La restauration du Sépulcre d’Arc-en-Barrois : une étape importante dans la
programmation thématique de restauration mise en œuvre en Champagne-Ardenne
Classé au titre des Monuments
historiques le 21 novembre 1902, le
groupe sculpté de la Mise au tombeau
constitue l’un des neuf sépulcres
remarquables du département de la Haute-
Marne. Dans le cadre de la politique de
restauration définie par la Direction
régionale des Monuments historiques de
Champagne-Ardenne, il a fait l’objet d’une
restauration qui s’est accompagnée d’une
réfection de la chapelle où il se trouve.
Cette intervention a permis de valoriser ce
groupe imposant qui constitue l’une des
dernières représentations de ce thème
iconographique.
Vue d’ensemble après restauration
Les circonstances historiques de sa commande
Plan d’Arc-en-Barrois montrant le couvent des
Récollets, copie du 19e siècle d’après la vignette
figurant sur la Carte topographique du diocèse de
Langres par Nicolas Chalmandrier (1769), Musée
d’Art et d’Histoire, Langres © Coll. Musées de
Langres
Avant la Révolution, le groupe sculpté se
trouvait dans l’église du couvent des
Récollets1 fondé en 1635 par Nicolas de
l’Hôpital (1581-1644), duc de Vitry et
construit à l’emplacement de l’ermitage du
Calvaire sur l’un des coteaux surplombant
le bourg d’Arc-en-Barrois. Rappelons
brièvement que Nicolas de l’Hôpital,
capitaine des gardes promu maréchal de
France par le roi Louis XIII, était devenu
en 1622 propriétaire du marquisat d’Arc
puis l’année suivante du comté de
Châteauvillain. Réunies, ces terres
seigneuriales furent érigées en duché-pairie
par lettres patentes de juin 1650.
Faute d’avoir retrouvé le marché, c’est un
document d’archives révolutionnaires, plus
exactement une délibération du conseil
municipal d’Arc-en-Barrois du 25 mars
1791, qui révèle d’une manière allusive le
nom du commanditaire et la date de son
exécution : « ce tombeau a été
spécialement donné en présent, il y a plus
d’un siècle à lad. ville pour son Calvaire
par le maréchal de Vitry ». Ce serait donc
François Marie de l’Hôpital (1618-1679),
fils héritier de Nicolas, et non son père, qui
aurait fait don du Sépulcre au couvent
après avoir fait ériger une église dédiée à
Notre-Dame en lieu et place de la modeste
chapelle érémitique vers 1672, soit
finalement peu de temps avant la vente des
terres d’Arc et de Châteauvillain.
Portrait de Marie Louise Pot de Rhodes, duchesse
de Vitry, attr. à Charles Beaubrun (1604-1692) ©
Galerie Renzo Calderan
Marié à Marie-Louise Pot de Rhodes en
1646, François Marie de l’Hôpital est à
cette époque maréchal de camp des armées
du Roi et envoyé extraordinaire auprès de
l’Electeur de Bavière. Le don du Sépulcre
a peut-être eu lieu à la suite du décès de
leur fils aîné Louis Marie Charles survenu
en novembre 1674 à Paris.
L’inventaire du 10 mars 1791 décrit sommairement les lieux : un escalier fermé par une porte
de fer permettait d’accéder sous le chœur où se trouvaient « un petit autel en bois sans
ornemens, un Sépulcre où est le corps de notre Seigneur et six grandes statuës en pierre ». Le
groupe sculpté de la Mise au tombeau était l’aboutissement d’un cycle dédié à la Passion dont
les autres scènes sculptées figuraient dans des niches « le long des murs de la maison ».
Mettant en scène sept « stations (…) représentans différens mistères de la Passion », chaque
niche abritait une statue dont le matériau était variable (bois, pierre et/ou plâtre).
