29 e JOURNÉES PHARMACEUTIQUES SANTÉ : CONJUGUONS LE FUTUR VENDREDI 28 ET SAMEDI 29 NOVEMBRE 2014 SYNTHÈSE DES CONFÉRENCES Sanofi France – 9 Boulevard Romain Rolland – 75014 Paris SANTÉ : CONJUGUONS LE FUTUR IMPÉRATIF ET CONDITIONNEL Président de séance : Michel Guizard, Pharmacien, Praticien hospitalier – CH Meaux 3 L ’hôpital du futur Interview de Philippe Domy, Directeur Général – CHU Montpellier 5 L e malade immortel Laurent Alexandre, Président de DNAVision UTUR PROCHE OU FUTUR ANTÉRIEUR F Président de séance : Professeur Jean-François Bergmann, Praticien hospitalier, Chef du service de Médecine Interne Hôpital Lariboisière, AP/HP LES TECHNIQUES DU FUTUR 8 es images médicales au patient numérique D Professeur Nicholas Ayache, Membre de l’Académie des sciences, Directeur de recherche Inria, Titulaire de la Chaire Informatique et sciences numériques au Collège de France, Directeur scientifique de l’Institut Hospitalo-Universitaire de Strasbourg 11 tents-Grafts personnalisées : à chacun son tuyau S Professeur Fabien Koskas, Professeur Universitaire UPMC, Praticien hospitalier, Chef du service Chirurgie vasculaire – Groupe Hospitalier Pitié-Salpétrière, AP/HP Docteur Julien Molina, PharmD & PhD, Enseignant, UPMC, Praticien hospitalier, Responsable de l’unité de Stérilisation centrale – Hôpital Robert Debré, AP/HP 13 Robots chirurgicaux : y a-t-il un pilote ? Professeur Guy Vallancien, Chef du département d’urologie – Institut Mutualiste Montsouris, Paris FUTUR PROCHE OU FUTUR ANTÉRIEUR Président de séance : Frédéric Pinguet, Pharmacien, Praticien hospitalier – Institut du Cancer, Montpellier LES THÉRAPIES NOUVELLES 15 rogrès en oncologie : demain et après-demain P Professeur Alexander Eggermont, Directeur Général – Institut Gustave Roussy, Villejuif 17 Innovations dans la thérapie du diabète de type 1 : aujourd’hui est déjà demain Professeur Eric Renard, Praticien hospitalier, Coordonnateur du département d’Endocrinologie Diabète, Nutrition, CHU de Montpellier. Institut de Génomique Fonctionnelle – Université de Montpellier 19 T hérapies du futur : le modèle des maladies génétiques Professeur Alain Fischer, Membre de l’Académie des sciences, Directeur scientifique de l’Institut des Maladies génétiques Imagine, Hôpital Universitaire Necker-Enfants malades, AP/HP, Titulaire de la chaire Médecine expérimentale au Collège de France FUTUR : IMPARFAIT ET PLUS QUE PARFAIT Président de séance : Professeur Gérard Viens, Économie et Gestion de la Santé – ESSEC 22 Protection sociale : où trouver le financement pour les dépenses de santé de demain ? Christian Charpy, Secrétaire Général de la Commission des Comptes de la Sécurité Sociale 24 Heureux, chez soi : comment aménager pour ne pas avoir à déménager ! Docteur Jean-Marie Vetel, Directeur médical du groupe Dolcea 26 etour vers le futur : les grandes tendances du numérique R Thierry Happe, Cofondateur et Président – NetExplo 28 L a e-santé, pour vieillir plus jeune Professeur Joël de Rosnay, Conseiller de la Présidente d’Universcience (Cité des sciences et de l’Industrie et Palais de la découverte), Président Exécutif de Biotics International, Auteur et Prospectiviste IMPÉRATIF ET CONDITIONNEL Président de séance : Michel Guizard, Pharmacien, Praticien hospitalier – CH Meaux L’hôpital du futur Interview de Philippe Domy, Directeur Général – CHU Montpellier Philippe Domy, comment voyez-vous l’hôpital d’après demain ? Quelle orientation doit prendre l’hôpital, dès lors, pour permettre aux dépenses publiques de santé d’être une ressource sociétale ? L’hôpital d’après-demain peut être envisagé au travers de trois thématiques : l’institutionnel, le structurel et le virtuel. Concernant l’institutionnel, deux éléments sont à mettre en avant. Tout d’abord, la situation que nous vivons aujourd’hui n’est pas viable ou ne le sera plus longtemps. Nous avons un système de santé que beaucoup nous jalousent. C’est en effet le seul système au monde qui concilie la liberté de choix de son praticien traitant et de son établissement de traitement, et la socialisation du risque. En d’autres termes, qui que l’on soit, on choisit librement son médecin, son hôpital ou sa clinique, quels que soient le prix de la prestation et son revenu. Il s’agit d’une liberté de choix réelle et nous y sommes tous très attachés. Il faut toutefois qu’existe une offre plurielle, une pluralité d’exercices pour qu’il y ait une vraie liberté de choix. C’est quelque chose à préserver absolument, c’est notre originalité mais cette préservation a un prix. Or, il y a la menace de la « poule aux œufs d’or » et, avec elle, celle de voir disparaître le système. Aujourd’hui, notre système montre de nombreux dysfonctionnements, avec des intérêts contradictoires et divergents : cela ne peut pas durer, on ne peut avoir un tel dispositif et afficher ensemble la socialisation du risque et solidarité. Si l’on veut maîtriser les dépenses de santé et faire en sorte que ces dépenses publiques - soit l’argent de l’Assurance maladie - soient une ressource au bénéfice de tous, il faut faire sauter le statut de droit public de l’hôpital public et arrêter de confondre secteur public et service public car on en voit toutes les limites et les contradictions. La solution est donc d’aller vers une unicité de statut, d’intérêt collectif. Dans le même temps, tous les acteurs doivent passer sous le régime du droit privé (du contrat et de la convention), les activités de service public ou d’intérêt général doivent être forfaitisées et éligibles à tout opérateur, les engagements sur l’accomplissement des missions de service public ou d’intérêt général obéissent à l’obligation de résultats et non de moyens. Aller dans ce sens représente tout un potentiel de changement dans les organisations publiques et implique de sortir des autonomismes culturels et des corporatismes. Avec le statut public, nous n’y arriverons pas. Je fais plus confiance à une uniformisation de statuts institutionnels uniques et à l’émulation entre les acteurs, avec la sanction de l’engagement sur résultat. Supprimer les rentes de situation dans la gestion des carrières est une autre nécessité. Notre niveau de protection participe à l’érection de l’immobilisme et cela est délétère. Il nous faut, en revanche, de la flexibilité, de la souplesse, de la réactivité. Sans cette capacité autonome à se remettre en cause, nous serons balayés. Autre élément à considérer : si l’on part du principe que la santé est un coût de PIB* mais qu’elle est surtout une capacité de production de richesses puisqu’elle participe du PIB et créé de la richesse, toute les consommations intermédiaires que nous engendrons par nos différents fonctionnements sont créatives de valeur ajoutée et participent à la dynamique économique. Le système de santé pèse 11 points du PIB mais il participe à 6-7 points de création de valeurs. Donc le système de santé a un coût mais il est productif de valeurs et il faut le dynamiser. Toutefois, on ne peut le dynamiser si l’on reste en l’état, avec d’un côté des hôpitaux publics qui sont dans un carcan légal et réglementaire, empêtrés dans les corporatismes, et de l’autre un secteur privé qui a une plus grande liberté de manœuvre et qui, en plus, en tire un bénéfice et un profit. Si l’hôpital d’après-demain veut être efficace, il doit éradiquer le système tel qu’il est aujourd’hui, basculer dans le monde du contrat, de la convention, de l’initiative et de l’autonomie, et passer de l’obligation de moyens à celle de résultats. C’est une conviction forte et je mesure la distance qu’il y a pour y arriver. Mais il s’agit de préserver notre originalité. Autre certitude : la confiance est au centre de ce bouleversement. Il faut faire confiance aux hommes et au management pour gérer le changement. In fine, c’est la qualité des hommes qui fera la qualité des institutions. * Produit intérieur brut e 29 JOURNÉES PHARMACEUTIQUES SANOFI 3 SANTÉ : CONJUGUONS LE FUTUR IMPÉRATIF ET CONDITIONNEL Comment la structure hospitalière doit-elle évoluer sur le plan structurel ? plateau technique, avec une capacité à anticiper les évolutions. Toute évolution technologique entraîne, en effet, un changement d’organisation et l’enjeu est de créer les possibles. De fait, il y a, là aussi, une révolution culturelle à opérer, extrêmement forte. Tout comme l’égalité d’accès et de traitement et la continuité du service, le devoir d’adaptation de l’hôpital est une obligation de service public, un service qui sert l’intérêt général. Les professionnels du service public ont donc le devoir de se préparer, d’être en veille sur l’évolution des besoins et d’imaginer les réponses à ces besoins quand ceux-ci vont émerger. Or, c’est tout l’inverse aujourd’hui. L’hôpital d’après demain doit donc trouver, dans ses modes de fonctionnement, les ressorts de la véritable anticipation. Les révolutions techniques et scientifiques nous y obligent. Là encore, cela exige beaucoup plus de mobilité et de flexibilité, dans les processus de décisions et dans les conduites managériales. Les CHU associent trois aspects : hôtelier, hospitalier et technologique. Or, ce sont des modèles obsolètes. Dans l’hôpital d’après-demain, je vois une fonction hôtelière extrêmement diminuée, remise à des gens du métier, et une fonction de soins confiée à des hospitaliers. Un certain nombre de fonctions périphériques doivent donc être externalisées. Ce qui signifie que le dimensionnement structurel de l’hôpital sera fondamentalement le plateau technique, avec tous les moyens d’investigation, de diagnostic, d’exploration fonctionnelle. Ceci devant permettre de poser un diagnostic le plus fiable, le plus précoce et dans les meilleures conditions possibles, d’engager toute latitude thérapeutique, avec des patients de moins en moins couchés et de plus en plus debout. Le défi que l’hôpital a à relever est que, lui-même, doit bouger : avec le développement des réseaux, il doit être au plus près du patient, et principalement pas à l’hôpital. C’est une révolution complète des modes d’appréhension de la prise en soins des patients. Et ce n’est pas avec des structures rigides que l’on y arrivera : là aussi, il faut de la flexibilité et de la souplesse. Pour résumer, quels sont les mots clés de la réussite de l’hôpital du futur ? La voie dans laquelle nous devons nous engager est celle d’un hôpital flexible, adaptable, mobile et anticipateur, dans une construction basée sur la confiance. J’ai entièrement confiance en l’avenir, et en l’avenir de l’hôpital en particulier. La structure hospitalière sera donc réduite architecturalement, essentiellement consacrée au e 29 JOURNÉES PHARMACEUTIQUES SANOFI 4 SANTÉ : CONJUGUONS LE FUTUR IMPÉRATIF ET CONDITIONNEL Le malade immortel Laurent Alexandre, Président de DNAVision Technologies NBIC arrivées à maturité, montée en puissance des Gafa, développement de la zone AsiePacifique, idéologie transhumaniste : la convergence de ces quatre éléments conduit vers un choc technologique et idéologique et fait jaillir l’idée que l’humain peut être immortel, à brève échéance. Les technologies NBIC - nanotechnologies, bioantivieillissement, le séquençage ADN et sa démotechnologies, informatique et cognitique (qui recratisation, c’est tout de suite, les cellules souches groupent l’intelligence artificielle, la robotique et et la thérapie génique, c’est à partir de 2020, la les sciences du cerveau) - arrivent aujourd’hui nanomédecine, c’est dès 2025. Autrement dit, à à maturité et sont pleines de promesses. Maîtres l’échelle des temps géologiques, ces progrès sont de ces technologies, Google, Apple, Facebook, pour demain. Des progrès qu’il faut associer à une Amazon – regroupés sous l’acronyme de Gafa autre avancée : l’allongement continu de la durée – montent en puissance. La zone Asie-Pacifique, de la vie, qui a triplé depuis 1750. Persuadés que très perméable à la transgression biotechnolol’espérance de vie va exploser dans les années qui gique, à l’eugénisme et à toutes les modifications viennent, les acteurs de la Silicon Valley entrent, du corps, se développe, quant à elle, considépar conséquent, massivement dans le monde rablement. Dans le même de la santé. Avec une seule « Le transhumanisme est une temps, l’idéologie transhuconviction : la première peridéologie révolutionnaire et maniste de la Silicon Valley sonne qui vivra 1 000 ans est se propage. Une idéolodéjà née, non pas évidemla révolution n’est pas toujours gie qui défend l’idée qu’il bonne. Mais quand la révolution ment avec la technologie existe trois urgences dans le de 2017 mais avec celle de est partie, on ne l’arrête plus. » monde : tuer la mort, déve2050 puis de 2100, etc. Et lopper l’intelligence artificielle et interfacer celle-ci avec une ambition : faire reculer la mort de façon avec notre cerveau via des implants intracéréspectaculaire dès le XXIe siècle, rendre l’humain braux. La conjonction de ces éléments a ainsi fait immortel. Une vision entretenue par Ray Kurzweil, surgir une perspective jusqu’alors inconcevable : directeur du développement et ingénieur en chef celle de notre immortalité, à relativement brève de Google mais aussi pape du transhumanisme. échéance. Le transhumanisme ? Un courant de pensée en pleine ascension qui prône «l’augmentation» du genre humain par la technologie. Faire reculer la mort de manière importante dès le XXIe siècle Informatisation de la médecine et le pouvoir Les NBIC ont énormément progressé ces dernières des algorithmes années et la médecine commence aujourd’hui à en bénéficier. Pour exemple, en dix ans, le coût L’impact de ces technologies, que celles-ci augmentent rapidement ou non l’espérance de vie, du séquençage ADN a été divisé