Béluga, population du Saint-Laurent - Certification Études

publicité
Béluga, population du Saint-Laurent
espèce menacée au Québec
Sommaire
Le béluga (Delphinapterus leucas) est une baleine à dents du groupe des Odontocètes, bien
connue sous le nom de baleine blanche. Parmi les baleines à dents, le béluga est une des espèces
qui vocalise le plus. Il émet des chants variés; ceux-ci sont constitués de plusieurs types de sons
comme des sifflements, des cliquetis, des cris perçants et des claquements de dents. Ce
comportement particulier lui a valu le surnom de « canari des mers ».
Plusieurs populations de bélugas sont présentes dans les mers froides de l'Amérique du Nord; les
plus importantes sont situées dans le nord du continent dans les océans Arctique, Atlantique et
Pacifique et une autre, plus petite, est isolée dans l'estuaire du fleuve Saint-Laurent. La population
du Saint-Laurent détermine la limite sud de l'aire de répartition de l'espèce. Selon plusieurs études
archéologiques, la présence du béluga dans le Saint-Laurent remonterait à au moins 10 000 ans.
Cette baleine a été chassée dès les années 1600 mais les plus importants prélèvements ont été
effectués dans la première moitié du 20e siècle. À ce moment, le béluga était considéré, à tort,
comme un compétiteur important par les pêcheurs commerciaux. Cette croyance justifiait
l'établissement d'un système de prime pour chaque animal tué. Cette chasse, tant commerciale que
d'élimination, a contribué au déclin important de la population jusque dans les années 1970.
Au Québec, la population de béluga du Saint-Laurent a été désigné « espèce menacée » pour
plusieurs raisons : cette population occupe une aire restreinte , elle est isolée des autres
populations de bélugas et la productivité des individus est faible. Le maintien de facteurs limitants
importants comme le dérangement et la grande concentration de polluants dans les tissus des
animaux sont des facteurs qui contribuent à limiter le rétablissement de la population.
Description
Le béluga est une baleine à dents de taille moyenne qui est bien adaptée aux conditions des mers
froides. Les adultes sont entièrement blancs, ils mesurent jusqu'à 4,5 mètres et pèsent jusqu'à
1 300 kg. Leur taille et leur poids varient cependant selon les populations et les habitats utilisés.
Les bélugas du Saint-Laurent mesurent en moyenne 4,2 m et pèsent environ 640 kg. Les mâles
sont généralement plus longs et plus lourds que les femelles.
Cette baleine est dépourvue de nageoire dorsale et possède de petites nageoires pectorales
arrondies. Elle est caractérisée par la présence d'une proéminence sur la tête. Celle-ci, appelée
melon, est en fait une boule de graisse qui sert à l'animal à localiser les éléments de son
environnement par l'écholocation.
À la naissance, les jeunes mesurent environ 1,5 m et pèsent entre 35 et 80 kg. Ils sont plutôt bruns
mais acquièrent ensuite une coloration bleutée (gris foncé) qu'ils conservent durant les deux
2
premières années de leur vie. Les juvéniles pâlissent graduellement pour obtenir la couleur blanche
de l'adulte entre 4 et 6 ans. La longévité du béluga est d'environ 30 à 35 ans.
Répartition
Le
béluga
est
une
espèce
caractéristique des régions nordiques.
Elle se trouve autour du pôle, autant
en Scandinavie, qu'en Russie et au
nord du continent américain. En
Amérique du Nord, on trouve
principalement les bélugas dans
l'ouest de la baie d'Hudson, dans le
détroit de Lancaster, dans la mer de
Beaufort et dans l'estuaire du SaintLaurent. La population du SaintLaurent se serait établie en ces lieux
lors de la dernière glaciation pour
ensuite y demeurer lors du retrait des
glaces. L'estuaire du Saint-Laurent, à
l'embouchure de la rivière Saguenay,
est considéré comme étant un microenvironnement arctique qui permet
aux bélugas d'y vivre toute l'année.
Ceux qui fréquentent le Saint-Laurent
sont géographiquement isolés; il n'y a
pas d’échange, ou très peu, avec les
autres populations de bélugas de
l’Arctique.
Figure 1 – Aire de répartition du béluga en Amérique du Nord.
Historiquement, le béluga du Saint-Laurent occupait la zone qui va de l'île aux Coudres jusqu'à
Pointe-des-Monts et à Cap-Chat dans l'estuaire du Saint-Laurent. L'été, l'aire de répartition
s'étendait plus à l'est le long de la Côte-Nord jusqu'à Natashquan et le long de la rive sud jusqu'à
Grande-Vallée. À l'automne, la zone fréquentée comprenait le fjord du Saguenay et s'étendait aussi
vers l'ouest, au-delà de la ville de Québec.
