillait : des mineurs aux lavandières impossible d’y échapper
ça vous brosse un destin, aujourd’hui c’est l’chômage mais on s’en fout
l’important c’est ce qu’on est, et ici : on est Borain ou on est rien… ! C’est
dans cette topographie un rien imaginaire que je les ai croisés les Borains,
le temps d’une chope, d’une escale, d’un portrait.
Alors me v’là photographe ! Faut que j’leur tir’ l’portrait à ces gueules
noires? « La photographie est un art peu sûr » a écrit Roland Barthes et je
n’en menais pas large en effet. Mais tout le monde a défilé, simplement,
dans la joie, avec une confiance dans le regard, mon regard, qui m’a édifié
et honoré. Une bonne photo c’est d’abord une rencontre, faut attendre que
quelque chose se passe c’est un art de chasseur ou de pêcheur de carpe.
Quand derrière le rideau de fer qui s’ouvre et se ferme devant le miroir de
l’appareil une émotion s’impose et se fraye un chemin jusqu’à la pellicule
pour se révéler (autrefois c’était du sel d’argent aujourd’hui c’est du sable
sur une carte mémoire, une histoire minérale de toute façon ) c’est d’abord
un étonnement que l’on voit puis on distingue un territoire, une carte : là
aussi il y en a des rivières qui ont coulé, des ravines que le temps a creusé,
des défaites qui ont fait les fossés, des rires comme des tempêtes, des
coups de grisou, des terrils à gravir, c’est dans la boue que poussent les
diamants m’avait dit une fois un enfant…C’est une topographie de l’âme
que j’y ai rencontré. Mais avant tout il y a surtout la dignité, profonde et
forte, qui fait les femmes et les hommes des paysages uniques.
Dans la vieille mythologie, Orphée, un mineur lui aussi, qui était descendu
dans une mine de sel pour retrouver son amour perdu, avait coutume de se
définir ainsi : « je suis fils de la terre et du ciel étoilé…et j’ai soif. » Quand
on est au fond écrivait Van Gogh à son frère Théo, la lumière du jour est
comme une étoile brillante que l’on distingue sur un ciel noir. Alors qui
mieux que les Borains peuvent se prétendre fils de la terre et du ciel étoilé
(on hérite tous de quelque chose) et tiens ! J’ai soif… ! J’vais m’en j’ter
une au Macédonia avec Yannis, Sabino et Michel les trois pr’miers gars
qu’j’ai photographiés, c’était à Wasmes par un soir bleu d’été où comme
Rimbaud pendant un instant j’ai senti que l’amour infini me montait dans
l’âme …Le retour fut moins poétique, plus zig-zag, j'étais rentré ému en
tout cas avec comme me l'avait dit Sabino d'un air entendu: "pour brair
avec mam birout dans l' main..."
Cédric Le Goulven
La Maison du Peuple de Pâturages
Depuis plus d'un an, le Théâtre Epique a installé
ses bureaux à La Maison du Peuple de Pâturages,
s'immergeant dans ce Borinage que nous avons traversé
depuis plus de deux ans déjà dans le cadre de notre
Aube Boraine. Descendre du bus 2, longer la Place du
Peuple jusqu'à ce que devant nous l'imposante façade se
découvre, avec en son front “Le Triomphe du Travail”, la
fresque de Paul Cauchie nous rappelant à nous, passants,
ces mineurs descendus puiser l'or noir au fond des mines
dans des conditions désastreuses, hissant la Wallonie au
rang des plus grandes puissantes d'Europe. Cette Maison
du Peuple est devenue autant un lieu de rendez-vous
presque quotidien qu'elle n'est un monument, traversant
le temps, abritant sous ses arcades Art nouveau les
tumultueuses réunions des ouvriers du XXème siècle
jusqu'aux conseils d'administration du Théâtre Épique,
entre autres activités... Lieu de partage, de passage et
d’histoires, tenu à bout de bras par son gérant, Gaetano
Barrile.
Gaetano Barrile, gérant de La Maison du Peuple de Pâturages
Le 7 juillet à la Maison du peuple de Pâturages
Depuis deux jours, nous répétons Kalach’, la monogravie de Julie Jaroszewski, à la Maison du
Peuple de Pâturages. Le soleil déjà étire ses derniers rayons roses le long des nuages, nous sortons
de la Salle culturelle pour un verre de fin de travail. Derrière son comptoir, devant son billard ou au
bord d’une table, Gaetano, toujours alerte, nous accueille quelques bières au bout des doigts, comme
le repos promis du chevalier repus.
Il y a des lieux qu’on traverse comme on rentre à la maison. C’est ce que je me dis souvent quand
je pose mes calepins et mon ordinateur dans cette Maison du Peuple qui, depuis que Gaetano l’a
reprise, a véritablement retrouvé son nom.
Gaetano, nous cohabitons ensemble depuis plus d’un an, dans le cadre de cette Aube Boraine que
nous construisons ensemble.
J’interroge sa mémoire, son plus beau souvenir ici, et je m’étonne à peine de sa réponse...c’est
une photo, prise lors de notre évènement du 26 octobre lorsque nous fêtions notre pendaison de
crémaillère. Parmi les chants, concerts et récits improvisés, entre deux spectacles en chantier,
Victoria et Louisa ses deux filles se sont regardées dans un battement de tambours, complices et
liées comme deux sœurs peuvent l’être parfois.
Derrière le bar, au coin d’une table, au bord d’un billard, on se retrouve parfois comme en famille.
Des gens d’ici et d’ailleurs se croisent et se rencontrent. Ce mardi de fin de journée je regarde du
coin de l’œil la tante de la femme de Gaetano: elle vient ici les mardis avec son petit-fils Kylian
pour regarder les joueurs de billards s’entrainer parce que Kylian est fan. Et il joue bien. Au bout
du comptoir un nouveau client, sirotant son verre de blanc, laissant errer son regard le longs des
murs où nos affiches sont toutes là comme autant de traces de notre passage : photos, affiches de
spectacles et d’évènements, et le tableau réalisé par Victoria, symbole de tous les voyages évoqués
dans le spectacle “Nous sommes tous des Van Gogh” interprété par des artistes borains. “Une Aube
Boraine” habite ces murs. Julie Jaroszewski retraverse son texte dans un coin de table, Lorent Wanson
relit dans le journal les derniers évènements du tour de France : on est bien ici dans notre Maison
du Peuple, dans cette familiarité des lieux qui résonne comme une habitude, à la fois réconfortante,
presque douillette, et pourtant toujours surprenante et nouvelle.
La photo de gauche et celle du haut à droite ont été prises lors de
la marche de Cédric dans le Borinage en juin 2013. la photo en
bas à droite est un portrait de personnes résidants dans le home de
Cuesmes La Reposée, pour le spectacle “C’est presqu’au bout du
monde”
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Théâtre Epique - Une Aube Boraine
Théâtre Epique - Une Aube Boraine
©Théâtre Epique
C’est un coup de foudre qui l’a amené là. Il a vu à travers les vitres crasseuses d’un abandon de
plusieurs mois un rêve de convivialité en jachère. Une Maison du Peuple comme il en existait
autrefois, avec ses espaces de fêtes et de rencontre, espace du quotidien des gens, dernier refuge où
le lien social s’exerce sans avoir à se définir.
Depuis sa reprise le 15 novembre 2013, il en a fait du chemin: sa Maison du Peuple, qui a dû dans
les premiers mois reconquérir sa place au sein du quotidien des gens, est devenue café, espace de
championnat de billard en D1 et D2, espace culturel avec les activités du Théâtre Epique et les
répétitions de l’Ensemble Instrumental de Colfontaine et même école d’acteurs de théâtre, avec
l’installation des Blés d’or il y a quelques semaines seulement...
19
Voyages
Patrimoine
Immersion dans le Borinage pour étudiants sortants de la classe
d’Art dramatique de l’Ecole Arts² de Mons
Le Charbonnage de Marcasse
Un pont entre le passé et l’avenir
"Tu veux une nuit étoilée?"
Me demande Nadine Gravis, un après-midi d'été, dans la petite cour juste à l'entrée
du charbonnage. La nuit étoilée, c'est une bière en hommage à Van Gogh, artiste de
passage dans les mines du Borinage mis à l'honneur par la Fondation Mons 2015.
Cet après-midi, on est loin de la noirceur des mines de charbon, des hommes harassés
remontés des entrailles de la terre pour en extraire la houille, sous le regard inquiet
d'une Saine Barbe de pierre. Plus de 60 ans après la fermeture du Charbonnage, le
soleil dore les genêts, des chevaux trottent librement le long du terril verdoyant et
le silence d'un après-midi d'été au pied du châssis à molette immobile incite à la
rêverie.