par trois millions. constitue un point extrêmement important pour le En parallèle, l’ingénierie génétique (reprogrammer les cellules par thérapie génique), cellulaire système de santé. Car celles-ci vont profondément (régénérer un tissu par cellules souches, fabriquer modifier l’exercice professionnel, qu’elles réussissent ou qu’elles échouent. Alors qu’aujourd’hui des organes entiers) ainsi que celle du vivant démontrent leur évolution. Pour preuve, dans le dola médecine traite les malades avec quelques poimaine de l’ingénierie génétique, les nucléases gnées de data, demain, les technologies d’analyse cérébrale génèreront des quantités abyssales (enzymes capables de couper l’ADN) ont vu leur de données, le séquençage complet d’une coût divisé par dix mille en six ans. La technologie tumeur produira vingt mille milliards de données permettant de modifier notre ADN est donc quasi biologiques et génomiques, les objets connectés à disposition. Quant à la nanotechnologie et à la fourniront des milliards d’informations par patient nanomédecine, si leur progression va encore probablement s’étaler dans le temps, elles démarrent et par jour issues de la mesure de variables biologiques, etc. Particulièrement vraie dans le cas du entourées déjà d’extraordinaires promesses. Au cancer, cette explosion du big data laisse entrefinal, si l’on effectue un déroulé dans le temps voir une démarche indispensable : l’informatisation de l’arrivée sur le marché des technologies NBIC e 29 JOURNÉES PHARMACEUTIQUES SANOFI 5 SANTÉ : CONJUGUONS LE FUTUR IMPÉRATIF ET CONDITIONNEL de la médecine. Générant une quantité de données qui dépasse l’entendement pour un cerveau humain, ces technologies sont, de fait, profondément disruptives. Et elles conduisent, pour la première fois, à l’industrialisation de la santé, portée par les superpuissances du Net, le système et les acteurs de santé étant incompétents dans le domaine du traitement de la data. patient qui vont multiplier la taille du dossier médical par un million et de l’explosion de la puissance informatique, se profile l’automatisation du diagnostic médical. A l’horizon 2035, on peut logiquement penser qu’il n’y aura plus un seul diagnostic réalisé par le cerveau du médecin qui, lui, signera des ordonnances qu’il n’aura pas conçues. Le rôle du pharmacien hospitalier devrait être également profondément modifié dans ce sens. Ainsi apparaît une nouvelle puissance économique, avec une valeur qui part du médicament et du soin pour aller vers l’algorithme et le big data. La médecine entre donc dans le règne des systèmes experts et des algorithmes vers lesquels le pouvoir va indubitablement migrer. Nous allons vers un recul du pouvoir du malade et une subordination du médecin à l’algorithme. Plus largement, il s’agit d’une véritable révolution dans l’organisation du pouvoir médical. Pour aller plus loin, demain, l’éthique médicale ne sera pas le produit du cerveau du médecin mais celui des algorithmes, incluse dans le système expert. En d’autres termes, c’est un grand danger qui menace, dans leur autonomie, les praticiens. Notre société, nos structures très bureaucratiques, pas du tout souples ne sont pas préparées à cette mutation issue d’un monde très mobile, très diversifié, fait de startup. Notre système de santé vertical, sans communication entre les différentes spécialités, n’est pas adapté à cette nouvelle médecine, transversale et technologique. Dès lors, des frictions sont à craindre entre ces deux mondes que tout oppose. Le risque du transfert du pouvoir médical vers les Gafa L’entrée de Google dans la lutte contre la mort change radicalement notre monde. Soutenant activement le transhumanisme, le géant du numérique a pour premier objectif d’augmenter l’espérance de vie humaine de vingt ans d’ici 2035. Considérant que la seule maladie vraiment importante est la mort, sa vision est à l’opposé de celle des acteurs de la pharmacie, qui est d’allonger la durée et la qualité de vie des malades et non d’augmenter l’espérance de vie en bonne santé. Cette vision transhumaniste est profondément déstabilisante, d’autant plus qu’elle ne provient pas de l’univers de la santé. Le choc technologique et idéologique en chiffre • Evolution du coût du séquençage : 3 milliards $ pour le premier, moins de 1000 $ aujourd’hui ; il sera à 100 $ à la fin de la décennie. • Evolution du nombre de personnes séquencées : 1 personne l’était en 2003, plusieurs dizaines de millions le sont aujourd’hui. Les transhumanistes visent, d’autre part, à développer l’intelligence artificielle qui va, progressivement, modifier énormément l’exercice professionnel jusqu’à devenir révolutionnaire à l’horizon de quinze-vingt ans. Détonateur de cette révolution : la loi de Gordon Moore, le co-fondateur d’Intel, qui avait prédit il y a cinquante ans que la puissance informatique allait doubler régulièrement, à coût identique (la loi de Moore a été respectée jusqu’à maintenant et elle le sera vraisemblablement encore un certain temps). Ces paliers de puissance informatique finissent par effectuer des opérations qui semblaient impossibles auparavant (séquençage complet de l’ADN, par exemple) et cette explosion de l’intelligence artificielle est un choc pour des univers profondément sclérosés comme le nôtre. Plus concrètement, au regard des milliers de milliards d’informations par e 29 JOURNÉES PHARMACEUTIQUES SANOFI • Suivant la loi de Moore, la puissance des serveurs informatiques est passée de mille opérations par seconde à un million de milliards en 2007. Les premiers ordinateurs à un milliard de milliards d’opérations par seconde sont pour dans quatre ans et la puissance de mille milliards de milliards sera atteinte en 2029, d’après Intel. • Selon la vision de Google et des transhumanistes, un enfant qui naît aujourd’hui et qui sera âgé de 85 ans en 2100 aura peutêtre déjà, grâce à la technologie de 2100, une espérance de vie de 200 ans… et ainsi de suite. 6 SANTÉ : CONJUGUONS LE FUTUR IMPÉRATIF ET CONDITIONNEL L’intelligence artificielle : une menace pour l’humanité ? alarment, mettant en garde contre la menace que fait planer sur l’humanité l’intelligence artificielle, à relativement brève échéance. Peut-il y avoir une contre-révolution par rapport aux NBIC ? La proposition technologique est tellement choquante que l’on pourrait voir apparaître un retour de l’obscurantisme, des bioconservateurs, s’opposant à la vision des transhumanistes. Toujours est-il que le poids des acteurs comme Gafa est si important que certains commencent à penser qu’il faudrait les réguler et encadrer leur activité. Le Parlement européen, quant à lui, vient récemment de voter une motion appelant au démantèlement de Google. Les gouvernements doivent-ils détruire ce type de monopole ? La question se pose. Si, effectivement, Google est le leader mondial de la lutte contre la mort et le vieillissement, des medtechs, de l’intelligence artificielle, des voitures, des satellites, du téléphone portable, des objets connectés, etc., peut-être viendra-t-il le moment où un démantèlement s’avèrera indispensable. Les neurotechnologies constituent l’autre cheval de bataille des transhumanistes. Pour la Silicon Valley, il ne fait aucun doute qu’un cerveau est un ordinateur fait de chair. Ray Kurzweil explique ainsi qu’en 2045, l’intelligence artificielle de Google sera un milliard de fois plus puissante que la réunion des huit milliards de cerveau humain. Nous sommes donc dans une vision du monde où la place de l’homme est concurrencée. Le président de Google, Larry Page, indique en outre que neuf emplois sur dix vont être supprimés dans les années qui viennent du fait de l’automatisation, de la robotique et de l’intelligence artificielle. Le maître du numérique prédit en outre que, dès 2035, des nanorobots intracérébraux permettront de nous connecter au Cloud computing pour une connexion plus rapide à Internet. Et il nous enjoint de nous préparer à cette pensée hybride, mélange de cerveau biologique et d’intelligence artificielle. Son ambition ultime : réaliser des machines qui pensent, raisonnent, font mieux que les êtres humains, engendrer une humanité 2.0, créer l’esprit. La Silicon Valley entre, par ailleurs, dans une logique eugéniste. Un glissement « normal ». À partir du moment où l’on pense que l’intelligence artificielle et la robotique vont entrer massivement sur le marché du travail, l’idée s’impose de trouver le moyen d’augmenter l’humain par la technologie, les implants et la sélection des embryons (d’autant qu’il a été montré que la part génétique de l’intelligence est plus importante qu’on ne le pensait). Une question émerge : comment va fonctionner notre éthique par rapport à cette technologie ? Les normes éthiques et morales évoluant extrêmement rapidement dans le temps et dans l’espace, une réponse est impossible à donner maintenant. Peut-être que nos enfants accepteront avec délice les implants intracérébraux alors que la plupart d’entre nous, aujourd’hui, refuseraient. Les Gafa, ce sont : • des centaines de milliards de dollars et des armées d’ingénieurs et de chercheurs parmi les meilleurs, • une pyramide des âges qui est l’inverse de celle de nos métiers de santé, • une présence dans l’intelligence artificielle, dans les nano-biotechnologies et la santé (pour Apple et Google notamment), • une concentration des savants et chercheurs en intelligence artificielle du monde entier (30% d’entre eux sont chez Google), • des activités très diversifiées, notamment pour Google : medtech (technologie médicale), drone, satellite, génétique, domotique, système d’exploitation pour téléphone mobile, voiture, etc. Le monde que la Silicon Valley souhaiterait dessiner pour le futur de la médecine est, on le voit, vertigineux, avec des conséquences qui dépassent de beaucoup le domaine médical. Certains s’en e 29 JOURNÉES PHARMACEUTIQUES SANOFI 7 SANTÉ : CONJUGUONS LE FUTUR FUTUR PROCHE OU FUTUR ANTÉRIEUR Président de séance : Professeur Jean-François Bergmann, Praticien hospitalier, Chef du service de Médecine Interne Hôpital Lariboisière, AP/HP Des images médicales au patient numérique Professeur Nicholas Ayache, Membre de l’Académie des sciences, Directeur de recherche Inria, Titulaire de la Chaire Informatique et sciences numériques au Collège de France, Directeur scientifique de l’Institut Hospitalo-Universitaire de Strasbourg Des modèles numériques du corps humain ont été développés depuis plusieurs dizaines d’années déjà. La nouveauté aujourd’hui est qu’il est possible de les personnaliser. Le scanner, l’IRM, l’échographie, l’imagerie de médecine nucléaire sont les modalités d’imagerie les plus utilisées à l’hôpital pour produire des images volumiques qui fournissent beaucoup informations sur le corps humain. Des images qui peuvent être multipliées du fait de l’accès à plusieurs techniques d’imagerie, à des images espacées dans le temps et à des bases de données d’images médicales. Face à cette surabondance, seule l’informatique permet d’extraire l’information cliniquement pertinente et d’en assurer le traitement. Dans le domaine de l’imagerie médicale, cette approche peut être réalisée autour du patient numérique avec, au centre, des modèles computationnels du corps humain qui sont à la fois des données numériques et des algorithmes permettant de reproduire l’anatomie et la physiologie d’organes. contrôler une intervention thérapeutique). Et ce sont les composants principaux de la médecine numérique ou computationnelle actuelle. Aide au diagnostic, au pronostic et à la thérapie Les modèles numériques existent depuis quelques La recherche dans le domaine de la médecine dizaines d’années mais la nouveauté est que l’on computationnelle, extrêmement active, repose est passé du générique au personnalisé grâce à en fait sur trois importants piliers : une recherche l’imagerie médicale et aux signaux biomédicaux académique pluridisciplinaire où l’informatique acquis in vivo sur un patient. Grâce aussi à une est associée à d’autres sciences (mathématiques, autre classe d’algorithmes qui modifient les paramètres des modèles combiologie, physique, chimie, putationnels du corps humain « Les algorithmes développés anatomie, physiologie), des pour qu’ils correspondent à autour du patient numérique partenariats cliniques mais l’anatomie et à la physiologie aussi industriels, essentiels pour s’appuient sur des modèles du patient examiné. Une fois transformer des prototypes de mathématiques, statistiques, les modèles personnalisés, il laboratoire en véritables logiciels utilisés, validés, agrées. est alors possible d’exploiter biologiques et physicoQuatre exemples, choisis les paramètres pour mieux chimiques. » dans les domaines de la morcomprendre le contenu des phométrie, de l’endomicroscopie, de l’oncolosignaux et des images correspondant à un patient gie, et de la cardiologie permettent d’illustrer ce donné. Ces algorithmes constituent ainsi des aides triangle vertueux en faisant ressortir les types de au diagnostic, au pronostic (pour prédire une évolution), à la thérapie (pour planifier, simuler voire modèles utilisés pour construire les algorithmes : e 29 JOURNÉES PHARMACEUTIQUES SANOFI 8 SANTÉ : CONJUGUONS LE FUTUR FUTUR PROCHE OU FUTUR ANTÉRIEUR // LES TECHNIQUES DU FUTUR géométriques, statistiques, sémantiques (pour développer l’anatomie computationnelle ou numérique), biologiques et physico-chimiques (pour simuler ou représenter la physiologie). informatiques pour quantifier l’évolution passée, mieux prédire l’infiltration de la tumeur et prédire l’évolution future afin d’aider à personnaliser le diagnostic et la thérapie. Le modèle computationnel de glioblastome, par exemple, repose