Au Lincoln Recovery Center de New York : l`acupuncture pour

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Au Lincoln Recovery Center de New York :
l’acupuncture pour épauler le traitement
des addictions
#RmERUN—ESPACETEMPS˜
V. Bourseul (1) E. Mouy (2), G. Grossmann (3)
“Que c’est beau les voyages, c’est la vie qu’on refait…” Ils forment la jeunesse
et donnent parfois des idées. Pas forcément neuves, ni même révolutionnaires,
mais utiles, productives et instructives. C’est le bilan que nous tirons de ces
quinze derniers mois durant lesquels nous avons revisité une méthode déjà
connue, éprouvée à l’étranger : l’auriculothérapie par acupuncture. Le protocole NADA (c’est son nom) a vu le jour dans le Bronx à New York en 1975
avant de se développer à travers un millier de programmes dans le monde.
Une formule toute simple de cinq aiguilles correspondant à cinq points d’acupuncture pour traiter les addictions. L’idée pourrait passer pour folle ou magique. Mais ce qu’elle donne à voir et à comprendre vaut bien plus et mérite
d’être abordée libre de préjugés culturels et médicaux.
À La Fratrie, à Nanterre, trois membres de l’équipe ont été formés à ce protocole à New York, et le propose désormais aux patients. Témoignage.
#INQPOINTSCšESTTOUT
Parce que ses mécanismes physiologiques
sont encore mal connus, l’acupuncture ne
bénéficie pas toujours d’un accueil bienveillant parmi les soignants. Pourtant l’expérience, car il s’agit bien de s’intéresser
à “l’éprouvé”, confirme son impact sur le
système neurovégétatif, divers centres nerveux et certains éléments de l’axe pituitaire
sous-cortical (voilà pour la formulation
cartésienne occidentale). Pour ce qui nous
intéresse ici, retenons simplement qu’elle
offre des résultats sur l’atténuation de la
réaction à la privation et du désir de drogue,
une détente générale et stabilisation homéostatique, un renforcement apparent du
fonctionnement physique et mental par activation des réserves organiques. Mais comment en est-on arrivé là ? Au fil du temps et
à force d’évaluation de leur travail, l’équipe
1. Praticien de santé publique, coordonnateur département addiction du Réseau de Santé Paris Nord.
2. Infirmière CSST La Fratrie à Nanterre, praticienne
certifiée du protocole NADA par le Lincoln Center.
3. Médecin acupuncteur CSST La Fratrie à Nanterre,
encadre les soins d’acupuncture du centre.
du Lincoln Recovery Center de New York a
élaboré pas à pas une cartographie en cinq
points dont la stimulation semblait pertinente dans le traitement. Aujourd’hui, le protocole NADA correspond à une application
d’aiguille sur les points suivants : le “sympathique”, “shen men”, “rein”, “foie” et
“poumon”. La technique est compatible
avec toutes autres formes de traitements
médicaux (en dehors des médicaments
pouvant liquéfier le sang) et ne présente
pas de contre-indications majeures au-delà
de l’opposition au traitement du patient. Le
protocole NADA est recommandé pour les
personnes de 14 ans et plus. Il peut être utilisé chez la femme enceinte. Les troubles
psychiatriques même sévères (d’après la
pratique à l’hôpital psychiatrique Lincoln
de New York) ne sont pas des obstacles à
l’utilisation de l’auriculothérapie, sauf dans
des situations d’agitation majeure.
Quelle est la démarche sous-jacente au
protocole NADA ? La question de l’idéologie est importante. Pourtant, lorsque l’on
confronte des pratiques de soins de l’Europe de l’Ouest et des pays anglo-saxons
et les techniques médicales traditionnelles chinoises, on risque fort de se cogner
contre toutes sortes de marronniers allant
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de l’anti-comportementalisme à la volonté
cartésienne d’appliquer aux médecines traditionnelles chinoises des justifications de
résultats. C’est donc très éloigné de tout
cela que nous voulons traduire ici quelque
chose de l’expérience vécue.
Le protocole NADA est une méthode d’intervention dans le traitement des addictions
qui ne sollicite pas la parole. Là encore,
c’est l’expérience qui a déterminé cette caractéristique. À l’époque, travaillant avec
des populations anglophones et hispanophones, les professionnels du centre ont
rapidement dû analyser la désertion du programme d’acupuncture par les anglophones. Eux-mêmes parlant la langue anglaise,
ils comprirent rapidement que les hispanophones toléraient davantage le traitement
proposé sans sollicitation de la part des soignants, désireux d’engager des discussions
à tout va pendant la séance d’aiguilles.
