Théâtre Epique - Une Aube Boraine
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UNE AUBE BORAINE
Théâtre Epique
Lorent Wanson
2013-2015
© Alessia Contu
Edito
par Lorent Wanson
Directeur arsque et meeur en scène
Un projet comme “Une Aube Boraine” se clôture-t-il? Ce n’est
pas sa vocation. Il restera de ces deux années complètement
folles du visible et puis beaucoup d’invisible. Il y aura eu des
tonnes d’éphémère et des essais de pérennité, des graines
semées au vent dont nous ne pouvons savoir si elles porteront
leurs fruits, et d’ailleurs ces fruits que nous espérons, ce ne
seront déjà plus les nôtres mais ceux de celui ou celle qui les
entretiendra.
Ce furent deux années magniques, dangereuses, humbles
mais d’une ambition démesurée, deux années où nous avons
tenté d’arracher de la lumière là où stagnait l’ombre ou plutôt
de tenter d’éclairer ce qui n’a jamais cessé d’être là, et cette
région, bien souvent, pas toujours, nous l’a rendu.
Nous ne pouvions savoir,deux ans auparavant, quand nous
avons déposé ce projet que son titre serait si révélateur, car
l’aube est un moment qui ne choisit pas, elle est le témoignage
d’une vibration, d’une incertitude, un moment que nous avons
voulu étendre deux années, avec des moments d’éclats, de
retrouvailles, des petites veillées où des badauds, des artistes
venus de partout, des piliers de comptoir, des musiciens du
dimanche, se retrouvaient, pas pour faire spectacle, mais pour
partager des espaces de parole, de fête, de tendresse. Car
l’Aube Boraine n’a jamais voulu être un spectacle et n’en
n’est jamais devenu un, elle est la mise en scène de l’instant.
Nous avons tenté que la vie s’invite partout dans nos pratiques
artistiques et qu’inversément l’art s’invite au zinc, se faule
dans le folklore, réinvente avec ses moyens démunis du sacré,
dans le sens le plus noble ou rudimentaire du terme. Le sacré,
tel que l’esquisse Pasolini, mais tel aussi qu’il perdure comme
une résistance dans cette région frontalement bousculée par
l’histoire économique et sociale du siècle, cette région qui ne
se cache pas, (même si on la regarde peu) qui crie à la fois
son déclin et sa renaissance, qui le crie, le chante, avec cette
franchise rare, qui ne joue pas et ne dissimule pas non plus ses
abattements.
Il fut fondamental pour nous de travailler ici, là où les
simulacres ne font pas le poids, car les populations en ont subi
tant qu’on ne leur fera plus une promesse sans qu’une tournée
générale ne suive.
Voilà, il est paradoxal que ma pratique théâtrale ait fermenté il
y a une quinzaine d’années ici même dans cette Salle culturelle,
cette Maison du Peuple pour les répétitions de Sainte Jeanne
des Abattoirs, et qu’il me fallut errer en Serbie, au Congo,
au Chili, écouter et tenter de donner écho aux silences où
sont relégués la majorité des êtres, acteurs de l’histoire mais
que les livres ne mentionnent jamais, pour en n de compte
revenir ici, là où ma culture bat, là où résonnent mes propres
silences, là où purulent mes propres plaies, là où s’entament
mes fous rires et où surgissent mes larmes…
Paradoxal qu’ici nous ayons nous-mêmes tout au long de ces
deux ans compris le sens du mot silence, et de marginalité.
Sans doute que les douleurs ou les trahisons ne s’entendent
qu’avec la distance de l’exotisme.
Au moment de, sinon refermer ce chapitre, de l’ouvrir à
d’autres vents, de laisser les « enfants » de l’Aube Boraine
suivre leur propre marche, nous savons qu’il ne nous sera
pas possible, ni dans ce journal, ni ailleurs de raconter ce
que fut Une Aube Boraine : une compilation d’instants qui
ne sont enregistrés nulle part, un sentiment peut-être d’avoir
appartenu à ces instants, une complicité pour une chose qui
n’était plus ni du théâtre, ni de l’action socio-culturelle, une
aventure humaine qui n’avait d’autre ambition que d’exhorter
du mouvement, de la pensée, de la joie, de l’amicalité.
Sur “Une Aube Boraine”, nous avons frôlé des ns et rebondi
sans cesse, sans avoir l’ambition d’arriver à une conclusion,
mais juste offrir la vibration nécessaire à ce que le monde
résiste à la modélisation, à la formalisation de l’époque. Un
espace-temps de deux ans, l’on pu tout à la fois rééchir
l’histoire et tricoter du futur, dans un présent à réinventer sans
cesse.
Alors peut-être, ces (dé)marches, ces vins chauds et amuse-
gueule, ces fontaines de voix, ces temps de cuisson qui
importent, ces Alions retrouvés, ces auberges boraines et
autres match amicaux, ces Van Gogh que nous sommes tous,
ces balades entre haine et trouille, et les quelque 11 ou 12, on
ne compte plus, spectacles mis en germe au cours de ces deux
ans, ne sont-ils pas grand chose, ne sont-ils pas l’événement
majeur, spectaculaire, mais un chemin vers une autre sorte de
lumière, celle d’une aube hésitante qui porte en elle tous les
possibles sans en occulter tous les démons.