sur trois compartiments : géométrique pour les structures cérébrales, biomécanique pour calculer les déformations du cerveau, physiopathologique pour mesurer une évolution du nombre de cellules tumorales, avec des composantes d’infiltration et de prolifération. L’avantage de ce genre de modèle très simple est qu’il peut être affiné, en prenant en compte plusieurs types de cellules proliférantes, quiescentes, nécrosées, qui vont évoluer selon des équations différentielles variées, avec des transitions d’une population à une autre. Des simulations réalistes de l’évolution de ces tumeurs peuvent de plus être réalisées. Avec l’intérêt de pouvoir personnaliser ces modèles, c’est-à-dire exploiter les images médicales acquises à différents instants pour prédire une évolution sur les mois suivants. Morphométrie numérique et endomicroscopie Dans le cas de la maladie d’Alzheimer, l’IRM permet d’observer l’atrophie cérébrale et voir son évolution au cours du temps. Avec les outils de traitement numérique des images, il est possible d’aller plus loin : détecter une évolution anormale de l’atrophie du cerveau, mesurer l’efficacité de nouveaux médicaments, voire les tester plus précocement. Ce même type d’outil peut être utilisé pour étudier le développement du cerveau chez l’enfant et, si l’on prend l’exemple de l’autisme, quantifier des différences d’évolution de certaines régions. Il peut être aussi appliqué à d’autres domaines, notamment cardiaque, pour analyser l’évolution de la forme du ventricule droit dans certaines cardiopathies congénitales. Il est par ailleurs possible, au moyen de l’endomicroscopie, de voir l’architecture cellulaire des tissus, d’accéder in vivo au fonctionnement des cellules (alvéoles pulmonaires, circulation des globules rouges en présence d’un kyste du pancréas, etc.) et, si l’on va plus loin, de mesurer la progression du cancer. On obtient ainsi une véritable biopsie optique. La médecine numérique actuelle Une vision de la médecine computationnelle est retrouvée aujourd’hui : • Dans la salle d’intervention du futur développée à l’Institut hospitalo-universitaire de Strasbourg où des images préopératoires permettent de construire un modèle numérique du patient, de faire une planification, de la simulation d’intervention. Associés aux images préopératoires, des outils de thérapie robotisés permettent, d’autre part, d’exploiter la réalité augmentée : les images sont projetées directement sur le patient pour le rendre virtuellement transparent, guider l’insertion des bras du robot et projeter des structures pathologiques ou autres pendant l’intervention, pour mieux la guider ; Dans ces exemples, le traitement d’image joue un rôle essentiel puisqu’il permet de récupérer des images cliniquement exploitables et plus facilement interprétables. Son autre atout est d’engendrer le développement d’un concept, celui de l’Atlas intelligent. L’Atlas intelligent ? C’est la possibilité d’acquérir un très grand nombre d’images, expertisées par des spécialistes, de les conserver et de retrouver par l’informatique, lorsqu’une nouvelle image doit être interprétée, les plus similaires dans la base de données. C’est aussi de fait l’accès au diagnostic. • À l’Institut hospitalo-universitaire de la PitiéSalpêtrière à Paris pour guider la neurochirurgie au centre du cerveau de parkinsoniens : un atlas statistique de la localisation des noyaux gris centraux est superposé aux images IRM du patient pour mieux guider l’insertion des électrodes. Ces deux premiers exemples montrent ainsi comment il est possible d’exploiter des modèles géométriques, statistiques, sémantiques pour étudier les structures du corps humain à partir d’images. Physiologie computationnelle : de la structure au fonctionnement • A l’Institut hospitalo-universitaire de Bordeaux pour guider la cardiologie interventionnelle avec modèle électro-mécanique personnalisé du cœur. Les tumeurs cérébrales apparaissent parfaitement bien dans les images de résonnance magnétique. Mais l’idée est de développer des modèles e 29 JOURNÉES PHARMACEUTIQUES SANOFI 9 SANTÉ : CONJUGUONS LE FUTUR FUTUR PROCHE OU FUTUR ANTÉRIEUR // LES TECHNIQUES DU FUTUR Plus encore, l’espoir est désormais de prédire l’infiltration, dans l’IRM, et d’utiliser les informations pour, par exemple, personnaliser un planning de radiothérapie et passer d’une marge de sécurité constante à une marge personnalisée en termes de dosimétrie. zones à risque, on peut ainsi désigner au cardiologue des cibles privilégiées pour une ablation de ces régions. Au-delà, si l’on intègre la composante mécanique, on dispose d’équations différentielles capables d’exploiter le potentiel d’actions du modèle électrique précédent pour créer une contraction des fibres cardiaques et reproduire le mouvement du cœur. Les images d’IRM, les mesures électriques et de pression aident à personnaliser les paramètres, visualiser le résultat, quantifier le mouvement et l’activité cardiaque électrique et mécanique. Une fois exploitées, les valeurs numériques de ces paramètres servent, par exemple, à mesurer l’efficacité d’un traitement en regardant l’évolution quantitative du mouvement et de la fonction cardiaque. Progresser à partir du modèle serait de prédire, par exemple sur un cœur asynchrone, les effets attendus d’une resynchronisation par stimulation biventriculaire. Si tous ces nouveaux outils se développent, il faudra encore un certain temps avant qu’ils ne rentrent dans une pratique clinique courante. Des essais cliniques sont déjà en cours pour certains modèles computationnels, en passe de devenir une réalité (calcul de manière entièrement numérique de la baisse de pression le long des coronaires, en présence d’une sténose, par exemple). Plus largement, ce type d’approche, qui consiste à combiner des modèles - physique de thérapie et physiopathologique d’évolution de la maladie peut être retrouvé pour d’autres organes ou dans le cadre de la radiologie interventionnelle. Il est alors possible d’imaginer que, de cette manière, on puisse passer d’outils de réalité augmentée permettant de projeter des informations anatomiques directement sur le patient, vers la réalité augmentée physiologique, avec projection d’informations liées à l’effet de la thérapie. Electrophysiologie et mécanique du cœur Dans le domaine de la cardiologie, le but d’un modèle computationnel est d’intégrer toutes les informations structurelles, la modélisation des activités électriques et mécaniques et la personnalisation de chacune de ces parties pour pouvoir construire un modèle numérique personnalisé du cœur. Partant de là, un grand nombre a été proposés, qui permettent de reproduire l’évolution d’un potentiel d’actions dans l’ensemble du myocarde, avec l’espoir de les personnaliser à partir de mesures d’électrophysiologie. Avec un modèle personnalisé au niveau géométrique et électrique, on peut alors simuler un processus de stimulation normalement très invasif pour étudier le risque d’une tachycardie ventriculaire pouvant se transformer en mort subite. En détectant les e 29 JOURNÉES PHARMACEUTIQUES SANOFI Au final, le constat est que l’informatique associée à l’imagerie médicale et à d’autres sciences est en train d’introduire une révolution dans le domaine du diagnostic, du pronostic, de l’aide à la thérapie. Une révolution qui accompagne un changement de paradigme : celui d’une médecine normalisée et réactive vers une médecine plus personnalisée, prédictive et préventive. 10 SANTÉ : CONJUGUONS LE FUTUR FUTUR PROCHE OU FUTUR ANTÉRIEUR // LES TECHNIQUES DU FUTUR Stents-Grafts personnalisés : à chacun son tuyau Professeur Fabien Koskas, Professeur Universitaire UPMC, Praticien hospitalier, Chef du service Chirurgie vasculaire – Groupe Hospitalier Pitié-Salpétrière, AP/HP Docteur Julien Molina, PharmD & PhD, Enseignant, UPMC, Praticien hospitalier, Responsable de l’unité de Stérilisation centrale – Hôpital Robert Debré, AP/HP Le plus souvent, l’anévrisme de l’aorte abdominale fait l’objet d’une indication opératoire. Mais pour certains patients âgés ne pouvant supporter l’intervention, la technique par endoprothèse est la méthode de choix, avec aujourd’hui l’utilisation de stents personnalisés. L’anévrisme de l’aorte abdominale est une maDispositifs morpho-adaptés ladie asymptomatique dont la découverte est le plus souvent fortuite. Du fait du vieillissement de La méthode endovasculaire développée dans les la population, cette pathologie est en augmenannées 1990 consiste à pratiquer une incision au tation. La plupart du temps, niveau fémoral, à remonter « La prothèse sur-mesure plus l’anévrisme est important, une endoprothèse via un introducteur puis à la déployer plus l’intervention s’impose. peut être produite en cinq Le diagnostic doit donc être au niveau de l’anévrisme. Un jours pour une urgence réalisé le plus tôt possible pour tube auto-expansif vient alors chirurgicale. » prévenir le risque de rupture se poser à l’intérieur de ce de la paroi. dernier pour éviter que le flux sanguin appuie sur celui-ci et l’explose. La pression de l’anévrisme est ainsi transférée sur celle de la prothèse. Les formes Les limites de la mise à plat – prothèse industrielles d’endoprothèse sont produites en semi-sur-mesure (assemblage des différents modules) mais des limites existent pour cette gamme La méthode ancienne utilisée pour traiter les anévrismes de l’aorte est la mise à plat - prothèse. Elle standard d’implants. Pour certains patients nécessitant des prothèses parfaitement morpho-ajusconsiste à ouvrir le tronc, à interrompre la circulation avec des clamps et à interposer un manchon tées, l’intérêt du personnalisé, du sur-mesure est synthétique qui assure la fonction d’aorte. évident. Ce type de produit a été développé à l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) en Cette intervention, qui fonctionne très bien, a atpartenariat avec des universités et des industriels. Il teint, dans les années 1990, un palier de maturité est actuellement réalisé à la Pitié-Salpêtrière dans technique. Grâce à une meilleure prise en compte un laboratoire conçu spécialement pour cette fabrication et bénéficie d’un statut de préparation du risque lié aux comorbidités respiratoires et rénales (l’âge moyen des patients est de 76 ans), magistrale. Constitué d’un assemblage de difféaux progrès en anesthésie-réanimation et de toutes rents éléments, la prothèse sur-mesure a la forme les techniques de support, le taux de mortalité d’un tube avec des bouchons inclusifs. post-opératoire a atteint 3,8%. Avec pour résultat à long terme une guérison totale de l’anévrisme. Toutefois, la méthode est associée à 10 à 30% de laissés-pour-compte pour risque chirurgical, ainsi qu’à une morbidité post-opératoire fonction du risque (insuffisances cardiaques, respiratoires, rénales, etc.). De plus, en matière d’anévrismes rompus, le constat est sévère, avec 70 à 90% de décès péri-opératoires et plus de 75% de morbidité post-opératoire. D’où l’intérêt, pour certains patients âgés ne pouvant supporter ce type d’intervention, de la deuxième technique, endovasculaire. e 29 JOURNÉES PHARMACEUTIQUES SANOFI 11 SANTÉ : CONJUGUONS LE FUTUR FUTUR PROCHE OU FUTUR ANTÉRIEUR // LES TECHNIQUES DU FUTUR Bons résultats chez les patients à haut risque Le sur-mesure selon Endonov La technique d’endoprothèse a été appliquée à 820 malades à haut risque chirurgical (les laissés-pour-compte chez lesquels la chirurgie était contre-indiquée). Elle s’appuie sur un montage simple et robuste avec un manchon morpho-ajusté mais quelques tubes, des prothèses hybrides (un concept inventé à la Pitié-Salpêtrière ; il s’agit d’endoprothèses à un bout et d’exoprothèses à l’autre bout) et un obturateur de l’aorte (dans 5 cas) sont également utilisés. Parmi ces malades traités, 32 sont décédés précocement (3,9%). À côté de ce constat, l’analyse de la courbe de survie montre que la majorité des personnes traitées meurent de pathologies sans rapport avec l’anévrisme (décès à long terme ayant pour origine un cancer, une cause cardiaque, un AVC). Endonov a été créée en 2013 pour fabriquer et commercialiser les endoprothèses sur-mesure. Cette jeune start-up a ouvert au Mans une unité de production sous licence exclusive AP-HP qui vient d’obtenir son agrément « usine de fabrication de dispositifs médicaux ». L’obtention du marquage CE permettra de produire l’endoprothèse abdominale et d’obtenir son remboursement. De quoi est faite une prothèse ? Un certain nombre de fuites - qui constituent le risque des prothèses - ont par ailleurs été constatées dans le suivi. Le taux de fuite enregistré est toutefois inférieur à celui observé avec les endoprothèses industrielles (7%). Quant au taux résiduel d’endofuites au dernier suivi des malades, il est de 3,2%. Une prothèse est constituée : • d’un morceau de textile sur lequel va appuyer le flux sanguin, • d’un système de ressort (stent ou structure métallique auto-expansive) qui va maintenir la prothèse, Au final, ce travail représente un apport majeur, utile chez les malades à haut risque chirurgical, de plus en plus nombreux du fait du vieillissement de la population. Chez ceux-ci en effet, les résultats immédiats sont désormais semblables à ceux obtenus chez les individus à bon risque chirurgical. Il s’agit, certes, d’une solution plus palliative que le traitement ouvert mais la tendance vers le sur-mesure se confirme néanmoins. e 29 JOURNÉES PHARMACEUTIQUES SANOFI • de fils de suture servant à relier les différents éléments. 