Pour informations supplémentaires, consultez le site
de Caribou Ungava à www.caribou-ungava.ulaval.ca
Info-Caribou #9
Le réchauffement climatique devance la phénologie
d’une ressource alimentaire estivale du caribou
migrateur
Projet MSc : Valérie Saucier
Directeur : Jean-Pierre Tremblay, Co-directeur : Steeve D. Côté
Le réchauffement climatique peut avoir comme effet de
diminuer la période de neige au sol, ce qui allonge la
saison de croissance des plantes. Ceci pourrait favoriser
la reproduction et la croissance des arbustes en plus de
devancer leurs différents stades de développement
(apparition des bourgeons, des feuilles et des fruits), ce
qu’on désigne par la phénologie des plantes.
Les caribous migrateurs du Québec arrivent au début
juin sur leur aire de mise bas. Ils sont alors en déficit de
protéines en raison de leur régime alimentaire hivernal
dominé par les lichens. Durant l’été, c’est la
consommation de nouvelles feuilles, riches en protéines,
qui leur permet de retrouver une balance protéique
positive. Cependant, la qualité des feuilles décroît
rapidement avec la maturation des plantes, parce
qu’elles accumulent des fibres et des composés
secondaires qui nuisent à l’acquisition des protéines. Par
conséquent, un avancement de la phénologie des
plantes pourrait mener à une désynchronisation entre
les besoins nutritionnels du caribou et la disponibilité de
la ressource.
L’objectif de cette étude était d’évaluer les effets
combinés du réchauffement climatique et du broutement
sur la phénologie du bouleau glanduleux (Betula
glandulosa), une ressource estivale du caribou
migrateur.
Depuis 2009, à Baie Déception (Nunavik), nous suivons
un dispositif expérimental simulant les changements
climatiques et le broutement du caribou (figure 1). Celui-
ci se retrouve au sein de l’aire d’estivage du troupeau
Rivière-aux-Feuilles. Pendant 4 ans, nous y avons
simulé trois niveaux de pression de broutement (0, 25 et
75% des ramilles broutées), deux niveaux de
température (ambiant et avec serres ouvertes) et deux
niveaux de disponibilité en azote (0 et 1g N/m2) simulant
les effets indirects du réchauffement (augmentation de
l’activité biologique du sol), au sein de cinq blocs
clôturés. Tous les trois jours, nous notions les stades de
développement phénologique du bouleau glanduleux.
Seule la température a influencé le développement
phénologique du bouleau, la pression de broutement et
l’ajout d’azote n’ont eu aucun effet. L’avancement des
stades végétatifs a eu lieu seulement en 2011 et 2013,
où la saison de croissance a été plus courte par rapport
à 2010 et 2012. Sous ces conditions climatiques plus
représentatives des conditions climatiques passées,
l’augmentation de quelques degrés, induite par les
serres, aurait favorisé un développement phénologique
plus rapide que dans les parcelles ambiantes. Pour les
années où la saison de croissance a été longue (2010 et
2012), le moment où la majorité des feuilles de bouleau
étaient ouvertes était la même dans les parcelles
réchauffées ou non, sans doute parce que la capacité de
réponses des bouleaux était alors atteinte. Cette période
correspond au pic de consommation du caribou. Nous
avons remarqué que les années à saison de croissance
plus longue réduisaient la variabilité interannuelle en
avançant les stades phénologiques important pour le
caribou.
Figure 1. Dispositif expérimental de simulation des effets combinés
des changements climatiques et du broutement sur le bouleau
glanduleux.