Chapitres 18« Un quarteron de politiciens… »
Novembre 1940
La guerre en Afrique Orientale
Les Alliés prêts à l’attaque
1er au 8 novembre
9 novembre
Les Belges dans la boue
Soudan – En fin de journée, les forces belgo-congolaises entrent sans difficulté dans Gedaref,
évacuée par les Italiens qui refluent vers Gallabat et Kassala. Mais les lignes belges sont
considérablement étirées, le BCS ayant parcouru plus de 2 000 kilomètres depuis son point de
départ au Congo un mois et demi plus tôt ! De plus, la saison des pluies a commencé, rendant
les routes beaucoup plus difficilement praticables. En conséquence, Gilliaert prend la décision
de suspendre l’offensive, le temps de consolider son aile droite en nettoyant les derniers nids
de présence italienne dans la vallée du Nil bleu.
« Hier, Blomme a appris à votre serviteur à conduire un camion, moi qui n’avais jamais
piloté que la Minerva de mes parents ! Une chose est sûre, je ne me suis pas trompé de
vocation en me lançant dans le journalisme. Nous nous sommes retrouvés au beau milieu
d’une tempête épouvantable, et les trombes d’eau (rien à voir avec notre drache nationale !)
transformaient la piste en véritables marécages. Un coup de vent m’a pratiquement fait
verser le mastodonte, puis je me suis embourbé au beau milieu du convoi en voulant
redresser. Le camion qui me suivait est lentement venu s’encastrer dans mon arrière-train,
achevant de m’immobiliser dans une posture pour le moins embarrassante. Pas question de
monter les tentes dehors dans ces conditions, et nous avons donc passer la nuit dans les
poses les plus inconfortables avant de pouvoir réparer et repartir. Je me réveille avec un
torticolis qui me donne l’air d’un hippopotame scoliotique. » (Jo Gérard, op. cit.)
10 au 12 novembre
13 novembre
Ils sont vieux mais ils volent
Soudan – La maigre aviation stratégique alliée profite de la pause stratégique pour tenter de
porter l’offensive en Ethiopie même, lors de missions de bombardement de nuit. Cependant,
après les pertes subies par les Amiot 143, les 13 Farman 222 et les Wellesley, un peu plus
nombreux, restent seuls disponibles. Les raids visent des dépôts, concentrations de matériel et
nœuds de communication sur les arrières des lignes italiennes.
Au cours de la mission du 13 novembre, le Farman 222 n°15 s’égare et se pose dans une
région de l’Ethiopie très difficile d’accès. L’équipage sera récupéré, mais l’épave oubliée de
tous… pendant trente-cinq ans. 1
1 Elle sera retrouvée en 1975 par la fameuse équipe de paléontologues qui avait, lannée précédente, découvert
les restes de laustralopithèque Lucy. Les scientifiques, peu au fait des particularités de laviation des années
trente, avoueront que, devant lallure étrange du Farman, ils sétaient demandés si, finalement, les
australopithèques navaient pas découvert laviation…
14 au 16 novembre
17 novembre
La vengeance se savoure froide
Soudan Une attaque conjointe des King’s African Rifles et du XIe bataillon de la Force
Publique déloge les défenseurs italiens de Roseires, mettant une fin victorieuse à la première
phase des opérations de la Force Publique.
« Le lieutenant Van Fleteren, à la tête de l’attaque avec sa 3e Cie, a pu prendre sa revanche
sur les Italiens. En effet, membre de la mission Dothée, il était colonel dans la garde
impériale du Négus et avait combattu les Italiens en 1935 ! » (Jo Gérard, op. cit.)
18-19 novembre
20 novembre
Ils sont vieux mais ils volent
Soudan Devant la faible efficacité des missions de bombardement sur les arrières du front
italien, les Français ont décidé d’utiliser leurs douze Farman pour des raids plus ambitieux.
Les Anglais ont cependant refusé d’engager pour des missions lointaines leurs Wellesley, un
peu plus rapides que les Farman mais au rayon d’action un peu plus faible et portant deux fois
moins de bombes (un petit raid sur Addis mené au mois d’août n’avait pas donné de résultats
très concluants).
Le 20 novembre, les vieux Farman décollent pour leur première mission de bombardement
d’Addis-Abeba ! Mais leur disponibilité n’est pas brillante, et seul six avions sur douze ont pu
être préparés et chargés de bombes de 50 kg pour ce raid.
Malgré les difficultés de la navigation sur plusieurs centaines de kilomètres, les six appareils
se présentent à 3 000 m et 250 km/h au-dessus de la capitale. Des bombes sont larguées, mais
aussi des tracts, caricatures de Mussolini, encycliques de Pie XI en faveur de la paix et appels
à la désobéissance. Les équipages ayant désynchronisé leurs moteurs, les Italiens croient à un
raid massif de 50 appareils ! Ils annonceront avoir abattu deux avions, mais les Farman 222
rentrent tous – la DCA ne s’est d’ailleurs déchaînée qu’après leur départ.