12 SANTÉ : CONJUGUONS LE FUTUR FUTUR PROCHE OU FUTUR ANTÉRIEUR // LES TECHNIQUES DU FUTUR Robots chirurgicaux : y-a-t-il un pilote ? Professeur Guy Vallancien, Chef du département d’urologie – Institut Mutualiste Montsouris, Paris Un trocart placé dans l’abdomen, une optique visualisant l’intérieur, un bras articulé comme une main… L’instrument d’intervention de demain possède une incroyable capacité. Aujourd’hui, les robots ont un pilote, l’homme assurant la gestuelle télétransmise. Demain, peut-être plus. Un seul trocart de vingt-sept millimètres de diamètre est placé dans l’abdomen, le système optique se promène partout à l’intérieur. Une fois la zone repérée (déjà détectée), les bras articulés vont aller agir exactement comme une main. C’est l’approche chirurgicale du produit conçu pour les opérations à venir. Un exemple de plate-forme chirurgicale robotisée Le système da Vinci se compose de trois modules : • une console ergonomique derrière laquelle le chirurgien est confortablement installé, la tête rentrée à l’intérieur de la console (dès qu’il sort la tête la machine s’arrête), les pouces et les index manipulant deux petits joysticks pour télémanipuler, opérer, avec une vision en 3D du champ opératoire, Bientôt un robot sans pilote ? L’instrument de demain est prêt. Il suffira de le relier à l’imagerie obtenue préalablement à l’intervention pour qu’il travaille tout seul. Si, aujourd’hui, il y a un pilote dans le robot via la télémanipulation, demain ce ne sera peut-être plus le cas. Les raisons qui poussent vers cet incroyable changement ? La clinique est en train de disparaître sous la progression de la biologie ou de l’imagerie, les petites tumeurs sont retrouvées à des stades très précoces et le corps médical est de plus en plus souvent confronté à des pathologies minimales. Ces techniques de chirurgie non invasives à travers un seul trocart vont de fait pouvoir être utilisées pour traiter les malades, avec le minimum d’agression et de déplacement des organes à l’intérieur du corps. Et demain, des fibres laser pourront être ajoutées dans le but de détruire la lésion sans agresser les tissus. • une partie mobile (chariot) placée sur le malade et pilotée par le chirurgien depuis sa console ; elle est équipée de bras articulés (offrant une amplitude de 360°) et interactifs, d’un système de vision haute performance (caméra 3D) et d’instruments, • une partie informatique pour la télémanipulation. Pour accéder à l’organe à opérer, les instruments sont introduits et mis en place dans le corps du patient au travers de petites incisions de la taille d’une pièce de monnaie. Le système répond aux ordres du chirurgien en temps réel. Il met à l’échelle, filtre et convertit les mouvements des mains, poignets et doigts du chirurgien, en mouvements précis d’instruments miniatures introduits dans le corps du patient. Cet appareil a été développé par un chirurgien et un ingénieur issu de la Nasa il y a une vingtaine d’années. Les deux ont créé Intuitive Surgical, la seule société au monde produisant des robots de façon industrielle. Plus de 2 200 ont déjà été vendus (dont 80 en France) au prix de 2 millions d’euros la machine (+ 120 000 euros de maintenance par an et 1 200 euros de matériel par intervention). e 29 JOURNÉES PHARMACEUTIQUES SANOFI 13 SANTÉ : CONJUGUONS LE FUTUR FUTUR PROCHE OU FUTUR ANTÉRIEUR // LES TECHNIQUES DU FUTUR Vers l’industrialisation de la médecine Une relation médecin – malade augmentée Au regard de cette évolution, une mutation considérable de la médecine et des médecins est en train de se produire. Demain, le chirurgien sera un ingénieur opérateur certifié pour un appareil donné ou une zone d’action précise (abdomen, thorax, etc.), il sera ultraspécialisé. La sécurité chirurgicale passe par cette spécialisation extrême qui améliore les résultats pour la globalité des patients*. L’informatisation est donc reine. Parallèlement, les blocs opératoires se transformeront en « halls opératoires », multi-opérationnels, avec des aires de stationnement, une salle de pré-anesthésie où le malade sera endormi, placé en position opératoire, avec un robot qui le conduira et le positionnera ensuite dans le hall. L’équipe chirurgicale et anesthésique arrivera alors, l’opération sera faite, le malade repartira avec le robot vers la salle de réveil. Tout va, ainsi, vers une optimisation des moyens matériels et humains, vers l’industrialisation de la médecine. L’autre intérêt de cette avancée technologique est qu’elle permettra de rendre du temps, de l’écoute et de la parole au médecin. Car ce n’est pas parce que des robots, des ordinateurs seront utilisés que les médecins disparaîtront. Au contraire, ils seront des personnes rares et chères, sollicitées, via la télémédecine, pour faire face aux déserts médicaux. Les outils sont là, à disposition, pour assurer les soins. Au-delà des progrès de la technique et de la chirurgie, c’est la totalité du monde de la médecine qui est en train de basculer, avec une répartition différente des tâches. Les médecins vont devoir accepter de travailler avec d’autres professionnels. C’est un travail d’équipe - que les jeunes intègreront à n’en pas douter - qui se profile. L’optimisme est de mise, à condition toutefois que, politiquement, les autorités s’intéressent à ces développements. Une vision prospective est nécessaire pour, progressivement, arriver à faire bouger les esprits et mûrir les mentalités. * Paris Descartes souhaite développer une filière d’ingénieurs opérateurs non médecins. e 29 JOURNÉES PHARMACEUTIQUES SANOFI 14 SANTÉ : CONJUGUONS LE FUTUR FUTUR PROCHE OU FUTUR ANTÉRIEUR Président de séance : Frédéric Pinguet, Pharmacien, Praticien hospitalier – Institut du Cancer, Montpellier Progrès en oncologie : demain et après-demain Professeur Alexander Eggermont, Directeur Général – Institut Gustave Roussy, Villejuif Grâce aux progrès de la biologie moléculaire et au développement de la médecine de haute précision et personnalisée, des avancées très importantes sont constatées en oncologie. Le mélanome en est un exemple. Jusqu’à il y a cinq ans, le mélanome était l’une des pires maladies en cancérologie, sans médicament hormis un dont le taux de réponse se situait entre 5 et 10%, sans preuve d’une différence visà-vis de la survie. Aujourd’hui, plusieurs molécules d’immunothérapie sont en développement dont l’anti-PD-1, qui donne un taux de réponse très impressionnant et pour lequel certains travaux suggèrent qu’il pourrait être encore plus prometteur. Une molécule anti-MEK, molécule inhibitrice de la protéine kinase MEK (MAPk-ERK-Kinase) a, par ailleurs, été développée, qui donne des effets plus ou moins équivalents à ceux d’un inhibiteur de BRAF. Combinés ensemble, ces deux molécules augmentent encore les taux de réponse via une combinaison à l’intérieur d’une voie de signalisation et une double inhibition. Trois essais randomisés ont été réalisés afin de comparer les effets d’un inhibiteur de BRAF tout seul avec ceux d’une combinaison inhibiteur BRAF + MEK. Ils ont montré L’impact limité des thérapies ciblées actuelles une différence de survie globale d’environ deux mois. Ce volet concernant le développement de Dans le monde occidental, environ 50% des pace type de traitements ciblés arrive donc à sa fin tients atteints de mélanome ont une mutation du fait du problème majeur de l’hétérogénéité, BRAF. L’objectif thérapeutique, en présence de de la résistance innée de la tumeur mais aussi de cette mutation, est d’inhicelle acquise durant l’expo« Ailleurs comme en oncologie, sition au traitement. Mais un ber l’activation de la voie les processus bloqueurs de signalisation qui mène à autre frein existe : le regard une prolifération, et donc le très mono-dimensionnel ou inhibiteurs sont beaucoup moteur principal des cellules plus puissants que la mobilisation porté jusqu’à présent sur les cancéreuses. Le premier invoies de signalisation qui des activateurs. » hibiteur de BRAF développé n’est pas la réalité. apporte un taux de réponse pour 50% des patients avec BRAF. Un taux de réponse important, beaucoup plus élevé que Mieux comprendre les voies de signalisation les 5-7% obtenus avec la chimiothérapie. Mais si, d’après les résultats d’un essai randomisé de La question se pose de savoir comment identifier phase 3, l’effet sur de multiples métastases est les nœuds de convergence des voies de signalisation indispensables pour réaliser la transcription, spectaculaire après six semaines, avec une rémission complète, le cancer progresse à nouveau mais aussi comment déterminer à ce niveau des après quatre à cinq mois pour 50% des patients. inhibiteurs. Il faut aussi comprendre ce que signifie, Cela signifie que l’impact d’un inhibiteur de BRAF pour une autre voie active, perturber ou inhiber une n’est que transitoire. De plus, les traitements ciblés voie de signalisation dans la cellule cancéreuse, ont une toxicité, et notamment une photosensiet trouver comment celles-ci communiquent, inbilité avec un risque d’induction de carcinome teragissent entre elles (cross talk complexity). Un épidermoïde. Dans les faits, lorsque l’on réalise nœud de convergence vient d’être découvert : l’inhibition de la voie de signalisation, une réaccelui du Ras/Raf - PI3K - Caspase cascade (Nexus tivation s’installe par CRAF (effet carcinogène), eIF4F) qui est un nœud de résistance pour les anti-BRAF et anti-MEK. Pour le moment, la situation avec un effet de résistance contre l’inhibiteur de est la suivante, du fait des résultats qui bousculent BRAF. Il est donc risqué de proposer un inhibiteur le concept de la médecine personnalisée. de BRAF seul en traitement adjuvant. e 29 JOURNÉES PHARMACEUTIQUES SANOFI 15 SANTÉ : CONJUGUONS LE FUTUR FUTUR PROCHE OU FUTUR ANTÉRIEUR // LES THÉRAPIES NOUVELLES Les études montrent en effet qu’un inhibiteur de BRAF a un effet chez 80% des patients BRAF muté alors que l’on n’obtient que 5% de réponses dans les cancers colorectaux avec la même mutation. Un traitement ciblé n’est donc pas efficace dans toutes les tumeurs ayant la mutation, comme on le pensait : tout dépend des organes d’origine et les voies de signalisation dépendent de l’organe. Par ailleurs, pour les traitements de combinaison, il ne s’agit plus de démontrer les effets anti-tumoraux de chaque agent. C’est l’efficacité d’une combinaison qu’il faut mettre en avant. En parallèle à cette évolution, la question de la perception des voies de signalisation se pose. Dans le mélanome, si les cellules cancéreuses avec la mutation Ras/Raf constituent le moteur central, les interactions y sont très complexes. De fait, il est difficile de détruire ce moteur avec un simple inhibiteur de BRAF. Et même si cela est possible pendant quelque temps, d’autres moteurs risquent d’émerger par la suite et de devenir les nouveaux meneurs de cette cellule cancéreuse. D’où le grand projet de recherche qui est celui du développement des mutation driven drugs. deux à dix ans. On arrive ainsi à réactiver le système immunitaire de façon à contrôler et éviter la progression des tumeurs. Une autre stratégie d’immunothérapie est tentée actuellement autour de PD1 qui est capable de réagir avec un récepteur spécifique, PDL1, présent sur la surface des cellules cancéreuses. En fait, quand le récepteur et son ligand sont liés, il se forme une sorte de bouclier rendant la cellule cancéreuse invisible par le système immunitaire du patient. Des anti-PD1 et des anti-PDL1 ont donc été mis au point pour bloquer cette liaison et permettre au système immunitaire de reconnaître les cellules cancéreuses afin de les détruire. Puissantes, plusieurs d’entre elles sont également testées pour de nombreux autres cancers. Apparue dans le New England Journal of Medicine il y a trois ans, la phase 1 montre une efficacité dans le mélanome métastatique, avec une durée médiane de réponse, quand on est répondeur à un anti-PD-1, qui se situe entre 20 et 24 mois. De plus, selon l’essai randomisé anti-PD-1 contre chimiothérapie, six mois d’administration de l’anticorps monoclonal n’a pas d’effet important en termes de toxicité. Si l’on compare avec un inhibiteur de BRAF, il y a une grande différence de durabilité. Immunothérapie et breaking tolerance Plus globalement, une révolution fondamentale est en cours, qui touche la façon de regarder et de manipuler le système immunitaire. Il s’agit du concept de breaking tolerance, avec les immune-checkpoint-blockers. Un concept qui découle de l’idée qu’il est beaucoup plus important d’inhiber les inhibiteurs que d’activer les activateurs. La domination à venir des immuno – combos Il est clair que les molécules anti-PD-1 vont devenir un traitement de première ligne pour tous les patients touchés par le mélanome. Sur ce volet, l’Institut Gustave Roussy est le siège du programme mélanome le plus important en Europe. La combinaison anti-CTLA-4 + anti-PD1 a-t-elle sa place ? Les deux anticorps présentent des mécanismes très différents - le premier agit dans le compartiment central, le second avec l’anti-PDL-1 en périphérie - mais très complémentaires. Si on réalise la combinaison, on arrive à un taux de réponse encore plus élevé mais aussi à une toxicité importante. En utilisant un immuno-combo dans le mélanome, on peut obtenir ainsi 90% de survie à un an et plus de 80% à deux ans (au lieu de 12% à deux ans il y a cinq ans). C’est donc une énorme avancée. Et cela signifie que, désormais, des combinaisons d’inhibiteurs vont être explorées pour approfondir cette breaking tolerance qui va devenir le moteur central du développement de traitements. Une approche qui ouvre en outre la porte à l’utilisation d’activateurs (pour les cytolytic T lymphocytes (CTL) qui, auparavant, étaient neutralisés dans la tumeur). Aller au bout de cette breaking tolerance devrait, d’autre part, donner une deuxième vie aux cytokines, aux