29 e JOURNÉES PHARMACEUTIQUES

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29 e JOURNÉES PHARMACEUTIQUES
SANTÉ : CONJUGUONS LE FUTUR
VENDREDI 28 ET SAMEDI 29 NOVEMBRE 2014
SYNTHÈSE DES CONFÉRENCES
Sanofi France – 9 Boulevard Romain Rolland – 75014 Paris
SANTÉ : CONJUGUONS LE FUTUR
IMPÉRATIF ET CONDITIONNEL
Président de séance : Michel Guizard, Pharmacien, Praticien hospitalier – CH Meaux
3 L ’hôpital du futur
Interview de Philippe Domy, Directeur Général – CHU Montpellier
5 L e malade immortel
Laurent Alexandre, Président de DNAVision
UTUR PROCHE OU FUTUR ANTÉRIEUR
F
Président de séance : Professeur Jean-François Bergmann, Praticien hospitalier, Chef du service de Médecine
Interne Hôpital Lariboisière, AP/HP
LES TECHNIQUES DU FUTUR
8 es images médicales au patient numérique
D
Professeur Nicholas Ayache, Membre de l’Académie des sciences, Directeur de recherche Inria,
Titulaire de la Chaire Informatique et sciences numériques au Collège de France, Directeur scientifique
de l’Institut Hospitalo-Universitaire de Strasbourg
11 tents-Grafts personnalisées : à chacun son tuyau
S
Professeur Fabien Koskas, Professeur Universitaire UPMC, Praticien hospitalier, Chef du service Chirurgie
vasculaire – Groupe Hospitalier Pitié-Salpétrière, AP/HP
Docteur Julien Molina, PharmD & PhD, Enseignant, UPMC, Praticien hospitalier, Responsable de l’unité
de Stérilisation centrale – Hôpital Robert Debré, AP/HP
13 Robots chirurgicaux : y a-t-il un pilote ?
Professeur Guy Vallancien, Chef du département d’urologie – Institut Mutualiste Montsouris, Paris
FUTUR PROCHE OU FUTUR ANTÉRIEUR
Président de séance : Frédéric Pinguet, Pharmacien, Praticien hospitalier – Institut du Cancer, Montpellier
LES THÉRAPIES NOUVELLES
15 rogrès en oncologie : demain et après-demain
P
Professeur Alexander Eggermont, Directeur Général – Institut Gustave Roussy, Villejuif
17 Innovations dans la thérapie du diabète de type 1 : aujourd’hui est déjà demain
Professeur Eric Renard, Praticien hospitalier, Coordonnateur du département d’Endocrinologie Diabète,
Nutrition, CHU de Montpellier. Institut de Génomique Fonctionnelle – Université de Montpellier
19 T hérapies du futur : le modèle des maladies génétiques
Professeur Alain Fischer, Membre de l’Académie des sciences, Directeur scientifique de l’Institut des Maladies
génétiques Imagine, Hôpital Universitaire Necker-Enfants malades, AP/HP, Titulaire de la chaire Médecine
expérimentale au Collège de France
FUTUR : IMPARFAIT ET PLUS QUE PARFAIT
Président de séance : Professeur Gérard Viens, Économie et Gestion de la Santé – ESSEC
22 Protection sociale : où trouver le financement pour les dépenses de santé de demain ?
Christian Charpy, Secrétaire Général de la Commission des Comptes de la Sécurité Sociale
24 Heureux, chez soi : comment aménager pour ne pas avoir à déménager !
Docteur Jean-Marie Vetel, Directeur médical du groupe Dolcea
26 etour vers le futur : les grandes tendances du numérique
R
Thierry Happe, Cofondateur et Président – NetExplo
28 L a e-santé, pour vieillir plus jeune
Professeur Joël de Rosnay, Conseiller de la Présidente d’Universcience (Cité des sciences et de l’Industrie
et Palais de la découverte), Président Exécutif de Biotics International, Auteur et Prospectiviste
IMPÉRATIF ET CONDITIONNEL
Président de séance : Michel Guizard, Pharmacien, Praticien hospitalier – CH Meaux
L’hôpital du futur
Interview de Philippe Domy, Directeur Général – CHU Montpellier
Philippe Domy, comment voyez-vous l’hôpital
d’après demain ?
Quelle orientation doit prendre l’hôpital, dès
lors, pour permettre aux dépenses publiques
de santé d’être une ressource sociétale ?
L’hôpital d’après-demain peut être envisagé
au travers de trois thématiques : l’institutionnel,
le structurel et le virtuel. Concernant l’institutionnel, deux éléments sont à mettre en avant. Tout
d’abord, la situation que nous vivons aujourd’hui
n’est pas viable ou ne le sera plus longtemps. Nous
avons un système de santé que beaucoup nous
jalousent. C’est en effet le seul système au monde
qui concilie la liberté de choix de son praticien traitant et de son établissement de traitement, et la
socialisation du risque. En d’autres termes, qui que
l’on soit, on choisit librement son médecin, son hôpital ou sa clinique, quels que soient le prix de la
prestation et son revenu. Il s’agit d’une liberté de
choix réelle et nous y sommes tous très attachés. Il
faut toutefois qu’existe une offre plurielle, une pluralité d’exercices pour qu’il y ait une vraie liberté
de choix. C’est quelque chose à préserver absolument, c’est notre originalité mais cette préservation a un prix. Or, il y a la menace de la « poule aux
œufs d’or » et, avec elle, celle de voir disparaître
le système. Aujourd’hui, notre système montre de
nombreux dysfonctionnements, avec des intérêts
contradictoires et divergents : cela ne peut pas
durer, on ne peut avoir un tel dispositif et afficher
ensemble la socialisation du risque et solidarité.
Si l’on veut maîtriser les dépenses de santé et
faire en sorte que ces dépenses publiques - soit
l’argent de l’Assurance maladie - soient une ressource au bénéfice de tous, il faut faire sauter le
statut de droit public de l’hôpital public et arrêter
de confondre secteur public et service public car
on en voit toutes les limites et les contradictions. La
solution est donc d’aller vers une unicité de statut,
d’intérêt collectif. Dans le même temps, tous les
acteurs doivent passer sous le régime du droit
privé (du contrat et de la convention), les activités de service public ou d’intérêt général doivent
être forfaitisées et éligibles à tout opérateur, les
engagements sur l’accomplissement des missions
de service public ou d’intérêt général obéissent
à l’obligation de résultats et non de moyens. Aller
dans ce sens représente tout un potentiel de
changement dans les organisations publiques et
implique de sortir des autonomismes culturels et
des corporatismes.
Avec le statut public, nous n’y arriverons pas. Je
fais plus confiance à une uniformisation de statuts institutionnels uniques et à l’émulation entre
les acteurs, avec la sanction de l’engagement
sur résultat. Supprimer les rentes de situation dans
la gestion des carrières est une autre nécessité.
Notre niveau de protection participe à l’érection
de l’immobilisme et cela est délétère. Il nous faut,
en revanche, de la flexibilité, de la souplesse, de
la réactivité. Sans cette capacité autonome à se
remettre en cause, nous serons balayés.
Autre élément à considérer : si l’on part du principe
que la santé est un coût de PIB* mais qu’elle est
surtout une capacité de production de richesses
puisqu’elle participe du PIB et créé de la richesse,
toute les consommations intermédiaires que nous
engendrons par nos différents fonctionnements
sont créatives de valeur ajoutée et participent à
la dynamique économique. Le système de santé
pèse 11 points du PIB mais il participe à 6-7 points
de création de valeurs. Donc le système de santé
a un coût mais il est productif de valeurs et il faut
le dynamiser. Toutefois, on ne peut le dynamiser
si l’on reste en l’état, avec d’un côté des hôpitaux publics qui sont dans un carcan légal et réglementaire, empêtrés dans les corporatismes, et
de l’autre un secteur privé qui a une plus grande
liberté de manœuvre et qui, en plus, en tire un bénéfice et un profit.
Si l’hôpital d’après-demain veut être efficace, il
doit éradiquer le système tel qu’il est aujourd’hui,
basculer dans le monde du contrat, de la convention, de l’initiative et de l’autonomie, et passer de
l’obligation de moyens à celle de résultats. C’est
une conviction forte et je mesure la distance
qu’il y a pour y arriver. Mais il s’agit de préserver
notre originalité. Autre certitude : la confiance
est au centre de ce bouleversement. Il faut faire
confiance aux hommes et au management pour
gérer le changement. In fine, c’est la qualité des
hommes qui fera la qualité des institutions.
* Produit intérieur brut
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SANTÉ : CONJUGUONS LE FUTUR
IMPÉRATIF ET CONDITIONNEL
Comment la structure hospitalière doit-elle
évoluer sur le plan structurel ?
plateau technique, avec une capacité à anticiper les évolutions. Toute évolution technologique
entraîne, en effet, un changement d’organisation et l’enjeu est de créer les possibles. De fait,
il y a, là aussi, une révolution culturelle à opérer,
extrêmement forte. Tout comme l’égalité d’accès et de traitement et la continuité du service, le
devoir d’adaptation de l’hôpital est une obligation de service public, un service qui sert l’intérêt
général. Les professionnels du service public ont
donc le devoir de se préparer, d’être en veille sur
l’évolution des besoins et d’imaginer les réponses
à ces besoins quand ceux-ci vont émerger. Or,
c’est tout l’inverse aujourd’hui. L’hôpital d’après
demain doit donc trouver, dans ses modes de
fonctionnement, les ressorts de la véritable anticipation. Les révolutions techniques et scientifiques
nous y obligent. Là encore, cela exige beaucoup
plus de mobilité et de flexibilité, dans les processus
de décisions et dans les conduites managériales.
Les CHU associent trois aspects : hôtelier, hospitalier et technologique. Or, ce sont des modèles obsolètes. Dans l’hôpital d’après-demain, je vois une
fonction hôtelière extrêmement diminuée, remise
à des gens du métier, et une fonction de soins
confiée à des hospitaliers. Un certain nombre de
fonctions périphériques doivent donc être externalisées. Ce qui signifie que le dimensionnement
structurel de l’hôpital sera fondamentalement le
plateau technique, avec tous les moyens d’investigation, de diagnostic, d’exploration fonctionnelle. Ceci devant permettre de poser un
diagnostic le plus fiable, le plus précoce et dans
les meilleures conditions possibles, d’engager
toute latitude thérapeutique, avec des patients
de moins en moins couchés et de plus en plus
debout. Le défi que l’hôpital a à relever est que,
lui-même, doit bouger : avec le développement
des réseaux, il doit être au plus près du patient, et
principalement pas à l’hôpital. C’est une révolution complète des modes d’appréhension de la
prise en soins des patients. Et ce n’est pas avec
des structures rigides que l’on y arrivera : là aussi, il
faut de la flexibilité et de la souplesse.
Pour résumer, quels sont les mots clés de la
réussite de l’hôpital du futur ?
La voie dans laquelle nous devons nous engager
est celle d’un hôpital flexible, adaptable, mobile
et anticipateur, dans une construction basée
sur la confiance. J’ai entièrement confiance en
l’avenir, et en l’avenir de l’hôpital en particulier.
La structure hospitalière sera donc réduite architecturalement, essentiellement consacrée au
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SANTÉ : CONJUGUONS LE FUTUR
IMPÉRATIF ET CONDITIONNEL
Le malade immortel
Laurent Alexandre, Président de DNAVision
Technologies NBIC arrivées à maturité, montée en puissance des Gafa, développement de la zone AsiePacifique, idéologie transhumaniste : la convergence de ces quatre éléments conduit vers un choc technologique et idéologique et fait jaillir l’idée que l’humain peut être immortel, à brève échéance.
Les technologies NBIC - nanotechnologies, bioantivieillissement, le séquençage ADN et sa démotechnologies, informatique et cognitique (qui recratisation, c’est tout de suite, les cellules souches
groupent l’intelligence artificielle, la robotique et
et la thérapie génique, c’est à partir de 2020, la
les sciences du cerveau) - arrivent aujourd’hui
nanomédecine, c’est dès 2025. Autrement dit, à
à maturité et sont pleines de promesses. Maîtres
l’échelle des temps géologiques, ces progrès sont
de ces technologies, Google, Apple, Facebook,
pour demain. Des progrès qu’il faut associer à une
Amazon – regroupés sous l’acronyme de Gafa
autre avancée : l’allongement continu de la durée
– montent en puissance. La zone Asie-Pacifique,
de la vie, qui a triplé depuis 1750. Persuadés que
très perméable à la transgression biotechnolol’espérance de vie va exploser dans les années qui
gique, à l’eugénisme et à toutes les modifications
viennent, les acteurs de la Silicon Valley entrent,
du corps, se développe, quant à elle, considépar conséquent, massivement dans le monde
rablement. Dans le même
de la santé. Avec une seule
« Le transhumanisme est une
temps, l’idéologie transhuconviction : la première peridéologie révolutionnaire et
maniste de la Silicon Valley
sonne qui vivra 1 000 ans est
se propage. Une idéolodéjà née, non pas évidemla révolution n’est pas toujours
gie qui défend l’idée qu’il bonne. Mais quand la révolution ment avec la technologie
existe trois urgences dans le
de 2017 mais avec celle de
est partie, on ne l’arrête plus. »
monde : tuer la mort, déve2050 puis de 2100, etc. Et
lopper l’intelligence artificielle et interfacer celle-ci
avec une ambition : faire reculer la mort de façon
avec notre cerveau via des implants intracéréspectaculaire dès le XXIe siècle, rendre l’humain
braux. La conjonction de ces éléments a ainsi fait
immortel. Une vision entretenue par Ray Kurzweil,
surgir une perspective jusqu’alors inconcevable :
directeur du développement et ingénieur en chef
celle de notre immortalité, à relativement brève
de Google mais aussi pape du transhumanisme.