Il est frustrant d’écrire un éditorial qui brosserait tous les
contours de cette aventure, c’est pourquoi je promets aux
quelque 300 personnes qui y ont participé activement et aux
quelques milliers de spectateurs et complices qui nous ont
suivis, aux associations sportives, culturelles, aux cafés etc…
sans le dévouement desquels ce projet aurait été impossible et
improbable, que nous en ferons germer plus qu’un spectacle,
mais des anecdotes qui, pas après pas, feront l’Histoire...
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sPORTS
pAGES 06-09
Folklore
pAGES 04-05
“Une Aube Boraine”
Un vivier de projets arsques iniés par le Théâtre Epique
«Une Aube Boraine» est un projet
polyforme, il se décline de diérentes
manières: ateliers parcipafs, projets
arsques, évènements culturels et
fesfs, en voici les grandes lignes...
Les ateliers participatifs
Organisation d’ateliers participatifs de longue haleine avec
les populations et qui débouchent sur des présentations
soit uniques et circonstentielles, soit s’inscrivant dans des
événements plus larges et existant au préalable dans le
tissu socio-culturel régional : carnavals, processions, fêtes
de quartiers…
Entre la haine et la trouille, Slam oratorio
Projet mené toute l’année, intra-générationnel entre les
petits-enfants et leurs arrières grands-parents sur les
quotidiens. Quelle était la journée d’un mineur de fond?
Quelle est la journée d’un enfant grandissant sans réelles
perspectives d’avenir? En collaboration avec Sempai et la
Plate-Forme, Maison des Jeunes de Colfontaine.
L’Alion
Relecture d’une procession païenne abandonnée depuis
1895 et qui remonte à la n de l’Antiquité. Un enfant est
perdu dans la forêt, la cité envoie des prêtresses pour le
ramener à la cité et à la vie. C’est une fête, comme beaucoup,
célébrant de façon quasi animiste le renouveau, la nouvelle
saison, l’espoir et la demande à la nature d’une année de
récolte riche. Avec tous les symboles de la germination.
C’est une procession réalisée avec des enfants, par une
série d’ateliers musicaux, de cirque, de danse, de prise
de parole et d’écriture, conjointement organisés par des
Maisons de Jeunes, des écoles de devoirs, des écoles, des
académies de musique. La première édition a eu lieu le 10
mai 2014 dans les rues de la commune de Colfontaine, en
collaboration avec le Centre Culturel de Colfontaine dans
le cadre de son parcours poétique. La seconde édition a
rassemblé 200 enfants et a eu lieu le 26 avril 2015 dans le
cadre du Grand Ouest de Colfontaine.
Le Ha Cra borain
Projet ludique d’un rituel nouveau, création d’une danse
de supporters et de joueurs an de les inscrire durablement
dans le quotidien des gens. En avant ou après match, en
collaboration avec le Royal Sporting Club de Wasmes et
peut-être d’autres club de foot ou de rugby de la région.
Nous sommes tous des Van Gogh
Un travail avec des artistes du Borinage autour de la gure
de Van Gogh et de l’éloge de l’anonymat. Ces artistes
se sont rassemblés autour de Lorent Wanson durant les
vacances de Pacques 2015 pour élaborer des œuvres
invisibles, des propositions artistiques et humaines dont la
seule volonté serait d’offrir un gueuloir à l’inaudible. Le
résultat de cet atelier a été présenté le samedi 25 avril 2015
au Charbonnage de Marcasse lors de notre évènement du
même nom «Nous sommes tous des Van Gogh» dans le
cadre du Grand Ouest de Colfontaine.
Regarder l’aube, l’étendre...
Un exercice de n d’études des étudiants de la classe d’Art
dramatique de Frédéric Dussenne, Ecole Arts² (Mons),
en immersion dans le Borinage. Ces 12 jeunes artistes se
sont jetés avec curiosité en immersion dans le Borinage, à
la rencontre des gens, de la Région et d’eux-mêmes...12
artistes en marche jusqu’aux 27 et 28 juin 2015 où nous
leur avons donné rendez-vous pour partager avec le public
leurs expériences et découvrir leurs aubes de passage de
l’école à la vie professionnelle, avec le Borinage en écho
et en miroir...
Des spectacles issus et nourris de la
participation
Ces spectacles ont été initiés, produits ou coproduits par
le Théâtre Epique dans le cadre d’«Une Aube Boraine» :
Porteur d’eau
de Denis Laujol, portrait de Florent Mathieu, coureur
cycliste de la n des années 40, originaire de Quaregnon.
Domestique des leaders, porteur d’eau comme on dit, mais
au courage et au dévouement sans borne. Il fut néanmoins
une star dans la région, quasiment son symbole de courage
et d’abnégation…
Ma Pucelette
de Laura Fautré, portrait de différentes pucelettes de la
tradition dans leur quotidien d’aujourd’hui, de l’écolière à
la mamie, de l’institutrice, à la mère de famille.
FIGHT
d’Emilie Maréchal. Une salle d’entrainement à Frameries.
Une rencontre avec Thong, ancien champion du monde,
Jason, son ls, qui entame une carrière professionnelle.
Un moment de théâtre, de cinéma et de démonstration
sportive. Entre rituel et sport, transmission des coups,
valeurs et spiritualité.
