« Le jour du sabbat est il permis de faire du bon ? »
Mc III - 4
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Mc III-4 Jésus dit :
Est-il permis le jour-du-sabbat du-bon de-faire ou de-faire-du-mal ?
Εξεστιν τοις σαββασιν αγαθον ποιησαι η κακοποιησαι
1. Le verbe poiein est employé de façon isolée au sujet du bon, alors que,
pour le mal, il y a le verbe composé kakopoiein qui est donc autre. Le lecteur se
souviendra que le verbe poiein est celui-là même qui arriva à son premier
emploi, en Genèse (I-1) et qu’il fut, alors, le troisième mot du texte :
εν αρχη εποιησεν ο Θεος
Il doit donc, dans cette relation de lecture, être traduit par le verbe créer et non
pas simplement par faire. Dans la Parole de Jésus YHVH Incarné, il y a la
‘mémoire’ de l’acte de Création.
2. Le mot agathos arrive quatre fois dans le texte de Mc, le rang quatrième
indiquant toujours la puissance, selon une des lois du texte inspiré. Les trois
autres emplois sont :
Mc X-17 un-unique interroge Jésus et commence par :
Bon Maître ! = didaskale agathe
Mc X-18 Jésus lui dit° en réponse :
Pourquoi me dis-tu bon ? = ti me legeis agathon
Personne
bon sinon Unique le Dieu ! oudeis agathos ei me eîs o Theos
Le mot agathos qualifie toujours la substance de Dieu. Dans la séquence de la
main desséchée, il y a donc lieu de traduire avec rigueur :
Mc III-4 Jésus dit :
Est-il permis le jour-du-sabbat (du-)bon(-selon Dieu) de-créer
Jean-Marie GEORGEOT - " De Saint-Marc jusqu'à Tertullien " ( 1978 à 2006
3. A ce niveau d’analyse, il devient obligatoire d’analyser le verbe qui vient
dans l’alternative proposée :
Mc III-4 ../ ou de-faire-du-mal = kakopoiesai (voir Lexique M-73)
On note les emplois suivants dans le texte de Mc :
Mc III-4 agathon poiesai e kakopoiesai = emploi unique en un seul mot
Mc XV-14 ti gar epoiesen kakon = emploi unique en deux mots.
Le deuxième emploi est dans la question posée par Pilate aux grands-prêtres,
lesquels sont incités par la foule afin que Pilate libère Bar-Abbas plutôt que
Jésus. A l’ici de la lecture de la présente exégèse, il y a lieu de marquer un long
moment de silence, car…
… Pilate, sans le savoir(1), vient d’employer le verbe poiein sous la
même forme grammaticale que celle dans le premier de tous les emplois de ce
verbe. La parole de Pilate doit donc être désormais traduite :
Mc XV-14 Celui°-ci or Pilate disait à-eux :
Qui car (a – t – il -)créé mauvais ?
Cette traduction du dire de Pilate envoie le lecteur vers les divers gestes de
puissance que Jésus a réalisés (= a créés) jusque là :
- dans la synagogue, un jour de sabbat, il a créé une intelligence humaine
en l’homme qui avait l’esprit impur
- il a
créé dans son intégrité physique celui qui, parce qu’il était un
calomniateur, était lépreux
- il a
créé le mouvement et la santé physique dans le paralytique qui fut
passé par le toit
- il a
terminé l’œuvre de création pour l’homme qui avait la main
desséchée.
L’emploi du verbe sous la forme epoiesen,
dans le dire de Pilate, ne serait-il pas un indice
permettant d’entendre que :
Pilate avait eu connaissance de
certains gestes de puissance de Jésus ?
Jean-Marie GEORGEOT - " De Saint-Marc jusqu'à Tertullien " ( 1978 à 2006
4. En conclusion, les pharisiens qui, dans la synagogue et le jour du sabbat,
ont entendu la parole de Jésus, l’ont comprise dans une écoute superficielle et
purement humaine du texte. Ils n’ont pas vu qu’ils étaient dans une synagogue,
ils n’ont pas noté que cela se passait le jour du sabbat et ils sont restés dans cette
même pensée qu’ils avaient eue, quelques instants auparavant, lorsque, encore le
jour du sabbat, ils virent Jésus et ses disciples passer à travers les champs de
blé. Ce jour-là, ils avaient dit à Jésus :
Mc II-24 Pourquoi (tes disciples) font-ils le jour du sabbat ce-qui n’est pas permis ?
o ouk exestin
Dans la synagogue, en présence de l’homme à la main desséchée, Jésus
parle avec le même verbe sous la même forme grammaticale exestin (III-4) et il
emploie également les deux mots tois sabbasin sous la même forme
grammaticale :
les pharisiens : ide ti poiousin tois sabbasin (o ouk) exestin
Jésus : exestin tois sabbasin (agathon) poiesai.