échéance.
Le transhumanisme ? Un courant de pensée en
pleine ascension qui prône «l’augmentation» du
genre humain par la technologie.
Faire reculer la mort de manière importante
dès le XXIe siècle
Informatisation de la médecine et le pouvoir
Les NBIC ont énormément progressé ces dernières
des algorithmes
années et la médecine commence aujourd’hui à
en bénéficier. Pour exemple, en dix ans, le coût
L’impact de ces technologies, que celles-ci augmentent rapidement ou non l’espérance de vie,
du séquençage ADN a été divisé par trois millions.
constitue un point extrêmement important pour le
En parallèle, l’ingénierie génétique (reprogrammer les cellules par thérapie génique), cellulaire
système de santé. Car celles-ci vont profondément
(régénérer un tissu par cellules souches, fabriquer
modifier l’exercice professionnel, qu’elles réussissent ou qu’elles échouent. Alors qu’aujourd’hui
des organes entiers) ainsi que celle du vivant démontrent leur évolution. Pour preuve, dans le dola médecine traite les malades avec quelques poimaine de l’ingénierie génétique, les nucléases
gnées de data, demain, les technologies d’analyse cérébrale génèreront des quantités abyssales
(enzymes capables de couper l’ADN) ont vu leur
de données, le séquençage complet d’une
coût divisé par dix mille en six ans. La technologie
tumeur produira vingt mille milliards de données
permettant de modifier notre ADN est donc quasi
biologiques et génomiques, les objets connectés
à disposition. Quant à la nanotechnologie et à la
fourniront des milliards d’informations par patient
nanomédecine, si leur progression va encore probablement s’étaler dans le temps, elles démarrent
et par jour issues de la mesure de variables biologiques, etc. Particulièrement vraie dans le cas du
entourées déjà d’extraordinaires promesses. Au
cancer, cette explosion du big data laisse entrefinal, si l’on effectue un déroulé dans le temps
voir une démarche indispensable : l’informatisation
de l’arrivée sur le marché des technologies NBIC
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SANTÉ : CONJUGUONS LE FUTUR
IMPÉRATIF ET CONDITIONNEL
de la médecine. Générant une quantité de données qui dépasse l’entendement pour un cerveau
humain, ces technologies sont, de fait, profondément disruptives. Et elles conduisent, pour la première fois, à l’industrialisation de la santé, portée
par les superpuissances du Net, le système et les
acteurs de santé étant incompétents dans le domaine du traitement de la data.
patient qui vont multiplier la taille du dossier médical par un million et de l’explosion de la puissance
informatique, se profile l’automatisation du diagnostic médical.
A l’horizon 2035, on peut logiquement penser qu’il
n’y aura plus un seul diagnostic réalisé par le cerveau du médecin qui, lui, signera des ordonnances
qu’il n’aura pas conçues. Le rôle du pharmacien
hospitalier devrait être également profondément
modifié dans ce sens. Ainsi apparaît une nouvelle
puissance économique, avec une valeur qui part
du médicament et du soin pour aller vers l’algorithme et le big data.
La médecine entre donc dans le règne des systèmes experts et des algorithmes vers lesquels le
pouvoir va indubitablement migrer. Nous allons
vers un recul du pouvoir du malade et une subordination du médecin à l’algorithme. Plus largement, il s’agit d’une véritable révolution dans
l’organisation du pouvoir médical. Pour aller plus
loin, demain, l’éthique médicale ne sera pas
le produit du cerveau du médecin mais celui
des algorithmes, incluse dans le système expert.
En d’autres termes, c’est un grand danger qui
menace, dans leur autonomie, les praticiens.
Notre société, nos structures très bureaucratiques,
pas du tout souples ne sont pas préparées à cette
mutation issue d’un monde très mobile, très diversifié, fait de startup. Notre système de santé vertical,
sans communication entre les différentes spécialités, n’est pas adapté à cette nouvelle médecine,
transversale et technologique. Dès lors, des frictions sont à craindre entre ces deux mondes que
tout oppose.
Le risque du transfert du pouvoir médical vers
les Gafa
L’entrée de Google dans la lutte contre la mort
change radicalement notre monde. Soutenant
activement le transhumanisme, le géant du numérique a pour premier objectif d’augmenter l’espérance de vie humaine de vingt ans d’ici 2035.
Considérant que la seule maladie vraiment importante est la mort, sa vision est à l’opposé de celle
des acteurs de la pharmacie, qui est d’allonger
la durée et la qualité de vie des malades et non
d’augmenter l’espérance de vie en bonne santé.
Cette vision transhumaniste est profondément
déstabilisante, d’autant plus qu’elle ne provient
pas de l’univers de la santé.
Le choc technologique
et idéologique en chiffre
• Evolution du coût du séquençage : 3 milliards $
pour le premier, moins de 1000 $ aujourd’hui ;
il sera à 100 $ à la fin de la décennie.
• Evolution du nombre de personnes
séquencées : 1 personne l’était en 2003,
plusieurs dizaines de millions le sont aujourd’hui.
Les transhumanistes visent, d’autre part, à développer l’intelligence artificielle qui va, progressivement, modifier énormément l’exercice
professionnel jusqu’à devenir révolutionnaire à
l’horizon de quinze-vingt ans. Détonateur de cette
révolution : la loi de Gordon Moore, le co-fondateur d’Intel, qui avait prédit il y a cinquante ans
que la puissance informatique allait doubler régulièrement, à coût identique (la loi de Moore a
été respectée jusqu’à maintenant et elle le sera
vraisemblablement encore un certain temps). Ces
paliers de puissance informatique finissent par effectuer des opérations qui semblaient impossibles
auparavant (séquençage complet de l’ADN, par
exemple) et cette explosion de l’intelligence artificielle est un choc pour des univers profondément
sclérosés comme le nôtre. Plus concrètement, au
regard des milliers de milliards d’informations par
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29 JOURNÉES PHARMACEUTIQUES SANOFI
• Suivant la loi de Moore, la puissance des
serveurs informatiques est passée de mille
opérations par seconde à un million de milliards
en 2007. Les premiers ordinateurs à
un milliard de milliards d’opérations par
seconde sont pour dans quatre ans et la
puissance de mille milliards de milliards sera
atteinte en 2029, d’après Intel.
• Selon la vision de Google et des
transhumanistes, un enfant qui naît aujourd’hui
et qui sera âgé de 85 ans en 2100 aura peutêtre déjà, grâce à la technologie de 2100, une
espérance de vie de 200 ans… et ainsi de suite.
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SANTÉ : CONJUGUONS LE FUTUR
IMPÉRATIF ET CONDITIONNEL
L’intelligence artificielle : une menace pour
l’humanité ?
alarment, mettant en garde contre la menace
que fait planer sur l’humanité l’intelligence artificielle, à relativement brève échéance. Peut-il y
avoir une contre-révolution par rapport aux NBIC ?
La proposition technologique est tellement choquante que l’on pourrait voir apparaître un retour
de l’obscurantisme, des bioconservateurs, s’opposant à la vision des transhumanistes. Toujours
est-il que le poids des acteurs comme Gafa est
si important que certains commencent à penser
qu’il faudrait les réguler et encadrer leur activité.
Le Parlement européen, quant à lui, vient récemment de voter une motion appelant au démantèlement de Google. Les gouvernements doivent-ils
détruire ce type de monopole ? La question se
pose. Si, effectivement, Google est le leader mondial de la lutte contre la mort et le vieillissement,
des medtechs, de l’intelligence artificielle, des
voitures, des satellites, du téléphone portable,
des objets connectés, etc., peut-être viendra-t-il
le moment où un démantèlement s’avèrera
indispensable.
Les neurotechnologies constituent l’autre cheval
de bataille des transhumanistes. Pour la Silicon
Valley, il ne fait aucun doute qu’un cerveau est
un ordinateur fait de chair. Ray Kurzweil explique
ainsi qu’en 2045, l’intelligence artificielle de
Google sera un milliard de fois plus puissante que
la réunion des huit milliards de cerveau humain.
Nous sommes donc dans une vision du monde où
la place de l’homme est concurrencée. Le président de Google, Larry Page, indique en outre
que neuf emplois sur dix vont être supprimés dans
les années qui viennent du fait de l’automatisation, de la robotique et de l’intelligence artificielle.
Le maître du numérique prédit en outre que, dès
2035, des nanorobots intracérébraux permettront
de nous connecter au Cloud computing pour une
connexion plus rapide à Internet. Et il nous enjoint
de nous préparer à cette pensée hybride, mélange de cerveau biologique et d’intelligence
artificielle. Son ambition ultime : réaliser des machines qui pensent, raisonnent, font mieux que les
êtres humains, engendrer une humanité 2.0, créer
l’esprit. La Silicon Valley entre, par ailleurs, dans
une logique eugéniste. Un glissement « normal ».
À partir du moment où l’on pense que l’intelligence artificielle et la robotique vont entrer massivement sur le marché du travail, l’idée s’impose
de trouver le moyen d’augmenter l’humain par la
technologie, les implants et la sélection des embryons (d’autant qu’il a été montré que la part
génétique de l’intelligence est plus importante
qu’on ne le pensait). Une question émerge : comment va fonctionner notre éthique par rapport à
cette technologie ? Les normes éthiques et morales évoluant extrêmement rapidement dans le
temps et dans l’espace, une réponse est impossible à donner maintenant. Peut-être que nos
enfants accepteront avec délice les implants
intracérébraux alors que la plupart d’entre nous,
aujourd’hui, refuseraient.
Les Gafa, ce sont :
• des centaines de milliards de dollars et
des armées d’ingénieurs et de chercheurs
parmi les meilleurs,
• une pyramide des âges qui est l’inverse
de celle de nos métiers de santé,
• une présence dans l’intelligence artificielle,
dans les nano-biotechnologies et la santé
(pour Apple et Google notamment),
• une concentration des savants et chercheurs
en intelligence artificielle du monde entier
(30% d’entre eux sont chez Google),
• des activités très diversifiées, notamment
pour Google : medtech (technologie
médicale), drone, satellite, génétique,
domotique, système d’exploitation pour
téléphone mobile, voiture, etc.
Le monde que la Silicon Valley souhaiterait dessiner pour le futur de la médecine est, on le voit, vertigineux, avec des conséquences qui dépassent
de beaucoup le domaine médical. Certains s’en
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FUTUR PROCHE OU FUTUR ANTÉRIEUR
Président de séance : Professeur Jean-François Bergmann, Praticien hospitalier,
Chef du service de Médecine Interne Hôpital Lariboisière, AP/HP
Des images médicales au patient numérique
Professeur Nicholas Ayache, Membre de l’Académie des sciences, Directeur de recherche Inria,
Titulaire de la Chaire Informatique et sciences numériques au Collège de France,
Directeur scientifique de l’Institut Hospitalo-Universitaire de Strasbourg
Des modèles numériques du corps humain ont été développés depuis plusieurs dizaines d’années déjà.
La nouveauté aujourd’hui est qu’il est possible de les personnaliser.
Le scanner, l’IRM, l’échographie, l’imagerie de médecine nucléaire sont les modalités d’imagerie les
plus utilisées à l’hôpital pour produire des images
volumiques qui fournissent beaucoup informations
sur le corps humain. Des images qui peuvent être
multipliées du fait de l’accès à plusieurs techniques
d’imagerie, à des images espacées dans le temps
et à des bases de données d’images médicales.
Face à cette surabondance, seule l’informatique
permet d’extraire l’information cliniquement pertinente et d’en assurer le traitement.
Dans le domaine de l’imagerie médicale, cette
approche peut être réalisée autour du patient
numérique avec, au centre, des modèles computationnels du corps humain qui sont à la fois des
données numériques et des algorithmes permettant de reproduire l’anatomie et la physiologie
d’organes.
contrôler une intervention thérapeutique). Et ce
sont les composants principaux de la médecine
numérique ou computationnelle actuelle.