Cerebrum, le faiseur de réalités
d’Yvain Juillard. Biophysicien spécialisé dans la plasticité
cérébrale devenu acteur, Yvain Juillard propose d’interroger
le fonctionnement du cerveau an de questionner, à travers
des expériences simples et ludiques, la nature multiple
de nos réalités. Notre cerveau étant l’organe qui construit
notre réalité sensible, découvrir sa plasticité ouvre un
champ immense quant à notre propre capacité à être libre
ou à être formaté.
Cette conférence-spectacle a pour enjeu d’amener la
connaissance scientique dans de nouveaux espaces
publics, de la rendre accessible et d’interroger l’avenir.
Kalach’
de Julie Jaroszewski. Kalach’ est la prise d’otage d’un
théâtre par une terroriste wallonne qui n’a d’autre
revendication que le martyre. Au fur et à mesure du compte
à rebours de la tragédie, la terroriste laisse apparaître sa
fragilité et les causes de sa violence, déclenchée par un
linguicide et une acculturation. Alors qu’elle marche vers
sa mort et celle du public, un autre récit sous-tend au texte
jusqu’à le supplanter, celui d’une réconciliation, d’une
Andalousie mythique et minière, qui la ramènera chez elle
et aux siens. Le chant, tel une balise, jalonne son parcours.
HORS-JEU
de Violette Pallaro. Il était une fois, au pied du terril des
Vanneaux, le Royal Sporting Club de Wasmes.Il était une
fois une poignée de bénévoles qui se donnaient corps et
âme pour que perdure ce club de football, au coeur d’une
région désertée et en friche. Et puis, soudain, à quelques pas
du stade, alors que s’ouvre la 93 ème saison, la fermeture
de l’usine. 400 ouvriers perdent soudainement leur travail.
Parmi eux, le gérant du club…
Tu n’advanchras d’jamin tou seû
de Sébastien Bonnamy. Sur Quaregnon, on en dit des
choses, mais tout ce qu’on nous raconte, est-ce vrai?
Promenade dans les langues, les a priori...un éloge à la
débrouillardise.
Penser avec les mains
Une création collective basée sur la valorisation des
métiers manuels et plus largement des processus de
création, à l’adresse de publics nouveaux, peu habitués à
la chose artistique. Ce spectacle a été écrit et créé à partir
de témoignages d’artisans, maçons, ferroniers, ébénistes,
couturières, etc…
C’est presqu’au bout du monde
Spectacle musical et mosaïque autour de la chanson
Youkali de Kurt Weill et Roger Fresnay. 3 comédiennes et 1
pianiste voyagent dans toutes les beautés et contradictions
de cette chanson, à partir d’immersions dans des homes, des
CPAS, des maisons de jeunes ou des rencontres fortuites.
La chanson se promène ainsi d’une langue migratoire à
une autre, dans un espace conné et de transit. Un camp
de réfugiés où les migrants de passage ne pensaient pas
y passer le reste de leur vie. Tout un travail de collecte de
témoignages et de photographies, de portraits a été réalisé
tout au long du processus. L’autre aspect essentiel est de
faire interpréter cette chanson par une grande diversité
d’ensembles musicaux borains allant de l’harmonie au hard
rock, en passant par le jazz ou la musique contemporaine.
Un prélude fut par ailleurs proposé à la Salle culturelle
de Colfontaine le 15 Février, avec la participation de
6 chorales (une petite centaine d’enfants ayant chanté
Youkali lors d’une soirée festive et participative).
Les moments de retrouvailles, les évènements
Les évènements, autant d’étapes qui constituent la pierre
angulaire du projet «Une Aube Boraine»...Ces soirées
tentent de recréer du lien social, voire même du « sacré
» dans le sens pasolinien du terme. Nous tentons de créer
des atmosphères festives propices à la prise de parole et au
partage des expériences de vie. Nous les proposons à un
rythme soutenu an de créer un lien véritablement profond
avec les populations, une forme de délisation et de rituel,
comme les veillées en étaient il n’y a pas si longtemps,
avant que la télévision et toutes les formes de modélisation
des populations ne prennent toute la place. Chacun des
apéros-rencontres développe une approche différente. Le
but n’y est pas de présenter des formes nies, mais des
chantiers, où la parole du spect-acteur se tisse avec les
expériences artistiques les plus diverses.
Depuis janvier 2013 et jusqu'en août 2015, Lorent Wanson et des arstes de renommée associés au Théâtre Epique ont
parcouru le Borinage à travers des ateliers, rencontres, performances et autres acons poéco-civiques impliquant des
populaons boraines. Entre théâtre, folklore, créaon musicale, expression populaire, improvisaon et événement…Une
Aube boraine est un projet arsque et citoyen mouvant, qui vise à remere en lumière les histoires, à réinscrire la populaon
comme pare prenante d’une Histoire en marche.
