modèle aristotélicien la noirceur de la nuit : la sphère des fixes ne comprend qu’un nombre très limité d’étoiles (quelques
milliers visibles à l’œil nu) peu lumineuses dont la somme des éclats est très inférieure à l’éclat du Soleil.
Un nombre fini d'étoiles dans un monde infini
La vision stoïcienne de l’univers, imaginée par Zénon de Phénicien (334 à 262 av. J.-C.) correspond au niveau du système
solaire à celle de Platon. Par contre il n’existe pas une sphère des fixes : les étoiles ne sont pas toutes à la même distance de
nous. Toutefois elles restent en nombre limité dans un espace fini. Au-delà d’une certaine distance, l’univers est formé d’un
vide d’étendue infinie.
Cette vision est en bonne adéquation avec l’astronomie observationnelle du
19ème siècle : nous vivons dans une galaxie peuplée d’étoiles plongés dans un
univers vide infini. On peut alors rendre compte des vides que nos télescopes
observent entre les étoiles et par là à justifier d’une certaine façon la noirceur
du ciel.
La vision atomiste d'un univers infini
Un troisième courant de pensée, lancé d’abord par Pythagore de Samos (env.
580 à 495 av. J.-C.), part du principe que toute matière est constituée de gra-
nules, la notion d’atomes étant développée ensuite par Leucippe puis par
Démocrite d’Abdère (env. 460 à 370 av. J.-C.)
L’univers est peuplé d’une infinité d’atomes s’entrechoquant dans un vide infi-
ni. Si on peut admettre des variétés locales de la matière, les détails, par contre
les éléments fondamentaux du motif cosmique se répètent à l’infini. Aussi in-
croyable que cela puisse paraître, c’est une première version du principe cos-
Bulletin de la Société Astronomique du Valais Romand Page 11
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L'univers infini des Stoïciens
Démocrite
mologique énoncé par Einstein qui dit qu’à large échelle, l’Univers est isotrope et
uniforme !
La vision de la multiplicité des mondes, des vies extraterrestres, n’est donc pas issue
de la pensée de Giordano Bruno mais déjà de la pensée grecque atomique !
Mentionnons que la vision atomiste prédit que la Voie Lactée n’était rien d’autre
qu’un amas de granules, les étoiles !
Aussi révolutionnaire que dérangeante, la vision atomiste se vit attaquer notamment
par le fait qu’elle véhiculait un athéisme radical. Le modèle d’un univers infini peu-
plé d’un nombre infini d’étoiles ne fut donc pas le modèle dominant qui traversa le
Moyen-Age : c’est bien un mixte entre le modèle artistotélicien et stoïcien qui par-
vint aux astronomes du XVIIème siècle.
Le questionnement de la frontière cosmique
Autant les stoïciens que les atomistes pensent que l’Univers n’a pas de bornes. Ils répondent au questionnement d’Archytas
de Tarente, un pythagoricien et ami de Platon : « Qu’arrive-t-il si on projette une lance au-delà des limites de l’Univers ? Re-
bondit-elle ou disparaît-elle de ce monde ? »
Le Moyen Age connut l’énigme d’Archytas à travers le commentaire que Simplicius, un de derniers néplatoniciens du VIè
siècle, donna du Traité du ciel d’Aristote : « Cependant les stoïciens, pensant qu’il existe un vide au-delà du ciel, le prouvent
en argumentant ainsi : imaginons qu’une personne, se tenant immobile à l’extrémité du monde, tende son bras vers le haut.
Si son bras se tend réellement, ils en déduisent l’existence de quelque chose au-delà du ciel vers quoi se tend le bras. Si le
bras ne parvient pas à se tendre, il existe alors quelque chose à l’extérieur qui s’oppose à son extension. Mais si la personne
se place à l’extrémité de cet obstacle qui s’oppose à l’extension, puis tend son bras,
il faut alors se reposer la même question »
Dans l’Infini, l’Univers et les Mondes (1584), Giordano Bruno reprend l’argumen-
taire de Simplicius. Il va même plus loin en affirmant que, comme l’Univers est in-
fini, il est impossible de lui attribuer un centre, affirmation qui, avec celle de la
multiplicité des mondes, on le sait, lui coûtera la vie (Bruno est condamné par l’In-
quisition au bûcher en 1600.
La plupart des astronomes donc se rangèrent du côté de la non-discontinuité de
l’espace : il ne saurait y avoir une rupture, une limite au-delà de laquelle l’espace
n’existerait plus. Cette supposée absence de bornes va être une clef de voûte in-
contournable, pour ne pas dire un obstacle majeur, dans la compréhension de la
noirceur de la nuit. Giordano Bruno