1994-2015, plus de 20 années de combats acharnés pour tenter de démontrer la
valeur du site aux autorités. Et pourtant le Charbonnage a fait parler de lui, revisité
par des artistes, des historiens, des promeneurs, fascinés par son éclat si particulier.
Minelli y tourne le film "La vie passionnée de Vincent Van Gogh" en 1955, et
plus récemment en 2015, Henri De Gerlache revient sur le site pour tourner son
documentaire "Le choix de peindre" sur l'expérience de Van Gogh au Charbonnage.
Depuis 3 ans le Centre culturel de Colfontaine y organise son parcours poétique.
C'est ici que Le Grand Ouest de Colfontaine a eu lieu, coordonné par le Centre
culturel, fédérant plus de trois mille personnes, artistes, bénévoles des associations
et populations d'ici et d'ailleurs au pied du terril, dans ce paysage d'arbres et de
charbon. C'est ici, aussi, qu'”Une Aube Boraine” a débuté en juin 2013: nos artistes,
après de jours de marche et de rencontres dans le Borinage, ont donné rendez-vous
pour la première fois aux gens du coin et de plus loin, pour vivre ensemble leurs
premières émotions, et partager la parole dans une esprit de fête. Des promeneurs
passionnés de nature et d'Histoire guidés Filip Depuydt aux jeunes architectes
fascinés par la beauté du site, le Charbonnage de Marcasse est un rêve partagé qui
rayonne bien au-delà de Colfontaine.
© Margaux Fontaine
Le Charbonnage de Marcasse d’autrefois
© Alessia Contu
"Si t'as pas la passion, je ne sais pas si ça peut marcher" me confie Nadine. Et il s'agit
bien là d'une passion, entre elle, Ricardo et ce charbonnage, avec tout son paradoxe:
entre incertitude et foi profonde. C'est en 1993 que Nadine Gravis et Riccardo
Barberi sont tombés amoureux de ce lieu. Ils ont vu dans ces ruines la force de la
mémoire et la promesse d'un renouveau. Le Charbonnage de Marcasse, tristement
célèbre par ses coups de grisou à répétition, et en particulier la catastrophe du 13
janvier 1953 qui provoqua la mort de 24 mineurs, est demeuré depuis en l'état. La
nature y a repris sa place, reverdissant ces lieux autrefois noir charbon. Dans les
années 90, un promoteur rachète le site, abattant certains bâtiments branlants, pour
y construire un lotissement. Cependant la zone étant déclarée zone verte, il revend le
site à Nadine et Ricardo, laissant derrière lui des tas de gravats que Ricardo déblayera
durant des mois, avec une brouette et une scoupe..."On ne savait pas que Van Gogh
était venu ici à cette époque. Mais bon, Ricardo qui déblaye le terrain avec sa scoupe
et sa brouette, c'était un peu la même folie". C'est en 1994, avec la visite de Madame
Livingston de National Geographic, que le passage de Van Gogh au Charbonnage de
Marcasse est découvert par ses nouveaux propriétaires. Cette nouvelle oriente leur
rêve: faire de ce site un lieu de mémoire, en hommage aux mineurs, mais aussi un
lieu culturel. Ce rêve, ils le portent à deux, jusqu'à la naissance de l'asbl Marcasse et
sa mémoire où quelques passionnés, architectes, guide nature, amoureux des lieux
et de l'Histoire joignent leur force pour faire valoir le projet auprès des décideurs.
Sophie Guisset lors Des Marches en juin 2013,
arborant le chapeau de Van Gogh, offert par l’une de ses rencontres
20 ans d'actions donc pour faire exister ce site, avec au bout du chemin un rêve
actif porté par quelques-uns seulement (ils sont toujours trop peu, ces fous qui ont
changé le monde): préserver le patrimoine historique comme une mémoire vivante,
emblématique de la Région; faire valoir le patrimoine architectural: le charbonnage
est très original dans la conception même de ses bâtiments, on y trouve notamment
le seul réservoir à eau rectangulaire (il fait d'ailleurs l'objet d'une étude menée par
la Faculté polytechnique de Mons, en vue d'un classement); ouvrir une taverne et
des gites, pour permettre aux gens de passage de s'y reposer et de prendre le temps
de découvrir la région, construire des espaces culturels, des salles d'exposition et
de spectacles...préserver les ruines, sauver le site du délabrement, lui donner une
deuxième vie et l'ouvrir en partage aux populations locales et à ceux et celles venues
d'ailleurs.
"20 ans qu'on se bat. J'aimerais voir ce site revivre, avant qu'on soit din l'terr a
petote", me confie Ricardo, ce fils de mineur qui a racheté la mine comme on boucle
l'histoire, la petite, celle des gens, pour donner du sens à la grande.
On retrouve, dans l'âme du Charbonnage de Marcasse, un petit quelque chose de
la folie de ce peintre de passage. Si c'est une folie, elle est douce et presque sage,
cette entreprise de redonner au site sa valeur historique et symbolique, d'en faire
un pont entre le passé et l'avenir, tenter de lui donner sa place au sein de l'entité
communale et régionale: un patrimoine historique et humain devenu aujourd'hui
presqu'incontournable.
20
Les élèves de la classe d’Art dramatique de Frédéric
Dussenne de l’Ecole Arts² de Mons rejoignent le
projet Une Aube Boraine dans le cadre de leur
exercice de fin d’étude.
Les étudiants d’Arts², de la classe d’Art dramatique de Frédéric Dussenne
préparent leur aube boraine
Arts², mardi 28 avril 2015.
"Numéro 622!"
1er carnets de route pour les élèves de la
classe d'Art dramatique de Frédéric Dussenne,
embarqués dans notre Aube Boraine. Récits
théâtralisés de leurs premières marches à
travers le Borinage. Dans la salle : une grande
table, un accordéon, une lampe de mineur,
le maillot de foot d'Eden Hazard, des photos
de charbonnages, de gens croisés au hasard
des ruelles et des cafés...en farandole. Des
boissons (diverses), des serpentins, la musique
à fond, des gens qui chantent...on arrive ici
comme au milieu d'une grande fête.
Du silence s'impose parfois autour du miro. Il
est des histoires de vie qu'on raconte presque
recueillis, comme celle de l'Eglise de la Grand
Place d'Hornu, témoin discret de toute une
existence, "ce lieu, cette ville, cette vie, tout ça
c'est moi. (...) La mort n'est rien, je suis juste
dans la pièce d'à côté. " Des témoignages, en
marche. Un terril (fief de Lambrechies), gravi
comme un long pèlerinage, où 57 mineurs
ont trouvé la mort lors du coup de grisou de
1934. Au détour d'une rue, près du Laminoir
(Jemappes), une plaque commémorant 33
borains massacrés par des soldats allemands
le 3 septembre 1944.
"Numéro 609!"
Le Grand Ouest de Colfontaine, avril 2015. Une scène au pied du terril.
Théâtre Epique - Une Aube Boraine
12 jeunes artistes se sont jetés avec curiosité en immersion dans le
Borinage, à la rencontre des gens, de la Région et d’eux-mêmes... Ils
sont venus poser les premières pierres d’une rencontre sincère avec
la région et ses populations, afin de rendre compte du pouls d’un
territoire, d’un état du monde. 12 artistes en marche jusqu’aux 27 et 28
juin 2015 où nous leur avons donné rendez-vous pour partager avec le
public leurs expériences et découvrir leurs aubes de passage de l’école
à la vie professionnelle, avec le Borinage en écho et en miroir...
Les passages sont tirés au sort. Des accents
colorés, des vierges aux lions, des voyages en
mer avec des ventres arrondis en cadeau, des
syndicalistes timides (sauf devant les patrons),
l'élection de miss Borinage... entrecoupés de
danses collectives, de chants populaires, de
tubes des années 80, d'hymnes nationaux...
Théâtre Epique
Epique -- Une
Une Aube
Aube Boraine
Boraine
Théâtre
"Numéro 606! "
Entre les ruelles des corons, on voyage du
Borinage en Russie, dans un urbanisme
kafkaïen organisé pour le profit des patrons,
pour le contrôle des militaires. Du fond de la
mémoire surgit le légendaire brigand Moneuse,
aventurier sanguinaire décapité en 1798... Des
guérisons miraculeuses à la grotte Notre-Dame
de Lourdes à Quaregnon (dont personne ne se
souvient), des chemins de traverse, des ruelles
anonymes, des ronds-points (beaucoup) à
Hornu, Jemappes, Wasmes, Quaregnon...
Des promenades silencieuses dans les cafés
désertés, au bord des commerces à l'abandon,
des hangars désaffectés...