Actuellement, la zone d'estivage ne représente qu'une petite partie de l'ancienne aire de répartition.
Elle s'étend sur environ 200 km dans l'estuaire du Saint-Laurent; depuis la Batture aux Loups
Marins en face de Saint-Jean-Port-Joli, jusqu'à l'île du Bic, sur la rive sud du Saint-Laurent, et
Forestville, sur la Côte-Nord. Elle comprend aussi le Saguenay, de son embouchure jusqu'à SaintFulgence. Parmi les changements les plus frappants, on note la désertion, l'été, de la zone en aval
de Forestville, notamment les Bancs de la rivière Manicouagan.
En d'autres temps de l'année, la répartition des bélugas est mal connue. Il semble que l'aire de
répartition en hiver puisse varier d'une année à l'autre selon les conditions de glace. Toutefois,
3
certains survols aériens ont permis de noter que la population semble s'étendre en aval dans le
golfe, jusqu'à Sept-îles (Côte-Nord) où plusieurs individus ont été observés. De petits groupes ont
aussi été aperçus dans l'estuaire jusqu'à Rivière-du-Loup.
Au printemps, les bélugas semblent suivre les migrations de hareng (Clupea harengus) et de
capelan (Mallotus villosus). Ils peuvent êtres aperçus au large de la péninsule gaspésienne jusqu'à
la Batture aux Loups Marins, dans le fleuve Saint-Laurent. À l'automne, les observations sont peu
nombreuses.
Habitat
Dans l'estuaire du Saint-Laurent, l'embouchure du Saguenay constitue en quelque sorte une
enclave arctique. En effet, à la hauteur de Tadoussac, la profondeur du fleuve passe de 10 à
300 mètres, ce qui crée un courant qui fait remonter vers la surface les eaux froides en provenance
du Labrador.
Les bélugas passent beaucoup de temps près de la côte lors de leur période d'alimentation. Cette
baleine préfère alors les eaux peu profondes des rivières et des estuaires. Toutefois, en eau
profonde, le béluga peut plonger jusqu'à 1 000 mètres, ce qui montre une certaine aptitude à
exploiter différents milieux selon les circonstances. En hiver, les animaux migrent vers des eaux
qui ne gèlent pas entièrement. À ce moment, la population du Saint-Laurent se distribue plus à
l'est jusqu'au golfe.
En été, les bélugas recherchent les eaux plus chaudes, peu profondes et turbides des estuaires ou
des embouchures de rivière. Par exemple, en été, la baie Sainte-Marguerite située à 25 km en
amont de l'embouchure du Saguenay est fréquentée presque quotidiennement par des groupes. Le
temps de séjour moyen, à cet endroit, dépasse largement celui qu'on a pu observer ailleurs dans
l'aire de répartition estivale du béluga. Il s'agit aussi d'un endroit où ces petites baleines font
preuve d'un comportement social très visible. Cependant, l'usage spécifique de ce type d'aires très
fréquentées n'est pas connu. Il est donc difficile d'évaluer en quoi ces habitats sont essentiels pour
la population du Saint-Laurent.
Biologie
Les bélugas seraient matures sexuellement vers l'âge de 5 à 8 ans. Les femelles peuvent se
reproduire dès l'âge de 5 à 7 ans alors que les mâles le peuvent vers l'âge de 5 à 8 ans.
L'accouplement a lieu principalement au cours d'avril et de mai. La femelle donne naissance à un
seul veau après une gestation estimée à environ 14,5 mois. La période de mise bas s'étend donc de
la fin juin au début d'août. Les jeunes seront allaités pendant environ 20 à 24 mois. Ainsi, une
femelle donnerait, en moyenne, naissance à un veau tous les trois ans.
Le béluga est un prédateur marin qui se situe au même niveau trophique que les phoques, certains
oiseaux marins et d'autres cétacés. Son régime alimentaire comprend surtout du capelan et du
hareng. Il se nourrit également de toute une variété de poissons (éperlan, anguille, lançon, flétan,
4
morue, etc.), crustacés, céphalopodes et certaines espèces d'invertébrés vivant au fond comme des
vers marins (polychètes).
Le béluga a tendance à se déplacer en petits groupes de deux à six individus. Toutefois, en été on
observe régulièrement des attroupements plus importants qui peuvent compter plus d’une centaine
d’individus. À cette période, ils sont aussi reconnus pour former des troupeaux regroupant des
individus de même âge et de même sexe : groupes de mâles et groupes de femelles accompagnées
des juvéniles. La répartition du béluga à l'intérieur de son aire d'estivage reflète probablement les
différents besoins écologiques et comportementaux des groupes sociaux. Certaines études
génétiques effectuées dans l'Arctique supposent que l'attachement à des sites spécifiques est
fonction du groupe social centré sur la mère.