Aide au diagnostic, au pronostic et à la thérapie
Les modèles numériques existent depuis quelques
La recherche dans le domaine de la médecine
dizaines d’années mais la nouveauté est que l’on
computationnelle, extrêmement active, repose
est passé du générique au personnalisé grâce à
en fait sur trois importants piliers : une recherche
l’imagerie médicale et aux signaux biomédicaux
académique pluridisciplinaire où l’informatique
acquis in vivo sur un patient. Grâce aussi à une
est associée à d’autres sciences (mathématiques,
autre classe d’algorithmes qui modifient les paramètres des modèles combiologie, physique, chimie,
putationnels du corps humain
« Les algorithmes développés anatomie, physiologie), des
pour qu’ils correspondent à
autour du patient numérique partenariats cliniques mais
l’anatomie et à la physiologie
aussi industriels, essentiels pour
s’appuient sur des modèles
du patient examiné. Une fois
transformer des prototypes de
mathématiques, statistiques,
les modèles personnalisés, il
laboratoire en véritables logiciels utilisés, validés, agrées.
est alors possible d’exploiter
biologiques et physicoQuatre
exemples,
choisis
les paramètres pour mieux
chimiques. »
dans les domaines de la morcomprendre le contenu des
phométrie, de l’endomicroscopie, de l’oncolosignaux et des images correspondant à un patient
gie, et de la cardiologie permettent d’illustrer ce
donné. Ces algorithmes constituent ainsi des aides
triangle vertueux en faisant ressortir les types de
au diagnostic, au pronostic (pour prédire une évolution), à la thérapie (pour planifier, simuler voire
modèles utilisés pour construire les algorithmes :
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SANTÉ : CONJUGUONS LE FUTUR
FUTUR PROCHE OU FUTUR ANTÉRIEUR // LES TECHNIQUES DU FUTUR
géométriques, statistiques, sémantiques (pour
développer l’anatomie computationnelle ou numérique), biologiques et physico-chimiques (pour
simuler ou représenter la physiologie).
informatiques pour quantifier l’évolution passée,
mieux prédire l’infiltration de la tumeur et prédire
l’évolution future afin d’aider à personnaliser le
diagnostic et la thérapie. Le modèle computationnel de glioblastome, par exemple, repose sur
trois compartiments : géométrique pour les structures cérébrales, biomécanique pour calculer les
déformations du cerveau, physiopathologique
pour mesurer une évolution du nombre de cellules tumorales, avec des composantes d’infiltration et de prolifération. L’avantage de ce genre
de modèle très simple est qu’il peut être affiné, en
prenant en compte plusieurs types de cellules proliférantes, quiescentes, nécrosées, qui vont évoluer
selon des équations différentielles variées, avec
des transitions d’une population à une autre. Des
simulations réalistes de l’évolution de ces tumeurs
peuvent de plus être réalisées. Avec l’intérêt de
pouvoir personnaliser ces modèles, c’est-à-dire
exploiter les images médicales acquises à différents instants pour prédire une évolution sur les
mois suivants.
Morphométrie numérique et endomicroscopie
Dans le cas de la maladie d’Alzheimer, l’IRM
permet d’observer l’atrophie cérébrale et voir son
évolution au cours du temps. Avec les outils de
traitement numérique des images, il est possible
d’aller plus loin : détecter une évolution anormale
de l’atrophie du cerveau, mesurer l’efficacité de
nouveaux médicaments, voire les tester plus précocement. Ce même type d’outil peut être utilisé
pour étudier le développement du cerveau chez
l’enfant et, si l’on prend l’exemple de l’autisme,
quantifier des différences d’évolution de certaines
régions. Il peut être aussi appliqué à d’autres domaines, notamment cardiaque, pour analyser
l’évolution de la forme du ventricule droit dans
certaines cardiopathies congénitales.
Il est par ailleurs possible, au moyen de l’endomicroscopie, de voir l’architecture cellulaire des
tissus, d’accéder in vivo au fonctionnement des
cellules (alvéoles pulmonaires, circulation des globules rouges en présence d’un kyste du pancréas,
etc.) et, si l’on va plus loin, de mesurer la progression du cancer. On obtient ainsi une véritable
biopsie optique.
La médecine numérique actuelle
Une vision de la médecine computationnelle est
retrouvée aujourd’hui :
• Dans la salle d’intervention du futur développée
à l’Institut hospitalo-universitaire de Strasbourg
où des images préopératoires permettent
de construire un modèle numérique du
patient, de faire une planification, de la
simulation d’intervention. Associés aux images
préopératoires, des outils de thérapie robotisés
permettent, d’autre part, d’exploiter la réalité
augmentée : les images sont projetées
directement sur le patient pour le rendre
virtuellement transparent, guider l’insertion
des bras du robot et projeter des structures
pathologiques ou autres pendant l’intervention,
pour mieux la guider ;
Dans ces exemples, le traitement d’image joue
un rôle essentiel puisqu’il permet de récupérer des
images cliniquement exploitables et plus facilement interprétables. Son autre atout est d’engendrer le développement d’un concept, celui de
l’Atlas intelligent. L’Atlas intelligent ? C’est la possibilité d’acquérir un très grand nombre d’images,
expertisées par des spécialistes, de les conserver
et de retrouver par l’informatique, lorsqu’une nouvelle image doit être interprétée, les plus similaires
dans la base de données. C’est aussi de fait l’accès au diagnostic.
• À l’Institut hospitalo-universitaire de la PitiéSalpêtrière à Paris pour guider la neurochirurgie
au centre du cerveau de parkinsoniens : un
atlas statistique de la localisation des noyaux
gris centraux est superposé aux images IRM
du patient pour mieux guider l’insertion des
électrodes.
Ces deux premiers exemples montrent ainsi comment il est possible d’exploiter des modèles géométriques, statistiques, sémantiques pour étudier
les structures du corps humain à partir d’images.
Physiologie computationnelle : de la structure
au fonctionnement
• A l’Institut hospitalo-universitaire de Bordeaux
pour guider la cardiologie interventionnelle
avec modèle électro-mécanique personnalisé
du cœur.
Les tumeurs cérébrales apparaissent parfaitement
bien dans les images de résonnance magnétique. Mais l’idée est de développer des modèles
e
29 JOURNÉES PHARMACEUTIQUES SANOFI
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SANTÉ : CONJUGUONS LE FUTUR
FUTUR PROCHE OU FUTUR ANTÉRIEUR // LES TECHNIQUES DU FUTUR
Plus encore, l’espoir est désormais de prédire l’infiltration, dans l’IRM, et d’utiliser les informations
pour, par exemple, personnaliser un planning de
radiothérapie et passer d’une marge de sécurité
constante à une marge personnalisée en termes
de dosimétrie.
zones à risque, on peut ainsi désigner au cardiologue des cibles privilégiées pour une ablation de
ces régions.
Au-delà, si l’on intègre la composante mécanique,
on dispose d’équations différentielles capables
d’exploiter le potentiel d’actions du modèle électrique précédent pour créer une contraction des
fibres cardiaques et reproduire le mouvement du
cœur. Les images d’IRM, les mesures électriques et
de pression aident à personnaliser les paramètres,
visualiser le résultat, quantifier le mouvement et
l’activité cardiaque électrique et mécanique.
Une fois exploitées, les valeurs numériques de ces
paramètres servent, par exemple, à mesurer l’efficacité d’un traitement en regardant l’évolution
quantitative du mouvement et de la fonction cardiaque. Progresser à partir du modèle serait de
prédire, par exemple sur un cœur asynchrone, les
effets attendus d’une resynchronisation par stimulation biventriculaire. Si tous ces nouveaux outils se
développent, il faudra encore un certain temps
avant qu’ils ne rentrent dans une pratique clinique
courante. Des essais cliniques sont déjà en cours
pour certains modèles computationnels, en passe
de devenir une réalité (calcul de manière entièrement numérique de la baisse de pression le long
des coronaires, en présence d’une sténose, par
exemple).
Plus largement, ce type d’approche, qui consiste
à combiner des modèles - physique de thérapie
et physiopathologique d’évolution de la maladie peut être retrouvé pour d’autres organes ou dans
le cadre de la radiologie interventionnelle. Il est
alors possible d’imaginer que, de cette manière,
on puisse passer d’outils de réalité augmentée
permettant de projeter des informations anatomiques directement sur le patient, vers la réalité
augmentée physiologique, avec projection d’informations liées à l’effet de la thérapie.
Electrophysiologie et mécanique du cœur
Dans le domaine de la cardiologie, le but d’un
modèle computationnel est d’intégrer toutes les
informations structurelles, la modélisation des activités électriques et mécaniques et la personnalisation de chacune de ces parties pour pouvoir
construire un modèle numérique personnalisé
du cœur. Partant de là, un grand nombre a été
proposés, qui permettent de reproduire l’évolution d’un potentiel d’actions dans l’ensemble du
myocarde, avec l’espoir de les personnaliser à
partir de mesures d’électrophysiologie. Avec un
modèle personnalisé au niveau géométrique et
électrique, on peut alors simuler un processus de
stimulation normalement très invasif pour étudier
le risque d’une tachycardie ventriculaire pouvant
se transformer en mort subite. En détectant les
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29 JOURNÉES PHARMACEUTIQUES SANOFI
Au final, le constat est que l’informatique associée
à l’imagerie médicale et à d’autres sciences est
en train d’introduire une révolution dans le domaine du diagnostic, du pronostic, de l’aide à
la thérapie. Une révolution qui accompagne un
changement de paradigme : celui d’une médecine normalisée et réactive vers une médecine
plus personnalisée, prédictive et préventive.
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SANTÉ : CONJUGUONS LE FUTUR
FUTUR PROCHE OU FUTUR ANTÉRIEUR // LES TECHNIQUES DU FUTUR
Stents-Grafts personnalisés :
à chacun son tuyau
Professeur Fabien Koskas, Professeur Universitaire UPMC, Praticien hospitalier,
Chef du service Chirurgie vasculaire – Groupe Hospitalier Pitié-Salpétrière, AP/HP
Docteur Julien Molina, PharmD & PhD, Enseignant, UPMC, Praticien hospitalier,
Responsable de l’unité de Stérilisation centrale – Hôpital Robert Debré, AP/HP
Le plus souvent, l’anévrisme de l’aorte abdominale fait l’objet d’une indication opératoire. Mais pour certains patients âgés ne pouvant supporter l’intervention, la technique par endoprothèse est la méthode de
choix, avec aujourd’hui l’utilisation de stents personnalisés.
L’anévrisme de l’aorte abdominale est une maDispositifs morpho-adaptés
ladie asymptomatique dont la découverte est le
plus souvent fortuite. Du fait du vieillissement de
La méthode endovasculaire développée dans les
la population, cette pathologie est en augmenannées 1990 consiste à pratiquer une incision au
tation. La plupart du temps,
niveau fémoral, à remonter
« La prothèse sur-mesure
plus l’anévrisme est important,
une endoprothèse via un introducteur puis à la déployer
plus l’intervention s’impose.
peut être produite en cinq
Le diagnostic doit donc être
au niveau de l’anévrisme. Un
jours pour une urgence
réalisé le plus tôt possible pour
tube auto-expansif vient alors
chirurgicale. »
prévenir le risque de rupture
se poser à l’intérieur de ce
de la paroi.
dernier pour éviter que le flux sanguin appuie sur
celui-ci et l’explose. La pression de l’anévrisme est
ainsi transférée sur celle de la prothèse. Les formes
Les limites de la mise à plat – prothèse
industrielles d’endoprothèse sont produites en
semi-sur-mesure (assemblage des différents modules) mais des limites existent pour cette gamme
La méthode ancienne utilisée pour traiter les anévrismes de l’aorte est la mise à plat - prothèse. Elle
standard d’implants. Pour certains patients nécessitant des prothèses parfaitement morpho-ajusconsiste à ouvrir le tronc, à interrompre la circulation avec des clamps et à interposer un manchon
tées, l’intérêt du personnalisé, du sur-mesure est
synthétique qui assure la fonction d’aorte.
évident. Ce type de produit a été développé à
l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) en
Cette intervention, qui fonctionne très bien, a atpartenariat avec des universités et des industriels. Il
teint, dans les années 1990, un palier de maturité
est actuellement réalisé à la Pitié-Salpêtrière dans
technique. Grâce à une meilleure prise en compte
un laboratoire conçu spécialement pour cette fabrication et bénéficie d’un statut de préparation
du risque lié aux comorbidités respiratoires et rénales (l’âge moyen des patients est de 76 ans),
magistrale. Constitué d’un assemblage de difféaux progrès en anesthésie-réanimation et de toutes
rents éléments, la prothèse sur-mesure a la forme
les techniques de support, le taux de mortalité
d’un tube avec des bouchons inclusifs.
post-opératoire a atteint 3,8%. Avec pour résultat
à long terme une guérison totale de l’anévrisme.
Toutefois, la méthode est associée à 10 à 30% de
laissés-pour-compte pour risque chirurgical, ainsi
qu’à une morbidité post-opératoire fonction du
risque (insuffisances cardiaques, respiratoires, rénales, etc.). De plus, en matière d’anévrismes
rompus, le constat est sévère, avec 70 à 90% de
décès péri-opératoires et plus de 75% de morbidité post-opératoire. D’où l’intérêt, pour certains patients âgés ne pouvant supporter ce
type d’intervention, de la deuxième technique,
endovasculaire.
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29 JOURNÉES PHARMACEUTIQUES SANOFI
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SANTÉ : CONJUGUONS LE FUTUR
FUTUR PROCHE OU FUTUR ANTÉRIEUR // LES TECHNIQUES DU FUTUR
Bons résultats chez les patients à haut risque
Le sur-mesure selon Endonov
La technique d’endoprothèse a été appliquée
à 820 malades à haut risque chirurgical (les laissés-pour-compte chez lesquels la chirurgie était
contre-indiquée). Elle s’appuie sur un montage
simple et robuste avec un manchon morpho-ajusté
mais quelques tubes, des prothèses hybrides (un
concept inventé à la Pitié-Salpêtrière ; il s’agit
d’endoprothèses à un bout et d’exoprothèses à
l’autre bout) et un obturateur de l’aorte (dans 5
cas) sont également utilisés. Parmi ces malades
traités, 32 sont décédés précocement (3,9%).
