Sandrine Cabut
L
es ordonnances des méde-
cins anglais comporteront-
elles bientôt des prescrip-
tions d’applications, ces petits logi-
ciels àtélécharger sur smartpho-
ne?Les autorités de santé britanni-
ques ont en tout cas lancé une vas-
te opération pour promouvoir ces
auxiliaires high-tech de soins en
médecine générale.
Al’été 2011, Andrew Lansley, le
secrétaire d’Etat àlasanté, ainvité
médecins, patients et déve-
loppeurs àsoumettre des idées de
nouvelles applications (communé-
ment appelées «applis»ou
«apps») visant àmieux prendre
en charge et contrôler divers pro-
blèmes médicaux et pathologies.
Les Britanniques ont aussi été
conviés àfaire connaître leurs logi-
ciels de santé préférés.
Les premiers résultats de la
«compétition», rendus publics fin
février, confirment que l’idée
séduit:500contributions ont été
enregistrées, ainsi que
12600votes et commentaires.
«Ilyatant de gens qui utilisent
chaque jour des applis pour mainte-
nir le contact avec leurs amis, rece-
voir des informations, chercher
quel est le prochain bus qui passe.
Je veux promouvoir l’usage d’ap-
plis pour suivre la tension artérielle,
trouver le lieu de soins le plus pro-
che (…) et obtenir des conseils prati-
ques pour rester en forme », ajusti-
fié Andrew Lansley, en précisant
que les autorités britanniques étu-
dient maintenant comment déve-
lopper concrètement ces outils et
faire en sorte que les généralistes
les mettent àdisposition de leurs
patients gratuitement.
Cinq domaines préférentiels
d’application ont été identifiés:
suivi de maladies chroniques com-
me le diabète ;aide àlagestion
d’un syndrome de stress post-trau-
matique;enregistrement de don-
nées pour des pathologies comme
l’hypertension artérielle;aide àla
localisation de services de santé et,
enfin, accès àdes informations
concrètes pour manger sainement
et se maintenir en forme.
Quant aux logiciels existants,
celui qui aremporté le plus de suf-
frages est Moodscope
(www.moodscope.com), une appli
qui permet de mesurer son
humeur et d’en enregistrer quoti-
diennement l’évolution. Les don-
nées peuvent être partagées avec
l’entourage amical et médical, ce
qui permet de l’alerter en cas de
gros coup de blues.
Une appli qui sauve la vie
Un gadget?Unexcellent outil,
capable de sauver la vie, estiment
les utilisateurs, nombreux à
témoigner en ligne. Les internau-
tes britanniques ont aussi plébisci-
té un réseau social pour les
patients (www.healthunloc-
ked.com) et un logiciel destiné
aux personnes souffrant d’aller-
gie alimentaire (www.foodwiz.co).
En lisant les codes-barres sur les
boîtes d’aliments vendus en
supermarché, il permet de véri-
fier s’ils contiennent tel ou tel
allergène. «L’initiative britannique
semble pertinente, et nous allons la
suivre avec intérêt pour voir si elle
pourrait se décliner en France»,
commente Jacques Lucas, vice-pré-
sident du Conseil national de l’or-
dre des médecins. Il met cepen-
dant en garde contre les écueils
éventuels de tels outils:risque de
«ségrégation» par l’âge ou la caté-
gorie sociale dans l’accès aux infor-
mations, envoi de messages inci-
tant àuncomportement normatif,
problèmes de confidentialité des
données. En France aussi, les
applis médicales, gratuites
ou payantes, ont le vent en
poupe. Sur la vingtaine
de catégories propo-
sées par Apple sur iTu-
nes, l’une est consa-
crée à«forme et
santé», et une àla
«médecine»,
avec des services
très variés. Par-
mi les logiciels gra-
tuits, signalons iSom-
meil, qui permet de
s’endormir et de se
réveiller en musique
et en lumière douce,
et d’explorer la quali-
té de son sommeil.
Autre belle initiative,
une appli pour
apprendre les gestes
d’urgence et localiser
les défibrillateurs les
plus proches
(www.4minutes.fr).
p
Atelier
«Les animaux en boîte »
Quatre pattes ou deux ailes?Poils
ou plumes?Bec, truffe ou crocs ?
Un atelier, ludique, destiné aux
8-12ans, leur permet d’apprendre à
décrire et àclasser les animaux,
réels et même imaginaires. Les
deux séances sont organisées par
Carrefour des sciences et des arts.
>Mercredis 21 et 28 mars,
espace Caviole, Cahors (Lot).
Tél.:05-65-22-28-14.
Exposition
«L’esscience des choses »
L’Espace des sciences Pierre-Gilles
de Gennes, àParis, présente des
photographies de Jacques Honvault
autour de la capture du
mouvement de phénomènes
ultrarapides. Verre se vidant de son
contenu, ballon rebondissant ou
explosant, gouttes tombant dans
une tasse… Ces réalisations, très
techniques, n’utilisent pas de
caméra mais un appareil photo,
obligeant le photographe à
reproduire plusieurs fois
exactement la même scène. Le
résultat est également très
esthétique, réussissant un joli
mariage entre art et science.