En partenariat avec le manège.mons/centre dramatique, la Fabrique de Théâtre, Service des Arts de la scène de la Province du Hainaut,
le Théâtre de la Communauté, le Mac’s, Musée des Arts Contemporains, le Centre des Arts Scéniques, Arts & Publics, ARTS² Ecole
supérieure des Arts, section Art Dramatique, la Charge du Rhinocéros, le Royal Sporting Club de Wasmes, le club Som Thai Gym de
Frameries, la Plateforme, maison des Jeunes de Colfontaine, l’Ensemble instrumental de Colfontaine, le Cargo X, Kilombo asbl, Had
Ominem, Les Blés d’or, Far Forward Music, l’asbl Garance,
La Baleine noire asbl,
Marcasse et sa mémoire asbl, Télé MB, les chorales
Les Alouettes, Les Grillons, Crescendo, la Chorale des Jeunes de Soignies et les élèves du cours de Chant d’Ensemble de l’Académie
de Colfontaine, les écoles fondamentales de Colfontaine, le No Maison, la Maison du Peuple de Pâturages…
© Roger Van Vooren
metiers
pAGE 11
sciences
pAGE 10
patrimoine
pAGES 19-20
faits divers
pAGEs 23-24
voyages
pAGES 21-22
portraits
pAGES 25-26
manifeste
pAGE 27
Culture
pAGEs 11-18
Une Aube Boraine est une production du Théâtre Epique /Compagnie Lorent Wanson, soutenue par la Fédération Wallonie Bruxelles,
en coproduction avec la Fondation Mons 2015 et le Centre culturel de Colfontaine.
Folklore Folklore
Théâtre Epique - Une Aube Boraine Théâtre Epique - Une Aube Boraine
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LAlion, une procession paienne millénaire disparue depuis 110 ans, réactualisée depuis 2014
Accompagnés par l’équipe artistique, associés au Théâtre Epique, les enfants du Borinage défilent dans les rues
de Colfontaine et de Wasmes pour fêter le printemps et le renouveau de la Région.
L’Alion est une procession sortie du
fond des âges qui racontait cette
simple fable: que fait-on de l’enfant
qui est perdu en forêt (la forêt comme
métaphore de la perte de sens et de
l’angoisse)? La communauté allait le
rechercher et le ramenait dans la cité,
sans le condamner de son errance.
Elle faisait de cet enfant perdu, de
ce délinquant (dirait-on aujourd’hui)
le symbole d’un renouveau, d’une
germination printanière, d’une
nouvelle ère basée sur l’humain,
fragile, dont les bourgeons ne sont pas
encore mûrs mais qui donneront des
fruits magniques...
C’est dans le cadre de l’évènement “Une Aube Boraine # 7 L’Alion
r’trouvé” le 10 mai 2014 que la procession de l’Alion a refait surface
dans les ruelles du Borinage. Une cinquantaine d’enfants ont suivi des stages
créatifs, encadrés par des artistes associés au Théâtre Epique et au Centre
culturel de Colfontaine an d’élaborer cette toute première procession. Char,
bannières, chansons, numéros de cirque ont été directement intégrés dans la
procession.
Cette première édition résulte d’un partenariat avec le Centre culturel de
Colfontaine, la Maison Ouvrière de Quaregnon, le Service Jeunesse de la
Province de Hainaut, l’Ecole des Devoirs en Chocolat.
Laurence Van Oost, directrice du Centre culturel de Colfontaine, partenaire
complice de l’ensemble du projet “Une Aube Boraine”, a souhaité donner
à cette procession sa pérennité, en collaboration avec le Théâtre Epique
Ainsi, le 26 avril 2015, dans le cadre du Grand Ouest de Colfontaine, plus
de 150 enfants ont participé à cette deuxième édition, traversant les rues
de Colfontaine et de Wasmes, frappant à toutes les portes pour inviter les
habitants à les rejoindre pour célébrer le renouveau de la nature et surtout
du Borinage. Une série d’ateliers créatifs se sont déroulés dans les écoles de
l’entité de Colfontaine an de préparer la procession. Et comme souvent,
c’est par une fête au Charbonnage de Marcasse que la procession a pris n,
avec un goûter géant et un concert d’après les chants retrouvés de l’Alion.
Des souvenirs pour rêver à l’édition 2016...
A l’image des terrils qui reverdissent
avec la force anarchique de la nature,
la procession de Alion célèbre un élan
nouveau: c’est une main tendue que
les jeunes, au cœur de la procession,
offriraient à une époque qui ne leur
promet plus grand chose, d’autant
plus dans cette région où l’avenir
a du mal à se dessiner. Comme une
revanche à l’histoire industrielle:
c’est la célébration des valeurs
universelles du partage et du respect,
la revendication sacralisée de cette
formidable et impérissable liberté que
chacun a devant soi...
Deux édions déjà!
Dans le cadre d’une Aube Boraine (2014)
et du Grand Ouest de Colfontaine (2015)...
© Cédric Le Goulven
© Ingra Soerd
Quels sont les dragons d’aujourd’hui? La Pucelette de Wasmes, revisitée par Laura Fautré.
© Julie Jaroszewski
Qu’est-ce que la Pucelette aujourd’hui ? Qui à
part les Wasmois connaissent ce personnage?