À côté de ce constat, l’analyse de la courbe de
survie montre que la majorité des personnes traitées meurent de pathologies sans rapport avec
l’anévrisme (décès à long terme ayant pour origine un cancer, une cause cardiaque, un AVC).
Endonov a été créée en 2013 pour fabriquer et
commercialiser les endoprothèses sur-mesure.
Cette jeune start-up a ouvert au Mans une unité
de production sous licence exclusive AP-HP
qui vient d’obtenir son agrément « usine de
fabrication de dispositifs médicaux ».
L’obtention du marquage CE permettra de
produire l’endoprothèse abdominale et d’obtenir
son remboursement.
De quoi est faite une prothèse ?
Un certain nombre de fuites - qui constituent le
risque des prothèses - ont par ailleurs été constatées dans le suivi. Le taux de fuite enregistré est
toutefois inférieur à celui observé avec les endoprothèses industrielles (7%). Quant au taux résiduel
d’endofuites au dernier suivi des malades, il est de
3,2%.
Une prothèse est constituée :
• d’un morceau de textile sur lequel va appuyer
le flux sanguin,
• d’un système de ressort (stent ou structure
métallique auto-expansive) qui va maintenir la
prothèse,
Au final, ce travail représente un apport majeur,
utile chez les malades à haut risque chirurgical, de
plus en plus nombreux du fait du vieillissement de
la population. Chez ceux-ci en effet, les résultats
immédiats sont désormais semblables à ceux obtenus chez les individus à bon risque chirurgical. Il
s’agit, certes, d’une solution plus palliative que le
traitement ouvert mais la tendance vers le sur-mesure se confirme néanmoins.
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29 JOURNÉES PHARMACEUTIQUES SANOFI
• de fils de suture servant à relier les différents
éléments.
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FUTUR PROCHE OU FUTUR ANTÉRIEUR // LES TECHNIQUES DU FUTUR
Robots chirurgicaux : y-a-t-il un pilote ?
Professeur Guy Vallancien, Chef du département d’urologie – Institut Mutualiste Montsouris, Paris
Un trocart placé dans l’abdomen, une optique visualisant l’intérieur, un bras articulé comme une main…
L’instrument d’intervention de demain possède une incroyable capacité. Aujourd’hui, les robots ont un
pilote, l’homme assurant la gestuelle télétransmise. Demain, peut-être plus.
Un seul trocart de vingt-sept millimètres de diamètre est placé dans l’abdomen, le système optique se promène partout à l’intérieur. Une fois la
zone repérée (déjà détectée), les bras articulés
vont aller agir exactement comme une main.
C’est l’approche chirurgicale du produit conçu
pour les opérations à venir.
Un exemple de plate-forme
chirurgicale robotisée
Le système da Vinci se compose de trois
modules :
• une console ergonomique derrière laquelle le
chirurgien est confortablement installé, la tête
rentrée à l’intérieur de la console (dès qu’il sort
la tête la machine s’arrête), les pouces et les
index manipulant deux petits joysticks pour
télémanipuler, opérer, avec une vision en 3D
du champ opératoire,
Bientôt un robot sans pilote ?
L’instrument de demain est prêt. Il suffira de le relier
à l’imagerie obtenue préalablement à l’intervention pour qu’il travaille tout seul. Si, aujourd’hui, il y
a un pilote dans le robot via la télémanipulation,
demain ce ne sera peut-être plus le cas. Les raisons qui poussent vers cet incroyable changement ? La clinique est en train de disparaître sous
la progression de la biologie ou de l’imagerie, les
petites tumeurs sont retrouvées à des stades très
précoces et le corps médical est de plus en plus
souvent confronté à des pathologies minimales.
Ces techniques de chirurgie non invasives à travers un seul trocart vont de fait pouvoir être utilisées pour traiter les malades, avec le minimum
d’agression et de déplacement des organes
à l’intérieur du corps. Et demain, des fibres laser
pourront être ajoutées dans le but de détruire la
lésion sans agresser les tissus.
• une partie mobile (chariot) placée sur le
malade et pilotée par le chirurgien depuis sa
console ; elle est équipée de bras articulés
(offrant une amplitude de 360°) et interactifs,
d’un système de vision haute performance
(caméra 3D) et d’instruments,
• une partie informatique pour la
télémanipulation.
Pour accéder à l’organe à opérer, les instruments
sont introduits et mis en place dans le corps du
patient au travers de petites incisions de la taille
d’une pièce de monnaie.
Le système répond aux ordres du chirurgien en
temps réel. Il met à l’échelle, filtre et convertit les
mouvements des mains, poignets et doigts du
chirurgien, en mouvements précis d’instruments
miniatures introduits dans le corps du patient.
Cet appareil a été développé par un chirurgien
et un ingénieur issu de la Nasa il y a une
vingtaine d’années. Les deux ont créé Intuitive
Surgical, la seule société au monde produisant
des robots de façon industrielle. Plus de 2 200 ont
déjà été vendus (dont 80 en France) au prix de
2 millions d’euros la machine (+ 120 000 euros de
maintenance par an et 1 200 euros de matériel
par intervention).
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SANTÉ : CONJUGUONS LE FUTUR
FUTUR PROCHE OU FUTUR ANTÉRIEUR // LES TECHNIQUES DU FUTUR
Vers l’industrialisation de la médecine
Une relation médecin – malade augmentée
Au regard de cette évolution, une mutation considérable de la médecine et des médecins est en
train de se produire. Demain, le chirurgien sera
un ingénieur opérateur certifié pour un appareil
donné ou une zone d’action précise (abdomen,
thorax, etc.), il sera ultraspécialisé. La sécurité
chirurgicale passe par cette spécialisation extrême qui améliore les résultats pour la globalité
des patients*. L’informatisation est donc reine.
Parallèlement, les blocs opératoires se transformeront en « halls opératoires », multi-opérationnels, avec des aires de stationnement, une salle
de pré-anesthésie où le malade sera endormi,
placé en position opératoire, avec un robot qui
le conduira et le positionnera ensuite dans le hall.
L’équipe chirurgicale et anesthésique arrivera
alors, l’opération sera faite, le malade repartira
avec le robot vers la salle de réveil. Tout va, ainsi,
vers une optimisation des moyens matériels et humains, vers l’industrialisation de la médecine.
L’autre intérêt de cette avancée technologique
est qu’elle permettra de rendre du temps, de
l’écoute et de la parole au médecin. Car ce
n’est pas parce que des robots, des ordinateurs
seront utilisés que les médecins disparaîtront. Au
contraire, ils seront des personnes rares et chères,
sollicitées, via la télémédecine, pour faire face
aux déserts médicaux. Les outils sont là, à disposition, pour assurer les soins.
Au-delà des progrès de la technique et de la
chirurgie, c’est la totalité du monde de la médecine qui est en train de basculer, avec une
répartition différente des tâches. Les médecins
vont devoir accepter de travailler avec d’autres
professionnels. C’est un travail d’équipe - que les
jeunes intègreront à n’en pas douter - qui se profile. L’optimisme est de mise, à condition toutefois
que, politiquement, les autorités s’intéressent à
ces développements. Une vision prospective est
nécessaire pour, progressivement, arriver à faire
bouger les esprits et mûrir les mentalités.
* Paris Descartes souhaite développer une filière d’ingénieurs opérateurs non médecins.
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29 JOURNÉES PHARMACEUTIQUES SANOFI
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SANTÉ : CONJUGUONS LE FUTUR
FUTUR PROCHE OU FUTUR ANTÉRIEUR
Président de séance : Frédéric Pinguet,
Pharmacien, Praticien hospitalier – Institut du Cancer, Montpellier
Progrès en oncologie : demain et après-demain
Professeur Alexander Eggermont, Directeur Général – Institut Gustave Roussy, Villejuif
Grâce aux progrès de la biologie moléculaire et au développement de la médecine de haute précision
et personnalisée, des avancées très importantes sont constatées en oncologie. Le mélanome en est un
exemple.
Jusqu’à il y a cinq ans, le mélanome était l’une
des pires maladies en cancérologie, sans médicament hormis un dont le taux de réponse se situait
entre 5 et 10%, sans preuve d’une différence visà-vis de la survie. Aujourd’hui, plusieurs molécules
d’immunothérapie sont en développement dont
l’anti-PD-1, qui donne un taux de réponse très impressionnant et pour lequel certains travaux suggèrent qu’il pourrait être encore plus prometteur.
Une molécule anti-MEK, molécule inhibitrice de la
protéine kinase MEK (MAPk-ERK-Kinase) a, par ailleurs, été développée, qui donne des effets plus
ou moins équivalents à ceux d’un inhibiteur de
BRAF. Combinés ensemble, ces deux molécules
augmentent encore les taux de réponse via une
combinaison à l’intérieur d’une voie de signalisation et une double inhibition. Trois essais randomisés ont été réalisés afin de comparer les effets
d’un inhibiteur de BRAF tout seul avec ceux d’une
combinaison inhibiteur BRAF + MEK. Ils ont montré
L’impact limité des thérapies ciblées actuelles
une différence de survie globale d’environ deux
mois. Ce volet concernant le développement de
Dans le monde occidental, environ 50% des pace type de traitements ciblés arrive donc à sa fin
tients atteints de mélanome ont une mutation
du fait du problème majeur de l’hétérogénéité,
BRAF. L’objectif thérapeutique, en présence de
de la résistance innée de la tumeur mais aussi de
cette mutation, est d’inhicelle acquise durant l’expo« Ailleurs comme en oncologie, sition au traitement. Mais un
ber l’activation de la voie
les processus bloqueurs
de signalisation qui mène à
autre frein existe : le regard
une prolifération, et donc le
très
mono-dimensionnel
ou inhibiteurs sont beaucoup
moteur principal des cellules plus puissants que la mobilisation porté jusqu’à présent sur les
cancéreuses. Le premier invoies de signalisation qui
des activateurs. »
hibiteur de BRAF développé
n’est pas la réalité.
apporte un taux de réponse
pour 50% des patients avec BRAF. Un taux de
réponse important, beaucoup plus élevé que
Mieux comprendre les voies de signalisation
les 5-7% obtenus avec la chimiothérapie. Mais
si, d’après les résultats d’un essai randomisé de
La question se pose de savoir comment identifier
phase 3, l’effet sur de multiples métastases est
les nœuds de convergence des voies de signalisation indispensables pour réaliser la transcription,
spectaculaire après six semaines, avec une rémission complète, le cancer progresse à nouveau
mais aussi comment déterminer à ce niveau des
après quatre à cinq mois pour 50% des patients.
inhibiteurs. Il faut aussi comprendre ce que signifie,
Cela signifie que l’impact d’un inhibiteur de BRAF
pour une autre voie active, perturber ou inhiber une
n’est que transitoire. De plus, les traitements ciblés
voie de signalisation dans la cellule cancéreuse,
ont une toxicité, et notamment une photosensiet trouver comment celles-ci communiquent, inbilité avec un risque d’induction de carcinome
teragissent entre elles (cross talk complexity). Un
épidermoïde. Dans les faits, lorsque l’on réalise
nœud de convergence vient d’être découvert :
l’inhibition de la voie de signalisation, une réaccelui du Ras/Raf - PI3K - Caspase cascade (Nexus
tivation s’installe par CRAF (effet carcinogène),
eIF4F) qui est un nœud de résistance pour les anti-BRAF et anti-MEK. Pour le moment, la situation
avec un effet de résistance contre l’inhibiteur de
est la suivante, du fait des résultats qui bousculent
BRAF. Il est donc risqué de proposer un inhibiteur
le concept de la médecine personnalisée.
de BRAF seul en traitement adjuvant.
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SANTÉ : CONJUGUONS LE FUTUR
FUTUR PROCHE OU FUTUR ANTÉRIEUR // LES THÉRAPIES NOUVELLES
Les études montrent en effet qu’un inhibiteur de
BRAF a un effet chez 80% des patients BRAF muté
alors que l’on n’obtient que 5% de réponses dans
les cancers colorectaux avec la même mutation.
Un traitement ciblé n’est donc pas efficace dans
toutes les tumeurs ayant la mutation, comme on le
pensait : tout dépend des organes d’origine et les
voies de signalisation dépendent de l’organe. Par
ailleurs, pour les traitements de combinaison, il ne
s’agit plus de démontrer les effets anti-tumoraux
de chaque agent. C’est l’efficacité d’une combinaison qu’il faut mettre en avant.
En parallèle à cette évolution, la question de la
perception des voies de signalisation se pose.
Dans le mélanome, si les cellules cancéreuses
avec la mutation Ras/Raf constituent le moteur
central, les interactions y sont très complexes. De
fait, il est difficile de détruire ce moteur avec un
simple inhibiteur de BRAF. Et même si cela est possible pendant quelque temps, d’autres moteurs
risquent d’émerger par la suite et de devenir les
nouveaux meneurs de cette cellule cancéreuse.