D’autres raids suivront, au rythme d’un par semaine à peu près ou, comme l’expliquera un
mécano de la formation, « chaque fois qu’on avait six zincs qui pouvaient voler en même
temps, c’est à dire de moins en moins souvent. A la fin, on a se contenter de raids de trois
ou quatre. » La valeur de ces raids sera avant tout psychologique, mais certes pas
négligeable !
Envoyé spécial en AOI
Alger, bureau du ministre de la Guerre « Bien commandant, vous avez vos ordres, je ne
vous retiens pas. »
Le commandant Raoul Salan rectifie la position, salue le général de Gaulle puis Georges
Mandel et se retire. « Il a l’air en forme, le Connétable, songe-t-il avec une grimace
intérieure. C’est bien dans son style, bouleverser l’existence de tout un chacun d’un revers de
main… Mais on se bat pour la France, pas pour lui ! Enfin, un soldat, ça ne se révolte pas.
D’ailleurs, Mandel est tout aussi énergique, tout en restant calme et urbain, lui. »
L’ancien chef du service de renseignement intercolonial (dit aussi impérial) a travaillé avec
deux ministres des Colonies, pour qui il a beaucoup de respect. Il a découvert en Marius
Moutet (1936-1938) un homme sincèrement intéressé au devenir de l’Empire, mais aussi de
ses habitants. Avec le passionné Mandel (1938-1940), il a eu pendant presque deux ans des
relations étroites qui ont forgé entre eux une relation de respect mutuel. C’est évidemment sa
dernière mission au ministère des Colonies, fin 1939, qui lui vaut sa nouvelle affectation. 2
22 au 25 novembre
26 novembre
Une pause après la reconquête
Soudan Au bout de cinq semaines de combat, la contre-offensive alliée, Indiens et Belges
en pointe, a atteint son premier objectif : tout le territoire soudanais est reconquis
l’exception de la ville-frontière de Gallabat).
Les Alliés vont maintenant s’apprêter à porter la guerre en Ethiopie, aidés par les partisans
fidèles au Négus.
Une pause stratégique est cependant décidée.
Cette pause permettra par exemple au Squadron 112 de se retirer temporairement du front
avec ses Gladiator pour se transformer sur Hurricane, ce qui apportera un soulagement
bienvenu aux quelques Morane 406 français encore en état de vol.
27 novembre
28 novembre
Un plan d’attaque contre l’AOI
Conférence de Khartoum A l’invitation d’Anthony Eden, secrétaire aux Affaires
étrangères du Royaume-Uni, se tient dans la capitale du Soudan, libérée depuis peu de la
menace italienne, une conférence militaro-politique entre les puissances alliées et le Négus
Haïlé Sélassié. L’Empire britannique est représenté par le général Wavell, le général sud-
africain Jan Smuts, ainsi que le lieutenant-général Cunningham (qui a remplacé le major-
général Dickinson à la tête du Commandement du Kenya et de l’Ouganda) et le major-général
Platt. La France est représentée par le sous-secrétaire d’état aux Affaires étrangères Roland de
Margerie et les généraux Mittelhauser et Legentilhomme, commandant les forces françaises
engagées sur le théâtre d’Afrique Orientale.
Pierre Ryckmans, Gouverneur du Congo, et le lieutenant-général Paul Ermens, vice-
gouverneur et commandant en chef de la Force Publique, représentent la Belgique. Si la
Belgique a été invitée à cette conférence non seulement au niveau militaire, mais aussi au
niveau politique, c’est à l’instigation de la France. Cette invitation témoigne du réchauffement
des relations franco-belges souhaité par le général de Gaulle, qui estime qu’une Belgique
2 Le 10 avril 1938, Georges Mandel, titulaire du Ministère des Colonies dans le cabinet dEdouard Daladier, a
créé létat-major général des Colonies, dirigé par le général Bührer. Il a nommé le chef de bataillon Raoul Salan
à la tête du Service de renseignement intercolonial (appelé par ses membres “Service de Renseignement
Impérial”). A cette époque, Salan rencontrait Mandel tous les jours à midi, y compris le dimanche. Ces
rencontres devaient durer jusquà lautomne 1939, quand Raoul Salan, à la demande du ministre, partit en
mission secrète en Egypte et au Soudan pour aider ce quon appelait alors la dissidence en Abyssinie.
« combattante, libre et victorieuse » est un atout pour les Alliés mais aussi un appui pour la
France. 3
Le but de la conférence est d’adopter le plan général d’attaque des possessions italiennes
d’AOI. Le seul sujet de débat un tant soit peu délicat était en fait le rôle des forces irrégulières
éthiopiennes, en raison de la mauvaise volonté du général Platt, peu désireux de les intégrer
aux actions des troupes régulières alliées. Mais sur l’insistance du Foreign Office et du
gouvernement français, ces troupes ont fini par recevoir un encadrement et un soutien
matériel. Par ailleurs, des soldats éthiopiens forment une grande partie de la Force Gédéon
(d’après le Gédéon du livre des Juges de la Bible). Cette unité tri-nationale (éthiopienne,
britannique et française) va semer le trouble sur les arrières italiens sous l’impulsion
d’officiers promis à un bel avenir, comme le major Orde Wingate et le commandant Raoul
Salan.