Le dragon du Doudou, oui, Saint George, oui,
mais Gilles de Chin ? Et cette llette de 4 ans
qui aurait été sauvée des griffes du Dragon
? La légende se perd petit à petit, les gens
sont de moins en moins nombreux à faire les
16 km 700, le fameux tour de Wasmes. Cette
llette de 4 ans, qui est-ce ? Ce dragon qui
est-ce ? Pourrait-on faire un parallèle avec le
grand méchant loup de Belgique ? Qui, lui
aussi, semble aimer les grottes pour y cacher
ses victimes! Dans la légende, le dragon fut
tué et la petite lle libérée, et ensuite célébrée
chaque année. La réalité n’est pas tout à fait
la même. La légende existait avant l’affaire
Dutroux, mais n’est-elle pas plus importante
à raconter maintenant ?
Qu’est-ce qu’une petite lle peut comprendre
de cette légende ? Est-elle vraiment
consciente d’être l’icône de la pureté, de
l’innocence? Ne se prend-elle pas pour la
mini miss de Wasmes? Que veut devenir la
petite lle aujourd’hui, Mini-miss, Princesse,
où Pucelette? La mini-miss est à la fois cette
princesse pucelle d’un soir. C’est avant tout
un honneur et une erté pour les parents, ainsi
qu’un remerciement à la Vierge. Une enfant
de 4 ans ne choisit pas. Quel souvenir va-t-
elle garder ? A-t-elle son mot à dire ? Mon but
est de répondre à ces questions, de rencontrer
des anciennes ainsi que des futures Pucelettes
et de récolter leurs témoignages.
La pucelle d’aujourd’hui est-elle en danger?
L’icône de la jeune lle est mis en avant
par différents concours, mini-miss, beauté,
chant, danse, acrobaties etc. Le monde est
à la recherche de talents et la jeunesse fait
partie des premières cibles. Partout valorisée,
presque commercialisée, plus on est jeune
et talentueux, plus les médias s’affolent, et
l’honneur réel n’est pas envers l’enfant mais
les parents.
Y a-t-il un lien à faire entre Pucelette et mini-
miss ? Jeunesse et innocence ? Pureté et
séduction ? Une fois cette llette vieillie, elle
n’est certainement plus la vedette du jour.
Laura Fautré
Y faut pas que Ze fais tomber ma couronne” Eloise, Pucelee 2015Ma Pucelette, une relecture du mythe
La Pucelee est cee pete lle de 4 ans qui arpente
les rues de Wasmes les lundis et mardis de Pentecôte
en donnant généreusement aux citoyens un salut
porte-bonheur.
En 1133, une légende raconte qu’un certain Gilles de
Chin aurait délivré une petite lle de 4 ans des griffes
d’un dragon. Celle-ci devient alors connue sous le nom de
« Pucelette ». Depuis lors, à la Pentecôte, cette petite est
célébrée à Wasmes, elle détient la clé de la ville entre ses
mains, devient reine d’un jour, envoie des baisers et salue
son public…
Depuis plusieurs mois, Laura Fautré enquête sur des
pucelettes de différentes générations, ces petites lles qui ont
pris place au coeur des processions dont l’impact et le sens
ont évolué avec le temps. Qu’est-ce qu’une petite lle peut
comprendre de cette légende?
“Il n’y a qu’à Wasmes que ça existe. Le dragon, c’est
l’histoire du dragon, oui c’est ça. En fait, le Doudou
de Mons, l’origine, c’est Wasmes.
On fait toutes les fesvités à Mons mais… c’est pas,
c’est pas juste. Evidemment Wasmes c’est un village
et Mons c’est une ville et l’origine de… de… de la
Pucelee, c’est Wasmes.
Tu connais l’histoire, vous connaissez l’histoire du
dragon… Mais l’origine, c’est à Wasmes.
Extrait du texte de Ma Pucelee
Les musiciens Eric Wattier et Jean-Jacques Renaut ont
détérrés et réarrangés les chants de l’Alion lors de sa
première édition en 2014.
© Anne-Sophie Costenoble
Sports Sports
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Une comédienne rencontre un club de foot et une usine
© Camille Meynard
En juin 2013, Lorent Wanson, metteur en scène
du projet Aube Boraine, m’invite à récolter
des légendes de sorcières, en m’envoyant marcher
dans le Sud du Borinage, du côté de la forêt de
Sauwartan. Mais j’ai toujours eu un mauvais sens
de l’orientation… Après deux heures de marche,
je me suis retrouvée complètement à l’ouest, au
Royal Sporting Club de Wasmes !
Là, au pied du terril, j’y ai rencontré des footballeurs.
On était loin des histoires de sorcières. Salvatore,
le gérant bénévole du club, ouvrier ajusteur, me prit
sous son aile, me présenta à tout le monde comme
sa nièce, et m’apprit l’histoire du club.
Les règles du football, le corner, le tir au but, le
coup franc, la deuxième tranche, le classement
en poule, je dois vous avouer que j’y comprenais
pas grand chose. Mais j’ai toujours aimé écouter
les gens raconter leur histoire. Tellement que j’ai
ni par acquérir un appareil enregistreur, qui m’a
permis - et me permet encore aujourd’hui- de les
garder en mémoire.
Je suis retournée au club, un an durant, j’ai couru
sur le terrain, joué avec les minimes, hurlé avec
les corporatistes, chanté avec les anciens. Ballon
au pied, sifet en bouche et bière à la main.
Jusqu’à ce que, à l’automne 2014, Salvatore
apprenne que son usine allait fermer brusquement.