D’où le grand projet de recherche qui est celui du
développement des mutation driven drugs.
deux à dix ans. On arrive ainsi à réactiver le système immunitaire de façon à contrôler et éviter la
progression des tumeurs.
Une autre stratégie d’immunothérapie est tentée
actuellement autour de PD1 qui est capable de
réagir avec un récepteur spécifique, PDL1, présent sur la surface des cellules cancéreuses. En
fait, quand le récepteur et son ligand sont liés, il
se forme une sorte de bouclier rendant la cellule
cancéreuse invisible par le système immunitaire
du patient. Des anti-PD1 et des anti-PDL1 ont donc
été mis au point pour bloquer cette liaison et permettre au système immunitaire de reconnaître les
cellules cancéreuses afin de les détruire. Puissantes,
plusieurs d’entre elles sont également testées pour
de nombreux autres cancers. Apparue dans le
New England Journal of Medicine il y a trois ans, la
phase 1 montre une efficacité dans le mélanome
métastatique, avec une durée médiane de réponse, quand on est répondeur à un anti-PD-1,
qui se situe entre 20 et 24 mois. De plus, selon l’essai randomisé anti-PD-1 contre chimiothérapie, six
mois d’administration de l’anticorps monoclonal
n’a pas d’effet important en termes de toxicité.
Si l’on compare avec un inhibiteur de BRAF, il y a
une grande différence de durabilité.
Immunothérapie et breaking tolerance
Plus globalement, une révolution fondamentale
est en cours, qui touche la façon de regarder
et de manipuler le système immunitaire. Il s’agit
du concept de breaking tolerance, avec les
immune-checkpoint-blockers. Un concept qui
découle de l’idée qu’il est beaucoup plus important d’inhiber les inhibiteurs que d’activer les
activateurs.
La domination à venir des immuno – combos
Il est clair que les molécules anti-PD-1 vont devenir un traitement de première ligne pour tous les
patients touchés par le mélanome. Sur ce volet,
l’Institut Gustave Roussy est le siège du programme
mélanome le plus important en Europe. La combinaison anti-CTLA-4 + anti-PD1 a-t-elle sa place ?
Les deux anticorps présentent des mécanismes très
différents - le premier agit dans le compartiment
central, le second avec l’anti-PDL-1 en périphérie
- mais très complémentaires. Si on réalise la combinaison, on arrive à un taux de réponse encore
plus élevé mais aussi à une toxicité importante. En
utilisant un immuno-combo dans le mélanome,
on peut obtenir ainsi 90% de survie à un an et plus
de 80% à deux ans (au lieu de 12% à deux ans il
y a cinq ans). C’est donc une énorme avancée.
Et cela signifie que, désormais, des combinaisons
d’inhibiteurs vont être explorées pour approfondir
cette breaking tolerance qui va devenir le moteur
central du développement de traitements. Une
approche qui ouvre en outre la porte à l’utilisation d’activateurs (pour les cytolytic T lymphocytes
(CTL) qui, auparavant, étaient neutralisés dans la
tumeur). Aller au bout de cette breaking tolerance
devrait, d’autre part, donner une deuxième vie
aux cytokines, aux chémokines, aux vaccins.
Les deux premiers anticorps développés contre les
molécules clés que sont CTLA4 (un récepteur qui a
pour fonction normale d’inactiver les lymphocytes
chargés de détruire les cellules tumorales) et PD-1
(une protéine présente à la surface des lymphocytes T mais aussi de type B) ont changé toutes
les représentations en matière d’immunothérapie.
La première molécule, un anticorps anti-CTLA-4, a
été développée dans le but de restaurer et renforcer le système immunitaire en induisant l’activation et la prolifération des cellules T, un acteur
important de ce système. En stimulant les cellules
T, l’anticorps monoclonal permet de maintenir
une réponse active du système immunitaire pour
lutter contre les cellules cancéreuses. Le principe
de l’approche est en fait d’inhiber l’inhibiteur :
bloquer le récepteur CTLA-4 par un anticorps spécifique permet de lever le frein physiologique et
d’activer le système immunitaire. Résultat : environ 20% de patients atteints de mélanome métastatique arrivent à contrôler leur tumeur pendant
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SANTÉ : CONJUGUONS LE FUTUR
FUTUR PROCHE OU FUTUR ANTÉRIEUR // LES THÉRAPIES NOUVELLES
Innovations dans la thérapie du diabète
de type 1 : aujourd’hui est déjà demain
Professeur Eric Renard, Praticien hospitalier, Coordonnateur du département d’Endocrinologie
Diabète, Nutrition, CHU de Montpellier. Institut de Génomique Fonctionnelle – Université de Montpellier
Comment obtenir la meilleure vie possible quand on est diabétique et traité à l’insuline ? La réponse se
trouve dans les innovations thérapeutiques qui apportent des progrès importants dans la façon d’administrer l’insuline, avec l’objectif d’alléger le traitement.
Mesure continue du glucose et accompagnement
Si la baisse de l’HbA1c diminue le risque de développer les complications de l’hyperglycémie chronique, elle entraîne une augmentation du risque
des accidents hypoglycémiques sévères. C’est
tout l’enjeu du traitement du diabète de type 1 :
obtenir un bon pronostic au long cours sans traitement trop agressif. Il est donc primordial, dans la
prise en charge des patients, de viser d’emblée
la bonne cible et d’utiliser les bons moyens pour
l’atteindre.
La mesure continue du glucose consiste à placer
sous la peau un petit capteur « intelligent », revêtu
de la glucose-oxydase, enzyme spécifique du
glucose. Si du glucose est présent autour du capteur, un signal électrique est créé par l’enzyme,
proportionnel à la glycémie.
Ces capteurs peuvent être utilisés, soit dans un
but d’enregistrement (mesure du glucose puis lecture du profil du patient), soit pour mettre à disposition la connaissance de la glycémie en temps
réel dans le but d’ajuster le traitement. L’utilité
de la mesure continue du glucose est évidente :
identifier les facteurs impliqués dans le défaut de
contrôle du diabète, que ce soit sur le plan alimentaire ou thérapeutique.
Les traitements pour atteindre l’objectif
Le concept thérapeutique qui prévaut est celui du
basal-bolus. Celui-ci consiste, d’une part, à assurer
les besoins d’insuline de base pour contrôler la glycémie dans les phases de jeûne, à distance des
repas, d’autre part à permettre un apport d’insuline mimant la physiologie lors des prises alimentaires. Actuellement, la plupart des diabétiques
Grâce à cette identification, l’éducation du patient peut être reprise et son accompagnement
reproduisent ce schéma par des multi-injections
renforcé de manière à aider la prise de décision
d’insuline, de base le soir et ultra-rapide à chaque
ou changer d’option thérapeutique.
repas. Sont utilisés pour cela les analogues de
l’insuline : d’action prolongée et à résorption très
Par ailleurs, en matière d’aclente, et d’action ultra-ra« Une réduction de 10%
pide. Double objectif visé :
compagnement, l’approche
de l’HbA1c réduit de 25-35% développée actuellement,
approcher l’HbA1c normale
sans augmenter les hypogly- le risque de microangiopathie comme dans d’autres docémies. Ceci oblige toutefois
maines, est la télémédecine.
à 10 ans. »
les patients à se piquer le bout
du doigt pour mesurer leur glycémie plusieurs fois
Plus concrètement, il s’agit de donner au patient
par jour, avant chaque injection mais aussi après
le moyen d’interagir avec son médecin et son
les repas. De fait, les contraintes liées à la maladie
équipe de soins plus souvent que lors des classiques consultations trimestrielles.
sont importantes. De plus, un certain nombre de
patients ne vont pas arriver dans la norme (cible
L’intérêt est la mise en place de systèmes connecnon atteinte avec une HbA1c persistant à plus de
tés qui vont envoyer les informations à l’équipe
7,5 %, cible atteinte au prix d’hypoglycémies fréquentes ou HbA1c au-delà de 7,5 % avec nomde soins, qui va ainsi pouvoir en retour donner
breuses hypoglycémies). De fait, la technologie
des conseils d’adaptation thérapeutique (via le
et les nouveaux modes de traitement ont ici toute
smartphone par exemple). Toutes les informations
leur place. Trois grandes voies d’innovation sont
peuvent être envoyées sur le cloud auquel le médecin peut accéder.
suivies : la télémédecine appliquée au diabète, la
perfusion continue d’insuline avec les pompes, la
mesure continue du glucose.
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SANTÉ : CONJUGUONS LE FUTUR
FUTUR PROCHE OU FUTUR ANTÉRIEUR // LES THÉRAPIES NOUVELLES
Les systèmes de pompe à insuline
Vers des systèmes complètement automatisés
Une autre solution pour améliorer le traitement et
la vie des patients est le développement des systèmes de pompe à insuline. Ceux-ci s’appuient sur
le principe suivant : délivrer en permanence de
l’insuline sous la peau sous forme basale, déterminée selon les besoins, et des bolus au moment des
repas. L’avantage de ces traitements par pompe
– qui doivent être suffisamment petits et amovibles
pour être acceptables - est de pouvoir moduler les
apports d’insuline en fonction des besoins et ainsi
minimiser le risque d’hypoglycémie pour atteindre
la cible. Si leur indication principale est la variabilité de la couverture basale, c’est le traitement
idéal pour les patients diabétiques de type 1. Ces
pompes ne cessent en outre de s’améliorer, avec
notamment l’arrivée des pompes-patch, plus discrètes, plus pratiques et multifonctions : communicantes, elles envoient les informations au niveau
d’un serveur central où les données peuvent
être récupérées. Mais des limites existent à leur
emploi : les contrôles fréquents de la glycémie
(sept à dix fois par jour), pour un maximum de bénéfice. Solution : combiner mesure du glucose en
continu et pompe via des systèmes pompes-capteurs séparés ou intégrés. Les résultats obtenus par
ce biais sont significatifs, avec une amélioration
de l’HbA1c. Ces dispositifs constituent, de plus, de
vrais systèmes auto-éducatifs qui permettent aux
patients d’améliorer leur contrôle.
Après les défis de la mesure glycémique et de la
délivrance d’insuline, reste l’objectif d’automatiser les systèmes de telle façon que l’information
glycémique adapte directement le débit de la
pompe. La première étape vers cette automatisation est un système pompe-capteur qui va mesurer un niveau glycémique, déclencher une alarme
auprès du patient et couper le débit si besoin pour
éviter que l’hypoglycémie s’aggrave. Les premiers
modèles sont aujourd’hui commercialisés.
Autre innovation : les pompes implantables qui
vont délivrer l’insuline directement dans le péritoine. Indiquées dans les cas de diabète très
instable (elles concernent surtout les patients ne
supportant pas ou absorbant mal l’insuline par
voie sous-cutanée), elles apportent une excellente reproductibilité d’action de l’insuline et un
contrôle glycémique stable (nette amélioration
de l’HbA1c avec beaucoup moins d’hypoglycémies sévères).
Au final, l’arsenal thérapeutique s’est beaucoup
développé. La perspective désormais est de coupler l’ensemble pour que les patients aient une
bonne délivrance d’insuline et une mesure continue du glucose, sans devoir prendre des décisions en permanence. C’est ce que l’on appelle
le pancréas artificiel : l’information sur la glycémie en continu est envoyée à un smartphone qui,
grâce à des algorithmes, commande la pompe
pour délivrer l’insuline en quantité voulue sans l’intervention du patient. La boucle est fermée.
Chiffres
• En France, 35 000 personnes sont traitées par
pompe à insuline et 1 enfant sur 2.
• On compte environ 300 pompes implantées.
Pancréas bioartificiel à l’essai
• La durée de vie d’une pompe implantée est de
8 ans.
Un pancréas bioartificiel est actuellement
développé dans le cadre d’un projet européen.
• Son coût est de 25 000 euros.
Au lieu d’être implantés dans le foie, les îlots
humains sont placés dans une poche dotée
d’une membrane particulière, perméable au
glucose et à l’insuline et imperméable aux
cytokines et aux molécules de l’immunité.
L’objectif de cette greffe d’îlots encapsulés
est de limiter l’immunosuppression.
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29 JOURNÉES PHARMACEUTIQUES SANOFI
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SANTÉ : CONJUGUONS LE FUTUR
FUTUR PROCHE OU FUTUR ANTÉRIEUR // LES THÉRAPIES NOUVELLES
Thérapies du futur :
le modèle des maladies génétiques
Professeur Alain Fischer, Directeur scientifique de l’Institut hospitalo-universitaire Imagine
Titulaire de la chaire Médecine expérimentale au Collège de France
L’application de la thérapie génique montre des progrès notions. Si les avancées touchent encore essentiellement le domaine des maladies héréditaires du système immunitaire, progressivement, les indications
s’élargissent.