Le couvent des Récollets d’Arc était un lieu particulièrement fréquenté « depuis plus de cent
ans de dix lieuës à la ronde et (…) surtout dans le saint temps de Carême ». Toutes ces
représentations sculptées constituaient des supports visuels à la dévotion et à l’oraison. La
disposition initiale de la Mise au tombeau, dans la crypte de l’église, rappelait le cadre
historique de l’ensevelissement du Christ à Jérusalem. L’échelle des figures, sculptées
grandeur nature, incitait le fidèle à intérioriser cet instant où le Christ mort est pleuré par ses
proches.
Le groupe sculpté dans la tourmente révolutionnaire
Le vote de la nationalisation des biens de l’Eglise le 2 novembre 1789 par l’Assemblée
constituante, engendra comme souvent la disparition du couvent. Le 8 août 1790, la
municipalité formula le vœu d’acquérir le couvent, son enclos et ses dépendances. Plusieurs
inventaires s’ensuivirent datés du 6 mai 1790 et du 15 mars 1791, puis on procéda à la vente
du mobilier. Conscient de sa valeur artistique et de l’attachement dévotionnel des habitants
d’Arc, le conseil municipal vota outre la préservation du Sépulcre, celles des « statues
d’hauteurs naturelles en pierres » situées « dans les petites chapelles des stations »
(aujourd’hui disparues) et le tableau du retable du maître-autel2 qui fut remonté à l’arrière du
maître-autel de l’église paroissiale. La démarche des pétitionnaires porta ses fruits et
convainquit les Comités d’administration ecclésiastique et d’aliénation des biens nationaux de
l’Assemblée nationale qui autorisa par courrier du 4 septembre 1791 de distraire le Sépulcre
de la vente et de le transférer en l’église paroissiale d’Arc. Pour autant, la bataille n’était pas
définitivement acquise puisque le conseil dût repartir à la charge trois ans après. A la suite de
la fermeture des lieux de culte ordonnée le 24 novembre 1793 est promulgué le 18 floréal an
II (7 mai 1794) le décret instituant le culte révolutionnaire. Deux mois après, le 13 messidor
an II (1er juillet 1794), deux commissaires mandatés par l’administration du district de
Chaumont, arrivèrent à Arc pour visiter l’église. Ils ordonnèrent au maire Victor Bouchu de
détruire le Sépulcre sur le champ. En réaction, la municipalité décida de sursoir à cet ordre
jusqu’à qu’il soit formalisé par écrit et au motif que sa destruction priverait le chef-lieu du
district d’un « Monument qui, aux yeux de tous les connaisseurs qui l’ont vu, a passé pour un
chef-d’œuvre de l’art ». L’absence de réponse de l’administration le sauva définitivement du
vandalisme révolutionnaire.
Quant aux bâtiments de la maison conventuelle et à ses terrains (deux jardins clos de murs et
bois formant une dizaine d’arpents), ils furent mis en adjudication le 22 juin 1791 et acquis
pour la somme de 7000 livres par Victor Bouchu. L’église fut détruite dans les années
suivantes tandis que le logis des moines fut occupé par un garde-forestier. Après l’Empire, la
famille d’Orléans racheta le domaine du Calvaire investi par le garde-forestier et les employés
de la vénerie du prince de Joinville ; un chenil fut construit vers 1874 à l’emplacement des
fondations de l’église.
Son transfert dans l’église Saint-Martin d’Arc-en-Barrois
Vue de la façade occidentale de Vue méridionale de la sacristie
l’église d’Arc-en-Barrois
Si la date de son transfert dans l’église d’Arc n’est pas précisément connue, le choix de son
emplacement actuel remonterait d’après Henry Ronot à 18543 ; le curé d’alors, Laurent-
Victor Simon, en serait l’initiateur. Voûtée d’ogives, cette chapelle, qui s’étend sur deux
travées, a été construite à cette époque sur le flanc sud de l’église au niveau de la première
travée du bas-côté.