Aujourd’hui, sans être une règle absolue,
NADA se fait surtout dans le silence, une
qualité devenant un argument thérapeutique
supplémentaire. Le protocole permet manifestement d’ouvrir un espace accueillant et
libre de parole. Appliqué le plus régulièrement possible, tous les jours de la semaine
(sans être une règle non plus), à raison de
trois-quarts d’heure environ, il ouvre un
“espace-temps”. Et c’est là sans doute le
premier de ses effets thérapeutiques. Chaque jour (mais ce peut-être deux fois dans la
semaine aussi, ou encore moins), le patient
vient pour sa séance d’acupuncture auriculaire. Un professionnel de santé (aux ÉtatsUnis et en Grande-Bretagne, les travailleurs
sociaux peuvent pratiquer, contrairement
à la France où un personnel soignant doit
être encadré par un médecin acupuncteur)
lui pose les aiguilles et le laisse tranquille.
Par l’habitude, au bout du temps écoulé,
le patient réclame par un signe de la main
que le professionnel revienne lui retirer ses
aiguilles. Si le patient débute, et éprouve
quelques difficultés à l’idée de se voir piquer les oreilles, le protocole peut commencer avec une seule aiguille pendant le temps
qu’il faudra. Puis deux, puis trois, puis au
complet. De la même manière, le patient
peut préférer avoir deux aiguilles à gauche
et trois à droite, cela n’a aucune importance.
L’effet le plus évident des séances, pour les
avoir aussi expérimentées sur nous-mêmes
à Fort-de-France et à New York, est ce
qu’il convient de nommer une “invitation
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à l’insight” : un espace-temps favorable à
l’écoute de son bruit intérieur. Et de la découverte ou de la redécouverte de cet “insight”-là, de nombreux patients peuvent retrouver une forme d’élan vers plus de soin,
qu’il s’agisse ou non d’adopter tel ou tel
parti pris thérapeutique.
,šINVITATIONg—LšINSIGHT˜
NADA n’est ni un outil de relaxation ni de
sevrage. En revanche, il permet un retour
de sympathie sur soi-même, sans nécessiter
obligatoirement et rapidement le recours
à la parole. Pour bien des consommateurs
de produits en difficultés, il représente une
vraie opportunité de mieux être et d’amorce
d’une démarche de soin.
Au Lincoln Center, les séances de NADA
précèdent les groupes de paroles qui, sans
être un passage obligé, en sont souvent
l’aboutissement. Les professionnels constatent d’ailleurs que les patients y viennent
rapidement, surtout, curieusement, les plus
réticents. Ces derniers constatent et expliquent bien ce que le protocole leur apporte
(sensations, ressentis, attitudes), sans qu’ils
puissent toujours l’analyser, simplement en
en décrivant les effets positifs. Leur besoin
de compréhension se situe ailleurs, dans
l’économie addictive. Pour eux, ce qui est
essentiel, est d’en tirer profit et d’en utiliser
les bienfaits pour avancer pas à pas. Mais
attention, NADA n’a que peu d’intérêt s’il
est appliqué pour lui-même. Il doit s’intégrer dans une démarche de soin global, renforçant l’accompagnement psychosocial et
thérapeutique existants.
%N&RANCECšESTg.ANTERRE
g,A&RATRIE
%NPRATIQUE
•
La démarche : elle commence par la
prise de rendez-vous avec le médecin
acupuncteur (01 41 37 68 68). Cette première consultation peut donner lieu à une
prescription de 10 séances encadrées par
l’infirmière. Elles se déroulent alors sans
rendez-vous : le patient se présente dans
les horaires prévus comme il le souhaite.
Les séances se renouvellent après un entretien d’évaluation. Ouverture des séances
NADA : du lundi au vendredi de 10 h 15
à 12 h (compter 45 minutes maximum par
séance).
• Contacts : Réseau Santé Paris Nord, département addictions, Vincent Bourseul :
3-5, rue de Metz, 75010 Paris.
Tél. : 01 53 24 80 80. E-mail : [email protected]
Internet : www.reseau-paris-nord.com
Association La Fratrie : 20, avenue du Général-Gallieni, 92000 Nanterre.