>Jusqu’au 30avril,
10, rue Vauquelin, Paris.
Tél.:01-40-79-58-15.
www.jacqueshonvault.com.
C
’est un paradoxe:alors que l’olfaction est
un mode de communication prédomi-
nant chez la plupart des organismes
vivants, son étude reste relativement limitée en
biologie. L’agriculture est une exception nota-
ble. Depuis 1959, date des premiers travaux sur
le bombyx du mûrier, les scientifiques dévelop-
pent –àpartir de recherches sur les phéromo-
nes sexuelles émises par les insectes –des
méthodes de lutte «sans pesticide »contre des
ravageurs nocturnes des vergers et des vignes.
«Chez certains papillons de nuit, comme le car-
pocapse de la pomme, la tordeuse orientale du
pêcher ou l’eudémis de la vigne, la femelle émet
un cocktail de composés chimiques volatils pour
attirer le mâle et le guider dans l’obscurité, expli-
que Brigitte Frérot, du laboratoire Physiologie
de l’insecte, signalisation et communication
(INRA-UPMC) àVersailles. L’idée est de perturber
leur reproduction en répandant ce “parfum” en
différents endroits, soit pour les désorienter, soit
pour les prendre au piège. »
Les phéromones sexuelles féminines de plu-
sieurs milliers d’espèces ont ainsi été réperto-
riées, et de nombreuses formulations industriel-
les ont été commercialisées. Pourtant, on ne sait
toujours rien, ou presque rien, des odeurs émi-
ses par les mâles, dont les compositions ne sont
partiellement connues que pour une vingtaine
de papillons de nuit et pour, àpeine, quatre
papillons de jour.
Sans résoudre totalement ce mystère, des
chercheurs belges et hollandais viennent de
franchir un pas important en démontrant que
ces phéromones sexuelles permettent une com-
munication très subtile entre les animaux de
l’espèce Bicyclus anynana.Chez ce papillon afri-
cain de jour, tout commence dans la nature par
une rencontre sous les spots de lumière créés
par les trouées de la canopée. Le mâle poursuit
la femelle jusqu’au moment où celle-ci se pose.
Puis entame sa cour en battant, durant une tren-
taine de secondes, ses ailes de façon stéréoty-
pée, diffusant ainsi une phéromone vers les
antennes de sa belle.
L’équipe de Caroline Nieberding, du Centre
de recherches sur la biodiversité de l’Université
catholique de Louvain, adécouvert que ce par-
fum, formé de trois molécules chimiques, est
propre àchaque mâle, qu’il varie au cours de
sonexistence et qu’il est porteur d’une informa-
tion surson âge. Elle démontre dans la revue
Ecology Letters que les femelles utilisent cette
odeur pour sélectionner les mâles les plus âgés,
vers qui va leur préférence.
Pour parvenir àcette conclusion, Caroline
Nieberding et ses collègues ont eu recours àdes
outils statistiques et àdes expériences d’étholo-
gie. Ilsont commencé par synthétiser deux phé-
romonessexuelles artificielles semblables àcel-
les diffusées naturellement par des mâles vieux
de trois et de quatorze jours. Puis ils ont répan-
du ces parfums sur deux groupes de 80 mâles
de trois jours, élevés en captivité et qui avaient
été préalablement opérés de leurs «androco-
nies»(organes odorants présents sur les ailes)
de manière àêtre privés d’odeur. Enfin, ils ont
mis tous ces jeunes prétendants, fraîchement
poudrés, en présence de 80 femelles «vierges ».
Une odeur qui signe l’âge
«Aubout d’une heure et demie, les femelles
qui s’étaient accouplées avec les mâles porteurs
de l’odeur “quatorze jours” étaient deux fois plus
nombreuses que celles appariées avec ceux diffu-
sant le parfum “trois jours”, explique la cher-
cheuse. Cela montre que le signal olfactif joue ici,
non seulement un rôle dans la sélection sexuelle,
mais qu’il est également porteur d’informations
très précises. Les mâles les plus âgés ne produi-
sent, par rapport aux plus jeunes, que quelques
centaines de nanogrammes de plus d’un des
composés, l’hexadecanal!»
«Cette étude, extrêmement fouillée, montre
bien la complexité des signaux olfactifs de cer-
tains insectes,note Mathieu Joron, chargé de
recherches au laboratoire Origine, structure et
évolution de la biodiversité (MNHN-CNRS) à
Paris. Apprendre qu’ils sont partiellement hérédi-
taires, propres àchaque individu et qu’ils varient
au long de son existence est en soi une nouveau-
té. Ce travail sur le Bicyclus anynana confirme
certaines découvertes issues de l’analyse du géno-
me du monarque, récemment publié. Asavoir
que, contrairement àcequ’on pensait, les
papillons de jour possèdent, tout comme ceux de
nuit, un grand nombre de gènes dévolus àla
communication chimique.»
p
rendez-vous
SCIENCE &TECHNO
Phéromone, l’arme de séduction du vieux beau «Bicyclus anynana »
zoologie
Vahé Ter Minassian
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Le patient anglais ausculté par son smartphone
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