Le concept de thérapie génique date d’il y a
un peu moins de cinquante ans, dans l’idée de
corriger des maladies héréditaires avec des mutations de gène. Cette idée s’est, depuis, développée avec des succès récents. Le principe est
simple et consiste à apporter, au sein des cellules
pathologiques, une copie normale, fonctionnelle
du gène défectueux. Mais le souhait est aussi de
pouvoir éteindre l’expression d’un gène dont les
conséquences sont pathologiques, avec l’espoir,
un jour, de corriger directement la mutation en la
supprimant.
souches qui ont une capacité d’auto-renouvellement. Dans ce contexte, si l’on peut modifier le
génome d’une telle cellule, alors il est possible de
donner naissance à tous les composants périphériques (lymphocytes, globules blancs et rouges,
plaquettes).
Avec, potentiellement, une capacité d’actions
sur une série de maladies héréditaires que sont
les déficits immunitaires ou maladies des globules
blancs, certaines pathologies métaboliques telles
que les maladies héréditaires de l’hémoglobine,
la bêta-thalassémie et la drépanocytose. Ce système a été le premier pour lequel une efficacité a
été obtenue. Ceci pour deux raisons. D’une part,
l’accès à ces cellules est facile. D’autre part, dans
le système de production des globules blancs, et
spécifiquement des lymphocytes T (des cellules à
très longue durée de vie), la capacité de prolifération des précurseurs est énorme.
Système hématopoïétique et premiers succès
La première application de thérapie génique qui
a montré un bénéfice clinique pour les patients
concerne le système sanguin. Pour rappel, l’hématopoïèse est fondée sur l’existence de cellules
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29 JOURNÉES PHARMACEUTIQUES SANOFI
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SANTÉ : CONJUGUONS LE FUTUR
FUTUR PROCHE OU FUTUR ANTÉRIEUR // LES THÉRAPIES NOUVELLES
On a ainsi compris, il y a quinze-vingt ans, que si
l’on est capable de corriger un petit nombre de
cellules précurseurs des lymphocytes (dans les situations où les maladies génétiques bloquent leur
développement), ces cellules corrigées, même
en petit nombre, seraient capables de proliférer
et de produire massivement des lymphocytes T à
longue durée de vie. Toute pathologie confondue, il s’agit donc de la situation la plus aisée pour
l’accès à la thérapie génique.
d’avoir des lymphocytes T qui se développent. Le
bénéfice clinique est indiscutable avec, pour ces
adolescents, une qualité de vie normale, sans traitement pour la plupart.
Concernant l’ADA, sur quarante-deux patients
traités dans une première série de travaux, trenteet-un sont en vie, avec un recul de quatorze ans
pour les premiers. Un succès dû à la thérapie
génique qui leur a apporté un système immunitaire suffisamment fonctionnel. Au total, ces
quarante-neuf patients apDans ce domaine, des thé« Les cellules souches
rapeutiques existent depuis
portent la preuve que cette
de la moelle osseuse sont
quarante à cinquante ans, qui
approche peut être efficace
sont les allogreffes de moelle
utilisées couramment depuis dans les cas les plus favorables. La survenue d’une leuosseuse. Celles-ci ont toutefois
cinquante ans pour réaliser
cémie – conséquence directe
une efficacité limitée lorsque
des
allogreffes
de
cellules
de la thérapeutique - chez
le donneur n’est pas compasouches hématopoïétiques,
tible dans le groupe tissulaire
certains patients atteints de
HLA. Il y a donc un vrai besoin
DISC-X, a toutefois conduit au
pour traiter des maladies
d’améliorer les résultats.
héréditaires, des leucémies. » développement de nouveaux
vecteurs. Des vecteurs qui
permettent de limiter le risque de transactivation
Une approche efficace dans les cas les plus
d’un oncogène et l’évolution vers un phénomène
favorables
cancéreux. De nouveaux essais thérapeutiques
ont donc été réalisés pour démontrer l’efficacité
Pour deux des formes de déficit immunitaire exde cette démarche. Ils montrent, avec quelques
trêmement graves où la greffe de moelle osseuse
années de recul, que ces vecteurs de deuxième
peut être efficace mais avec des limites - le déficit
génération sont plus sûrs. Ils donnent de plus des
immunitaire combiné sévère lié au chromosome
résultats suffisamment encourageants pour permettre de poursuivre le traitement de maladies
X (DISC-X) et le déficit en adénosine désaminase
graves dont le pronostic est sombre. De fait,
(ADA) – les essais de thérapie génique ont commencé. Le DISC-X est lié à un déficit d’une prod’autres formes de déficiences immunitaires hérétéine appelée gamma-c exprimée à la surface
ditaires sont l’objet d’essais du même type, avec
des cellules du système immunitaire et dont la
une extension à d’autres pathologies du système
déficience provoque une absence complète
hématopoïétique comme les maladies héréditaires de l’hémoglobine ou métaboliques.
des lymphocytes T et NK. L’ADA est, quant à lui,
une maladie du métabolisme des purines dont la
conséquence est la mort prématurée de tous les
Recombinaison entre les séquences, mutée et
précurseurs lymphocytaires.
non mutée
Le procédé appliqué à DISC-X débute par le prélèvement de cellules à partir de la moelle osseuse
Peut-on progresser dans la sécurité et dans la physiologie ? L’approche d’aujourd’hui est d’infecter
de l’enfant malade. Le vecteur – un rétrovirus qui
les cellules souches avec un rétrovirus qui contient
contient le gène codant pour la protéine gamma
une copie fonctionnelle du gène (donc sans la
c - est ensuite mis en contact avec ces cellules
mutation), avec l’idée d’obtenir une intégration
dans le but de les infecter et d’induire l’intégration
du gène dans le génome. Ce gène peut être exdu gène dans le génome. Plus précisément : une
primé mais ce système, s’il peut être suffisant, n’est
fois que le virus a pénétré, l’ARN est rétro-transcrit
pas physiologique. Une alternative à cela est posen ADN et le provirus (copie ADN du virus) s’intègre dans le génome ; le gène devient alors un
sible et consiste, non pas en l’ajout d’un gène mais
élément du génome qui est répliqué à chaque dien sa réparation. Cette procédure repose sur une
vision cellulaire et transcrit. Les cellules sont ensuite
double technologie tout en utilisant des vecteurs
réinjectées au malade. Le premier essai a eu lieu
qui ne s’intègrent pas : l’apport d’un petit morceau de la séquence non mutée du gène, mais
en 1999 et 2002 et les premiers résultats, obtenus
aussi d’une enzyme qui va couper l’ADN à côté
sur deux essais et chez vingt patients, sont globalement satisfaisants : dix-huit sont en vie dont dixde l’endroit où se trouve la mutation (enzyme
sept grâce à la thérapie génique qui leur a permis
dont on est capable de modifier la séquence de
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29 JOURNÉES PHARMACEUTIQUES SANOFI
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SANTÉ : CONJUGUONS LE FUTUR
FUTUR PROCHE OU FUTUR ANTÉRIEUR // LES THÉRAPIES NOUVELLES
telle manière à ce qu’elle agisse de manière très
spécifique). Le résultat final est une recombinaison
entre les séquences, mutée et non mutée, et la
reproduction d’un gène normal.
Transporteurs de gènes
Transporter du matériel nucléique dans les
cellules nécessite un vecteur. Ceux utilisés
actuellement, d’origine virale, sont de deux
types :
Ce système fonctionne en laboratoire, sur un
nombre limité de cellules, en division, mais pas
encore complètement sur les cellules souches.
Cette technologie pourra donc peut-être un jour
être utilisée.
• si l’on souhaite que le matériel génétique soit
persistant dans une cellule qui ne se divise
pas, le vecteur de choix est un virus adénoassocié (AAV). Son intérêt : permettre d’obtenir
l’expression stable de gènes.
En dehors des déficits immunitaires, la thérapie
génique a montré une certaine efficacité dans
l’adrénoleucodystrophie via la correction de
cellules souches et les résultats sont également
encourageants dans la leucodystrophie métachromatique. Ainsi, progressivement, les indications s’élargissent, également aux maladies du
globule rouge, beaucoup plus fréquentes que les
précédentes pathologies mais aussi plus compliquées à traiter. Par ailleurs, des progrès sensibles
apparaissent pour quelques maladies touchant
des cellules qui se divisent peu, comme l’hémophilie et les maladies génétiques de la rétine. En
parallèle à ces avancées, il manque encore la
capacité de production en grande quantité des
particules virales (AAV, lentivirus). L’espoir est en
outre qu’à l’avenir, des techniques comme la
modification ex vivo de cellules souches, le gene
editing, rendent plus aisées ces approches, qui
restent très artisanales même si les résultats préliminaires sont encourageants.
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29 JOURNÉES PHARMACEUTIQUES SANOFI
• en revanche, pour traiter un système cellulaire
qui se divise beaucoup (comme les cellules
sanguines), le gène thérapeutique doit être
inclus dans le matériel génétique de la cellule :
c’est donc un rétrovirus qui est choisi. Parmi ces
virus qui ont la capacité de rétrotranscrire l’ARN
en ADN, celui de l’immunodéficience humaine
(VIH) est le plus communément utilisé. Une fois
modifié pour le rendre non toxique, c’est en
effet un excellent vecteur de thérapie génique.
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SANTÉ : CONJUGUONS LE FUTUR
FUTUR : IMPARFAIT ET PLUS QUE PARFAIT
Président de séance : Professeur Gérard Viens, Économie et Gestion de la Santé – ESSEC
Protection sociale : où trouver le financement
pour les dépenses de santé de demain ?
Christian Charpy, Secrétaire Général de la Commission des Comptes de la Sécurité Sociale
Quel est l’avenir de l’Assurance maladie ? Pourra-t-on garder le même périmètre de la solidarité nationale ? Où trouver le financement pour payer les progrès en matière de prise en charge des besoins en
santé ? Des solutions sont à trouver pour assurer la pérennité et l’efficacité de notre système de santé.
La question du financement des dépenses de
santé de demain soulève d’autres interrogations,
notamment sur l’évolution de ces dépenses sur les
quarante ou cinquante prochaines années, sur la
capacité de notre pays à soutenir financièrement
celles-ci au regard de la situation des comptes de
la Sécurité sociale et de l’Assurance maladie, sur
la participation des ménages à ce financement.
des dépenses à long terme (2060) a été réalisée,
il y a deux-trois ans, par la direction du Trésor (un
service du ministère des Finances). Celle-ci prend
en compte les déterminants majeurs que sont le
niveau de vie, les évolutions sanitaires, celles des
connaissances médicales et du progrès technique. Elle repose d’autre part sur les hypothèses,
entre autres, d’une poursuite de l’allongement de
l’espérance de vie, d’un taux de prévalence des
affections de longue durée (ALD) qui croît avec
l’âge, du coût de la dernière année de vie. Selon
ces projections, les DTS seraient à 13 au lieu des
11,4% aujourd’hui, ce qui n’est pas impossible à
prendre en charge.
Une progression maintenue des dépenses
Dans notre pays, la dépense totale de santé (DTS)
en pourcentage du produit intérieur brut (PIB*) est
de l’ordre de 11,4, selon les derniers comptes de
la Commission des comptes de la santé (2013).
Comparés à ceux de nos autres partenaires de
l’OCDE, ces chiffres se situent dans la fourchette
haute.
Mesures d’économies et réformes structurelles
Aujourd’hui, le financement de la protection sociale s’appuie sur trois piliers : les cotisations sociales (pour sa plus grosse part), la contribution
sociale généralisée (CSG) et, depuis 2012, l’impôt.
Autrement dit, ce financement repose principalement sur les revenus d’activité. Considérée aujourd’hui comme extrêmement importante, cette
part fait peser sur le coût du travail un poids qui
s’accroît au cours des années. Or, l’accroissement du coût du travail nuit à l’emploi et donc
aux recettes de la protection sociale, sa baisse
étant a contrario une condition du redressement
et de la compétitivité de notre pays. Ainsi, si l’on
veut baisser ce coût, il faut diminuer ce qui pèse
au titre de la Sécurité sociale sur les salaires ou
le travail, trouver d’autres modes de financement ou réduire l’évolution des dépenses d’assurance maladie pour atténuer le déficit. A noter
que les politiques d’allègement de charges et le
pacte de compétitivité visent à réduire le coût
du travail pour lutter contre le chômage. Si l’on
regarde la situation des comptes de la sécurité
sociale, celle-ci ne permet plus une progression
Si l’on regarde l’évolution de la DTS dans le PIB au
cours des cinquante dernières années, cette part
a doublé entre 1960 et 1980, avec ensuite une
progression qui s’est un peu ralentie, notamment
dans la dernière période, sous l’effet de la crise
économique. Depuis un an ou deux, apparaît un
léger redémarrage de la progression dans la plupart des pays de l’OCDE, mais à rythme plus lent
que par le passé. La France occupe toutefois une
position particulière, en ce sens que, contrairement aux autres pays, sa situation budgétaire et
financière, en termes de finances publiques, n’a
pas été rétablie et que ses déséquilibres budgétaires (celui de l’Etat et surtout celui de la Sécurité
sociale) font peser de lourdes contraintes sur le
système de santé.