Les histoires des lieux et des gens, des gens
qui ont hanté ces lieux, des lieux qui sont
comme la mémoire des gens, vivent et revivent
autour de cette table de fête. Et doucement se
dévoile un Borinage, généreux, mystérieux et
pourtant encore et toujours insaisissable. Et
puis bon, c'est une habitude dans notre Aube
Boraine, comme un rituel: tout ça s'est fini
par une danse à travers les images, les objets
ponctuant les murs du conservatoire comme
autant de témoins de ces errances, dans une
odeur de frites froides à la sauce brazil...
2211
Faits divers
Voyages
Il tombe en panne dans le Borinage, le soir
C’est presqu’au bout du monde...du Borinage aux utopies
“Youkali, c’est le pays de nos désirs”
Roger Fernay
Interroger cet élan, cette nécessité du départ pour toucher
du doigt le rêve d'un monde meilleur, d'un paradis perdu
L
a Belgique fêtait en 2014 les 50 ans de l'immigration marocaine. Dans ce
contexte, le Théâtre Epique a voulu interroger cet élan, cette nécessité du départ
pour toucher du doigt le rêve d'un monde meilleur, d'un paradis perdu, dans une
dimension multiculturelle, universelle. "C'est presqu'au bout du monde" traite de la
quête d'idéal qui motive les départs et de la confrontation avec le réel. Ce spectacle
voyage entre différentes cultures, rassemblées sur un territoire et un temps donné.
"C’est presqu' au bout du monde" donne la parole aux aventures et mésaventures du
quotidien, et celles de tous les voyages pour trouver la paix ou la fortune à travers
des chœurs parlés, chantés, des mots de poètes, des chansons célèbres ou inédites
inspirées de témoignages croisés, entre autre sur la route d’Une Aube Boraine.
Hommage aux petites histoires personnelles, aux résistances, à la violence sociale
d’hier et d’aujourd’hui et à la question du droit au voyage, du droit à la dignité.
C’est une rêverie fragile sur notre capacité à nous remettre en mouvement dans un
monde qui nous contraints à la stagnation.
La nouvelle création de Lorent Wanson nous entraîne dans un espace imaginaire,
entre musique et théâtre, à la source et à la croisée de tous les rêves… Sous le
regard bienveillant de ceux que nous avons croisés au cours du projet “Une Aube
Boraine”, aux rythmes de leurs interprétations par le blues, le rock, le folk, le jazz,
la chorale ou l’harmonie.
Pour interroger cette vaste matière, nous sommes allés à la rencontre des
pensionnaires de homes, d’allocataires du CPAS, d’enfants dans des Maisons de
Jeunes et de bien d’autres témoins de la Région de Mons-Borinage.
©Théâtre Epique
A partir de cette chanson bouleversante de Kurt Weill, Lorent Wanson et le Théâtre
Epique voyagent à travers les espoirs et désillusions, les utopies et renoncements
d’une région, de cultures, d’un monde. Trois comédiennes - Sara Amari, Delphine
Gardin et Julie Jaroszewski - chantent et interprètent avec force une mosaïque de
portraits accompagnées par Fabian Fiorini, magitral pianiste et compositeur.
© Alessio Mucedda
Entre l’intime des rêves inaboutis
et le monde d’aujourd’hui
C
’est presque au bout du monde revêt la forme d’un
patchwork tant musical que visuel.
Ses textures sont rythmiques, linguistiques, corporelles,
alliant chants, témoignages, petites formes improvisées à la
manière des traditions orales archaïques.
Avec différents voyages proposés entre l’intime des rêves
inaboutis et le monde qui aujourd’hui comme de tout temps
cherche une paix.
Entre des influences musicales qui puisent dans le plus
populaire et parfois le plus élevé ou contemporain, entre les
racines diverses qui par strates tentent de donner corps à une
universalité qui n’assimile pas, mais faire résonner toutes les
nuances de ses échos.
Ce spectacle tricot, qui semble se tricoter au fur et à mesure,
tente de créer de l’intime dans un cadre immense et déchevêtré,
industriel, un espace où stocker de la main-d’œuvre ou des
déplacés politiques ou économique. Au sable des origines,
d’or ou d’ocres, se mêlent des restes de houille, d’anthracite,
points de chute de bien des immigrés.
Le Borinage, terre multculturelle: extrait de
la monogravie de Lily Noel dans l’exercice
théâtral “Regarder l’aube, l’étendre”
« Tu n’avanch’ras djamin tou seû », c’est le Pourquoi écrire sur Quaregnon?
nom du spectacle de Sébastien Bonnamy,
sur base des rencontres qu’il a pu effectuer Les discussions avec Lorent Wanson, qui
m’accompagnait depuis le début de cette
lors d’une panne sèche dans le Borinage.
C
Parti au bord de sa BMW, car il devait donner une représentation dans la région, Sebastien a pu, grâce à un vaste réseau multiculturel de débrouillardise, reprendre Et c’était parti!
finalement sa route, pour la joie de nos
Quaregnon, ce sont mes racines, j’y suis né, j’ai
spectacteurs!
On dénote quelque peu il faut le dire, mais sur l’autre trottoir, celui des
belges, on dénoterait aussi.
aventure, ont été nombreuses, et même
sinueuses...Puis Lorent m’a dit: « Tu as une
panne de voiture, à Quaregnon, et tu dois dois
jouer un spectacle! Voilà , maintenant, écris! »
Sebastien, pourquoi jouer cette pièce?
Parce que j’avais envie de jouer ce bout de
vie, de l’offrir au public. La facilité de ce fond,
c’est que j’écrivais ce que je jouais, et que je
jouais ce que j’écrivais; ce qui m’offrait donc
une infinité de possibilités, d’ouvertures. La
difficulté, par contre, était de ne pas réduire
cet écrit, qu’il ne soit pas uniquement destiné
à une minorité. En effet, les personnes que je
rencontre dans ce périple sont italiens, grecs,
marocains, borains en somme...
Mais j’étais certain qu’il était nécessaire
de partager ce récit qui s’intitulera « Tu
n’avanch’ras djamin tou seû... » (trad: Tu
n’avanceras jamais tout seul), issu du chant de
supporters du football club de Liverpool, « You
never walk alone », chant devenu universel.
grandi à Quaregnon. Quaregnon, c’est la mine
et ses charbonnages; c’est aussi la multitude
de nationalités, donc des cultures différentes,
réunies dans un village du Borinage, près de
Mons.
Et puis, ce seul en scène est universel, car si ma
source est Quaregnon et ses environs, chaque
être peut s’identifier à ce personnage ainsi qu’à
tous ceux qui gravitent autour de lui.
Pour conclure, « Tu n’avanch’ras djamin tou
seû », qu’on aurait pu aussi appeler « L’éloge
de la débrouillardise » (dixit Lorent Wanson) ,
parle à tous et à chacun d’entre nous.
Le besoin de le jouer est aussi fort que le besoin
de le raconter; bref, ce spectacle est le partage
d’un Borain.
© Francine Servranckx
A partir des parcours intimes des actrices et de différents
témoins du Borinage et d'ailleurs, avec toutes les branches
universelles qu’ils proposent, accompagnés par le piano
préparé de Fabian Fiorini sautant d’une influence à l’autre,
nous racontons le réel, le mythologique, l’histoire et le
quotidien.
“C’est presqu’au bout du monde” a été créé en juillet 2014 dans le cadre du
Festival au Carré au Théâtre Le Manège (Mons-Belgique)
Théâtre Epique - Une Aube Boraine
hez moi, chaque trottoir représente un pays. Le trottoir de droite
c’est la Bel-gique, avec le banquier, l’architecte et la vieille dame. Et
le trottoir de gauche, c’est l’Italie. Mes voisins : Filipo, Mario, Fabricio,
Michael, Julio, Enza,… et nous!
Je vous explique, ma mamy se dit montoise depuis 4 générations, jusque
là je suis accepté sur le trottoir de droite. Mon papy lui, et c’est là que ça
se complique vient d’une vague d’immigration,… en réalité plusieurs…
Son père est né à Zlatary en Tchécoslovaquie en 1905. Il s’installe d’abord
en Ukraine et en 1939 vient travailler au fond des mines à Quaregnon en
Belgique. Sa mère est née en Carnegie aux Etats-Unis en 1909, venant
d’une première immigration de ses parents ukrainien. D’ailleurs elle
était fière de dire que pour immigrer ses parents avait pris un immense
bateau comme le Titanic…Mais bien avant que celui-ci n’existe. C’est
bien plus tard qu’elle retourne en Ukraine.
En résumé, il faudrait que ma maison se trouve sur un trottoir à la fois
belge, tchécoslovaque, américain et ukrainien. Ce qui devient de plus en
plus compliqué. Ou alors sur un trottoir tchèque. Oui, en fait dans les
années 50, les gens se re-groupaient par nationalité dans les quartiers.