La forme grammaticale du verbe poiein change, car le verbe a une
signification différente selon qu’il est employé par les pharisiens (poiousin) ou
qu’il arrive dans la Parole de Dieu (poiesai). Cette dernière forme grammaticale
(= poiesai) se retrouve en :
Mc XIV-7 e u p o i e s a i = faire du – bien°.
D’où le commentaire proposé dans le Lexique à la page B-78 :
Comment passer de
agathon = du-bon(-selon-Dieu) du point de vue des hommes
à
eu =
du-bien°(-acte-humain) du point de vue de Dieu.
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Note 1 : sans le savoir =
Voir
Mc XV-14.
Jean-Marie GEORGEOT - " De Saint-Marc jusqu'à Tertullien " ( 1978 à 2006
« Le jour du sabbat est il permis de faire du bon ? »
Mc III - 4
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J’ai lu :
« Que personne n’aide une bête à mettre bas le jour du sabbat ! Et si
elle tombe dans une citerne ou dans une fosse, qu’on ne l’en retire pas le
sabbat…
Et toute personne qui tombe dans un endroit plein d’eau ou dans un
(autre) endroit, qu’on ne l’en retire pas au moyen d’une échelle, d’une corde ou
d’un instrument. » (Qumrân : Document de Damas XI-13 à 17)
Ce texte ne porte pas l’accent sur l’infraction à la prescription et le
châtiment requis, comme dans la Bible. Il évoque le cas extrême d’une personne
face à un animal puis à un être humain en mauvaise posture voire en péril. Il
marque alors une différence entre l’animal, qui ne peut bénéficier d’aucun
secours le jour du sabbat, et l’homme qui pourra recevoir de l’aide à condition
qu’elle soit apportée sans le service d’une échelle, d’une corde, d’un instrument,
etc. Il n’y aura donc pas profanation du sabbat si un Essénien allait tendre une
« perche » toute simple – sa main ou son vêtement – afin de tirer quelqu’un d’un
mauvais pas.
(Le document) 4 Q VI 5 à 8 est clair à cet égard :
« Qu’on ne retire pas un animal qui tombe dans l’eau un jour de
sabbat ! Mais si c’est un homme qui tombe dans l’eau le jour du sabbat, qu’on
lui tende son habit pour l’en tirer, toutefois on ne peut utiliser un instrument
pour le retirer le jour du sabbat. »
En ce qui concerne l’animal en mauvaise posture, la position essénienne,
selon laquelle il faut laisser l’animal à son destin, puisqu’il ne peut saisir ni le
bras ni le vêtement qu’on pourrait lui tendre, semble plus stricte que celle des
pharisiens. En effet, si l’on en croit l’évangile de Mt dans le Nouveau
Testament, ces derniers n’hésitaient pas à sauver une brebis tombée dans un trou
le jour du sabbat si l’animal était leur unique bien.
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C’est ce qu’observa Jésus en réplique aux pharisiens qui cherchaient à
l’accuser de rompre la loi sabbatique en guérissant un malade ce jour chômé :
« Un homme vaut tellement plus qu’une brebis ! Il est donc permis
de faire le bien le jour du sabbat. » = Mt XII-12.
La conception chrétienne du respect sabbatique se situe, à première vue,
dans la direction pharisienne avec une marge d’avance sur le plan de
l’allègement de la Loi. Or, si les « aménagements » pharisiens semblent surtout
servir un intérêt économique, l’assouplissement recommandé par Jésus est
subordonné au respect de la vie humaine, tout comme la prescription
essénienne.’
(Farah Mébarki et Emile Puech : Les manuscrits de la mer Morte)
(Editions du Rouergue – Octobre 2002 aux pages 128 et 129)
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