chémokines, aux vaccins. Les deux premiers anticorps développés contre les molécules clés que sont CTLA4 (un récepteur qui a pour fonction normale d’inactiver les lymphocytes chargés de détruire les cellules tumorales) et PD-1 (une protéine présente à la surface des lymphocytes T mais aussi de type B) ont changé toutes les représentations en matière d’immunothérapie. La première molécule, un anticorps anti-CTLA-4, a été développée dans le but de restaurer et renforcer le système immunitaire en induisant l’activation et la prolifération des cellules T, un acteur important de ce système. En stimulant les cellules T, l’anticorps monoclonal permet de maintenir une réponse active du système immunitaire pour lutter contre les cellules cancéreuses. Le principe de l’approche est en fait d’inhiber l’inhibiteur : bloquer le récepteur CTLA-4 par un anticorps spécifique permet de lever le frein physiologique et d’activer le système immunitaire. Résultat : environ 20% de patients atteints de mélanome métastatique arrivent à contrôler leur tumeur pendant e 29 JOURNÉES PHARMACEUTIQUES SANOFI 16 SANTÉ : CONJUGUONS LE FUTUR FUTUR PROCHE OU FUTUR ANTÉRIEUR // LES THÉRAPIES NOUVELLES Innovations dans la thérapie du diabète de type 1 : aujourd’hui est déjà demain Professeur Eric Renard, Praticien hospitalier, Coordonnateur du département d’Endocrinologie Diabète, Nutrition, CHU de Montpellier. Institut de Génomique Fonctionnelle – Université de Montpellier Comment obtenir la meilleure vie possible quand on est diabétique et traité à l’insuline ? La réponse se trouve dans les innovations thérapeutiques qui apportent des progrès importants dans la façon d’administrer l’insuline, avec l’objectif d’alléger le traitement. Mesure continue du glucose et accompagnement Si la baisse de l’HbA1c diminue le risque de développer les complications de l’hyperglycémie chronique, elle entraîne une augmentation du risque des accidents hypoglycémiques sévères. C’est tout l’enjeu du traitement du diabète de type 1 : obtenir un bon pronostic au long cours sans traitement trop agressif. Il est donc primordial, dans la prise en charge des patients, de viser d’emblée la bonne cible et d’utiliser les bons moyens pour l’atteindre. La mesure continue du glucose consiste à placer sous la peau un petit capteur « intelligent », revêtu de la glucose-oxydase, enzyme spécifique du glucose. Si du glucose est présent autour du capteur, un signal électrique est créé par l’enzyme, proportionnel à la glycémie. Ces capteurs peuvent être utilisés, soit dans un but d’enregistrement (mesure du glucose puis lecture du profil du patient), soit pour mettre à disposition la connaissance de la glycémie en temps réel dans le but d’ajuster le traitement. L’utilité de la mesure continue du glucose est évidente : identifier les facteurs impliqués dans le défaut de contrôle du diabète, que ce soit sur le plan alimentaire ou thérapeutique. Les traitements pour atteindre l’objectif Le concept thérapeutique qui prévaut est celui du basal-bolus. Celui-ci consiste, d’une part, à assurer les besoins d’insuline de base pour contrôler la glycémie dans les phases de jeûne, à distance des repas, d’autre part à permettre un apport d’insuline mimant la physiologie lors des prises alimentaires. Actuellement, la plupart des diabétiques Grâce à cette identification, l’éducation du patient peut être reprise et son accompagnement reproduisent ce schéma par des multi-injections renforcé de manière à aider la prise de décision d’insuline, de base le soir et ultra-rapide à chaque ou changer d’option thérapeutique. repas. Sont utilisés pour cela les analogues de l’insuline : d’action prolongée et à résorption très Par ailleurs, en matière d’aclente, et d’action ultra-ra« Une réduction de 10% pide. Double objectif visé : compagnement, l’approche de l’HbA1c réduit de 25-35% développée actuellement, approcher l’HbA1c normale sans augmenter les hypogly- le risque de microangiopathie comme dans d’autres docémies. Ceci oblige toutefois maines, est la télémédecine. à 10 ans. » les patients à se piquer le bout du doigt pour mesurer leur glycémie plusieurs fois Plus concrètement, il s’agit de donner au patient par jour, avant chaque injection mais aussi après le moyen d’interagir avec son médecin et son les repas. De fait, les contraintes liées à la maladie équipe de soins plus souvent que lors des classiques consultations trimestrielles. sont importantes. De plus, un certain nombre de patients ne vont pas arriver dans la norme (cible L’intérêt est la mise en place de systèmes connecnon atteinte avec une HbA1c persistant à plus de tés qui vont envoyer les informations à l’équipe 7,5 %, cible atteinte au prix d’hypoglycémies fréquentes ou HbA1c au-delà de 7,5 % avec nomde soins, qui va ainsi pouvoir en retour donner breuses hypoglycémies). De fait, la technologie des conseils d’adaptation thérapeutique (via le et les nouveaux modes de traitement ont ici toute smartphone par exemple). Toutes les informations leur place. Trois grandes voies d’innovation sont peuvent être envoyées sur le cloud auquel le médecin peut accéder. suivies : la télémédecine appliquée au diabète, la perfusion continue d’insuline avec les pompes, la mesure continue du glucose. e 29 JOURNÉES PHARMACEUTIQUES SANOFI 17 SANTÉ : CONJUGUONS LE FUTUR FUTUR PROCHE OU FUTUR ANTÉRIEUR // LES THÉRAPIES NOUVELLES Les systèmes de pompe à insuline Vers des systèmes complètement automatisés Une autre solution pour améliorer le traitement et la vie des patients est le développement des systèmes de pompe à insuline. Ceux-ci s’appuient sur le principe suivant : délivrer en permanence de l’insuline sous la peau sous forme basale, déterminée selon les besoins, et des bolus au moment des repas. L’avantage de ces traitements par pompe – qui doivent être suffisamment petits et amovibles pour être acceptables - est de pouvoir moduler les apports d’insuline en fonction des besoins et ainsi minimiser le risque d’hypoglycémie pour atteindre la cible. Si leur indication principale est la variabilité de la couverture basale, c’est le traitement idéal pour les patients diabétiques de type 1. Ces pompes ne cessent en outre de s’améliorer, avec notamment l’arrivée des pompes-patch, plus discrètes, plus pratiques et multifonctions : communicantes, elles envoient les informations au niveau d’un serveur central où les données peuvent être récupérées. Mais des limites existent à leur emploi : les contrôles fréquents de la glycémie (sept à dix fois par jour), pour un maximum de bénéfice. Solution : combiner mesure du glucose en continu et pompe via des systèmes pompes-capteurs séparés ou intégrés. Les résultats obtenus par ce biais sont significatifs, avec une amélioration de l’HbA1c. Ces dispositifs constituent, de plus, de vrais systèmes auto-éducatifs qui permettent aux patients d’améliorer leur contrôle. Après les défis de la mesure glycémique et de la délivrance d’insuline, reste l’objectif d’automatiser les systèmes de telle façon que l’information glycémique adapte directement le débit de la pompe. La première étape vers cette automatisation est un système pompe-capteur qui va mesurer un niveau glycémique, déclencher une alarme auprès du patient et couper le débit si besoin pour éviter que l’hypoglycémie s’aggrave. Les premiers modèles sont aujourd’hui commercialisés. Autre innovation : les pompes implantables qui vont délivrer l’insuline directement dans le péritoine. Indiquées dans les cas de diabète très instable (elles concernent surtout les patients ne supportant pas ou absorbant mal l’insuline par voie sous-cutanée), elles apportent une excellente reproductibilité d’action de l’insuline et un contrôle glycémique stable (nette amélioration de l’HbA1c avec beaucoup moins d’hypoglycémies sévères). Au final, l’arsenal thérapeutique s’est beaucoup développé. La perspective désormais est de coupler l’ensemble pour que les patients aient une bonne délivrance d’insuline et une mesure continue du glucose, sans devoir prendre des décisions en permanence. C’est ce que l’on appelle le pancréas artificiel : l’information sur la glycémie en continu est envoyée à un smartphone qui, grâce à des algorithmes, commande la pompe pour délivrer l’insuline en quantité voulue sans l’intervention du patient. La boucle est fermée. Chiffres • En France, 35 000 personnes sont traitées par pompe à insuline et 1 enfant sur 2. • On compte environ 300 pompes implantées. Pancréas bioartificiel à l’essai • La durée de vie d’une pompe implantée est de 8 ans. Un pancréas bioartificiel est actuellement développé dans le cadre d’un projet européen. • Son coût est de 25 000 euros. Au lieu d’être implantés dans le foie, les îlots humains sont placés dans une poche dotée d’une membrane particulière, perméable au glucose et à l’insuline et imperméable aux cytokines et aux molécules de l’immunité. L’objectif de cette greffe d’îlots encapsulés est de limiter l’immunosuppression. e 29 JOURNÉES PHARMACEUTIQUES SANOFI 18 SANTÉ : CONJUGUONS LE FUTUR FUTUR PROCHE OU FUTUR ANTÉRIEUR // LES THÉRAPIES NOUVELLES Thérapies du futur : le modèle des maladies génétiques Professeur Alain Fischer, Directeur scientifique de l’Institut hospitalo-universitaire Imagine Titulaire de la chaire Médecine expérimentale au Collège de France L’application de la thérapie génique montre des progrès notions. Si les avancées touchent encore essentiellement le domaine des maladies héréditaires du système immunitaire, progressivement, les indications s’élargissent. Le concept de thérapie génique date d’il y a un peu moins de cinquante ans, dans l’idée de corriger des maladies héréditaires avec des mutations de gène. Cette idée s’est, depuis, développée avec des succès récents. Le principe est simple et consiste à apporter, au sein des cellules pathologiques, une copie normale, fonctionnelle du gène défectueux. Mais le souhait est aussi de pouvoir éteindre l’expression d’un gène dont les conséquences sont pathologiques, avec l’espoir, un jour, de corriger directement la mutation en la supprimant. souches qui ont une capacité d’auto-renouvellement. Dans ce contexte, si l’on peut modifier le génome d’une telle cellule, alors il est possible de donner naissance à tous les composants périphériques (lymphocytes, globules blancs et rouges, plaquettes). Avec, potentiellement, une capacité d’actions sur une série de maladies héréditaires que sont les déficits immunitaires ou maladies des globules blancs, certaines pathologies métaboliques telles que les maladies héréditaires de l’hémoglobine, la bêta-thalassémie et la drépanocytose. Ce système a été le premier pour lequel une efficacité a été obtenue. Ceci pour deux raisons. D’une part, l’accès à ces cellules est facile. D’autre part, dans le système de production des globules blancs, et spécifiquement des lymphocytes T (des cellules à très longue durée de vie), la capacité de prolifération des précurseurs est énorme. Système hématopoïétique et premiers succès La première application de thérapie génique qui a montré un bénéfice clinique pour les patients concerne le système sanguin. Pour rappel, l’hématopoïèse est fondée sur l’existence de cellules e 29 JOURNÉES PHARMACEUTIQUES SANOFI 19 SANTÉ : CONJUGUONS LE FUTUR FUTUR PROCHE OU FUTUR ANTÉRIEUR // LES THÉRAPIES NOUVELLES On a ainsi compris, il y a quinze-vingt ans, que si l’on est capable de corriger un petit nombre de cellules précurseurs des lymphocytes (dans les situations où les maladies génétiques bloquent leur développement), ces cellules corrigées, même en petit nombre, seraient capables de proliférer et de produire massivement des lymphocytes T à longue durée de vie. Toute pathologie confondue, il s’agit donc de la situation la plus aisée pour l’accès à la thérapie génique. d’avoir des lymphocytes T qui se développent. Le bénéfice clinique est indiscutable avec, pour ces adolescents, une qualité de vie normale, sans traitement pour la plupart. Concernant l’ADA, sur quarante-deux patients traités dans une première série de travaux, trenteet-un sont en vie, avec un recul de quatorze ans pour les premiers. Un succès dû à la thérapie génique qui leur a apporté un système immunitaire suffisamment fonctionnel. Au total, ces quarante-neuf patients apDans ce domaine, des thé« Les cellules souches rapeutiques existent depuis portent la preuve que cette de la moelle osseuse sont quarante à cinquante ans, qui approche peut être efficace sont les allogreffes de moelle utilisées couramment depuis dans les cas les plus favorables. La survenue d’une leuosseuse. Celles-ci ont toutefois cinquante ans pour réaliser cémie – conséquence directe une efficacité limitée lorsque des allogreffes de cellules de la thérapeutique - chez le donneur n’est pas compasouches hématopoïétiques, tible dans le groupe tissulaire certains patients atteints de HLA. Il y a donc un vrai besoin DISC-X, a toutefois conduit au pour traiter des maladies d’améliorer les résultats. héréditaires, des leucémies. » développement de nouveaux vecteurs. Des vecteurs qui permettent de limiter le risque de transactivation Une approche efficace dans les cas les plus d’un oncogène et l’évolution vers un phénomène favorables cancéreux. De nouveaux essais thérapeutiques ont donc été réalisés pour démontrer l’efficacité Pour deux des formes de déficit immunitaire exde cette démarche. Ils montrent, avec quelques trêmement graves où la greffe de moelle osseuse années de recul, que ces vecteurs de deuxième peut être efficace mais avec des limites - le déficit génération sont plus sûrs. Ils donnent de plus des immunitaire combiné sévère lié au chromosome résultats suffisamment encourageants pour permettre de poursuivre le