Y avait les Belges, les trucs, les grecs, les italiens et les Tchèques. Que
tu sois Russe, Polonais ou Ukrainien, tu étais appelé le Tchèque ou la
Tchèque.
Mon papy, lui, se dit plus belge qu’un belge ! Car à ses 15 ans, on lui a
demandé de faire un choix de patrie, il a choisi d’être belge ! D’ailleurs,
quand il entend la brabançonne, il se met debout la main sur le coeur
et il pleure… Je ne l’ai jamais vu le faire sur l’hymne ukrainien… ni
américain, ni… bon soit.
Moi, dans toute cette histoire, je suis un peu paumé. Ce dont je suis sûr,
c’est que je descends de gueule noire, des deux côtés, car le grand-père
de mon père était mineur à Charleroi. Je suis donc une gueule noire
Belgo-ukrainienne.
Au final, je n’ai toujours pas trouvé mon trottoir,… Et je crois qu’aucun
d’entre nous n’a vraiment trouvé le sien. Heureusement, non?
Nous les remontons, « les trottoirs » de notre enfance et de notre passé,
en avançant à reculons ou en reculant vers l’avant. Le moindre de
nos souvenirs se charge d’épices, d’accents qui nous sont familiers ou
inconnus. Nous portons tous, chacun à notre manière, le monde. Nous
avons tous autant de trottoirs que de chemin.
Un écran de fortune, sur lequel se projette les images des
orchestres et des témoins rencontrés dans notre immersion
boraine et qui auront joué pour nous des versions multiples,
parfois justes deux trois mesures répétées à l’envie, une
chorale d’une centaine d’enfant projetée fixement.
Lorent Wanson
22
Sebastien Bonnamy, quaregnonnais et comédien , en route pour
interpréter son dernier spectacle, est tombé en panne sèche entre
deux ronds-points de Quaregnon.
Représentation de Tu n’avanch’ras djamin tou seû à la Maison du Peuple de
Pâturages durant notre évènement l’Aube(rge) boraine en octobre 2014
Théâtre Epique
Epique -- Une
Une Aube
Aube Boraine
Boraine
Théâtre
2233
Faits divers
Portraits
Une Kalach pour chanter contre l’acculturation
Compagnons de route, amis borains ou non, artistes, bénévoles, personnes associées à ce vaste
projet qui est devenu le nôtre... merci à tous ceux que nous avons rencontrés au hasard des
chemins!
N
ous avons toujours chanté dans ma famille. Depuis petite-fille, les fêtes
et repas se transformaient en d’énormes banquets où l’occasion était
saisie de reprendre un à un les différents personnages de notre village, les
anecdotes et aussi les chansons qui accompagnaient ceux-ci. Le français
et le wallon s’y mélangeaient allègrement, j’y ajouta même adolescente
l’anglais et quelques airs de Whitney Houston.
Annina et Nikos Antoniadis
I
ls sont là depuis le début, personnalités complices d’Une Aube Boraine,
on les retrouve dans la plupart de nos évènements: des Marches en juin
2013 au Charbonnage de Marcasse, à Vin chaud & amuse-gueules dans la
Salle des Fresques de l’ICET de Cuesmes en décembre 2013, en passant par
l’exposition-rencontre autour des robes cosmiques d’Anna à la Fabrique de
Théâtre à Frameries en avril 2014 jusqu’à Nous sommes tous des Van Gogh
au Charbonnage de Marcasse en avril 2015...Anna et Nikos ont toujours eu
quelque chose à partager.
Pour les 80 ans de ma grand-mère, je suis allée passer quatre jours chez elle,
et je l’ai enregistrée. Le jour de la fête de ses 80 ans, j’avais préparé une
vingtaine de CD de la compilation de Ses plus belles chansons et son cadeau
fût d’en offrir un à chacun. De transmettre, encore.
Pourtant petite, en dehors des fêtes, ma grand-mère n’était pas très encline
à transmettre le wallon, cette langue de « sainsie » (paysan). Petite fille
à l’école, elle aussi, se faisait taper sur les doigts si elle venait à utiliser
sa langue maternelle. Sa mère, mon arrière-grand-mère ne parlant pourtant
uniquement que le wallon (de Solre-sur-Sambre!) et comprenant à peine le
français.
Borains d’origines italienne et grecque, ils sont ensemble depuis 1960,
installés dans une maison à Cuesmes où les murs regorgent de photos de
famille, de pierres, de poèmes, de
sculptures...on entre chez eux comme
dans un poème. Sur la table, le pagnon
de Quaregnon rivalise avec des biscuits
italiens: on aime à penser que le café soit
grec.
Drôle de procédé qui éloigne ainsi les générations en les coupant de la
sémantique du syncrétisme liée au terroir et donc aux activités issues de la
terre et de la culture.
Anna, son regard est suspendu vers un
coin de la pièce. Elle peut voir dans un
reflet une éclipse de soleil, dans une pierre
la silhouette d’un être prisonnier, dans un
rayon de lumière un labyrinthe. Anna,
c’est la créativité. Des robes cosmiques,
des poèmes et pièces de théâtre spirituels
aux sculptures énergétiques, je vis avec
elle le croisement des mondes. Anna
me parle de la robe de l’Aube Boraine,
qu’elle va réaliser pour l’évènement de
clôture Toutes nos aubes en aout 2015.
Cette robe, elle la raconte comme l’union de la lumière et de l’obscurité de la
nuit, dans leur éphémère rencontre. Sortir de l’ombre, mettre en lumière, des
vêtements pour le dire.
Mon premier travail consista donc à la convaincre d’accepter de transmettre.
« Mais pourquoi est-ce que vous voulez apprendre ça? » « Ça ne sert plus à
rien! » « Tu chantes si bien en anglais! ». En effet, l’on m’a toujours poussée
à partir plus loin et à ne pas rester perdue dans « le trou du cul de la Wallonie
». Ce que je fis...
Je passais beaucoup de temps avec les gitans en Andalousie, à apprendre
et percevoir les formes d’organisation du flamenco. Son rapport direct à
la terre et au travail de la forge. Son rapport à l’oralité et au territoire, le
flamenco se faisant le support du récit en mouvement perpétuel de l’histoire
des familles gitanes ayant traversé les cultures et les peuples sur la route de
l’exil permanent. En Afrique aussi, et plus particulièrement au Burkina Faso,
j’intégrais les palabres: grandes causeries codifiées permettant de réguler la
vie sociale et faisant même office de « tribunal de justice de paix ».
Toujours, ces chemins, ces voix et ces voies, me ramenaient au cercle, à la
tradition orale, à la culture populaire et donc forcément aux chants de ma
grand-mère et aux veillées que nous avions partagées depuis ma plus tendre
enfance.
Lorsque Lorent Wanson initia le vaste et beau projet d’”Une Aube Boraine”,
et qu’il m’invita à rejoindre l’aventure, j’échangeais avec lui sur ce parcours,
et il nous apparut d’emblée à tous les deux qu’il y avait là, entre ces Voix
et ces Voies, un lien dont nous devions prendre soin. La violence d’un
déracinement et d’une acculturation se dévoilait aussi. Ainsi nous posâmes,
par la distance et l’humour du théâtre, le postulat d’une prise d’otage par
la protagoniste, revendiquant sur scène et par son récit les ambiguïtés et
les rêves d’internationalisme déchus d’un indigénat blanc. C’est ainsi que
naquît le texte : Kalach’
Julie Jaroszewski
Nikos, arrivé à 23 ans dans le Borinage, 12 ans de mine, 30 mouvements
sociaux plus tard, me confie ceci de son immigration: “nous avons laissé
le mauvais derrière nous. On a eu le Borinage en héritage”. Cet héritage,
K
alach’ nait tout d’abord d’une
longue collaboration entre
Lorent Wanson et Julie Jaroszewski,
commencée sur les « bancs » de
l’INSAS, poursuivie au Théâtre
National, reprise dans le cadre du
projet culturel et participatif Une
Aube Boraine. C’est le temps d’une
maturation entre ces deux artistes,
de questions laissées en friche
pendant dix ans, et une envie de
dire ensemble autour d’obsessions
communes : la culture populaire,
le chant, les laissés pour compte
de l’histoire, les histoires tues et la
violence des rapports de domination.
Le titre initial du projet s’appelait
« Des Voix et des Voies », Lorent
Wanson avait demandé à Julie
Jaroszewski, dans le cadre du projet
Une Aube Boraine, de raconter les
routes des chemins empruntés de
part le monde et dans la rencontre
des cultures populaires, dans
l’apprentissage de leurs chants et
histoires. En quoi, cela l’avait elle
ramené chez elle ? Et où était ce
chez soi ? En quoi la résistance des
peuples au Nicaragua ou au Burkina
Faso face à l’impérialisme, dans ses
24
formes d’organisation culturelles,
l’avait-elle amené à constater son
acculturation et le linguicide opéré
à l’encontre de la langue de ses
grands parents : le wallon. Quels
avaient étaient les mécanismes
silencieux de colonisation à
l’oeuvre ?
