De´pistage du cancer
colorectal : il n’est pas
acceptable de retarder
le passage aux tests
immunologiques
Colorectal cancer
screening: delay on the
way to immunochemical
tests is unacceptable
Jean Faivre
Registre des cancers digestif ;
Inserm U 866,
Universit
e de Bourgogne,
CHU de Dijon,
BP 87900,
21079 Dijon cedex,
France
Il est bien
etabli que la recherche d’un saignement occulte dans les selles par
un test au gaı¨ac fait tous les 2 ans permet d’obtenir une diminution de 15
a
20 % de la mortalit
e par cancer colorectal
a condition que la participation de la
population soit d’au moins 50 % [1]. La diminution de mortalit
e est d’environ 1/3
chez les participants au d
epistage. La plupart des
etudes r
ealis
ees sur une base de
population ont
et
e faites avec le test Hemoccult
1
. Les r
esultats de ces
etudes ont
conduit la Commission europ
eenne elle-m^
eme
a recommander la mise en place
du d
epistage du cancer colorectal par la recherche d’un saignement occulte dans
les selles [2]. En raison de leurs limites (sensibilit
em
ediocre, lecture non
automatis
ee en partie subjective, non-sp
ecificit
e de l’h
emoglobine humaine,
existence de tests similaires plus performants), les tests au gaı¨ac ne repr
esentent
plus la strat
egie de d
epistage de choix.
‘‘ Les tests au gaı¨ac ne repre´sentent plus la strate´gie
de de´pistage de choix’’
Depuis quelques ann
ees, un int
er^
et particulier est port
e aux tests immunolo-
giques de recherche d’un saignement occulte dans les selles qui sont sp
ecifiques
de l’h
emoglobine humaine. Il existe des tests qualitatifs qui ont des seuils
pr
ed
etermin
es de positivit
e, variables d’un test
a l’autre. L’interpr
etation
manuelle rend ces tests inadapt
es au d
epistage de masse. La lecture des tests
quantitatifs est automatis
ee avec des automates permettant de d
eterminer la
concentration d’h
emoglobine par mL de tampon, de fixer le seuil de positivit
eet
d’analyser un grand nombre de pr
el
evements. Ils sont donc plus faciles
a
interpr
eter, minimisant l’erreur humaine et permettant un contr^
ole de qualit
e. Il y
a actuellement 3 tests sur le march
e FOB-Gold
1
(Beckman Coulter, USA), OC-
Sensor
1
(Eiken, Tokyo, Japon) et Magstream
1
(Fujirebio, Tokyo, Japon). Ils ont
un aspect similaire. Ils se pr
esentent comme un tube en plastique contenant un
tampon. Un bouchon se trouve
a leur extr
emit
e auquel est fix
eunb
^
atonnet stri
e
avec lequel on gratte et on pique la selle. Un opercule permet de contr^
oler la
quantit
e de mati
eres f
ecales conserv
ee dans le tampon. Les r
esultats des
2 premiers tests qui utilisent la m^
eme technique de mesure sont ais
ement
comparables en tenant compte de la quantit
e de selles dans le tampon.
Pour citer cet article : Faivre J. D
epistage du cancer colorectal : il n’est pas acceptable de
retarder le passage aux tests immunologiques. H
epato Gastro 2012 ; 19 : 69-72. doi : 10.1684/
hpg.2012.0693
doi: 10.1684/hpg.2012.0693
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HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive
vol. 19 n82, f
evrier 2012
ditorialE
´
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Par exemple, le seuil de 100 ng/mL avec le test OC-Sensor
1
correspondant
aun
seuil de 117 ng/mL avec le test FOB-Gold
1
. En revanche, le r
esultat du test
Magstream
1
n’est pas directement comptable. C’est un test semi-quantitatif qui
ne doit ^
etre utilis
e, selon le fabricant, qu’au seuil de 20 ng/mL. Les donn
ees
comparant les performances de ces 3 tests sont encore tr
es fragmentaires. Selon
les premiers r
esultats, il ne semble pas exister de diff
erences majeures entre eux.