J’ai décidé de l’y accompagner, avec mon appareil
enregistreur, jusqu’à la fermeture dénitive.
Pendant plusieurs mois j’y ai rencontré des ouvriers
démunis, errants dans une usine silencieuse
quasiment à l’arrêt. Du jour au lendemain, cette
entreprise, en partant s’installer sur des terres
plus « rentables », abandonnait ses ouvriers sur le
En marche dans le Borinage à la recherche de légendes de sorcières, Violette Pallaro remarque un club de foot au pied d’un
terril. De sa rencontre avec le gérant du club, Salvatore Frisa, délégué syndical à l’usine Doosan, est le spectacle HORS JEU
banc de touche. Carton rouge pour trois centaines
de travailleurs. Une règle simple de la sorcellerie
capitaliste. D’un coup, la notion de HORS JEU
prenait tout son sens. Et pas uniquement dans le
Borinage.
J’ai alors décidé de partir à la rencontre d’autres
hommes et femmes qui se sont retrouvés
brusquement HORS JEU. Qui les avait exclus ?
L’arbitrage était-il impartial ? Comment changer
les règles du jeu ? Quel sera le prochain match ?
Et si je me retrouvais, moi aussi, un jour,
soudainement sur le banc de touche ?
Violette Pallaro
Violette Pallaro joue HORS JEU dans le cadre
de notre neuvième évènement Nous sommes
tous des Van Gogh au sein du Grand Ouest de
Colfontaine le 24 avril 2015 au Charbonnage de
Marcasse
J’aimerais faire bénécier, à tous mes amis, d’une petite
histoire de ces derniers temps. Il y a quelques semaines,
une troupe de comédiens arrivent ici au foot (RSC Wasmes).
Après la présentation de leurs projets ambitieux, certains
comédiens ont pris part à notre traditionnel match amical
entre parents et amis du RSC Wasmes qui clôture notre
tournoi de Pentecôte.
Dernièrement, un ami a posté, sur sa page Facebook ,
une émission sur l’histoire de l’immigration. J’ai bien sur
regardé cette émission avec énormément d’émotions.
Dernièrement, une comédienne lâchée cinq jours dans la
nature dans le Borinage, comme d’autres comédiens de la
troupe, elle se retrouve ici au club, un vendredi soir, lors du
souper de nos amis les corpos.
Violette, la jeune comédienne de la troupe, se présente à
moi par l’intermédiaire de notre ami Claude qui avait fait
des commentaires sur les belles vues du haut du terril près
du stade du pont d’Arcole (installations du RSC Wasmes).
Notre comédienne, plongée dans cette région pour préparer
ce projet, passe la soirée avec nous, recueillant des
témoignages de toutes ces personnes présentes au barbecue,
la plupart enfants d’immigrés Italiens, des témoignages
riches en souvenirs et en émotions.
Violette dépose des invitations pour la soirée de lancement
de leur projet UNE AUBE BORAINE, au départ, je ne
pouvais pas participer à cette opération de lancement.
Pour des raisons presque inexplicables, je suis à nouveau
disponible le lundi 10 en soirée, je retrouve l’invitation et je
me fais déposer au Charbonnage de Marcasse où j’ai passé
Lettre publique de Salvatore Frisa
Georges Piscart et René Fourmois, du Royal Sporting Club de Wasmes
C'était dimanche 24 mai, il faisait beau à Wasmes, au pied du
terril. Au Royal Sporng Club de Wasmes, c'était le tournoi de la
Pentecôte et la journée des Anciens. Violee Pallaro jouait HORS
JEU sur le terrain, domicile", devant les membres du club qu'elle
avait interviewés, les supporters et de jeunes footballeurs qui,
médailles au cou et tee shirt rouge et jaune, n'étaient pas peu
ers d'être là. A la buvee, derrière la baie vitrée avec vue sur le
terrain, j'ai rencontré Georges Piscart et René Fourmois.
© Camille Meynard
Georges Piscart est secrétaire du club depuis 42 ans. Il a aussi été
Président du Comité provincial du Hainaut pendant 19 ans. A choisir,
il préfèrerait de loin assister à un match du RSC de Wasmes avec sa femme
que d’aller voir jouer le standard. “Un véritable clubman” me cone René
Fourmois, arrivé au RSC de Wasmes en 1977, actuellement entraineur des
équipes de jeunes et de l’équipe première, ancien joueur de Mons en D3
et de La Louvière en D1. Ces deux hommes-là, c’est une histoire de foot
et d’amitié qui les relie, et elle n’est pas courte. Un regard sur le terrain où
quelques jeunes joueurs exécutent des acrobaties, le soleil dans les yeux,
poursuivis par leurs parents (c’est déjà l’heure de rentrer) et Georges et
René me racontent un peu le club.
L’histoire du Royal Sporting Club de Wasmes, c’est une histoire boraine,
avec un grand H. Fondé il y a plus de quatre-vingt ans, le club a été
longtemps la propriété du Charbonnage. A cette époque, on venait assister
aux matchs par tous les moyens, en train, en car, en camion, en vélo et
à pied...le nombre de supporters grandissant, il a parfois fallu poser des
gradins sur le terril pour accueillir tout le monde. Dans les années 60 les
usines ferment et le Royal Sporting Club de Wasmes vit tant bien que mal,
porté par ses bénévoles à bras le corps, jusqu’au rachat des installations
en 1972 par l’administration communale de Wasmes. Aujourd’hui le
chômage n'a pas reculé dans le Borinage. Des hommes comme René et Georges
continuent de porter ce club, entretenant le lien social, offrant aux 200 jeunes qui le
fréquentent un espace d'apprentissage nécessaire, l'esprit d'équipe, le mental.