Car s’il est bien une chose qui nous
rassemble aujourd’hui, à l’heure
des grands débats sur l’identité
nationale, c’est la manière de « faire
peuple ». À trouver les endroits
où nos histoires nous rassemblent
plutôt que nous divisent.
Kalach’, se veut donc une
tentative d’articulation d’éléments
de recherche sur ces questions
contemporaines par la force du rire
et du chant. Car si Kalach’ est un
texte, où le jeu de la situation de base
est donné de manière burlesque,
par la prise d’otage, c’est aussi un
concert, où par le chant, émerge
les corps des peuples oubliés, les
rêves d’internationalisme déchus,
et où seule la musique encore est
capable de rassembler au-delà du
signifiant en faisant choeur.
Julie Jaroszewski
Théâtre Epique - Une Aube Boraine
il l’apporte sur la table de la cuisine comme en cadeau: des piles de fardes
reprenant documents officiels, poésies (c’est Nikos qui a écrit le poème sur la
sculpture représentant la lampe de mineur de la place de Cuesmes), extraits
de journaux comme autant de traces de son passage, de ses actions dans la
Région. La géographie se confond entre les histoires de ce résistant grec
sauvé des nazis alors qu’il était berger et qui le reconnaitra 40 ans plus tard, à
ses actions pour défendre les droits des immigrés en Belgique, et celles pour
replacer l’Eglise au cœur des ouvriers borains (parce que l’Eglise, ça ne peut
pas être que pour les riches), les histoires de Nikos sont une véritable épopée
teintée d’idéalisme et d’humanité.
Il y a du courage et de la dureté dans ces
histoires boraines. Du secret aussi, presque
du repli sur soi parfois. Les ouvriers borains,
qui pour la plupart venaient d’ailleurs, ont
fait de cette région une des plus puissantes
du monde, dans des conditions de vie
désastreuses. Ce que nous faisons ensemble
avec l’Aube Boraine, selon Nikos et Anna,
c’est mettre en mouvement, en parole,
en lumière, cette partie de la population,
fragile, oubliée.
“On a tous quelque chose à dire. Mais on
est face à des portes fermées. Il faut parfois
quelqu’un pour avancer d’un pas” dit Anna.
Cette phrase résonne comme en écho à une
phrase de son texte intitulé La Liberté:
“Quand le soleil aura changé de place
Quand on aura retrouvé les pierres du langage et qu’on les aura comprises
Ce jour là, nous serons au rendez-vous”
Et parce que “le hasard des petites choses donne les réponses pour son
chemin”, je croise plus tard, dans un café devant la grande lampe de mineur,
Michel, un ami de Nikos. Il est bon de dire d’où l’on vient, ça prédispose
Laurence Van Oost, directrice du Centre culturel de Colfontaine
Depuis, nous conduisons ensemble ce projet fou, du Charbonnage de Marcasse
« La culture, ce n’est pas important, c’est inévitable. »
jusqu’à la Maison du Peuple de Pâturages, en passant par le Royal Sporting club
Laurence Van Oost
de Wasmes et la Fabrique de Théâtre, notamment...des petites routes sinueuses
D
it-elle dans ce café montois avant d’avaler une gorgée de thé au lait, en toute
élégance. Laurence Van Oost, cette ancienne prof de français et de morale,
qui après un passage au Théâtre de la Guimbarde et aux Jeunesses musicales,
dirige à bout de bras le Centre culturel de Colfontaine depuis sa création en 1996,
avec ce rêve de culture participative, accessible à tous. Il faut batailler ferme
pour mettre au cœur de la vie des gens, inclure
dans leur quotidien même, la chose artistique.
“La culture? C’est l’ensemble des repères qui
permettent aux gens de se définir par rapport à un
milieu et donc à agir sur lui. Le travail artistique
est un outil, parmi d’autres, pour réhabiliter,
légitimer ce qui fait que les gens sont ce qu’ils
sont”. J’envisage à ce moment de commander
un thé au lait, de le lever pour trinquer à cet
enjeu qui nous rassemble, qui est au cœur du
projet Une Aube Boraine que nous conduisons
ensemble depuis deux ans, à bout de bras, à
travers les chemins tortueux et les ruelles parfois
embourbées du Borinage. Nous n’aimons pas les
autoroutes.
Laurence Van Oost, c’est une voix douce dans un
chaos de sons, de tempêtes et de bouleversements multiples et variés. Personnalité
complice du Théâtre Epique depuis Sainte-Jeanne des Abattoirs, spectacle créé
en 1998 dans le Borinage et à Mons, où des cellules de crises et répétitions
ouvertes ont été mises en place pour inclure les habitants dans le processus même
de création...C’est vers elle, comme une évidence, que se tourne Lorent Wanson
quand il a imagine le projet Une Aube Boraine. Ensemble, ils rêvent à ce processus
de création qui puise ses racines dans le quotidien des populations locales, afin
de rendre compte de l’état d’une Région, en partant du micro local, pour parler
du monde.
Théâtre Epique - Une Aube Boraine
traversées dans la petite auto rouge de Laurence Van Oost en regardant passer
les terrils, comment raconter cette aventure commune, cette épopée où il nous a
fallu tout réinventer ensemble, des moyens de production jusqu’aux processus de
créations artistiques?
Avril 2015. Laurence Van Oost coordonne le
Grand Ouest de Colfontaine. Plus de cinquante
associations ont participé à cet évènement majeur,
3000 personnes se sont déplacées au Charbonnage
de Marcasse. Une évènement d’envergure, porté
par le Centre culturel de Colfontaine...nous étions
présents avec une série de spectacles en chantier,
rassemblée sous le titre “Nous sommes tous des
Van Gogh”, pour faire l’éloge des anonymes,
des oubliés des livres d’Histoire. Avec Le Grand
Ouest, c’est tout le secteur artistique et associatif
local qui a pu être valorisé, ce sont plus de 1000
artistes et bénévoles dont l’implication dans la vie
locale a été mise en lumière. La culture a été, une
fois de plus ici, replacée au cœur de la vie des
gens.
Porter un Centre culturel ou un projet comme Une Aube Boraine implique
un engagement profond, presqu’une foi. C’est batailler ferme, inventer
quotidiennement, errer, et ne jamais rien lâcher. Ce soir-là, dans ce café montois,
j’observe les yeux cernés de la fine équipe que nous sommes. Un peu tremblants,
un peu fatigués, mais encore aptes à rêver, entre deux éclats de rires, une frite
fumante partagée et quelques verres renversés. En se disant que peut-être nos
rêves nous dépassent et se poursuivront au-delà de nous, qui sait.
25
Manifeste
Portraits
Une Aube Boraine
Ou de l’Art « Contemborain »
Emmanuel Vinchon
T
andis que les comédiens du Théâtre Epique parcouraient le Borinage sac au dos,
Emmanuel Vinchon, responsable des projets territoriaux pour la Fondation Mons 2015,
avançait carte en main dans les zones cachées de la Région.
C'est Rencontrer
Les cartes ont des zones d’ombre et de lumière qui parfois se rejoignent au hasard des
chemins. Avec les projets Grand Huit et Grand Ouest, le territoire de Mons 2015/Capitale
européenne de la culture s’élargit. Emmanuel et son équipe sont chargés d’associer les
communes avoisinantes à l’opération. Leur job? Créer des espaces de doute: ouvrir autant de
portes et de fenêtres sur l’Art à travers une vaste opération culturelle réunissant des opérateurs
culturels, associatifs, des instances politiques, des artistes, des habitants au cœur de chantiers
communs comme on ouvre les coulisses de la culture pour en saisir le poids et la valeur.
©Théâtre Epique
Invité par Lorent Wanson à la toute première étape d’”Une Aube Boraine”, séduit par l’envie
de travailler ensemble, Emmanuel s’égare en juin 2013 à travers les chemins sinueux du
Borinage, ratant son premier rendez-vous au Charbonnage de Marcasse -site qu’il retrouvera
quelques mois plus tard pour l’organisation du Grand Ouest de Colfontaine- tandis que les
comédiens d’Une Aube Boraine partageaient leurs premières rencontres et expériences du
Borinage avec les populations locales et d’ailleurs intriguées par tous ces randonneurs de
l’Art et de la Culture.
Ce matin, nous le retrouvons au café, fraichement descendu de ses Hautes montagnes qu’il
arpente depuis toujours. Ensemble nous parlons de ces cartes qui ne cessent de se redessiner, à
la lumière des évènements portés par quelques-uns, par toute une collectivité parfois. Comme
souvent lors de nos rencontres, nous débattons sur les thématiques de l’Art et de la Culture.