Des travaux ont attir
e l’attention sur la faible stabilit
e de l’h
emoglobine dans le
tampon, notamment quand la temp
erature ambiante
etait
elev
ee. Ceci a conduit
les fabricants
a modifier leur tampon. Les premiers r
esultats, qui doivent ^
etre
confirm
es, sugg
erent que d’importantes am
eliorations ont
et
e faites.
Deux
etudes randomis
ees en Hollande [3, 4] et 2
etudes en France (5 et
etude
IGOR en cours de publication) o
u les participants r
ealisaient
a la fois un test
Hemoccult
1
et un test immunologique permettent une comparaison directe
avec le test Hemoccult
1
. Les
etudes hollandaises indiquent que la participation
est plus
elev
ee avec le test immunologique qu’avec le test Hemoccult
1
respectivement 60 % vs 47 % et 62 % vs 50 %. C’est une donn
ee essentielle
etant donn
e l’importance de la participation dans l’efficience d’un programme
de d
epistage. Dans les 4
etudes, les performances des tests immunologiques
sont sup
erieures
a celles de l’Hemoccult
1
.M
^
eme si l’on fixe un taux de positivit
e
identique
a celui de l’Hemoccult
1
, le taux de d
etection des cancers et des
ad
enomes avanc
es est plus
elev
e qu’avec le test Hemoccult
1
[5]. Si l’on accepte
un taux de positivit
e un peu plus
elev
e (jusqu’
a 4-5 %), on multiplie par 1,5
a2le
taux de d
etection des cancers et par 3
a 4 celui des ad
enomes avanc
es au prix
d’un nombre plus
elev
e de coloscopies. C’est la limite des tests immunologiques.
Avec une acceptabilit
e de 50 %, un taux de positivit
e de 2 %, on estime que le
test au gaı¨ac n
ecessite 80 000 coloscopies par an en France sur un total
d’environ 1 million. Avec un taux de positivit
e de 4 % le test immunologique
sera
a l’origine de 160 000 coloscopies. Les
etudes pilotes sugg
erent que le
syst
eme de sant
e franc¸ais peut facilement les absorber.
Deux
etudes japonaises [6, 7] dans lesquelles des populations asymptomatiques,
a risque moyen, ont fait un test immunologique puis une coloscopie permettent
de d
eterminer la sensibilit
e de ces tests. La sensibilit
e pour un cancer
etait
respectivement de 66 % (test Magstream
1
;1pr
el
evement ; seuil 20 ng/mL) et
de 81 % (test OC-Sensor
1
,2 pr
el
evements au moins 1 test positif, seuil 150 ng/
mL). L’
etude de la sensibilit
e du programme, qui repose sur le nombre de cancers
d’intervalle d
ecouverts entre 2 tests de d
epistage, permet aussi d’approcher la
sensibilit
e du test [8, 9]. De ces donn
ees avec un taux de positivit
e inf
erieur
a
5 %, on peut estimer la sensibilit
e du test immunologique entre 65 et 80 % et
celle de l’Hemoccult
1
d’environ 40 %.
Au total, des r
esultats convergents permettent de conclure que les tests
immunologiques sont sup
erieurs au test Hemoccult
1
a la fois pour leur
acceptabilit
e et pour la d
etection des cancers et des ad
enomes avanc
es. Ils
doivent devenir le test de r
ef
erence pour le d
epistage du cancer colorectal.
‘‘ Quelles que soient les conditions d’utilisation, les tests
immunologiques de recherche d’un saignement occulte
dans les selles sont supe´rieurs au test HemoccultW’’
Il reste
apr
eciser les modalit
es pratiques de leur utilisation : nombre de
pr
el
evements, seuil de positivit
e. Diff
erentes strat
egies ont
et
e
evalu
ees :
2pr
el
evements suivis d’une coloscopie s’ils sont positifs tous les deux,
2pr
el
evements suivis d’une coloscopie si au moins un des 2 est positif et
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evrier 2012
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1pr
el
evement suivi d’une coloscopie s’il est positif. Le nombre de pr
el
evements
n’influence pas le taux de participation [10], en revanche, il a des cons
equences
sur le co^
ut de la campagne, ce qui fait privil
egier la strat
egie
a1pr
el
evement.
