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mes consultations à l’heure et vous parleriez d’autres choses. Zika, dans l’immense majorité
des cas – plus de 60 % –, est une affection asymptomatique, c’est-à-dire sans aucun signe.
Dans les autres cas, on a de la température, des douleurs musculaires, des douleurs
articulaires, des maux de tête. J’ai moi-même eu la dengue il y a douze ans à la Martinique : je
n’étais pas bien pendant deux jours mais on s’en remet… Zika c’est la même chose. Il s’agit
d’une maladie tropicale ennuyeuse et contre laquelle il faudra probablement trouver un
vaccin ; mais, je le répète, on n’en parlerait pas si on ne la soupçonnait pas d’avoir un lien
avec les microcéphalies.
Je reviens à l’augmentation des polyradiculonévrites de type Guillain-Barré qui sont,
vous le savez, réversibles et qui, en France métropolitaine ou d’outre-mer, peuvent être prises
en charge : un tiers des malades vont en réanimation, les deux autres tiers sont traités et
récupèrent au bout de trois semaines. L’augmentation des cas de Guillain-Barré est de l’ordre
d’un facteur cinq, mais cela reste anecdotique : si c’était la seule conséquence du Zika, j’en
serais certes ennuyé pour mes patients, mais cela ne poserait pas de problème de santé
publique. Le seul vrai problème posé par le virus Zika est de savoir s’il peut entraîner une
augmentation très significative des atteintes de type microcéphalie. Et là, les choses sont plus
compliquées.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a pris la décision d’alerter l’ensemble
des autorités sanitaires il y a une semaine. Cela paraît logique, dans la mesure où l’on peut
estimer qu’en Amérique du Sud et en Amérique centrale une dizaine de millions de personnes
sont touchées par le virus. En même temps, nous avons tous l’impression que cette réaction
rapide de l’OMS s’explique par le précédent d’Ebola, dont l’OMS n’avait pas perçu
l’importance, ce qui l’avait fait réagir avec retard, ne s’apercevant pas de l’ampleur du
phénomène. Or Zika et Ebola n’ont strictement rien à voir : au début de notre action, en
octobre 2014, vous m’aviez auditionné, et nous en étions à un taux de mortalité de 70 % due
au virus Ebola. Zika, c’est tout à fait autre chose.
Si les premières données en ont fait apparaître un nombre plus élevé de descriptions
de microcéphalies en Polynésie pendant la période où Zika était présent, je suis toutefois bien
obligé de vous dire qu’objectivement il n’existe pas d’étude scientifique « béton » qui
permette de démontrer l’existence d’un lien entre les deux phénomènes. Nous avons tous une
forte suspicion, certes, qui repose sur cette augmentation de cas de microcéphalie chez des cas
témoins, avec la mise en évidence, dans des cas de malformations chez des enfants qui sont
d’abord le produit d’avortements ou des enfants mort-nés, de la présence du virus dans le
liquide céphalorachidien ou des prélèvements cérébraux ; mais ce sont des cases reports, des
cas rapportés : il existe des cas de microcéphalie au Brésil et ailleurs mais qui ont d’autres
causes que le Zika. Si vous me poussez dans mes retranchements, j’admettrai, oui, qu’il y a un
lien entre le Zika et microcéphalie, mais les chiffres initialement annoncés qui faisaient état
d’une multiplication par dix ou par vingt des risques de microcéphalie devront probablement
être revus à la baisse. Un article paru avant-hier dans la revue The Lancet montre que, parmi
les microcéphalies suspectes, certaines étaient dues en fait à d’autres causes. Les enquêtes en
cours tendent à aller dans le même sens, y compris au Brésil où déjà la moitié des 2 200 cas
de microcéphalie analysés – sur 3 200 –, et qui avaient été a priori « associés » au Zika, ne
répondent finalement pas aux critères.
Pour me résumer, il existe probablement un lien entre Zika et l’augmentation des cas
de microcéphalie mais ce lien n’est pas totalement, scientifiquement démontré, même si, j’y
insiste, nous avons une forte présomption. Mais ce lien est probablement moins fort qu’on ne
l’avait imaginé.