Va-t-on assister, comme dans les cinquante dernières années, à un doublement des dépenses
de santé dans le PIB ou verra-t-on une évolution
plus modérée ? Une projection économétrique
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29 JOURNÉES PHARMACEUTIQUES SANOFI
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SANTÉ : CONJUGUONS LE FUTUR
FUTUR : IMPARFAIT ET PLUS QUE PARFAIT
Améliorer l’efficience pour assurer la pérennité
forte des dépenses de santé. En outre, son déficit
ne s’est pas réduit ou très modérément et il reste
même constant, depuis 2004, sur la branche maladie de la Cnam. Le retour à l’équilibre impose
de fait des mesures d’économies sur l’assurance
maladie. Concernant l’évolution annuelle de ces
dépenses, d’après les études économétriques,
celles-ci augmentent de 5% si on ne fait rien (estimation de la croissance tendancielle). Dans l’objectif, annoncé, de ramener ces dépenses, sur la
période 2015-2017, à 2% en moyenne, trois leviers
classiques de maîtrise sont à disposition : les prix,
les taux de remboursement et les franchises, les
volumes (maîtrise médicalisée). Un autre levier
est celui de l’organisation du système de soins.
Compte tenu du fait qu’il existe assez peu de
marge sur les financements de l’assurance maladie et sur le reste à charge des ménages, que les
dépenses de santé vont augmenter, comment résoudre cette problématique ? Celle-ci ne se résout
pas uniquement par des solutions financières mais
aussi par des mesures structurelles pour améliorer
l’efficience du système de santé, de manière à assurer sa pérennité.
France Stratégie a réalisé tout un travail pour voir
si notre système de santé était ou non efficace
au regard de son haut niveau de dépenses publiques de santé. Il montre que la performance de
Au cours des quatre à cinq dernières années, le
la France en termes d’espérance de vie à la naissance est assez bonne, sans être exceptionnelle,
rythme de croissance des dépenses d’assurance
mais que sur le plan de la mortalité infantile, les
maladie est passé de 7,1% à 2,2-2,6% d’évolution
taux ne sont pas les plus favoannuelle. Ce qui est un progrès très sensible, l’objectif
rables. Par ailleurs, en prenant
« Les cotisations sociales
national des dépenses d’asquatre pays et quatre thèmes
et la CSG représentent près
surance maladie (Ondam)
(l’accès aux soins, celui aux
étant, depuis quatre ans, res- de 400 milliards d’euros et plus nouveaux médicaments, les
de 80% du financement
pecté. Si les outils traditionnels
dépenses de prévention, la
de maîtrise des dépenses ont
prévalence de la mortalité
de la protection sociale. »
bien fonctionné, ils atteignent
infantile, des dépressions, des
désormais leurs limites, même s’il existe encore
cancers, etc.), la France apparaît avec des points
une marge sur l’utilisation du générique. Toutefois,
très positifs mais n’est pas en très bonne place en
si la régulation par les prix a été largement utilitermes de résultats globaux. Si l’on dessine une
sée, en revanche, celle utilisant le taux de remfrontière d’efficience (optimum qu’il est possible
boursement est très peu employée aujourd’hui, le
d’atteindre pour un niveau de dépense publique
gouvernement actuel ne portant pas en avant le
de santé), la France ne se situe pas sur celle-ci.
thème de la responsabilisation du consommateur
Si son système était bien organisé ou totalement
de soins. La maîtrise médicalisée est, d’autre part,
efficient, notre pays pourrait avoir de meilleurs résultats, mais avec 1,5% en dessous de dépenses
un concept qu’il faut continuer à faire fonctionner.
de santé dans le PIB. Il y a donc une capacité
à avoir un système plus efficient pour le monHormis ces outils, la mise en place de réformes
tant des dépenses que l’on y met. Ce qui signistructurelles plus ambitieuses, pour une organisation ville-hôpital plus cohérente, constitue une
fie que la qualité du système de santé en termes
voie à suivre. Des économies sont à faire, mais
d’efficience et de résultat objectif reste perfectible. Les années à venir verront une progression
cette mise en place impose des bouleversements
des dépenses de santé – inévitable - mais cette
extrêmement importants au sein des hôpitaux.
augmentation reste soutenable à moyen et long
L’intérêt est pourtant là : permettre de réduire la
terme pour autant que des efforts soient réalisés
progression des dépenses de santé.
pour accroître l’efficacité globale du système : en
mettant en place des mesures structurelles quant
Quid de la participation des ménages au financement des dépenses ? Plus celles-ci reposent sur
à l’organisation des soins, en faisant participer les
le financement public, plus cette participation est
différents acteurs (médecins, hôpitaux, industries
faible, et inversement. Est-on capable d’accroître
pharmaceutiques) et en leur faisant confiance
significativement la part des dépenses privées ?
pour réguler le système, en évaluant en permanence, dans une perspective à la fois médicale et
S’il est possible d’augmenter la part du reste à
médico-économique. Aucune piste ne doit être
charge dans une logique de responsabilisation,
négligée pour améliorer l’efficience. L’enjeu est imcette approche a des limites puisqu’elle peut
portant : conserver un système de santé efficace,
conduire au développement des inégalités et au
qui garantit à chacun des soins dans des condirenoncement aux soins. Elle ne peut donc que
tions économiquement supportables pour le pays.
rester marginale.
* Le PIB est d’environ 2.000 Md€.
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29 JOURNÉES PHARMACEUTIQUES SANOFI
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SANTÉ : CONJUGUONS LE FUTUR
FUTUR : IMPARFAIT ET PLUS QUE PARFAIT
Heureux, chez soi : comment aménager
pour ne pas avoir à déménager !
Docteur Jean-Marie Vetel, Directeur médical du groupe Dolcea
Vieillir bien chez soi et éviter la maison de retraite est le souhait de la majorité de la population française.
Dès lors, une idée s’impose, celle de faire évoluer son domicile.
Entre le domicile d’aujourd’hui et la maison de
retraite, il manque actuellement une solution de
continuité pour les personnes âgées. Un nouveau
concept apparaît, avec l’arrivée de la domotique
et de l’ergonomie : l’appartement intelligent.
L’objectif : réaliser une maison de retraite à domicile. Une démarche qui correspond au souhait de
la population : vieillir chez soi.
Accessibilité et ergonomie pour les WC également : penser aux sièges surélevés, barres d’appui
et systèmes autonettoyants. De son côté, la cuisine doit aussi être parfaitement conçue pour la
perte d’autonomie, donc accessible en position
assise ou fauteuil roulant, avec un plan de travail
électrique, des éléments à hauteur variable pour
mettre tout à portée de main, un réfrigérateur et
un four à bonne hauteur.
Points clés pour un environnement ergonomique
Le dernier point consiste à éprouver, dans cet
appartement aménagé, un sentiment de sécurité. Fabriqués dans ce but, des appareils comme
les digicodes, les visiophones sont très rassurants.
Attention toutefois : tous ces aménagements nécessitent d’y avoir réfléchi à l’avance.
En premier lieu, la taille du logement doit être
adaptée, donc pas trop grand. Deuxième élément clé : le logement doit évoluer pour éviter la
chute, qui peut tuer. De fait, les sols constituent
un point d’extrême vigilance : ils doivent être non
glissants et souples (pas de carrelage mais du
parquet, de la moquette ou des sols avec amortisseurs), sans ressaut ni marche. Attention également aux escaliers intérieurs (l’installation d’une
rampe glissante peut être envisagée). L’acuité visuelle baissant avec l’âge, un éclairage efficace,
partout, est primordial (les lampes doivent s’allumer sans attendre, avec 20% de puissance supérieure à ce qui est normalement utilisé).
Tour d’horizon des gérontechnologies fiables
Pour permettre de construire ce logement du
futur, la gérontechnologie est en plein essor. Avec
des objectifs qui dépassent aujourd’hui le simple
cadre ergonomique car visant la sécurité et le lien
social. Parmi les technologies fiables : pour les malentendants, la sonnette munie d’un flash lumineux
pour accueillir les visiteurs ou encore la boucle
Par ailleurs, concernant le
magnétique qui transmet di« Pour pouvoir intégrer,
rectement aux appareils aumobilier, des aménagements
dans son schéma corporel,
ditifs, par radio fréquences,
s’imposent : pas de tables
les technologies du futur
télé, radio, téléphone ; pour
en verre et d’angles agressifs, des fauteuils ni trop bas
la bonne observance des méet s’en servir efficacement,
dicaments, un pilulier électroni profonds et au mieux élecil est indispensable de
triques (avec assise qui se
nique avec rappel visuel et
s’appareiller avant 75 ans. »
soulève et bascule en avant
sonore des prises, et même
pour pouvoir se lever sans effort), lit ni trop haut,
connecté, automatisé avec traçabilité de l’observance ; pour tous, le chemin lumineux autoni trop bas, ni trop technologique. Les rangements
matique nocturne pour baliser les trajectoires. Ces
doivent de même être étudiés quant à leur capacité et leur accessibilité. Quant aux ouvertures,
technologies sont efficaces et peu coûteuses.
elles doivent, elles-aussi, faire l’objet de réflexions
pour d’utiles adaptations : volets et rideaux élecEn matière de détection de chute, mieux vaut
triques, portes coulissantes latéralement (si la perdes systèmes totalement indépendants à anasonne est en fauteuil roulant). Enfin, s’il est un lieu
lyseur de champ (mais sans envoi d’image à un
de tous les dangers, c’est la salle de bain. Celle-ci
central) à des systèmes portés (colliers, bracelets)
doit être vaste (pour accueillir un fauteuil roudevant être actionnés par la personne (très aléalant) et ergonomique : pas de baignoire mais une
toires et stigmatisants). Ces dispositifs disposent de
douche à l’italienne, lavabo avec poignets, etc.
levée de doute vocal puis visuel, avec alerte sur
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29 JOURNÉES PHARMACEUTIQUES SANOFI
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SANTÉ : CONJUGUONS LE FUTUR
FUTUR : IMPARFAIT ET PLUS QUE PARFAIT
smartphone ou tablette, dans le respect de l’intimité. En ce qui concerne le maintien du lien social,
les télévisions connectées, communicantes et
multifonctions (gestion de la domotique, Internet,
Skype, etc.) jouent un rôle important (halte à l’isolement !).
multiples surveillances et alertes télétransmises, qui
sera qualifié pour le faire, pour prendre des décisions ? Sans compter les problèmes éthiques, juridiques et de sécurité des données personnelles
que cela pose.
Au final, si aménager son domicile* ou aller vivre
dans un appartement parfaitement ergonomique
et domotisé** est sûrement souhaitable, cela ne
suffit pas. N’oublions pas également l’importance
majeure de l’environnement. Ce qui signifie avoir,
à proximité, un centre de santé, des restaurants
convenables, des services d’aide et de soins à domicile, des commerces et des lieux de rencontre.
Toute cette organisation reste à mettre en place.
Quant à la santé, de nombreux e-dispositifs arrivent sur le marché, pour surveiller (et transmettre)
diverses constantes (glycémie, Hb1c, tension,
poids, etc.). Avec l’intérêt, pour le moment de
la mise en mémoire d’éléments « longitudinaux »
et de leur restitution via le smartphone lors d’une
consultation. Toutefois, ces outils soulèvent des
interrogations : qui recueillera, analysera les
* Cela existe dans les Villa Sully
** Le coût est de 30% moins cher qu’une maison de retraite dans la ville où l’on vit
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29 JOURNÉES PHARMACEUTIQUES SANOFI
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SANTÉ : CONJUGUONS LE FUTUR
FUTUR : IMPARFAIT ET PLUS QUE PARFAIT
Retour vers le futur :
les grandes tendances du numérique
Thierry Happe, Cofondateur et Président – NetExplo
Modélisations de l’espace, du corps et des comportements : ces trois grands axes d’innovation ont été
choisis par l’équipe de NetExplo pour montrer comment le monde numérique va transformer notre société.
de l’Internet des objets ou objets connectés dont
NetExplo est un observatoire mondial qui s’intéresse
l’usage est en train d’exploser), de visualiser les
à la transformation, avec Internet et le numérique,
données jusqu’à tromper notre perception de
de notre société et de notre économie. Chaque
l’espace physique.
année, cet observatoire produit une veille et édite
un palmarès des cent usages qui vont changer
La modélisation du corps – un corps qui participe
notre façon de vivre, de s’informer, de communiquer, de consommer, de s’éduquer, de se soigner
de la grande quantification du monde puisque les
et vivre mieux dans son corps. En parallèle, il élit
données qui en sont issues sont traitées, diffusées,
dix lauréats qui ouvrent des
exploitées comme les autres
« Selon IBM, 90% de toutes
perspectives vers des usages
- constitue, d’autre part, l’un
totalement innovants. Il est
des grands enjeux de notre
les données mondiales
d’autre part amené à formusociété. Pourquoi ? Parce que
ont été créées ces deux
ler des tendances à partir de
les technologies numériques
dernières années. »
cas concrets observés, de révont dans le sens d’une déalités qui ont émergés dans l’année. Le big data
mocratisation de la physiologie, du diagnostic et
est justement le thème des tendances 2014. Le big
de l’identification biologique. Parce que les corps
data ? Il s’agit de la masse de données qui transite
deviennent des objets de veille et de surveillance
chaque jour sur le web (photo, video, like, etc.) et
continues, des sources de données permettant
qui augmente de manière gigantesque. Les techde les comparer constamment à la norme. Pour
nologies numériques ont en effet créé une capatoute cette modélisation du corps, le smartphone
cité extraordinaire de production et de traitement
est devenu l’outil mondialement utilisé.