Du rassemblement des quartiers autour d’un projet commun au delà des cloisonnements
sociaux. De la nécessité de donner aux gens les moyens de découvrir, à leurs manières, dans
l’intimité d’un silence ou dans le partage d’une fête, des œuvres d’art en réappropriation
permanente. Nous nous frottons aussi sur des mots: nous qui voulons redonner de la visibilité
à ce que nous nommons “les invisibles”, terme qu’il conteste, car d’emblée excluant.
Emmanuel Vinchon et Lorent Wanson au Grand Ouest de Colfontaine, en
avril 2015 au Charbonnage de Marcasse
De frottements en partages, il nous arrive aussi d’être d’accord: là où il
s’agit de faire quelque chose avec son voisin, de créer des ponts objectifs
dans un projet commun, de donner les moyens de créer le terrain pour que
les gens en redeviennent acteurs. Nous débattons avec l’espoir et le doute
que ce que nous avons semé continue à avancer par son propre chemin.
De la flamme vacillante aux grands feux provoqués par une étincelle. En
marche.
Brèves
Art, science & fiction
Pour 50c, t’as de l’art
Spartakus et D’Orazio
Au MAC’S (Musée des Arts Contemporains
au Grand Hornu), en janvier 2013, autour de
l’exposition Art, science & fiction : les deux
comédiennes Emilie Maréchal et Violette Pallaro
ont dispensé deux semaines d’ateliers à une classe
de cinquième année du collège Saint-Stanislas et
à une classe de deuxième année de la HEC/ISEP
de Mons. A travers les oeuvres et les thématiques
de l’exposition, la volonté était de plonger dans
les imaginaires, les rêves et les réalités de cette
trentaine de jeunes de la région de Mons-Borinage,
pour construire avec eux une performance sur
l’utopie et les espaces parallèles.
Le 4 janvier 2015, au musée Constantin Meunier à Ixelles, en
collaboration avec Arts & Publics, les comédiens Emmanuel De
Candido et Réal Siellez, en collaboration avec leThéâtre Epique/
Cie Lorent Wanson, ont proposé une intervention : “Pour 50c,
t’as de l’art: sur les pas de Constantin Meunier”. Une pièce de
théâtre originale autour de l’œuvre de Constantin Meunier. Cette
pièce de théâtre a été jouée par la suite pour des publics scolaires
en avril 2015. Un reportage sur toute l’opération intitulé “Pour
50c, t’as plus rien” sera bientôt diffusé.
Roberto D’Orazio a participé à “Une Aube Boraine” en
présentant une première étape de “La révolte de l’ex-esclave
Spartakus raconté par l’ex syndicaliste D’Orazio” dans
le cadre de l’ évènement “Vin Chaud & Amuse-Gueules”
en décembre 2013 à la Salle des Fresques de l’ICET de
Cuesmes. Spectacle à découvrir prochainement....
Ha Cra borain
“Penser avec les mains” fût présenté une centaine de fois
au Théâtre de Le Communauté de Liège, à la Fabrique de
Théâtre à La Bouverie, au Botanique...
Inauguration du monument à Florent
Mathieu sur la place de Quaregnon
Le Théâtre Epique était présent le 19 avril 2014 à
Quaregnon pour l’inauguration du monument en
hommage à Florent Mathieu. Denis Laujol y a
interprété Porteur d’eau, devant une centaine de
spectateurs. Un hommage vivant, émouvant et festif.
Hommage à Paul Meyer
Le film majeur de Paul Meyer “Déjà s’envole la
fleur maigre” tourné dans le Borinage en 1959 nous
a accompagné tout au long de l’aventure Une Aube
Boraine. Notre projet lui est infiniment reconnaissant.
Nous voudrions associer à cet hommage le film de
Bénédicte Liénard “ D’arbres et de Charbon” qui fût
aussi un de nos films de chevet.
Démonstration de Boxe Thai
à la Maison du Peuple
Dans le cadre de l’évenement Une Aube(rge)
Boraine, le clubs de Boxe Muy Thai de Thong
sont venu faire une démonstration de leur sport à
la maison du Peuple de Colfontaine, accompagnant
ainsi les premières ébauches du projet d’Emilie
Marcéchal: FIGHT.
26
Sébastien Bonnamy distille, à l’occasion de nos évènements,
ses cours de Ha-cra borain, inspirés des Haka des joueurs de
Rugby de Nouvelle-Zélande. Plusieurs clubs de la région s’y
sont déjà essayés à maintes reprises.
Une école de théâtre
à la Maison du Peuple de Pâturages
L’école Les blés d’or, initiée par Sébastien Bonnamy s’installe
elle aussi à la Maison du Peuple de Paturages. Renseignements
au +32 479/23 42 08
Le Théâtre Epique a fêté
ses 25 ans à la Fabrique de Théâtre
C’était dans le cadre de l’événement « C’est le temps de
cuisson qui importe” que la compagnie de Lorent Wanson a
fêté ses 25 ans d’existence. Depuis le spectacle “Faz héro”
en 1988 jusqu’à “C’est presqu’au bout du monde” en 2014,
en passant par “Sainte -Jeanne des Abattoirs” répété déjà
dans le Borinage en 1998, exposition, affiches des spectacles,
interview...un temps d’arrêt pour se souvenir et rêver du futur.
Match amical entre le Royal Sporting Club de
Wasmes et le Théâtre Epique
Match amical entre Une Aube boraine et une équipe composée
de minimes et de vétérans du Royal Sporting Club de Wasmes,
le 9 septembre 2014. Nous avons perdu 7-2.
Plus de 1000 personnes ont participé aux
représentations de “Penser avec les mains”
Porteur d’eau, déjà 90 étapes
Plus de 90 représentations prévues pour “Porteur d’eau”
pour la saison 2015-2016. Suivez-le à partir du Théâtre de
Liège, en passant par la Maison de la Culture de Tournai,
le Théâtre Le Public, le Centre Wallonie-Bruxelles à Paris
etc...toutes les informations à la Charge du Rhinocéros,
www.chargedurhinoceros.be
C’est quoi un Cra-Raoké Borain?
Initié par Jean-Jacques Renaut et l’équipe du Théâtre
Epique, chacun peut venir soit chanter, soit témoigner, soit
s’essayer à la musique, au théâtre, à la poésie, à l’écriture...
Des acteurs sont là pour lire les témoignages, ou pour les
retranscrire, les jouer aux cas où. Une grande scène ouverte
aux petites et grandes histoires, aux petites et grandes
musiques, aux murmures et aux cris.
La chambre d’écoute des bouts de monde
Anne Festraets et Olivia Barisano ont proposé lors de
l’évènement à la Fabrique une double installation: un
hommage aux femmes du Congo qui portent chaque jour des
dizaines de kilos de nourriture pour aller les vendre quelques
vingtaines de kilomètres plus loin parfois, et l’aménagement
d’une chambre où déposer ses rêves d’avenir, tout en se
souvenant des violences du quotidien et de leur mythologies
si proches. Certains de ces témoignages ont servi de matière
pour le spectacle “C’est presqu’au bout du monde”.
Théâtre Epique - Une Aube Boraine
Depuis que nous avons débuté nos marches, nous
n'avons cessé de croiser et d'inviter des gens, des
borains, des groupes musicaux, sportifs, des piliers
de comptoirs, des enfants qui chantent, qui slament,
des vieux qui racontent la souffrance et la joie.
Nous avons surtout rencontré une soif de parole
énorme, débordante des années de frustration et de
silence.
Comme reverdissent les terrils, quelque chose d'un
nouveau souffle apparaît dans cette région qui a vu
naître dans les années 1825, les premiers puits de
mine qui lanceront la révolution industrielle et ainsi
feront de la Wallonie, la région la plus prospère du
monde.
Ce sont les pas des soubassements et des ressacs
de cette histoire essentielle pour comprendre notre
présent, que nous voulons suivre...
En Marche.
C'est Transmettre
Depuis les 25 ans que Lorent Wanson a commencé
son chemin au plus près des blessures du quotidien,
que ce soit à Bruxelles, à Belgrade, à Kisangani,
à Santiago de Chile, à Kaboul, et dans les ateliers
qu'il a essaimés tant dans le Borinage que dans bien
des régions de Wallonie, de Flandre, ou du monde,
toute sa philosophie s'est basée sur le partage des
expériences et des savoirs.
La transmission ne peut jamais se faire dans un
seul sens. Les vieux ont à apprendre des jeunes,
les artistes ont à apprendre des gens, les professeurs
et animateurs ont à apprendre de leurs élèves, ainsi
de suite et inversement.
De la structure de production au travail pratique sur
le terrain, nous sommes animés de ce tricot infini à
coudre.