Cette baleine vocalise beaucoup et elle possède une ouïe et un système d'écholocation très
développés. Ce système d'écholocation l'aide à trouver sa nourriture, à naviguer, à communiquer
et à localiser les trous dans la glace au cours de l'hiver pour aller respirer. Le béluga nage
lentement, et il profite souvent des courants et de la marée pour se déplacer. Les principaux
prédateurs de l'espèce sont l'épaulard, l'ours polaire et l'humain. De par ses activités, l'humain
constitue la principale menace pour la population de béluga du Saint-Laurent. Comparativement
aux populations de l'Arctique, le béluga du Saint-Laurent est plutôt sédentaire; ses déplacements
ne sont pas importants dans l'aire de répartition.
Dynamique des populations
Il est maintenant admis de tous que la chasse commerciale a été la principale cause du déclin de la
population de béluga du Saint-Laurent. Cette surexploitation aurait fait passer la population de
plusieurs milliers d'animaux à moins d'un millier vers les années 1970.
Depuis ce temps, plusieurs inventaires ont été effectués. Aujourd’hui, l’estimé de la population se
sentie entre 1 000 et 1 400 bélugas mais il demeure encore difficile de décrire la tendance des
effectifs. Les plus récents inventaires suggèrent que la population n'est plus en déclin et serait
peut-être même en faible augmentation. Toutefois, le nombre d'individus demeure encore trop
faible pour que l'on puisse considérer la population du Saint-Laurent hors de danger.
La croissance de la population demeure faible; on estime qu'elle ne dépasse pas 1 à 1,5 %
annuellement. De plus, les observations récentes montrent que la proportion de juvéniles (animaux
gris lors d’inventaires) au sein de la population est faible (entre 29 et 32 %), ce qui suggère que la
population du Saint-Laurent n'est pas en augmentation rapide.
Nous avons encore peu d'informations précises sur les causes de cette faible productivité.
Toutefois, il semble que les problèmes de la population du Saint-Laurent soient reliés à une
fertilité réduite ou à un faible taux de survie des juvéniles, ou à une combinaison des deux. Un
nombre restreint de femelles ou la contamination du milieu pourrait expliquer le phénomène.
Facteurs limitants
5
Le béluga du Saint-Laurent n'est plus menacé par la chasse qui a été officiellement interdite en
1979. Toutefois, depuis la fin de la chasse, le rétablissement de la population tarde à se manifester.
L'habitat du béluga se trouve en aval de régions densément peuplées et très industrialisées du
centre du Canada et du nord-est des États-Unis. Les différentes activités humaines qui se
déroulent dans ces régions contribuent à la dégradation de l'habitat de l'espèce. La contamination
par des substances toxiques d'origine industrielle et agricole ainsi que le dérangement causé par les
activités récréatives et par le trafic maritime constituent les principaux facteurs qui limitent le
rétablissement de la population de béluga du Saint-Laurent.
Le mercure, le plomb, les biphényles polychlorés (BPC), le dichloro-diphényl trichloréthane
(DDT), le mirex, les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) ainsi que les dioxines et les
furanes sont les principaux contaminants retrouvés en concentrations élevées chez les bélugas.
Suite à l'examen de plusieurs carcasses, il a été noté que les bélugas contaminés souffraient de
lésions chroniques rarement observées chez d'autres mammifères marins. De plus, on a observé un
nombre important de tumeurs, des signes d'immunosuppression, et de certaines altérations du
système reproducteur.
Les dérangements causés par le transport maritime et les activités nautiques récréatives sont
nombreux au sein de l'aire de répartition de ce cétacé. Le bassin des Grands Lacs et du SaintLaurent est une route de navigation internationale très utilisée. De plus, le développement de
l'industrie touristique des régions de Tadoussac et du Saguenay centrée sur l'observation de
baleines a contribué à attirer un nombre croissant de touristes dans les habitats fréquentés par le
béluga. Ces différentes activités augmentent la circulation nautique autour des cétacés et
contribuent ainsi à un risque plus élevé de collisions avec ces baleines. L'ensemble de ces
dérangements peuvent aussi augmenter les risques d'abandon de sites ou d'habitats nécessaires au
cycle vital des bélugas.
La petite taille de la population du Saint-Laurent pourrait aussi constituer un obstacle à son
rétablissement. En effet, une réduction importante de ses effectifs a pu avoir un impact sur sa
capacité de réaction. Une petite population est également plus sensible à l'extinction étant donné sa
vulnérabilité lors d'une éventuelle catastrophe comme une épidémie ou un déversement de pétrole
ou de produits toxiques.
