Cameron, 1973; Lee, Hicks et Nino-Murcia, 1991;
Piper, 1989; Ream et Richardson, 1997; Stone,
Broderick, Porter et Kaell, 1997), il n’existe pas de
consensus pour définir le concept de fatigue. La fatigue
peut être définie comme un symptôme associé à la
maladie, comme une conséquence du stress vécu sous
différentes formes, comme un déséquilibre physiolo-
gique entre la formation et l’utilisation de l’énergie par
le corps humain et comme une expérience phénomé-
nologique propre au vécu de la personne.
a) Perspective symptomatique
La fatigue peut être définie comme le symptôme d’une
maladie et correspond alors à un sentiment subjectif
d’épuisement (Piper et al., 1987). Selon cette perspec-
tive, le symptôme de fatigue se distingue de l’état tran-
sitoire de fatigue physiologique. La fatigue physiolo-
gique ou normale est un état bien circonscrit dans le
temps. Elle est associée au cycle circadien et est sou-
vent conséquente à une activité ou à un effort quel-
conque. Elle se résorbe par un sommeil adéquat. De
façon opposée, le symptôme de fatigue est une condi-
tion anormale, son intensité est disproportionnée par
rapport aux activités ou à l’effort physique et n’est pas
soulagée par le sommeil. Si le symptôme de fatigue
persiste sur une période supérieure à un mois, on la
qualifie de chronique (Piper et al., 1987).
Dans son modèle d’intégration de la fatigue (Piper et
al., 1987), des explications physiologiques au symp-
tôme de fatigue réfèrent à la notion de balance énergé-
tique, c’est-à-dire l’équilibre entre la formation et la
dépense d’énergie. Ainsi, la fatigue peut s’expliquer par
l’accumulation de déchets métaboliques suite à la des-
truction cellulaire (Piper, 1991), par l’épuisement ou la
diminution de substrats nécessaires à la production
d’énergie des tissus normaux, par l’incapacité de trans-
port des différents éléments ou par des demandes éle-
vées créées par la croissance d’une tumeur ou le déve-
loppement d’une infection (Portenoy et Itri, 1999). Des
changements dans la production, la distribution, l’utili-
sation et l’équilibre de substances comme les pro-
téines, le glucose, les électrolytes et les hormones peu-
vent contribuer à l’expérience de la fatigue. Selon cette
perspective, la fatigue correspond à un symptôme phy-
sique de la maladie et est expliquée par des aspects
physiopathologiques.
b) Perspective de stress
La fatigue peut également être définie comme une
réponse inadaptée à un stresseur complexe (correspon-
dant ici au fait d’avoir une difficulté de santé chro-
nique) et continu incluant des stresseurs internes ou
externes, physiologiques, psychologiques et situation-
nels ainsi que la maladie elle-même et son traitement
(Aistars, 1987; Varricchio, 1985). Plusieurs de ces
sources de stress contribueraient à épuiser les réserves
en énergie. La fatigue serait le résultat d’une difficulté
voire d’une incapacité à restaurer l’énergie dépensée
(Aistars, 1987; Blesch et al., 1991; Cameron, 1973;
Jensen & Given, 1991, Lee et al., 1991; Varricchio,
1985).
Cette perspective conceptuelle rejoint celle de la com-
posante d’épuisement du syndrome général d’adapta-
tion au stress, proposée par Selye en 1950. Après une
réaction d’alarme initiale, une phase de résistance
serait observée et, après un certain temps, l’épuisement
des mécanismes nécessaires au maintien de l’homéo-
stasie se manifesterait par la fatigue. Plusieurs études
ont précisé par la suite la réponse physiologique de
stress et certaines amènent des précisions aux méca-
nismes physiologiques pour expliquer la fatigue.
Par sa théorie de stress, Selye (1974, 1975) a expliqué
ce mécanisme physiologique en associant l’action de
plusieurs systèmes, principalement les systèmes ner-
veux, endocrinien et immunitaire s’intégrant dans l’axe
hypothalamo-hypophyso-surrénalien (HPA) (Werner,
1996). En présence de stresseurs (Figure 1 page sui-
vante), à court terme, l’activation du système nerveux
sympathique (SNS) est notamment associée à une libé-
ration des catécholamines ayant un impact multisysté-
mique. Puis, à moyen et long termes, la libération de
cortisol par les glandes surrénales entraîne plusieurs
réactions sur différents systèmes dont l’immunosup-
pression et la libération, par le système immunitaire de
cytokines pro-inflammatoires (Rabin, Cohen, Ganguli,
Lysle et Cunnick, 1989).
La production de cytokines semble expliquer en partie
le mécanisme de la fatigue. Les cytokines inflamma-
toires telles que l’interleukine-1β, l’interleukine-6 et le
TNF-α(«tumor necrosis factor») sont des protéines
libérées par les leucocytes, les lymphocytes et les
macrophages lors de la réaction inflammatoire dans le
but de réparer les tissus lésés et de circonscrire l’éven-
tuel envahisseur (virus, bactérie, tumeur). En quantité
élevée, ces cytokines peuvent être toxiques et contri-
buer à une perception de fatigue (Piper, 1993 et 1997).
L’interleukine-1βa été reliée positivement à la fatigue
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Recherche en soins infirmiers N°70 - septembre 2002
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