Du temps où des pensionnés racontent la vie
de leurs petits-enfants au temps où ces enfants
racontent le quotidien passé de leurs vieux.
Le présent ne se comprenant qu'à l'aune de l'Histoire
et celle-ci ne faisant écho que si elle est revisitée
par le présent le plus tangible...
En Marche.
C'est Participer
Le maître mot de notre démarche est la citoyenneté
et celle-ci ne peut s'opérer qu'en créant des espaces.
C'est pourquoi nous tenons à articuler des liens
imprévus.
Des pièces de théâtre se préparent dans des
buvettes. Et des démonstrations sportives dans des
théâtres et centres culturels.
La participation ainsi s'organise à divers étages
Tant dans l'organisation d'ateliers de longue
haleine, celle de semaines de travail intensif, celle
de rencontres, de théâtre d'appartement avec des
petites présentations pour susciter et exciter les
témoignages.
Celle ensuite de la prise de parole directe à toute
occasion, lors de nos apéro-rencontres, avec la
mise en place de studio de campagne où enregistrer
les témoignages par l'image ou le son, par le fait
de proposer à des ensembles musicaux divers de
collaborer en adaptant des musiques composées
par nous, ou à des ensembles musicaux reconnus
Théâtre Epique - Une Aube Boraine
et célèbres de s'approprier le répertoire musical,
théâtral ou plus généralement la culture métissée
du Borinage...
En Marche.
C'est répéter et créer
Une des thématiques principales d’Une aube
boraine est la relation que nous avons au temps.
Nous vivons dans des temps d'urgences qui ne
permettent à aucun projet conséquent d'aboutir,
tant au niveau artistique, qu'au niveau sociétal.
Nous souffrons de ne pas avoir le temps du recul,
le temps de simplement vivre, de renouveler notre
regard sur ce qui nous paraît insignifiant et qui
néanmoins est notre richesse profonde.
Répéter, c'est créer une forme de rituel qui
s’incarnera à un moment donné. Ce sont des
rythmes donné à la vie. Une répétition est un endroit
de réunion important, presque de communion.
Aucun des projets d’Une aube boraine n'a de fin
en soi.
Nous voudrions profondément créer de la pérennité
: Qu'une procession païenne abandonnée dans le
Borinage depuis plus d'un siècle se réinscrive dans
le quotidien.
Que, comme avec l'équipe des All Blacks de rugby
de Nouvelle-Zélande, nous inscrivions durablement
ce que nous appelons un « Ha-Cra Borain ».
Que nos apéros-rencontres ne s'arrêtent pas à
l'Aube boraine, mais se perpétuent.
Nous voudrions enfin que les spectacles qui
sortiront de nos expériences, vivent leur vie
autonome et qu'ainsi le Borinage se déplace, en
Wallonie et dans le monde.
Nous rêvons qu’Une aube boraine soit un concept
qui dépasse le Borinage.
Qu'il soit le point de départ d'une reprise de parole
de la société entière.
Nous voudrions pour se faire, produire et créer des
projets d'une très haute exigence artistique et d'une
grande probité.
Créer, c'est avant tout rendre l'impossible possible,
l'imaginaire tangible et c'est « sacraliser » le présent.
Notre ambition est là, toute entière :
Répéter, recréer des habitudes, des rituels et
sacraliser, tout en le démystifiant, l'instant...
En Marche.
C'est Partager la parole
Nos apéros-rencontres ne sont rien d'autres que des
rendez-vous.
Chacun y vient avec ce qu'il est. Personne ne lui
demande de jouer un rôle.
L'horizontalité manque ostensiblement à notre
modèle de société.
Plus personne ne sait qui représente qui. Les
gens élisent des gens qu'ils estiment ne plus les
représenter, tant au niveau politique, qu'au niveau
syndical, qu'au niveau associatif.
Partager la parole, c'est aussi accepter que cette
parole soit dérangeante, périlleuse, c'est écouter
les frustrations et les espoirs, les souvenirs et les
projets.
Nous espérons ne jamais instrumentaliser les
paroles, et ne jamais empêcher les débats. Nous
voulons sortir du malaise sociétal par le haut, et pas
par la négociation des espoirs déçus.
Nous pensons que force et fragilité ne s'affrontent
pas mais se conjuguent, que l’intelligence ne se
trouve pas seulement dans ceux qui manient le
verbe, mais dans toutes les expériences...
En Marche.
C'est Fêter
Chacune de nos opérations doit se terminer par la
fête.
Tant les spectacles, que les projets participatifs,
que les apéro-rencontres, doivent ouvrir et non se
clôturer.
Ceux qui étaient spectateurs doivent rejoindre ceux
qui étaient acteurs pour partager la troisième mitemps.
Communiquer une émotion ou un rejet ou un doute
ou un emballement doit faire intrinsèquement partie
de notre démarche. L'après est aussi fondamental
que le pendant et nous voudrions que cet après
devienne lui-même un pendant.
Les événements ne sont pas seulement la rencontre
avec des œuvres, mais tout ce qui l'entoure.
Notre manière de fêter, nous la voulons dès
l'annonce de nos événements, jusqu’à l'après.
Nous voulons concevoir l'ensemble de ce projet
comme une promenade continue où les objets ne
sont plus que de la matière à la fête du sens, de la
démocratie, et du partage des expériences...
En Marche.
C'est Essaimer
Une aube boraine se conjuguera par une quinzaine
d'activités artistiques et participatives autonomes,
dont nous espérons qu'elles suivront leur chemin.
Nous voulons tout autant que notre projet fermente
des choses dans le Borinage lui-même, qu'il
emmène le Borinage partout ailleurs.
Sans doute un spectacle final verra-t-il le jour,
mais il ne sera que le témoignage d'une plongée
joyeuse dans la vie, le spectaculaire et l'intime, que
des expressions diversifiées d'une parole qui veut
jaillir, et c'est bien la vivacité de cette parole que
nous voulons communiquer tant localement qu'en
dehors.
Pour faire ce projet, nous nouons des contacts avec
une multitude d'organismes et de gens de tous
types. Tout le monde à la fin sera, à sa mesure,
comme ambassadeur du tout.
Une aube boraine, ce n'est que l'essai d'un réseau
imaginaire et improbable dont le but ultime est de
semer les germes d'une chose qui la dépassera...
En Marche.
Lorent Wanson
27
Ils ont participé
Art, science & fiction
Animatrices Emilie Maréchal et Violette Pallaro. Avec les élèves des classes de cinquième
année du collège Saint-Stanislas et de deuxième année de la HEC/ISEP de Mons. En
partenariat avec le Mac’s, Musée des Arts Contemporains (Grand-Hornu)
Des Marches
Avec Sara Amari , Sebastien Bonnamy, Morgane Choupay, Emmanuel De Candido,
Sophie Guisset, Julie Jaroszewski, Yvain Juillard, Denis Laujol, Cédric Le Goulven, Emilie
Maréchal, Violette Pallaro, Gregory Praet, Benoit Randaxhe. Assistante à la mise en scène
Anne Festraets. Accompagnement musical Fabian Fiorini. Travail chorégraphique Johanne
Saunier. Régisseur général Stephen Ferrari. Avec la participation d’Adriano. En partenariat
avec Marcasse et sa mémoire asbl. Avec l’aide de la Fabrique de Théâtre, Service des Arts
de la Scène de la Province de Hainaut (La Bouverie) et du Centre des Arts scénique.
Penser avec les mains
Création collective sur une proposition de Lorent Wanson et Daniel Lesage Écriture Lorent
Wanson et Yvain Juillard, sur base de rencontres d’artisans et d’improvisations. Avec la
participation de Carmelo Cirrincione. Artisans témoins Jacques Wanson [forgeron],
Madame Hariga [couturièremaroquinière], Laurent Demarche [menuisier], Freddy
Cirrincione [polisseur], Roger Bonhomme [ébéniste], Patrick Bernard [maçon]. Avec
Yvain Juillard et la participation de Chloé Verbaert, Amélie Dubois, Carmelo Cirrincione et
Adnan Insel. Mise en scène Lorent Wanson. Scénographie Daniel Lesage, assisté de Chloé
Verbaert, Maryse Antoine, Adnan Insel et Caroline Pultz. Composition musicale Fabian
Fiorini. Régisseur général Carmelo Cirrincione. Support vidéo Chloé Verbaert et Ludo
Burczykowski. Diffusion Roxane Stubbe. Une coproduction Théâtre de la Communauté/
Théâtre Epique.
Vin chaud et amuse-gueules
Avec Julie Jaroszewski, Denis Laujol, Violette Pallaro, Roberto D’Orazio, Sempai, Annina
Antoniadis, Nikos Antoniadis, la fanfare Sensillo, Philippe Tasquin, Sebastien Bonnamy.