Emmanuelle Mouy, Dr Gilbert Grossmann : 01 41 37 68 68.
Internet : www.lafratrie.org
E-mail : [email protected]
mes parfois en rupture de moyens (médicamenteux notamment) tels que la cocaïne
et le crack. Car l’effet de lutte contre le
craving est testé depuis plusieurs années
à New York sur des dépendants au crystal.
Les résultats sont engageants. D’ailleurs, le
centre du Bronx a aussi testé le protocole
sur les consommateurs de crack dans les
années 1980, période de grande consommation à New York dans le quartier.
Et NADA en France ? L’association La
Fratrie s’est engagée à développer le protocole dans son centre de soins spécialisé aux
toxicomanes de Nanterre et de lui donner
une extension en France. Elle a reçu pour
cela l’autorisation de NADA International.
#SoWFT
Si l’on pense aux patients les plus éloignés
du soin par la parole, voyons également du
côté des produits pour lesquels nous som-
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VICTIMESDELA"0#/PARAN
Plus l’on commence à fumer jeune, plus l’on risque d’altérer ses capacités respiratoires, et cela dès l’âge de 40 ans. Parmi 100 fumeurs ou
anciens fumeurs de 45 ans et plus qui se considèrent en bonne santé,
11 ont en fait une Broncho-Pneumopathie Chronique Obstructive
(BPCO). Sans le savoir ! Or, dans 80 à 90% des cas, c’est le tabagisme
qui est le seul responsable de cette maladie qui tue 16000 personnes
par an, et en affecte entre 2,5 et 4,5 millions. Loin d’être une affection
réservée à l’homme âgé, la BPCO affecte des sujets de plus en plus
jeunes et des femmes de plus en plus nombreuses. Or, la BPCO est
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À l’heure actuelle, l’indication du protocole
est posée à la suite d’une consultation avec
le médecin acupuncteur du centre. C’est
l’occasion d’observer un certain nombre
d’indicateurs pertinents en matière de médecine traditionnelle et d’opérer quelques
évaluations avant et après traitement. D’ici
quelques mois, l’activité de La Fratrie pourra
servir de terrain de formation. Auparavant,
le protocole NADA, perspective en matière
de prise en charge des patients dépendants,
fera l’objet d’une soirée interprofessionnelle organisée par le Réseau de Santé Paris Nord (département addictions) dans le
courtant du printemps 2007.
En complément de NADA et des traitement
médicamenteux (TSO compris) et parallèlement aux suivis psychosociaux, l’équipe
propose aussi l’acupuncture : en traitement de “fond”, notamment pour ceux qui
ont des problèmes avec le tabac et l’alcool.
Finalité : “détendre et harmoniser” le patient, l’aider à réinvestir un schéma corporel souvent “mal mené”.
Condition : les patients doivent faire confiance
au médecin qui leur propose cette méthode
traditionnelle qu’ils connaissent mal, et
dont ils doivent abandonner toute idée de
maîtrise technique.
N
Références bibliographiques
1. Smith MO (Lincoln center), Khan I (OMS). Un
programme de traitement des toxicomanies par
l’acupuncture. Bulletin des Stupéfiants 1988 ; vol.
XL, n° 1.
2. Smith MO. Acupuncture for addictions treatments. Lincoln recovery Center, New York City.
3. Ackerman RW. Acupuncture as treatment for
substance abuse and its application during pregnancy. 1995.
4. Wen HL, Cheng SYC. Treatment of drug addiction
by acupuncture and electrical stimulation. Asian J
Med 1973;9:139-41.
5. Lipton DS, Brewington V, Smith MO. Acupuncture for crack-cocaine detoxification: experimental
evaluation of efficacy. J Substance Abuse Treatment
1994;11(3):205-15.
#SoWFT
très nettement méconnue, sous-diagnostiquée et mal prise en charge. Toutes autant de raisons pour laquelle
une journée a été consacrée à travers le monde à cette pathologie,
le 15 novembre dernier. En France, elle est organisée par le Comité
National contre les Maladies Respiratoires qui mène depuis cinq ans
des campagnes d’information en direction du grand public, en étroite
collaboration avec la Société de pneumologie de langue française, l’association BPCO et la Fédération française des associations et amicales
des insuffisants respiratoires.
Renseignements : www.lesouffle.org; www.bpco-asso.fr
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