Il est possible de choisir un seuil de positivit
e plus bas avec 1 pr
el
evement (c’est-
a-dire la d
etection d’une quantit
e plus faible d’h
emoglobine dans les selles)
qu’avec deux pr
el
evements, ce qui permet d’obtenir le m^
eme taux de d
etection
des cancers qu’avec deux pr
el
evements. Au Japon, la pratique de 2 tests avec au
moins 1 test positif est utilis
ee avec un seuil de 150 ng/mL (test OC-Sensor
1
).
Nous avons
evalu
e cette fac¸on de faire en France. Les r
esultats sugg
erent que l’on
peut proposer un seuil de positivit
e entre 150 et 200 ng/mL avec le test OC-
Sensor
1
et le seuil correspondant de 176
a 234 ng/mL avec le test FOB-Gold
1
.
Actuellement, la strat
egie
a1pr
el
evement est utilis
ee avec un succ
es en Italie au
seuil de 100 ng/mL avec le test OC-Sensor
1
et est propos
ee en Hollande avec un
seuil de 50
a 75 ng/mL. Plusieurs
etudes m
edico-
economiques ont
et
er
ealis
ees
au cours des deux derni
eres ann
ees. Elles concluent toutes
a l’efficience des tests
immunologiques qui se pr
esentent comme des substituts au test Hemoccult
1
.
Elles apportent des arguments en faveur de la r
ealisation d’un seul pr
el
evement
[11].
‘‘ Il n’y a aucune bonne raison de retarder le passage
aux tests immunologiques et le statut quo persistant
est inde´fendable’’
Quelles que soient les conditions d’utilisation, les tests immunologiques de
recherche d’un saignement occulte dans les selles sont sup
erieurs au test
Hemoccult
1
. Ils sont mieux accept
es avec un taux de positivit
einf
erieur
a5%
permettant de doubler le taux de d
etection des cancers et multiplient par 3
a 4 celui
des ad
enomes. Du fait de leurs performances, le passage aux tests immunologiques
conduira
a une plus forte r
eduction de la mortalit
e par cancer colorectal et peut-^
etre
a une diminution de son incidence. Il n’y a aucune bonne raison de retarder le
passage aux tests immunologiques et le statu quo persistant est ind
efendable. La
HAS avait d
es 2008 recommand
e le passage aux tests immunologiques et c’
etait
une des priorit
es du Plan Cancer 2.
‘‘ Les tests immunologiques sont mieux accepte´ s avec un taux
de positivite´ infe´rieur a` 5 % permettant de doubler
le taux de de´ tection des cancers et multiplient par 3 a` 4 celui
des ade´nomes’’
L’INCa vient de publier un rapport pr
ecisant les conditions de passage aux tests
immunologiques [12]. Les r
esultats accumul
es depuis 5 ans apportent les
connaissances n
ecessaires pour la conduite d’une politique nationale. On peut
recommander la r
ealisation d’un seul pr
el
evement avec un seuil de positivit
e
proche de 100 ng/mL avec le test OC-Sensor
1
ou 117 ng/mL (la valeur
correspondante) avec le test FOB-Gold
1
. Le test Magestream
1
peut aussi ^
etre
propos
e au seuil de fabricant de 20 ng/mL. Le grand public doit ^
etre inform
e des
progr
es importants permettant d’am
eliorer de mani
ere simple le d
epistage du
cancer colorectal. Mais la d
ecision politique tarde. Aucune date n’est donn
ee
pour le passage aux tests immunologiques. La communaut
e gastro-
ent
erologique doit se mobiliser. Si cela est n
ecessaire, la Soci
et
e nationale
franc¸aise de gastroent
erologie devra faire une campagne de presse mobilisant les
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vol. 19 n82, f
evrier 2012
Editorial
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grands quotidiens, les agences de presse et la t
el
evision, comme elle l’a fait pour
obtenir la mise en place du d
epistage du cancer colorectal.
‘‘ La communaute´ gastro-ente´ rologique doit se mobiliser’’
Conflits d’int
er^
ets : aucun. &
Re´fe´rences
Les r
ef
erences importantes apparaissent en gras
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