Régisseur général Stephen Ferrari.
Fontaine de voix
Chanteuses-animatrices Sara Amari, Delphine Gardin, Julie Jaroszewski. Accompagnement
musical Fabian Fiorini. Avec les enfants des chorales Les Alouettes, Les Grillons, Crescendo,
la Chorale des Jeunes de Soignies et les élèves du cours de Chant d’Ensemble de l’Académie
de Colfontaine. En partenariat avec Le Centre culturel de Colfontaine.
En Appétit! (C’est le temps de cuisson qui importe)
Avec Violette Pallaro, Julie Jaroszewski, Denis Laujol, Yvain Juillard, Sebastien Bonnamy,
Cédric Le Goulven, l’Ensemble Instrumental de Colfontaine, Annina Antoniadis, Anne
Festraets, Olivia Barisano, Cédric Legoulven, Sempai, Yannick Molle, The Voek,Trikzin.
Régisseur général Stephen Ferrari. Régisseurs Max Delannoy et Julien Cantigniau. Avec
l’aide de l’équipe technique et des stagiaires de la Fabrique de Théâtre. En partenariat avec la
Fabrique de Théâtre, Service des Arts de la Scène de la Province de Hainaut (La Bouverie).
L’Alion r’trouvé
Conception musicale, danse et percussions Jean-Jacques Renaut. Animations de l’atelier
chanson et accompagnement conté de la procession Eric Wattiez. Animation de l’atelier
char Stéfano Console. Animation de l’atelier cirque Arnaud Stevens. Animation de l’atelier
bannières Sabri Kasbi. Costumes Bertille Gibourdel. Avec les enfants qui ont participé aux
stages durant les congés de Pâques au Centre culturel de Colfontaine, les enfants de la
Maison Ouvrière de Quaregnon et de l’Ecole des Devoirs en Chocolat.. En partenariat avec
le Centre culturel de Colfontaine, la Maison Ouvrière de Quaregnon, le Service Provincial
de la Jeunesse de la Province de Hainaut, l’Ecole des Devoirs en Chocolat.
C’est presqu’au bout du monde
Ecriture collective. Mise en scène Lorent Wanson. Compositions et arrangements musicaux
Fabian Fiorini, d’après l’œuvre originale de Kurt Weill et Roger Fernay. Comédiennes
– chanteuses Julie Jaroszewski, Sara Amari et Delphine Gardin. Assistanat à la mise
en scène et musical Sarah Sleiman. Stagiaire à la mise en scène Cédric Celorio Lopez.
Scénographie Lorent Wanson et Sarah Sleiman. Costumes Olivia Barisano. Lumières Guy
Simard. Régisseur général Stephen Ferrari. Avec la participation de témoins du Borinage,
de l’Ensemble Instrumental de Colfontaine, des chorales d’enfants rassemblées pour la
journée Fontaine de Voix, The Voeks, Yannick Molle, Giuseppe Millaci, Mathieu Robert,
Triczin. Photos Cédric Legoulven. Vidéo Chorale d’enfants Mathias Hogne. Captation
sonore Vincent Debast. Régie générale Stephen Ferrari. Une coproduction Théâtre Epique/
Le manège.mons/Centre dramatique.
L’aube(rge) boraine
Animation musicale Jean-Jacques Renaut. Avec Yvain Juillard, Emilie Maréchal, Sébastien
Bonnamy. Régisseur général Stephen Ferrari. En partenariat avec La Maison du Peuple de
Pâturages et le club Somthai Gym de Frameries.
Nous sommes tous des Van Gogh/Grand Ouest de Colfontaine
Avec Annina et Nikos Antoniadis, Victoria Barrile, Khadija Azzaoui Ihda, Sempai, Yannick
Van Hemelryck, Violette Pallaro, Laura Fautré, Sarah Sleiman. Travail Chorégraphique
de Charlotte Villalonga. Régisseur général Stephen Ferrari. En partenariat avec Le Centre
culturel de Colfontaine.
L’Alion, deuxième édition
Avec notamment Eric Wattiez et Jean-Jacques Renaut en accompagnement musical.
Animations chorégraphie de bâtons, costumes et accessoires Arnaud Stevens et Sabri Kasbi.
Avec les enfants des écoles communales Saint-François, Busieau, du Centre et de la Rampe
Anfouette, du CEC Les Tournesols, de l’asbl Garance, de l’Ecole des Devoirs en Chocolat
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de la Maison ouvrière de Quaregnon, du Conseil communal des enfants, de l’Ecole I tre
Ponti. Dans le cadre du Grand Ouest de Colfontaine coordonné par le Centre culturel de
Colfontaine.
Regarder l’aube, l’étendre
Un projet collectif de Charline Avril, Emeline Billat, Iacopo Bruno, Lara Ceulemans,
Gaetano Crapanzano, Salomé Crickx, Alexandre Croissiaux, Juliette Manneback, Lily Noel,
Alexandra Pierre, Marie-Charlotte Siokos, Merlin Vervaert. Direction artistique Lorent
Wanson assisté de Sarah Sleiman. Chorégraphie Charlotte Villalonga. Accompagnement
musical Agathe Regnier. Régisseur lumière Renaud Ceulemans. Régisseur général Sarah
Sleiman. En partenariat avec ARTS² Ecole supérieure des Arts, section Art Dramatique.
Toutes nos aubes
Avec Julie Jaroszewki, Violette Pallaro, Laura Fautré, Sebastien Bonnamy, Emilie
Maréchal, Annina Antoniadis, Nikos Antoniadis,Victoria Barrile, Khadija Azzaoui Ihda,
Sempai, Yannick Van Hemelryck, la branque de l’Alion, Cédric Le Goulven, l’Ensemble
instrumental de Colfontaine. Régisseur général Gaylord Tricart. Régisseurs Medhi Mejri,
Cyrielle Kahn, Olivier Mahy, Baptiste Wattier, Bastien Godry, Teilo Delor. En partenariat
avec La Maison du Peuple de Pâturages, Le Royal Sporting Club de Wasmes, le club
Somthai Gym de Frameries.
Porteur d’eau
De et avec Denis Laujol. Sous le regard de Lorent Wanson et de Julien Jaillot. Son Marc
Doutrepont. Lumières Nathalie Borlée. Scénographie Stéphane Arcas. Régisseur générale
Frédéric Nicaise. Une coproduction Théâtre Epique/Théâtre de Namur/Théâtre de Liège/
Théâtre Le Public/Maison de la Culture de Tournai/Ad Hominem/Charge du Rhinocéros.
Avec le soutien de la Fabrique de Théâtre/Province de Hainaut.
Ma Pucelette
De et avec Laura Fautré. Mise en scène de Lorent Wanson.
FIGHT
De et avec Emilie Marechal. Oeil extérieur Lorent Wanson. Vidéo Camille Meynard.
Diffusion Fabien Defendini. Une coproduction Théâtre Epique/Pudding ASBL. En
partenariat avec Le Somthai Club de Frameries
Cerebrum, le faiseur de réalités
De et avecYvain Juillard. Œil extérieur Lorent Wanson, Jo Lacrosse. Conseil dramaturgique
Dominique Roodthooft. Conseil scientifique Céline Cappe. Diffusion Arnaud Timmermans
et Yvain Juillard. Une coproduction entre Les Faiseurs de réalités, soutenue par la Fédération
Wallonie-Bruxelles/COPIC et Le Théâtre Epique. Avec le soutien de la SACD, de la
Balsamine, du Théâtre universitaire de Liège, du Corridor.
Kalach’
De et avec Julie Jaroszewski. Mise en scène de Lorent Wanson. Collaboration pour la
réalisation des vidéos Pauline Fonsny.
En partenariat avec La Baleine noire
asbl.
HORS-JEU
De et avec Violette Pallaro. Mise en
scène de Lorent Wanson. Collaboration
à la mise en scène Emmanuel De
Candido. Création vidéo Camille
Meynard. Création musicale Fabian
Fiorini.
Interprétation
mucicale
Ensemble Instrumental de Colfontaine.
En partenariat avec le Royal Sporting
Club de Wasmes
Tu n’avanch’ras djamin tout seû
De et avec Sebastien Bonnamy. Mise
en scène de Lorent Wanson. Diffusion
Sarah Sleiman.
Rédactrice: Caroline Bondurand
Théâtre Epique
Cie Lorent Wanson
Direction artistique
Lorent Wanson
Production
Sarah Sleiman
Communication Diffusion
Caroline Bondurand
[email protected]
www.theatreepique.be
Maison du Peuple
Place du Peuple 1
à 7340 Pâturages
Nous nous excusons auprès de ceux que
nous aurions oubliés!
Théâtre Epique - Une Aube Boraine
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