Des indices historiques et architecturaux renvoient à un édice sacré.
La cathédrale de Valence a été « vouée au service de Dieu »2 à l’occasion d’une
cérémonie particulière, la dédicace, qui a eu lieu en 1095. Cet évènement est
dirigé par l’évêque et induit que le lieu devienne « consacré ». Néanmoins peut
se poser la question de la pérennité de cette dédicace vieille de plus de 900
ans, après que le bâtiment ait subi, au l des siècles, destructions, profana-
tions et reconstructions successives.
En outre, bien que l’orientation dite « ad orientem » du monument fût
constante tout au long de son histoire, cette singularité architecturale des
édices du culte catholique ne semble pas être un argument sufsant pour les
qualier de sacrés. Pierre Deffontaines3 explique que cette caractéristique, qui
nous fait apercevoir la cathédrale de Valence comme de dos depuis la place
des clercs, ne serait en fait qu’un moyen de faire plonger les rayons du soleil
levant par l’abside. Contrairement aux synagogues et aux mosquées qui sont
orientées vers le point central de leur religion : Jérusalem pour les juïfs et la
Mecque pour les musulmans. Les églises catholiques, et donc leurs célébra-
tions étaient jusqu’au XVIIe siècle orientées vers l’orient mais le sont de façon
moins systématique depuis, en tout cas en France, pour des raisons d’adapta-
tion des édices religieux à l’urbanisme des villes. Une église « ad orientem »
n’en est donc pas plus sacrée qu’une autre exposée de façon quelconque.
Aussi, la rupture qu’induit le christianisme d’avec le judaïsme ancien ne
semble pas plaider pour l’existence de « lieux saints ». En effet, l’incarnation4
de Jésus-Christ, Dieu fait homme, modie en profondeur l’idée de sacré en
général et donc également de « lieu sacré ». Des versets de l’Évangile selon
saint Jean nous en témoignent avec ce passage décisif de l’entretien entre le
Christ et la Samaritaine. Cette femme appartient à un mouvement dissident
du judaïsme ne participant pas au culte de Jérusalem, donc au culte du « lieu
saint », mais pratique sur une autre montagne.
« Nos pères ont adoré sur la montagne qui est là, et vous, les Juifs, vous
dites que le lieu où il faut adorer est à Jérusalem. »
Jésus lui dit : « Femme, crois-moi : l’heure vient où vous n’irez plus ni sur
cette montagne ni à Jérusalem pour adorer le Père.[...] Les vrais adorateurs
adoreront le Père en esprit et vérité : tels sont les adorateurs que recherche
le Père. Dieu est esprit, et ceux qui l’adorent, c’est en esprit et vérité qu’ils
doivent l’adorer. »
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Ce passage implique donc la quasi-disparition de toute relation du culte à un
site, que ce soit Jérusalem, la montagne des Samaritains ou tout autre lieu.
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