Le journée s'étire dans la cafétéria du Royal Sporting Club de Wasmes. Au pied
du terril quelques irréductibles terminent leur bières, les stands de saucisses-frites
sont presque démontés, on range les bancs, la comédienne discute avec Salvatore,
le gérant du club. Il est des spectacles qui sont aussi des hommages. Je salue les
femmes de René et Georges, qui ont passé la journée ici à accueillir les gens. Je
salue aussi un autre homme avec ses petits-enfants, parce qu'on m'a dit que cet
homme a été joueur ici, comme son ls, et comme son arrière petit-ls qu'il vient
d'inscrire. Comme quoi le club, c'est aussi une histoire de famille.
une super soirée de communion avec toute la
troupe de comédiens.
Je crois simplement que c’est mon Père et ma
Mère, de là-haut, qui ont tout fait pour que je
me trouve, avec vous, ce jour de lancement.
Cette vidéo, que Franco a postée sur facebook,
cette équipe de comédiens qui se retrouvent avec
moi au foot, et bien sûr, ma nièce Violette que
je retrouve ici à Wasmes. Tous ces signes ne
peuvent pas être de simples coïncidences .
Je prote de ce moment magique de témoignage
pour rendre un hommage à mon Père qui est venu
mourir à petit feu dans la mine pour que mon
frère et moi puissions avoir un avenir meilleur.
MERCI PAPA
Salvatore Frisa
Avec “Porteur d’eau”, un ancien coureur cycliste
rend hommage à Florent Mathieu
Les porteurs d’eau sont ces obscurs qui servent leur leader dans les courses
cyclistes : ils le protègent, l’amènent à la victoire, lui lent leur vélo
quand le leader casse le sien, supportent ses excès… Bref, les sans-grades, ces
hommes (forts) de l’ombre…
Denis Laujol s’inspire d’abord de la vie d’un de ces coureurs belges de l’immédiat
après-guerre, Florent Mathieu, gloire boraine locale, qui t plusieurs tours de
France, et dont on donna le nom à un rond-point orné d’un monumental vélo,
sur la place de Quaregnon. Ce gars-une vraie bête- t demi-tour au sommet
d’un col du Tour, pour récupérer son chef d’équipe qui avait crevé… et grimpa
le col une deuxième fois. Il était sponsorisé en nature par son boucher (un steak
par course), et voulait à toutes forces que ses enfants échappent à la mine. Avec
Porteur d’eau, on plonge dans une époque, ce qui est passionnant, et on passe
avec une justesse déconcertante du particulier à l’universel…
Car le spectacle n’est pas la succession d’une série d’anecdotes nostalgiques,
tendres et drôles; Denis a entamé lui-même une carrière de coureur dans son
Sud-ouest natal et a remporté plusieurs courses en catégorie jeunes. Son gabarit
aurait probablement fait de lui un porteur d’eau. Mais il fait à 21 ans le choix
du théâtre, part en Belgique, met en scène et joue abondamment pour Michel
Dezoteux , Armel Roussel, Selma Alaoui, Aurore Fattier, Antoine Laubin…
Dans “Porteur d’eau” -probablement le plus personnel des spectacles de Denis-,
il met en scène son propre personnage, en même temps que celui de Mathieu,
part sur une réexion sur l’héroïsme, le courage, le travail et l’humilité.
Réussissant la gageure de la philosophie et de l’humour, Denis fait intervenir
Armstrong, Merckx et Sancho Pancha…
Olivier Blin, La Charge du Rhinocéros
Famille de Salvatore Frisa
Violette Pallaro et Salvatore Frisa avant la
représentation de HORS JEU le 24 avril 2014
au Charbonnage de Marcasse.
Sports Sports
Théâtre Epique - Une Aube Boraine Théâtre Epique - Une Aube Boraine
8 9
Quand Lorent Wanson m’a proposé en
juin 2013 de rejoindre l’exercice des
marches dans le Borinage , j’étais bien loin
de m’imaginer que mes pas allaient me mener
vers une aventure qui occuperait une si grande
place dans les années suivantes...
Pour commencer, puisqu’il
faut bien commencer quelque
part, ces pas me menèrent
devant un café (fermé à
l’époque) de la place de
Quaregnon, le Galibier.
Un Galibier à Quaregnon
? Mon sang de cycliste ne
t qu’un tour (et de fait, ce
café s’appelait auparavant le
Tour...de France, bien sûr).
J’appris bientôt qu’il avait
été tenu pendant plus de trente ans par un
ancien cycliste, un certain Florent Mathieu...
et Lorent me dégotta bien vite un livre rare,
une biographie de ce Borain de Légende, par
Jean Godin, et nous en fîmes une petite forme
théâtrale, présentée et enrichie lors de plusieurs
étapes de l’Aube Boaine, et notamment lors
d’une mémorable inauguration du rond-point
Florent Mathieu, sur la place de Quaregnon,
en présence du bourgmestre, du député, de la
fanfare municipale, de deux des ls de Florent
Mathieu, et surtout de nombreux Borains
enthousiastes, qui me posèrent mille questions
sur mon propre parcours sportif...