traitement de maladies X (DISC-X) et le déficit en adénosine désaminase graves dont le pronostic est sombre. De fait, (ADA) – les essais de thérapie génique ont commencé. Le DISC-X est lié à un déficit d’une prod’autres formes de déficiences immunitaires hérétéine appelée gamma-c exprimée à la surface ditaires sont l’objet d’essais du même type, avec des cellules du système immunitaire et dont la une extension à d’autres pathologies du système déficience provoque une absence complète hématopoïétique comme les maladies héréditaires de l’hémoglobine ou métaboliques. des lymphocytes T et NK. L’ADA est, quant à lui, une maladie du métabolisme des purines dont la conséquence est la mort prématurée de tous les Recombinaison entre les séquences, mutée et précurseurs lymphocytaires. non mutée Le procédé appliqué à DISC-X débute par le prélèvement de cellules à partir de la moelle osseuse Peut-on progresser dans la sécurité et dans la physiologie ? L’approche d’aujourd’hui est d’infecter de l’enfant malade. Le vecteur – un rétrovirus qui les cellules souches avec un rétrovirus qui contient contient le gène codant pour la protéine gamma une copie fonctionnelle du gène (donc sans la c - est ensuite mis en contact avec ces cellules mutation), avec l’idée d’obtenir une intégration dans le but de les infecter et d’induire l’intégration du gène dans le génome. Ce gène peut être exdu gène dans le génome. Plus précisément : une primé mais ce système, s’il peut être suffisant, n’est fois que le virus a pénétré, l’ARN est rétro-transcrit pas physiologique. Une alternative à cela est posen ADN et le provirus (copie ADN du virus) s’intègre dans le génome ; le gène devient alors un sible et consiste, non pas en l’ajout d’un gène mais élément du génome qui est répliqué à chaque dien sa réparation. Cette procédure repose sur une vision cellulaire et transcrit. Les cellules sont ensuite double technologie tout en utilisant des vecteurs réinjectées au malade. Le premier essai a eu lieu qui ne s’intègrent pas : l’apport d’un petit morceau de la séquence non mutée du gène, mais en 1999 et 2002 et les premiers résultats, obtenus aussi d’une enzyme qui va couper l’ADN à côté sur deux essais et chez vingt patients, sont globalement satisfaisants : dix-huit sont en vie dont dixde l’endroit où se trouve la mutation (enzyme sept grâce à la thérapie génique qui leur a permis dont on est capable de modifier la séquence de e 29 JOURNÉES PHARMACEUTIQUES SANOFI 20 SANTÉ : CONJUGUONS LE FUTUR FUTUR PROCHE OU FUTUR ANTÉRIEUR // LES THÉRAPIES NOUVELLES telle manière à ce qu’elle agisse de manière très spécifique). Le résultat final est une recombinaison entre les séquences, mutée et non mutée, et la reproduction d’un gène normal. Transporteurs de gènes Transporter du matériel nucléique dans les cellules nécessite un vecteur. Ceux utilisés actuellement, d’origine virale, sont de deux types : Ce système fonctionne en laboratoire, sur un nombre limité de cellules, en division, mais pas encore complètement sur les cellules souches. Cette technologie pourra donc peut-être un jour être utilisée. • si l’on souhaite que le matériel génétique soit persistant dans une cellule qui ne se divise pas, le vecteur de choix est un virus adénoassocié (AAV). Son intérêt : permettre d’obtenir l’expression stable de gènes. En dehors des déficits immunitaires, la thérapie génique a montré une certaine efficacité dans l’adrénoleucodystrophie via la correction de cellules souches et les résultats sont également encourageants dans la leucodystrophie métachromatique. Ainsi, progressivement, les indications s’élargissent, également aux maladies du globule rouge, beaucoup plus fréquentes que les précédentes pathologies mais aussi plus compliquées à traiter. Par ailleurs, des progrès sensibles apparaissent pour quelques maladies touchant des cellules qui se divisent peu, comme l’hémophilie et les maladies génétiques de la rétine. En parallèle à ces avancées, il manque encore la capacité de production en grande quantité des particules virales (AAV, lentivirus). L’espoir est en outre qu’à l’avenir, des techniques comme la modification ex vivo de cellules souches, le gene editing, rendent plus aisées ces approches, qui restent très artisanales même si les résultats préliminaires sont encourageants. e 29 JOURNÉES PHARMACEUTIQUES SANOFI • en revanche, pour traiter un système cellulaire qui se divise beaucoup (comme les cellules sanguines), le gène thérapeutique doit être inclus dans le matériel génétique de la cellule : c’est donc un rétrovirus qui est choisi. Parmi ces virus qui ont la capacité de rétrotranscrire l’ARN en ADN, celui de l’immunodéficience humaine (VIH) est le plus communément utilisé. Une fois modifié pour le rendre non toxique, c’est en effet un excellent vecteur de thérapie génique. 21 SANTÉ : CONJUGUONS LE FUTUR FUTUR : IMPARFAIT ET PLUS QUE PARFAIT Président de séance : Professeur Gérard Viens, Économie et Gestion de la Santé – ESSEC Protection sociale : où trouver le financement pour les dépenses de santé de demain ? Christian Charpy, Secrétaire Général de la Commission des Comptes de la Sécurité Sociale Quel est l’avenir de l’Assurance maladie ? Pourra-t-on garder le même périmètre de la solidarité nationale ? Où trouver le financement pour payer les progrès en matière de prise en charge des besoins en santé ? Des solutions sont à trouver pour assurer la pérennité et l’efficacité de notre système de santé. La question du financement des dépenses de santé de demain soulève d’autres interrogations, notamment sur l’évolution de ces dépenses sur les quarante ou cinquante prochaines années, sur la capacité de notre pays à soutenir financièrement celles-ci au regard de la situation des comptes de la Sécurité sociale et de l’Assurance maladie, sur la participation des ménages à ce financement. des dépenses à long terme (2060) a été réalisée, il y a deux-trois ans, par la direction du Trésor (un service du ministère des Finances). Celle-ci prend en compte les déterminants majeurs que sont le niveau de vie, les évolutions sanitaires, celles des connaissances médicales et du progrès technique. Elle repose d’autre part sur les hypothèses, entre autres, d’une poursuite de l’allongement de l’espérance de vie, d’un taux de prévalence des affections de longue durée (ALD) qui croît avec l’âge, du coût de la dernière année de vie. Selon ces projections, les DTS seraient à 13 au lieu des 11,4% aujourd’hui, ce qui n’est pas impossible à prendre en charge. Une progression maintenue des dépenses Dans notre pays, la dépense totale de santé (DTS) en pourcentage du produit intérieur brut (PIB*) est de l’ordre de 11,4, selon les derniers comptes de la Commission des comptes de la santé (2013). Comparés à ceux de nos autres partenaires de l’OCDE, ces chiffres se situent dans la fourchette haute. Mesures d’économies et réformes structurelles Aujourd’hui, le financement de la protection sociale s’appuie sur trois piliers : les cotisations sociales (pour sa plus grosse part), la contribution sociale généralisée (CSG) et, depuis 2012, l’impôt. Autrement dit, ce financement repose principalement sur les revenus d’activité. Considérée aujourd’hui comme extrêmement importante, cette part fait peser sur le coût du travail un poids qui s’accroît au cours des années. Or, l’accroissement du coût du travail nuit à l’emploi et donc aux recettes de la protection sociale, sa baisse étant a contrario une condition du redressement et de la compétitivité de notre pays. Ainsi, si l’on veut baisser ce coût, il faut diminuer ce qui pèse au titre de la Sécurité sociale sur les salaires ou le travail, trouver d’autres modes de financement ou réduire l’évolution des dépenses d’assurance maladie pour atténuer le déficit. A noter que les politiques d’allègement de charges et le pacte de compétitivité visent à réduire le coût du travail pour lutter contre le chômage. Si l’on regarde la situation des comptes de la sécurité sociale, celle-ci ne permet plus une progression Si l’on regarde l’évolution de la DTS dans le PIB au cours des cinquante dernières années, cette part a doublé entre 1960 et 1980, avec ensuite une progression qui s’est un peu ralentie, notamment dans la dernière période, sous l’effet de la crise économique. Depuis un an ou deux, apparaît un léger redémarrage de la progression dans la plupart des pays de l’OCDE, mais à rythme plus lent que par le passé. La France occupe toutefois une position particulière, en ce sens que, contrairement aux autres pays, sa situation budgétaire et financière, en termes de finances publiques, n’a pas été rétablie et que ses déséquilibres budgétaires (celui de l’Etat et surtout celui de la Sécurité sociale) font peser de lourdes contraintes sur le système de santé. Va-t-on assister, comme dans les cinquante dernières années, à un doublement des dépenses de santé dans le PIB ou verra-t-on une évolution plus modérée ? Une projection économétrique e 29 JOURNÉES PHARMACEUTIQUES SANOFI 22 SANTÉ : CONJUGUONS LE FUTUR FUTUR : IMPARFAIT ET PLUS QUE PARFAIT Améliorer l’efficience pour assurer la pérennité forte des dépenses de santé. En outre, son déficit ne s’est pas réduit ou très modérément et il reste même constant, depuis 2004, sur la branche maladie de la Cnam. Le retour à l’équilibre impose de fait des mesures d’économies sur l’assurance maladie. Concernant l’évolution annuelle de ces dépenses, d’après les études économétriques, celles-ci augmentent de 5% si on ne fait rien (estimation de la croissance tendancielle). Dans l’objectif, annoncé, de ramener ces dépenses, sur la période 2015-2017, à 2% en moyenne, trois leviers classiques de maîtrise sont à disposition : les prix, les taux de remboursement et les franchises, les volumes (maîtrise médicalisée). Un autre levier est celui de l’organisation du système de soins. Compte tenu du fait qu’il existe assez peu de marge sur les financements de l’assurance maladie et sur le reste à charge des ménages, que les dépenses de santé vont augmenter, comment résoudre cette problématique ? Celle-ci ne se résout pas uniquement par des solutions financières mais aussi par des mesures structurelles pour améliorer l’efficience du système de santé, de manière à assurer sa pérennité. France Stratégie a réalisé tout un travail pour voir si notre système de santé était ou non efficace au regard de son haut niveau de dépenses publiques de santé. Il montre que la performance de Au cours des quatre à cinq dernières années, le la France en termes d’espérance de vie à la naissance est assez bonne, sans être exceptionnelle, rythme de croissance des dépenses d’assurance mais que sur le plan de la mortalité infantile, les maladie est passé de 7,1% à 2,2-2,6% d’évolution taux ne sont pas les plus favoannuelle. Ce qui est un progrès très sensible, l’objectif rables. Par ailleurs, en prenant « Les cotisations sociales national des dépenses d’asquatre pays et quatre thèmes et la CSG représentent près surance maladie (Ondam) (l’accès aux soins, celui aux étant, depuis quatre ans, res- de 400 milliards d’euros et plus nouveaux médicaments, les de 80% du financement pecté. Si les outils traditionnels dépenses de prévention, la de maîtrise des dépenses ont prévalence de la mortalité de la protection sociale. » bien fonctionné, ils atteignent infantile, des dépressions, des désormais leurs limites, même s’il existe encore cancers, etc.), la France apparaît avec des points une marge sur l’utilisation du générique. Toutefois, très positifs mais n’est pas en très bonne place en si la régulation par les prix a été largement utilitermes de résultats globaux. Si l’on dessine une sée, en revanche, celle utilisant le taux de remfrontière d’efficience (optimum qu’il est possible boursement est très peu employée aujourd’hui, le d’atteindre pour un niveau de dépense publique gouvernement actuel ne portant pas en avant le de santé), la France ne se situe pas sur celle-ci. thème de la responsabilisation du consommateur Si son système était bien organisé ou totalement de soins. La maîtrise médicalisée est, d’autre part, efficient, notre pays pourrait avoir de meilleurs résultats, mais avec 1,5% en dessous de dépenses un concept qu’il faut continuer à faire fonctionner. de santé dans le PIB. Il y a donc une capacité à avoir un système plus efficient pour le monHormis ces outils, la mise en place de réformes tant des dépenses que l’on y met. Ce qui signistructurelles plus ambitieuses, pour une organisation ville-hôpital plus cohérente, constitue une fie que la qualité du système de santé en termes voie à suivre. Des économies sont à faire, mais d’efficience et de résultat objectif reste perfectible. Les années à venir verront une progression cette mise en place impose des bouleversements des dépenses de santé – inévitable - mais cette extrêmement importants au sein des hôpitaux. augmentation reste soutenable à moyen et long L’intérêt est pourtant là : permettre de réduire la terme pour autant que des efforts soient réalisés progression des dépenses de santé. pour accroître l’efficacité globale du système : en mettant en place des mesures structurelles quant Quid de la participation des ménages au financement des dépenses ? Plus celles-ci reposent sur à l’organisation des soins, en faisant participer les le financement public, plus cette participation est différents acteurs (médecins, hôpitaux, industries faible, et inversement. Est-on capable d’accroître pharmaceutiques) et en leur faisant confiance significativement la part des dépenses privées ? pour réguler le système, en évaluant en permanence, dans une perspective à la fois médicale et S’il est possible d’augmenter la part du reste à