L’état major allié prévoit de déclencher à partir du 15 décembre une offensive coordonnée sur
quatre et même cinq fronts.
À partir de Kassala, au Soudan, les forces du général Platt, composées de la 4e Division
indienne (5e, 7e et 11e Brigades, major-général Heath), qui vient d’être redéployée après la
campagne de Libye, de la 5e Division d’Infanterie indienne (9e, 10e et 29e Brigades, major-
général Beresford-Peirse), de la 6e Division d’Infanterie australienne (16e, 17e et 19e Brigades,
major-général Mackay) et des premiers éléments de la 7e DI australienne doivent entrer en
Éthiopie, ou plus exactement en Erythrée, et se diriger vers l’est. L’infanterie est appuyée par
un solide contingent de chars et d’automitrailleuses, la Force Gazelle (colonel Messervy).
Passant par Agordat et Keren, ces troupes doivent prendre Asmara puis Massaoua afin de
couper l’Ethiopie de toute communication maritime, avant de descendre vers le sud.
La 1ère Brigade de la Force Publique, portée à huit bataillons sous le commandement direct du
lieutenant-général Paul Ermens, partant de la région de Gedaref, doit avancer vers le sud-est
en direction de Gondar, l’ancienne capitale, étape clé sur la route d’Addis-Abeba. De son
côté, la 2e Brigade, réduite au 5e RI durement éprouvé par les combats précédents, reste en
réserve sous le commandement du major-général Auguste Gilliaert, reste en réserve dans la
région de Malakal. Elle doit se tenir prête à intervenir vers Gambela et Saïo pour servir
d’enclume au marteau des forces alliées venant du nord, une fois que les voies de
communication vers l’Ethiopie seront à nouveau praticables fin janvier, après la saison des
pluies.
A partir de Djibouti, le général Legentilhomme a une double mission. D’une part, avec ses
unités françaises, il doit fixer le maximum de troupes italiennes en s’efforçant de lever
l’encerclement de la Côte Française des Somalis. En cas de percée, il doit progresser vers
l’ouest le long de la voie ferrée reliant la colonie française à la capitale éthiopienne.
D’autre part, avec les unités britanniques évacuées du Somaliland et celles venues d’Aden,
Legentilhomme doit appuyer par une manœuvre de diversion sur son flanc sud la reconquête
du Somaliland par les forces britanniques du brigadier-général Chater qui s’apprêtent à
débarquer à Berbera.
Enfin, à partir du Kenya, les troupes du général Cunningham doivent prendre le contrôle de la
Somalie italienne, avec l’appui de la Royal Navy. Leur objectif principal est Mogadiscio,
mais il leur faudra d’abord sécuriser leur flanc nord. La capture de Moyal! figure en tête de
liste des objectifs de Cunningham. Ce dernier dispose de la 1ère Division sud-africaine (1e, 2e
et 5e Brigades, major-général Brink), de la 11e Division africaine (21e et 26e Brigades est-
africaines, 23e brigade nigériane, major-général Wetherall), de la 12e Division africaine (22e et
3 Le général Denis, Ministre de la Défense Nationale belge, devait venir d’Alger pour participer à la conférence.
Mais ses moment d’absence lors de la visite des ministres belges en Afrique du Nord ont inquiété ses collègues.
Ces derniers se sont arrangés avec les autorités françaises, témoins elles aussi du comportement erratique de
Denis, pour prétexter des problèmes de transport imprévus et éviter ainsi des incidents plus sérieux.
25e Brigades est-africaines, 24e Brigade ghanéenne, major-général Godwin-Austen), ainsi que
de la 27e Brigade de Rhodésie du Nord.
Dans le plus grand secret, certains des participants à la conférence sont informés du fait que
les efforts combinés des équipes franco-britanniques de déchiffrage ont permis de casser le
code de l’Armée royale italienne, puis celui de ses forces aériennes. La capacité de lire par
dessus l’épaule du duc d’Aoste va donner un avantage considérable aux Alliés.
Un bombardement anti-poisson
Somalie italienne Le croiseur léger Leander, tout juste remis en état après la bataille des
îles Farasan, bombarde Banda Alula, à une cinquantaine de km à l’ouest du Cap Guardafui, à
l’extrémité de la corne de l’Afrique. L’opération Canned (littéralement “mis en conserve”) a
été déclenchée car les services de renseignement britanniques ont appris qu’une cargaison de
conserves de poisson devait être transportée vers l’intérieur des terres. L’hydravion du
croiseur commence par détruire la station radio locale, puis avertit le personnel de l’usine du
bombardement imminent. Le Leander pilonne ensuite la conserverie avec ses canons de 6
pouces, causant des dégâts considérables et mettant le feu aux bâtiments. Il met ensuite le cap
vers Bombay.
29-30 novembre
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