Le Figaro, 9 février 2016 
Débats 
 
La laïcité stricte, seule politique réaliste 
 
Philippe d'Iribarne * 
 
La notion de « laïcité ouverte » est spécieuse et équivaut à une démission de 
l’État face aux islamistes, argumente le sociologue. 
 
Une fois de plus, la gauche se déchire à propos de la laïcité. D’un côté, les 
partisans d’une laïcité « fermée » défendent la neutralité de l’espace public, 
dans la ligne de la loi prohibant les signes religieux « ostentatoires » à l’école. 
Les partisans d’une laïcité « ouverte » les accusent de pervertir la notion de 
laïcité - et de trahir l’esprit de la loi de 1905 - en mettant en cause la liberté de 
conscience.  Ce  débat  oublie  souvent  les  conditions  concrètes  d’une  liberté 
qu’il  revient  à  l’État  non  seulement  de  reconnaître  mais  aussi  de  garantir. 
Garantir  une  liberté  ce  n’est  pas  seulement  ne  pas  s’y  attaquer  mais  aussi 
s’employer  à  lutter  contre  ce  qui,  dans  le  fonctionnement  de  la  société,  est 
susceptible de l’entraver. Et, dans la France d’aujourd’hui, il y a fort à faire 
tant, dans cette perspective, l’islam fait question. 
 
Nul n’ignore que, dans les pays où l’islam  domine,  il n’est pas question de 
liberté  de  conscience.  Celle-ci  impliquerait  la  possibilité  de  quitter  l’islam 
pour se convertir à une autre religion, de ne pas respecter ses préceptes telle 
l’observation  du  ramadan  ou,  pour  une  musulmane,  d’épouser  un  non-
musulman. Même dans les pays d’islam dit modéré, il n’en est pas question, 
la pression sociale se combinant à la loi pour y faire obstacle. 
 
En  France  la  loi  certes  l’autorise.  Mais  dans  les  quartiers  où  l’islam  est 
dominant, la pression communautaire est telle qu’une telle liberté n’est guère 
respectée.  Comme  le  montrent  tant  de  témoignages,  les  islamistes  veillent, 
insultent  ceux  qui  ne  respectent  pas  le  ramadan,  harcèlent  les  filles  qui  ne 
portent  pas  le  voile,  sans  parler  de  celles  qui  oseraient  circuler  en  jupe. 
Garantir la liberté de conscience implique de lutter contre cette pression. 
  
Idéalement,  on  pourrait  concevoir  un  monde  où  une  laïcité  «  ouverte  », 
respectueuse  du  droit  de  chaque  individu  de  croire  ou  ne  pas  croire, 
manifester  ou  ne  pas  manifester  son  appartenance  à  une  religion,  se 
combinerait  avec  une  lutte  efficace  contre  la  pression  communautaire,  lutte 
qui  ferait  que  c’est  effectivement  la  liberté  de  chaque  individu  qui  serait 
respectée. Mais comment faire pour y arriver ? Pour être efficace, une entrave 
communautaire  à  la  liberté  de  conscience  n’a  pas  besoin  de  violer 
ouvertement la loi. Un mélange insidieux d’intimidation, de pression morale,