Pour le béluga du Saint-Laurent, la prédation est peu ou pas existante car les prédateurs potentiels
sont à peu près absents de son aire de répartition. Il y a peut-être une compétition pour la
nourriture, mais le fonctionnement des chaînes alimentaires dans l'estuaire et le golfe du SaintLaurent est complexe et peu documenté. En fait, même le régime alimentaire du béluga est mal
connu.
Importance particulière
L'observation des baleines a pris beaucoup d'ampleur au cours de la dernière décennie. Le
développement de cette activité touristique a contribué à augmenter l'achalandage sur le fleuve
Saint-Laurent, mais elle a également permis au public de se sensibiliser à la présence des cétacés.
C'est ainsi que la précarité de l’espèce a suscité l'intérêt de la population : cette petite baleine
6
blanche est devenue un symbole mondial de la faune menacée par l'industrialisation et la
surexploitation des richesses naturelles.
La contamination notée chez le béluga a permis de mettre en évidence toute la problématique de la
« bioaccumulation » des produits toxiques présents dans le fleuve Saint-Laurent. En effet, le
béluga occupe une position élevée dans la chaîne alimentaire, ce qui entraîne une accumulation des
produits toxiques persistants dans ses tissus. Le béluga du Saint-Laurent est un indicateur de la
qualité de l'environnement et il sensibilise le public à l'importance de restaurer l'écosystème du
fleuve.
En raison de son isolement dans une petite enclave subarctique et de sa répartition plus
méridionale, la population de béluga du Saint-Laurent est unique au monde. Sa présence dans le
fleuve contribue de façon importante à la biodiversité de la faune québécoise.
Les mesures de protection du béluga du Saint-Laurent
La désignation d’« espèce menacée » constitue la reconnaissance officielle du statut précaire de la
population du Saint-Laurent au Québec. Celle-ci démontre également l’intention du gouvernement
du Québec de protéger cette population et ses habitats afin d’en assurer sa survie au Québec pour
le bénéfice de tous.
Étant un mammifère marin, la protection du béluga relève principalement de la juridiction fédérale.
Selon la Loi sur les pêches, la chasse commerciale du béluga dans le Saint-Laurent est prohibée
depuis 1979. Un amendement à cette loi, le Règlement sur la protection du béluga, interdit de tuer,
de blesser ou de déranger volontairement un béluga. Des règlements et des directives visant le
comportement de la circulation maritime offrent également un certain niveau de protection contre
le harcèlement de cette espèce.
Un plan d’action pour le rétablissement du béluga du Saint-Laurent au Québec
Devant la situation précaire du béluga du Saint-Laurent, un plan de rétablissement a été préparé
par le Ministère des Pêches et des Océans et le Fonds mondial de la nature, Canada. Sa mise en
œ uvre a débuté en 1996. De nombreuses actions ont été réalisées. L’une des plus importantes est
la création du parc marin du Saguenay-Saint-Laurent en 1997. Il s’en est suivi de l’établissement
d’un code d’éthique stipulant l’exclusion du béluga en tant qu’espèce visée par l’industrie de
l’observation des baleines. Le rejet de contaminants toxiques dans l’écosystème du Saint-Laurent a
aussi été réduit à plusieurs niveaux. De plus, la population de béluga est régulièrement suivie, par
des inventaires aériens et par la nécropsie de carcasses trouvées échouées.
Rangs et statuts
7
Quelques organismes publient une liste d’espèces pour lesquels un statut ou un rang de précarité a
été établit selon certains critères. Ces résultats sont regroupés ci-dessous selon l’échelle
considérée.
Échelle
Rang ou statut Définition
Vulnérable
Haut risque de disparition en nature
à moyen terme
G4T3Q
Mondial
Canadien
En voie de
disparition
Menacé*
Québécois S3
Organisme
International Union for
Conservation of Nature and
Natural resources (IUCN)
Association for Biodiversity
Information (ABI)
G4 : espèce largement répartie,
abondante et apparemment hors de
danger mondialement mais il
demeure des causes d'inquiétude
pour le long terme, T3 : population
rare ou peu commune; Q :
taxonomie remise en question
Espèce exposée à une disparition ou Comité sur la situation des
à une extinction imminente
espèces en péril au Canada
(COSEPAC)
La disparition de l'espèce est
Société de la faune et des
appréhendée
parcs du Québec
Rare ou peu commun dans la
Centre de données sur le
province
patrimoine naturel du
Québec (CDPNQ)
* statut légal
Source principale d’information
Équipe de rétablissement du béluga du Saint-Laurent. 1995. Plan de rétablissement du béluga du
Saint-Laurent. Ministère des pêches et des océans et le Fonds mondial de la nature, Canada. 73 p.
octobre 2001
Téléchargement