médico-économique. Aucune piste ne doit être charge dans une logique de responsabilisation, négligée pour améliorer l’efficience. L’enjeu est imcette approche a des limites puisqu’elle peut portant : conserver un système de santé efficace, conduire au développement des inégalités et au qui garantit à chacun des soins dans des condirenoncement aux soins. Elle ne peut donc que tions économiquement supportables pour le pays. rester marginale. * Le PIB est d’environ 2.000 Md€. e 29 JOURNÉES PHARMACEUTIQUES SANOFI 23 SANTÉ : CONJUGUONS LE FUTUR FUTUR : IMPARFAIT ET PLUS QUE PARFAIT Heureux, chez soi : comment aménager pour ne pas avoir à déménager ! Docteur Jean-Marie Vetel, Directeur médical du groupe Dolcea Vieillir bien chez soi et éviter la maison de retraite est le souhait de la majorité de la population française. Dès lors, une idée s’impose, celle de faire évoluer son domicile. Entre le domicile d’aujourd’hui et la maison de retraite, il manque actuellement une solution de continuité pour les personnes âgées. Un nouveau concept apparaît, avec l’arrivée de la domotique et de l’ergonomie : l’appartement intelligent. L’objectif : réaliser une maison de retraite à domicile. Une démarche qui correspond au souhait de la population : vieillir chez soi. Accessibilité et ergonomie pour les WC également : penser aux sièges surélevés, barres d’appui et systèmes autonettoyants. De son côté, la cuisine doit aussi être parfaitement conçue pour la perte d’autonomie, donc accessible en position assise ou fauteuil roulant, avec un plan de travail électrique, des éléments à hauteur variable pour mettre tout à portée de main, un réfrigérateur et un four à bonne hauteur. Points clés pour un environnement ergonomique Le dernier point consiste à éprouver, dans cet appartement aménagé, un sentiment de sécurité. Fabriqués dans ce but, des appareils comme les digicodes, les visiophones sont très rassurants. Attention toutefois : tous ces aménagements nécessitent d’y avoir réfléchi à l’avance. En premier lieu, la taille du logement doit être adaptée, donc pas trop grand. Deuxième élément clé : le logement doit évoluer pour éviter la chute, qui peut tuer. De fait, les sols constituent un point d’extrême vigilance : ils doivent être non glissants et souples (pas de carrelage mais du parquet, de la moquette ou des sols avec amortisseurs), sans ressaut ni marche. Attention également aux escaliers intérieurs (l’installation d’une rampe glissante peut être envisagée). L’acuité visuelle baissant avec l’âge, un éclairage efficace, partout, est primordial (les lampes doivent s’allumer sans attendre, avec 20% de puissance supérieure à ce qui est normalement utilisé). Tour d’horizon des gérontechnologies fiables Pour permettre de construire ce logement du futur, la gérontechnologie est en plein essor. Avec des objectifs qui dépassent aujourd’hui le simple cadre ergonomique car visant la sécurité et le lien social. Parmi les technologies fiables : pour les malentendants, la sonnette munie d’un flash lumineux pour accueillir les visiteurs ou encore la boucle Par ailleurs, concernant le magnétique qui transmet di« Pour pouvoir intégrer, rectement aux appareils aumobilier, des aménagements dans son schéma corporel, ditifs, par radio fréquences, s’imposent : pas de tables les technologies du futur télé, radio, téléphone ; pour en verre et d’angles agressifs, des fauteuils ni trop bas la bonne observance des méet s’en servir efficacement, dicaments, un pilulier électroni profonds et au mieux élecil est indispensable de triques (avec assise qui se nique avec rappel visuel et s’appareiller avant 75 ans. » soulève et bascule en avant sonore des prises, et même pour pouvoir se lever sans effort), lit ni trop haut, connecté, automatisé avec traçabilité de l’observance ; pour tous, le chemin lumineux autoni trop bas, ni trop technologique. Les rangements matique nocturne pour baliser les trajectoires. Ces doivent de même être étudiés quant à leur capacité et leur accessibilité. Quant aux ouvertures, technologies sont efficaces et peu coûteuses. elles doivent, elles-aussi, faire l’objet de réflexions pour d’utiles adaptations : volets et rideaux élecEn matière de détection de chute, mieux vaut triques, portes coulissantes latéralement (si la perdes systèmes totalement indépendants à anasonne est en fauteuil roulant). Enfin, s’il est un lieu lyseur de champ (mais sans envoi d’image à un de tous les dangers, c’est la salle de bain. Celle-ci central) à des systèmes portés (colliers, bracelets) doit être vaste (pour accueillir un fauteuil roudevant être actionnés par la personne (très aléalant) et ergonomique : pas de baignoire mais une toires et stigmatisants). Ces dispositifs disposent de douche à l’italienne, lavabo avec poignets, etc. levée de doute vocal puis visuel, avec alerte sur e 29 JOURNÉES PHARMACEUTIQUES SANOFI 24 SANTÉ : CONJUGUONS LE FUTUR FUTUR : IMPARFAIT ET PLUS QUE PARFAIT smartphone ou tablette, dans le respect de l’intimité. En ce qui concerne le maintien du lien social, les télévisions connectées, communicantes et multifonctions (gestion de la domotique, Internet, Skype, etc.) jouent un rôle important (halte à l’isolement !). multiples surveillances et alertes télétransmises, qui sera qualifié pour le faire, pour prendre des décisions ? Sans compter les problèmes éthiques, juridiques et de sécurité des données personnelles que cela pose. Au final, si aménager son domicile* ou aller vivre dans un appartement parfaitement ergonomique et domotisé** est sûrement souhaitable, cela ne suffit pas. N’oublions pas également l’importance majeure de l’environnement. Ce qui signifie avoir, à proximité, un centre de santé, des restaurants convenables, des services d’aide et de soins à domicile, des commerces et des lieux de rencontre. Toute cette organisation reste à mettre en place. Quant à la santé, de nombreux e-dispositifs arrivent sur le marché, pour surveiller (et transmettre) diverses constantes (glycémie, Hb1c, tension, poids, etc.). Avec l’intérêt, pour le moment de la mise en mémoire d’éléments « longitudinaux » et de leur restitution via le smartphone lors d’une consultation. Toutefois, ces outils soulèvent des interrogations : qui recueillera, analysera les * Cela existe dans les Villa Sully ** Le coût est de 30% moins cher qu’une maison de retraite dans la ville où l’on vit e 29 JOURNÉES PHARMACEUTIQUES SANOFI 25 SANTÉ : CONJUGUONS LE FUTUR FUTUR : IMPARFAIT ET PLUS QUE PARFAIT Retour vers le futur : les grandes tendances du numérique Thierry Happe, Cofondateur et Président – NetExplo Modélisations de l’espace, du corps et des comportements : ces trois grands axes d’innovation ont été choisis par l’équipe de NetExplo pour montrer comment le monde numérique va transformer notre société. de l’Internet des objets ou objets connectés dont NetExplo est un observatoire mondial qui s’intéresse l’usage est en train d’exploser), de visualiser les à la transformation, avec Internet et le numérique, données jusqu’à tromper notre perception de de notre société et de notre économie. Chaque l’espace physique. année, cet observatoire produit une veille et édite un palmarès des cent usages qui vont changer La modélisation du corps – un corps qui participe notre façon de vivre, de s’informer, de communiquer, de consommer, de s’éduquer, de se soigner de la grande quantification du monde puisque les et vivre mieux dans son corps. En parallèle, il élit données qui en sont issues sont traitées, diffusées, dix lauréats qui ouvrent des exploitées comme les autres « Selon IBM, 90% de toutes perspectives vers des usages - constitue, d’autre part, l’un totalement innovants. Il est des grands enjeux de notre les données mondiales d’autre part amené à formusociété. Pourquoi ? Parce que ont été créées ces deux ler des tendances à partir de les technologies numériques dernières années. » cas concrets observés, de révont dans le sens d’une déalités qui ont émergés dans l’année. Le big data mocratisation de la physiologie, du diagnostic et est justement le thème des tendances 2014. Le big de l’identification biologique. Parce que les corps data ? Il s’agit de la masse de données qui transite deviennent des objets de veille et de surveillance chaque jour sur le web (photo, video, like, etc.) et continues, des sources de données permettant qui augmente de manière gigantesque. Les techde les comparer constamment à la norme. Pour nologies numériques ont en effet créé une capatoute cette modélisation du corps, le smartphone cité extraordinaire de production et de traitement est devenu l’outil mondialement utilisé. de données portant sur tout type de choses. Il en existe aujourd’hui un si grand nombre qu’il faut Enfin, d’après l’observation de ce qui existe, la créer des algorithmes ultracomplexes pour les modélisation des comportements pour surveiller, traiter. Et les traiter peut renvoyer vers de multiples redresser ou prévenir, est en marche ! Mais modéliser les comportements, est-ce les représenter applications. ou les normer ? Normaliser son comportement ou celui des autres ? Par rapport à quoi et dans quel intérêt ou quel sens ? Modéliser les comportements Les corps : objets de veille et de surveillance individuels ou les relations sociales ? Remplacer continues le hasard des interactions humaines par d’autres plus rationnelles, optimisées constitue dès lors une Trois grands axes d’innovation ont été choisis par nouvelle frontière. l’équipe de NetExplo pour permettre de mieux appréhender le monde du numérique et montrer l’intérêt que celui-ci peut présenter. Il s’agit de Analyser les comportements jusqu’à les prédire la modélisation de l’espace, de celle du corps (avec la grande tendance du quantified self ou Cette tendance à modéliser les comportements mesure de soi) et de celle des comportements. ne seraient rien sans le côté prédictif des donConcernant le premier thème, modéliser l’espace, nées. Car l’idée de quantifier les comportements l’idée est que si les données sont la nouvelle matière première à partir de laquelle nous comprese place aussi dans le but de les prédire. Et avec nons et agissons sur le monde, plus on produit de la puissance du big data, on peut aisément imaginer analyser les comportements jusqu’à les données, mieux c’est. Il s’agit dès lors d’imaginer prévoir, avec en filigrane de vraies questions de et exploiter de nouveaux modes de production, société (exemple : la façon dont on consomme de découvrir de nouveaux gisements (exemple e 29 JOURNÉES PHARMACEUTIQUES SANOFI 26 SANTÉ : CONJUGUONS LE FUTUR FUTUR : IMPARFAIT ET PLUS QUE PARFAIT Quelques applications issues de la modélisation ⇒Mesurer et diagnostiquer • Alcootest pour smartphone. Si le taux est élevé, un bouton s’affiche qui permet d’appeler un taxi. • Outil transformant un smartphone en outil de diagnostic ophtalmologique (acuité, champ de vision, couleur, contraste, cataracte, scan de rétine) pour permettre un soin ophtalmologique portable, peu coûteux et intuitif. • Outil numérique pour mesurer, décomposer et analyser les pleurs de bébé en 80 paramètres afin de diagnostiquer d’éventuels problèmes neurologiques. Mesurer et surveiller • Chaussette intelligente pour bébés permettant de capter en continu rythme cardiaque, température de la peau, oxygénation du sang, qualité du sommeil. Le tout étant enregistré et mémorisé avec un système d’alerte. • Logiciel qui diagnostique, par l’analyse du tremblement de la voix au cours d’un entretien de 30 secondes réalisable par téléphone, la maladie de Parkinson et son état d’avancement avec 99% de succès. Faire parler le corps à distance • Outil automatique de diagnostic de la dépression : une interview réalisée par un avatar empathique permet d’enregistrer la voix, les mouvements du visage, du regard et du corps par vidéo et Kinect, qui sont ensuite analysés et interprétés. • Projet en cours pour fabriquer de la peau humaine à partir de cellules souches grâce à une bio-imprimante 3D. Surveiller sa santé pour éduquer son comportement • Système connecté de régime : la personne indique ce qu’elle mange, une fourchette électronique mesure ses mouvements et vibre si elle mange trop vite. L’historique détaillé du comportement alimentaire peut être suivi dans l’application tout en obtenant le soutien de ses amis. • Bureau de travail intelligent qui s’adapte à l’utilisateur : celui-ci est mis en position debout s’il reste trop longtemps assis, son comportement est mesuré (temps passé, consommation de calories…) ainsi que les conséquences. • Solution qui promeut bien-être et productivité au travail. Elle mesure et quantifie le stress du salarié (via la mesure du sommeil, l’émotion dans la voix et la coordination manuelle), fait des recommandations scientifiques et personnalisées pour prévenir le burnout et la dépression. va déterminer des profils sociaux, culturels et économiques). A partir de là, l’espace qui s’ouvre est immense : d’une part, la prédiction va plus loin que le traitement de l’existant puisqu’elle traite d’une réalité non advenue, d’autre part, on perçoit le passage de la statistique des grands nombres à la détermination individuelle. pour identifier et signaler les comportements suspects et mener des actions préventives (via l’enregistrement par des caméras des comportements des individus et d’un logiciel qui les analyse et les organise en algorithmes). Mouvement mondial, le quantified yourself est probablement le premier élément sociologique d’appropriation d’une technologie qui peut demain apporter des informations, dans un sens positif ou négatif. Car Internet n’est ni bien ni mal, il est ce que l’on en fera. De manière générale, il existe deux visions de