Peu à peu, cette aventure t
renaître en moi la passion
du cyclisme, et me donna
l’envie de raconter une
autre histoire, la mienne,
qui vient s’entremêler avec
celle de Florent, comme
un double fantasmé, peut-
être.
Ce spectacle s’est donc
constitué par strates
successives, et s’est
enrichi peu à peu du limon déposé par la vie qui
passe ; il se fait tout seul en fait, ou plutôt avec
vous, spectateurs, à chaque représentation,
puis qu’au-delà de l’anecdote, il parle de nous
tous, de nos aspirations, de nos renoncements,
de nos rêves et de notre lutte.
Denis Laujol
Denis Laujol sent remonter une passion lointaine, il vit à travers l’histoire de
Florent Mathieu comme un double fantasmé de lui-même
© marieaurore
Porteur d’eau, dans le cadre de l’inauguraon du monument à Forent Mathieu sur la place de Quaregnon le 19 avril 2014
© Stéphane Arcas
De la transmission des règles et des valeurs, de champion à champion,
de père en ls, en lle
Il y a un an et demi, dans le cadre d’”Une Aube
boraine”, projet initié par Lorent Wanson, pour
Mons 2015, je suis partie quelques jours dans le
Borinage, avec mon sac à dos, et une carte de la
région.
Le but de cette marche : prendre un premier contact
avec le Borinage et aller à la rencontre des Borains,
entendre leurs histoires.
Mon voyage curieusement se polarisa entre la
spiritualité, fréquentant nombre d’églises, de
temples et pasteurs et par des expériences irtant
avec la violence.
Le dernier jour de cette marche, je rentrais par
hasard dans le hall de sport désert de Frameries, et
t une rencontre qui rassembla ces deux extrémités
: celle de Thong, 44 ans, entraîneur de boxe
thaïlandaise. Il formait alors une jeune femme de
20 ans, Samantha.
J’étais intriguée, fascinée par ce couple étrange.
La violence de l’entraînement, l’acharnement,
les pleurs de dureté. Mais aussi par le très grand
respect et les prières de remerciements à Bouddha,
afché sur les murs de la salle.
Thong m’invita à assister à leur entraînement, et
même à y participer. Ce fut la première fois que je
mis des gants de boxe.
Puis nous avons discuté, 2 heures durant après cet
entraînement.
si Jason gagne les cinq combats de ces prochains
mois, il passera en catégorie professionnelle. La
boxe deviendra alors son métier.
J’avais mon sujet : un père qui livre son dernier
combat et son ls qui prend la relève.
Le début d’un sujet qui résonnait aussi
fatidiquement avec ce que je vivais avec mon
propre père, malade, ne pouvant plus se battre,
alors que moi commençant ma vie active je menais
mes premiers combats.
En assistant aux entraînements, je sus aussi très
vite que je souhaitais lmer ces corps qui se
battent. L’évidence de l’image était là, les corps
des boxeurs appelaient à cette proximité.
J’ai alors demandé à Camille Meynard, un ami
réalisateur, de venir avec sa caméra. Notre duo
commença.
Pendant plusieurs mois, nous avons suivi, avec
sa caméra, Thong et Jason, qui nous laissèrent les
lmer. Filmer leur intimité, leur quotidien, leurs
premiers et derniers combats.
Je commençais à écrire FIGHT.
Emilie Marechal
Thong m’apprit qu’il était double champion du
monde, double champion d’Europe et champion
de Belgique. Qu’il fut un des premiers boxeurs de
boxe thaïlandaise à montrer et à inculquer en Europe
cette pratique. Qu’il est aujourd’hui président de sa
propre fédération, et qu’il entraîne et forme dans
le Borinage de futurs grands champions, comme
Samantha.
Enn, il m’apprit que, dans quelques mois, cette
année donc, il livrerait à Frameries son dernier
combat, le dernier combat de sa vie.
Je racontais cette rencontre à Lorent, qui me
proposa d’emblée de travailler à une forme
théâtrale autour de Thong. Lorent voyait aussi
un rapport direct entre la boxe et moi, une sorte
d’évidence entre cette discipline et la manière dont
j’aborde le travail. Entre la persévérance, la dureté,
l’acharnement, le dépassement de soi et sa mise en
danger, inhérente.
J’ai donc revu Thong, plusieurs fois, je suis allée
aux entrainements de son club.
Et c’est que je rencontrais Jason, le ls de Thong,
âgé de 17 ans.
Cette rencontre acheva de me persuader
d’entreprendre cette écriture.
Jason, boxeur semi-professionnel, veut devenir un
grand champion, comme son père. Et c’est celui-
ci qui l’entraîne. Cette année est pour lui aussi un
moment aussi crucial qu’il ne l’est pour son père :
Ancien champion du monde, il crée un club de Muay-Thaï à Frameries
Son ls rêve de devenir champion à son tour
Emilie Maréchal prépare FIGHT
©Théâtre Epique
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