On y accède par quelques marches depuis
le sol exhaussé de l’église. Le groupe
sculpté a été disposé le long du mur
oriental de la chapelle, afin d’y loger
également un autel qui lui faisait face. Le
manque de place relégua Nicodème
derrière le tombeau. Ne s’inscrivant plus
dans une narration, le groupe sculpté
apparaissait désormais isolé, en grande
partie soustrait aux regards dans un lieu
confiné et exigu.
Vue du groupe sculpté avant restauration
La restauration de 1976
La première restauration connue a été confiée en 1976 à Maxime Chiquet, atelier de
restauration basé à Alliancelles (Marne). Elle avait consisté en un replacage des éléments
délités par goujonnage partiel à l’aide de tiges de fer, par remplissage et collage partiel au
plâtre avec un agrafage superficiel. Les statues de Nicodème et de Joseph d’Arimathie ainsi
que la figure d’une Sainte Femme ont été particulièrement concernées par cette intervention.
L’ensemble avait reçu une patine protectrice, dont la nature n’a pu être déterminée et qui s’est
avérée irréversible. C’est également à cette occasion que les figures avaient été isolées du sol
humide par une feuille de plomb.
Revers de la statue de la Sainte Exemples de restitutions au plâtre (orteils du Christ et nez de Joseph
Femme comblé au plâtre et d’Arimathie)
consolidé avec une tige métallique
Détail du bras droit et des
mains de Joseph d’Arimathie
restitués au plâtre et patinés
L’intervention de l’atelier de restauration
La restauration concomitante de chapelle
Saint-Nicolas impliquait le transfert du
groupe sculpté et l’autel en un autre endroit
de l’église. Ce fut la chapelle Saint-Hubert
qui accueillit donc le groupe dont la
restauration s’est intégralement déroulée in
situ. La manipulation des blocs, phase très
délicate requérant les compétences
professionnelles d’un restaurateur, s’est
effectuée manuellement. Elle a nécessité la
mise en place d’un échafaudage et la
fabrication de plateaux-palettes à
dimensions pour y coucher les statues, la
porte d’accès à la chapelle étant trop basse.
Des mousses plus ou moins denses ont été
mises entre les surfaces et le matériel
(sangles et élingues polyester, palettes en
bois) afin de bien répartir les forces de
pression et de traction. Seul le tombeau
avec le corps du Christ est resté
partiellement en place (la plus grande
moitié comprenant le corps). Déplacé au
centre de la chapelle, il a reçu un coffrage
en planches épaisses à des fins de
protection le temps des travaux de la
chapelle.
Une fois le transfert terminé, les statues ont
été placées en observation. Les traces
d’outil ont été relevées (très visibles sur le
revers peu sculpté des statues) et surtout
une véritable réflexion s’est mise en place
autour du repositionnement des figures les
unes par rapport aux autres en fonction du
gabarit des bases et du rôle scénique de
chacune.
Vue arrière de la statue de
Marie-Madeleine avant restauration
Puis la restauration proprement dite a pu démarrer. Dépoussiérées, les statues ont été
nettoyées sans abraser la surface à l’aide de deux techniques, l’une associant la projection
d’un fin jet de vapeur et l’application ponctuelle d’un gel d’éther de cellulose et de
bicarbonate d’ammonium, l’autre consistant en un microgommage des zones les plus tenaces
(bases des statues et intérieur de la cuve du tombeau). Elles ont ensuite reçues un traitement
biocide contre les microorganismes à titre curatif et préventif. Ont également été reprises les
précédentes restaurations qui ont plus ou moins bien tenu selon les cas. Celle réalisée en
partie basse de la face postérieure de la Sainte Femme ayant lâché, il a fallu la sangler pour la
transporter dans la chapelle Saint-Hubert.
Statue de Marie-Madeleine en cours de nettoyage Détail du manteau de la statue de Saint
Jean l’Evangéliste altéré par les microorganismes
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