la société numérique : vendre des données pour maîtriser et contrôler ou faire participer les personnes à son développement. En matière de santé, cette évolution vers une telle société se fera-t-elle avec l’ensemble des professionnels et les patients ? La question se pose aujourd’hui. Nous ne sommes, en fait, qu’au début d’une tendance profonde qui se développera avec l’amélioration des technologies. Un certain nombre d’applications s’inscrivent déjà dans la réalité : par exemple, pour évaluer la cote d’un client sans historique de crédit à travers son historique de consommation téléphonique (au moyen d’une technologie de scoring), pour prédire le crime avant qu’il arrive (à l’aide d’un outil de prédiction cartographique permettant d’identifier les lieux où se produiront des comportements criminels), e 29 JOURNÉES PHARMACEUTIQUES SANOFI 27 SANTÉ : CONJUGUONS LE FUTUR FUTUR : IMPARFAIT ET PLUS QUE PARFAIT La e-santé, pour vieillir plus jeune Professeur Joël de Rosnay, Conseiller de la Présidente d’Universcience (Cité des sciences et de l’Industrie et Palais de la découverte), Président Exécutif de Biotics International, Auteur et Prospectiviste Comment appliquer la e-santé ? Avec l’idée que, grâce à elle, nous pouvons vieillir plus jeune, en devenant des patients éclairés ou augmentés. Le modèle thérapeutique classique, très linéaire, est en train de changer sous la pression du numérique mais aussi du changement qui s’opère chez les patients. Car les patients de demain seront bien différents de ceux d’aujourd’hui. Avec ce nouveau monde qui se dessine s’annonce un bouleversement dans les métiers de santé, du médecin au pharmacien en passant par les laboratoires pharmaceutiques. Heathfie, prévention quantifiable et vieillir jeune Internet est désormais derrière nous. Nous vivons en effet dans un écosystème numérique et Internet n’en représente qu’une petite partie, parmi d’autres outils que sont le satellite, le GPS, la voiture et la télé connectée, Google Earth, la webcam, etc. Dans cet écosystème, sorte de système nerveux fluide dont nous sommes les neurones, nous bénéficions d’un don d’ubiquité et d’orientation. Ceci grâce notamment aux smartphones, extensions de l’œil et du doigt pour nous permettre de nous connecter avec l’environnement, nous donnant ainsi une fonction nouvelle, biologique, des sens nouveaux. Avec eux, nous devenons des hommes et des femmes - et donc, potentiellement, des patients - augmentés. Le nombre d’outils numériques, qui s’accroît considérablement, créent de plus des mini-écosystèmes internes qu’on appelle « environnements intelligents » (ville, maison, voiture, etc.), avec lesquels notre cerveau est en contact par l’intermédiaire de cette télécommande universelle qu’est le smartphone. Qualifié lui aussi d’intelligent, celui-ci devient de plus en plus proactif, capable de nous aider à planifier un certain nombre d’actions. Le Healthfie ? C’est avoir non plus seulement une image extérieure de soi mais aussi intérieure (cholestérol, créatine phosphate, urée, transaminases, etc.) grâce aux outils modernes d’analyse des paramètres biologiques venant du corps (nouveaux biocapteurs, petits systèmes connectés au smartphone pour une mesure à partir d’une microgoutte de sang, etc.). Cependant, dans ce concept du Healthfie, l’intérêt est d’avoir une intégration des informations les unes avec les autres. C’est là que le Tableau de Bord Santé Personnalisé (TBSP) revêt toute son importance pour nous apporter une vision intégrée de ces différents éléments et nous permettre de disposer de services et produits de santé personnalisés. Dans le domaine de la santé, les différents outils ont ceci de spécifique qu’ils sont en train de passer du « portable » au « mettable » avec l’arrivée des vêtements, bracelets, montres, lunettes, semelles, chaussettes… Ils nous donnent ainsi la capacité de pouvoir nous mesurer en permanence. Et ils nous entraînent dans une révolution, celle qui nous fait passer du selfie au Healthfie. e 29 JOURNÉES PHARMACEUTIQUES SANOFI 28 SANTÉ : CONJUGUONS LE FUTUR FUTUR : IMPARFAIT ET PLUS QUE PARFAIT Aujourd’hui, les outils de mesure existent et sont sa santé à l’équilibre dynamique qui s’appelle en train d’être intégrés dans des services. Grâce homéostasie. C’est l’extraordinaire résultat du aux healthfies, il deviendra donc possible de meHealthfie et de la prévention quantifiable. Mais surer toute une série de paramètres favorisant la plus concrètement, comment arriver à se maintenir en bonne santé (homéostasie) et ralentir le prévention quantifiable dont les résultats nous permettront de rester en bonne santé – ou plus précivieillissement ? En suivant les cinq clés de l’épigésément en homéostasie, c’est-à-dire en équilibre nétique qui sont la nutrition équilibrée, l’exercice dynamique de santé - et surphysique (20, 30, 40 minutes « Le passage du selfie tout de vieillir jeune. Avec les par jour), la gestion du stress au Healthfie constitue la TBSP et l’association de ser(sommeil, méditation, respiravices et de produits de santé, tion, yoga), le plaisir d’être et grande révolution qui va il ne fait aucun doute que les conduire au bouleversement de faire (avec ses collaborateurs, avec sa famille, etc.), le métiers de la santé vont comdu métier de pharmacien. » plètement changer. réseau social et familial. Ces cinq éléments combinés en permanence et associés à d’autres (thé vert, etc.) sont actifs à condition d’être en synergie les uns avec les autres. Le L’influence du comportement sur les gènes secret de l’homéostasie, c’est, en définitive, un petit peu, tout le temps, régulièrement. Un secret Des progrès extraordinaires ont été accomplis ces qui, donc, se mesure. dernières années dans notre génome et la capacité d’analyser les gènes. Mais surtout, on sait que le génome est associé à d’autres systèmes qui sont le protéome (ensemble des protéines dérivées de nos gènes), le glycome (sucres portés par les glycoprotéines à la surface des cellules et qui permettent la reconnaissance des cellules entre elles et de certaines par les anticorps, mais aussi l’histocompatibilité), le métabolome (grâce à des ordinateurs très puissants, il est aujourd’hui possible de simuler le métabolisme cellulaire), enfin, l’épigénome et le microbiome qui sont les plus importants. Autre organe dans notre corps, le microbiome est constitué de milliards de bactéries qui vivent sur et dans l’organisme. Son existence est capitale pour défendre notre immunité, nous protéger contre d’autres microbes et virus dits opportunistes. Quant à l’épigénome, il représente l’ensemble des gènes qui sont inhibés L’entrée des grands du numérique dans la ou au contraire activés par des hormones ou des santé produits résultant de notre comportement. Ce système nous renvoie au domaine de l’épigénétique qui est, en quelque sorte, la modulation de l’exAvec la technologie génomique naît également pression des gènes par le comportement. Et c’est la perspective d’une médecine plus personnalisée. Dans ce contexte, l’industrie pharmaceuà l’épigénétique qu’est lié le vieillir jeune. tique est destinée à vendre, non plus seulement des médicaments, mais aussi des produits et serL’idée que l’on puisse faire quelque chose pour soi vices, en d’autres termes toute une assistance paen modifiant son comportement est fondamentale car nous avons toujours cru que nous étions rallèle. Une assistance de plus en plus fondée sur déterminés à 100% par les gènes de nos parents, la personne et ses gènes mais aussi sur des réseaux par notre éducation. Or, ce que nous mangeons, de distribution qui seront des espaces santé bénéficiant de tous les outils numériques pour apporl’exercice que nous faisons, le management du ter des informations et faire de la formation aux stress, le plaisir d’être en famille, de faire son métier, patients. Avec les produits et services de santé, a une influence sur les gènes. Avec l’épigénétique et la modification de notre comportement, leur personnalisation, le métier va donc changer, on peut donc changer à plus ou moins brève évoluant vers l’aide aux patients qui pourront, échéance certains éléments dans notre corps. Et grâce aux outils, mesurer leur santé, vieillir moins le fait de pouvoir mesurer ces changements via vite, en mangeant différemment, en faisant de différents outils, de voir les effets de ce que l’on l’exercice. C’est là qu’intervient la stratégie du applique, montre qu’il est possible de maintenir PMS ou Programme de Maintenance de la Santé e 29 JOURNÉES PHARMACEUTIQUES SANOFI 29 SANTÉ : CONJUGUONS LE FUTUR FUTUR : IMPARFAIT ET PLUS QUE PARFAIT Des valeurs fondamentales pour conjuguer la santé au futur qui regroupera, autour des produits et services de e-santé : package éducatif, suivi personnalisé (pour savoir si les modifications apportées ont des résultats), biotests (des tests ARN permettent aujourd’hui de voir si un système fonctionne sur l’épigénétique ou pas), guidage par experts, connexion Internet et services, etc. Cet éventail d’offres sera proposé par l’industrie, les pharmaciens, mais pas seulement. Car les grands du numérique, les Gafama - acronyme de Google, Apple, Face Book, Amazon, Microsoft, Alibaba - entrent dans ce métier, se lancent dans les services et produits de santé, faisant ainsi de la concurrence au monde de la pharmacie. Ces entreprises Etats ont en effet compris qu’il y a énormément de valeur ajoutée à créer dans ce domaine. Décentralisées dans le monde entier, bénéficiant d’un pouvoir énorme, elles représentent de plus un certain danger de monopole, numérique, avec le big data de nos informations, celles que l’on laisse sur Amazon, sur Google, sur Facebook, etc. De ce fait, les entreprises pharmaceutiques ont tout intérêt à réaliser du big data pour être plus proches de leurs clients, de leurs consommateurs. Mais attention encore avec le génome, et notamment l’approche de Google X qui souhaite entrer dans le big data de nos gènes et détenir des banques mondiales du génome humain. L’objectif : aller rechercher dans cette énorme base de données, avec des outils d’intelligence artificielle, des algorithmes génétiques, des informations qui permettront de regrouper certains types de maladie, par pays. Que nous soyons des êtres humains n’est pas le problème de ces entreprises. Pour elles, gagner du temps de vie, vivre le plus longtemps possible avec la meilleure santé, cela s’achète. e 29 JOURNÉES PHARMACEUTIQUES SANOFI Face au danger que représente Gafama, nous devons nous organiser en tant que citoyens, dans une co-régulation citoyenne, afin d’opposer à ces monopoles numériques une force qui nous permette de préserver nos libertés humaines, le droit, l’éthique. Rappelons en effet que nous avons, en Europe et surtout en France, une réflexion éthique, philosophique et spirituelle qui fait que ce n’est pas seulement le marché qui est important mais aussi les humains, le droit des hommes et des femmes. Ainsi, nous ne devons pas oublier les valeurs fondamentales qui doivent prévaloir dans les métiers de santé pour conjuguer la santé au futur : partage et formation (le meilleur moyen de s’informer est de partager l’information), respect des diversités mais aussi des seniors avec la participation à la silver economy, solidarité, empathie et altruisme, et enfin éthique (dans la gestion des risques, les conflits d’intérêt). Au final, pour avoir une vision positive du futur et des bouleversements qui s’annoncent, il nous faut comprendre, vouloir, aimer, construire. Comprendre tout d’abord ce monde complexe dans lequel nous sommes, vouloir ensuite ce futur qui arrive sans redouter le changement, aimer aussi le risque, l’inconnu, la découverte, l’exploration, le futur et les gens qui, avec soi, contribuent à le faire (collaborateurs, collègues, famille, etc.), enfin construire l’avenir plutôt que le subir. Car construire l’avenir, c’est créer. Et créer est la plus belle chose que l’on puisse faire collectivement puisqu’elle est le gage de notre capacité à nous relier en tant que société. Tout ce qui fait, en définitive, le monde de demain. 30 SANTÉ : CONJUGUONS LE FUTUR CONSEIL SCIENTIFIQUE Président Gérard Viens, Professeur Économie et Gestion de la Santé – ESSEC Membres Françoise Ballereau, Professeur Pharmacien, Praticien hospitalier – CHU Nantes Jean-François Bergmann, Professeur Praticien hospitalier, Service de Médecine Interne – Hôpital Lariboisière, AP/HP Françoise Brion, Professeur Pharmacien, Praticien hospitalier – Hôtel Dieu, AP/HP Christine Broissand Pharmacien, Praticien hospitalier – Hôpital Universitaire Necker-Enfants Malades, AP/HP Christian Doreau Pharmacien, Praticien hospitalier – Paris Michel Guizard Pharmacien, Praticien hospitalier – CH Meaux Frédéric Pinguet Pharmacien, Praticien hospitalier – Institut du Cancer, Montpellier 7000009769 - 01 /15 Sanofi-aventis France S.A. au capital de 62 537 664 euros 1-13, boulevard Romain Rolland 75014 Paris Les fichiers utilisés pour vous communiquer le présent document et, le cas échéant, pour recueillir des informations vous concernant sont destinés à vous transmettre de l’information sur nos produits ou leur environnement et à enrichir et optimiser notre connaissance des professionnels de santé afin de mieux adapter notre offre produits/services. Les destinataires des données sont sanofi-aventis France et ses prestataires contractuels soumis à clause de confidentialité. Conformément à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d’un droit d’accès, de rectification et d’opposition aux données vous concernant que vous pouvez exercer en vous adressant à sanofi-aventis France - Direction Qualité - 9, boulevard Romain Rolland - 75159 PARIS CEDEX 14