de données portant sur tout type de choses. Il en
existe aujourd’hui un si grand nombre qu’il faut
Enfin, d’après l’observation de ce qui existe, la
créer des algorithmes ultracomplexes pour les
modélisation des comportements pour surveiller,
traiter. Et les traiter peut renvoyer vers de multiples
redresser ou prévenir, est en marche ! Mais modéliser les comportements, est-ce les représenter
applications.
ou les normer ? Normaliser son comportement ou
celui des autres ? Par rapport à quoi et dans quel
intérêt ou quel sens ? Modéliser les comportements
Les corps : objets de veille et de surveillance
individuels ou les relations sociales ? Remplacer
continues
le hasard des interactions humaines par d’autres
plus rationnelles, optimisées constitue dès lors une
Trois grands axes d’innovation ont été choisis par
nouvelle frontière.
l’équipe de NetExplo pour permettre de mieux
appréhender le monde du numérique et montrer
l’intérêt que celui-ci peut présenter. Il s’agit de
Analyser les comportements jusqu’à les prédire
la modélisation de l’espace, de celle du corps
(avec la grande tendance du quantified self ou
Cette tendance à modéliser les comportements
mesure de soi) et de celle des comportements.
ne seraient rien sans le côté prédictif des donConcernant le premier thème, modéliser l’espace,
nées. Car l’idée de quantifier les comportements
l’idée est que si les données sont la nouvelle matière première à partir de laquelle nous comprese place aussi dans le but de les prédire. Et avec
nons et agissons sur le monde, plus on produit de
la puissance du big data, on peut aisément imaginer analyser les comportements jusqu’à les
données, mieux c’est. Il s’agit dès lors d’imaginer
prévoir, avec en filigrane de vraies questions de
et exploiter de nouveaux modes de production,
société (exemple : la façon dont on consomme
de découvrir de nouveaux gisements (exemple
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SANTÉ : CONJUGUONS LE FUTUR
FUTUR : IMPARFAIT ET PLUS QUE PARFAIT
Quelques applications issues de la modélisation
⇒Mesurer et diagnostiquer
• Alcootest pour smartphone. Si le taux est élevé, un bouton s’affiche qui permet d’appeler un taxi.
• Outil transformant un smartphone en outil de diagnostic ophtalmologique (acuité, champ de vision, couleur,
contraste, cataracte, scan de rétine) pour permettre un soin ophtalmologique portable, peu coûteux et intuitif.
• Outil numérique pour mesurer, décomposer et analyser les pleurs de bébé en 80 paramètres afin de
diagnostiquer d’éventuels problèmes neurologiques.
Mesurer et surveiller
• Chaussette intelligente pour bébés permettant de capter en continu rythme cardiaque, température de la
peau, oxygénation du sang, qualité du sommeil. Le tout étant enregistré et mémorisé avec un système d’alerte.
• Logiciel qui diagnostique, par l’analyse du tremblement de la voix au cours d’un entretien de 30 secondes
réalisable par téléphone, la maladie de Parkinson et son état d’avancement avec 99% de succès.
Faire parler le corps à distance
• Outil automatique de diagnostic de la dépression : une interview réalisée par un avatar empathique permet
d’enregistrer la voix, les mouvements du visage, du regard et du corps par vidéo et Kinect, qui sont ensuite
analysés et interprétés.
• Projet en cours pour fabriquer de la peau humaine à partir de cellules souches grâce à une bio-imprimante 3D.
Surveiller sa santé pour éduquer son comportement
• Système connecté de régime : la personne indique ce qu’elle mange, une fourchette électronique mesure
ses mouvements et vibre si elle mange trop vite. L’historique détaillé du comportement alimentaire peut être
suivi dans l’application tout en obtenant le soutien de ses amis.
• Bureau de travail intelligent qui s’adapte à l’utilisateur : celui-ci est mis en position debout s’il reste trop
longtemps assis, son comportement est mesuré (temps passé, consommation de calories…) ainsi que les
conséquences.
• Solution qui promeut bien-être et productivité au travail. Elle mesure et quantifie le stress du salarié
(via la mesure du sommeil, l’émotion dans la voix et la coordination manuelle), fait des recommandations
scientifiques et personnalisées pour prévenir le burnout et la dépression.
va déterminer des profils sociaux, culturels et économiques). A partir de là, l’espace qui s’ouvre est
immense : d’une part, la prédiction va plus loin que
le traitement de l’existant puisqu’elle traite d’une
réalité non advenue, d’autre part, on perçoit le
passage de la statistique des grands nombres à la
détermination individuelle.
pour identifier et signaler les comportements suspects et mener des actions préventives (via l’enregistrement par des caméras des comportements
des individus et d’un logiciel qui les analyse et les
organise en algorithmes).
Mouvement mondial, le quantified yourself est
probablement le premier élément sociologique
d’appropriation d’une technologie qui peut
demain apporter des informations, dans un sens
positif ou négatif. Car Internet n’est ni bien ni mal,
il est ce que l’on en fera. De manière générale,
il existe deux visions de la société numérique :
vendre des données pour maîtriser et contrôler
ou faire participer les personnes à son développement. En matière de santé, cette évolution vers
une telle société se fera-t-elle avec l’ensemble
des professionnels et les patients ? La question se
pose aujourd’hui.
Nous ne sommes, en fait, qu’au début d’une tendance profonde qui se développera avec l’amélioration des technologies. Un certain nombre
d’applications s’inscrivent déjà dans la réalité :
par exemple, pour évaluer la cote d’un client sans
historique de crédit à travers son historique de
consommation téléphonique (au moyen d’une
technologie de scoring), pour prédire le crime
avant qu’il arrive (à l’aide d’un outil de prédiction
cartographique permettant d’identifier les lieux
où se produiront des comportements criminels),
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SANTÉ : CONJUGUONS LE FUTUR
FUTUR : IMPARFAIT ET PLUS QUE PARFAIT
La e-santé, pour vieillir plus jeune
Professeur Joël de Rosnay, Conseiller de la Présidente d’Universcience
(Cité des sciences et de l’Industrie et Palais de la découverte),
Président Exécutif de Biotics International, Auteur et Prospectiviste
Comment appliquer la e-santé ? Avec l’idée que, grâce à elle, nous pouvons vieillir plus jeune, en devenant des patients éclairés ou augmentés.
Le modèle thérapeutique classique, très linéaire,
est en train de changer sous la pression du numérique mais aussi du changement qui s’opère chez
les patients. Car les patients de demain seront
bien différents de ceux d’aujourd’hui. Avec ce
nouveau monde qui se dessine s’annonce un
bouleversement dans les métiers de santé, du médecin au pharmacien en passant par les laboratoires pharmaceutiques.
Heathfie, prévention quantifiable et vieillir jeune
Internet est désormais derrière nous. Nous vivons
en effet dans un écosystème numérique et
Internet n’en représente qu’une petite partie,
parmi d’autres outils que sont le satellite, le GPS,
la voiture et la télé connectée, Google Earth, la
webcam, etc. Dans cet écosystème, sorte de système nerveux fluide dont nous sommes les neurones, nous bénéficions d’un don d’ubiquité et
d’orientation. Ceci grâce notamment aux smartphones, extensions de l’œil et du doigt pour nous
permettre de nous connecter avec l’environnement, nous donnant ainsi une fonction nouvelle,
biologique, des sens nouveaux. Avec eux, nous
devenons des hommes et des femmes - et donc,
potentiellement, des patients - augmentés. Le
nombre d’outils numériques, qui s’accroît considérablement, créent de plus des mini-écosystèmes
internes qu’on appelle « environnements intelligents » (ville, maison, voiture, etc.), avec lesquels
notre cerveau est en contact par l’intermédiaire
de cette télécommande universelle qu’est le
smartphone. Qualifié lui aussi d’intelligent, celui-ci
devient de plus en plus proactif, capable de nous
aider à planifier un certain nombre d’actions.
Le Healthfie ? C’est avoir non plus seulement une
image extérieure de soi mais aussi intérieure (cholestérol, créatine phosphate, urée, transaminases,
etc.) grâce aux outils modernes d’analyse des paramètres biologiques venant du corps (nouveaux
biocapteurs, petits systèmes connectés au smartphone pour une mesure à partir d’une microgoutte
de sang, etc.). Cependant, dans ce concept du
Healthfie, l’intérêt est d’avoir une intégration des
informations les unes avec les autres. C’est là que
le Tableau de Bord Santé Personnalisé (TBSP) revêt
toute son importance pour nous apporter une
vision intégrée de ces différents éléments et nous
permettre de disposer de services et produits de
santé personnalisés.
Dans le domaine de la santé, les différents outils
ont ceci de spécifique qu’ils sont en train de passer
du « portable » au « mettable » avec l’arrivée des
vêtements, bracelets, montres, lunettes, semelles,
chaussettes… Ils nous donnent ainsi la capacité de
pouvoir nous mesurer en permanence. Et ils nous
entraînent dans une révolution, celle qui nous fait
passer du selfie au Healthfie.
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SANTÉ : CONJUGUONS LE FUTUR
FUTUR : IMPARFAIT ET PLUS QUE PARFAIT
Aujourd’hui, les outils de mesure existent et sont
sa santé à l’équilibre dynamique qui s’appelle
en train d’être intégrés dans des services. Grâce
homéostasie. C’est l’extraordinaire résultat du
aux healthfies, il deviendra donc possible de meHealthfie et de la prévention quantifiable. Mais
surer toute une série de paramètres favorisant la
plus concrètement, comment arriver à se maintenir en bonne santé (homéostasie) et ralentir le
prévention quantifiable dont les résultats nous permettront de rester en bonne santé – ou plus précivieillissement ? En suivant les cinq clés de l’épigésément en homéostasie, c’est-à-dire en équilibre
nétique qui sont la nutrition équilibrée, l’exercice
dynamique de santé - et surphysique (20, 30, 40 minutes
« Le passage du selfie
tout de vieillir jeune. Avec les
par jour), la gestion du stress
au Healthfie constitue la
TBSP et l’association de ser(sommeil, méditation, respiravices et de produits de santé,
tion, yoga), le plaisir d’être et
grande révolution qui va
il ne fait aucun doute que les
conduire au bouleversement de faire (avec ses collaborateurs, avec sa famille, etc.), le
métiers de la santé vont comdu métier de pharmacien. »
plètement changer.
réseau social et familial. Ces
cinq éléments combinés en permanence et associés à d’autres (thé vert, etc.) sont actifs à condition d’être en synergie les uns avec les autres. Le
L’influence du comportement sur les gènes
secret de l’homéostasie, c’est, en définitive, un
petit peu, tout le temps, régulièrement. Un secret
Des progrès extraordinaires ont été accomplis ces
qui, donc, se mesure.
dernières années dans notre génome et la capacité d’analyser les gènes. Mais surtout, on sait
que le génome est associé à d’autres systèmes
qui sont le protéome (ensemble des protéines dérivées de nos gènes), le glycome (sucres portés
par les glycoprotéines à la surface des cellules
et qui permettent la reconnaissance des cellules entre elles et de certaines par les anticorps,
mais aussi l’histocompatibilité), le métabolome
(grâce à des ordinateurs très puissants, il est aujourd’hui possible de simuler le métabolisme cellulaire), enfin, l’épigénome et le microbiome qui
sont les plus importants. Autre organe dans notre
corps, le microbiome est constitué de milliards de
bactéries qui vivent sur et dans l’organisme. Son
existence est capitale pour défendre notre immunité, nous protéger contre d’autres microbes
et virus dits opportunistes. Quant à l’épigénome,
il représente l’ensemble des gènes qui sont inhibés
L’entrée des grands du numérique dans la
ou au contraire activés par des hormones ou des
santé
produits résultant de notre comportement. Ce système nous renvoie au domaine de l’épigénétique
qui est, en quelque sorte, la modulation de l’exAvec la technologie génomique naît également
pression des gènes par le comportement. Et c’est
la perspective d’une médecine plus personnalisée. Dans ce contexte, l’industrie pharmaceuà l’épigénétique qu’est lié le vieillir jeune.
tique est destinée à vendre, non plus seulement
des médicaments, mais aussi des produits et serL’idée que l’on puisse faire quelque chose pour soi
vices, en d’autres termes toute une assistance paen modifiant son comportement est fondamentale car nous avons toujours cru que nous étions
rallèle. Une assistance de plus en plus fondée sur
déterminés à 100% par les gènes de nos parents,
la personne et ses gènes mais aussi sur des réseaux
par notre éducation. Or, ce que nous mangeons,
de distribution qui seront des espaces santé bénéficiant de tous les outils numériques pour apporl’exercice que nous faisons, le management du
ter des informations et faire de la formation aux
stress, le plaisir d’être en famille, de faire son métier,
patients. Avec les produits et services de santé,
a une influence sur les gènes. Avec l’épigénétique et la modification de notre comportement,
leur personnalisation, le métier va donc changer,
on peut donc changer à plus ou moins brève
évoluant vers l’aide aux patients qui pourront,
échéance certains éléments dans notre corps. Et
grâce aux outils, mesurer leur santé, vieillir moins
le fait de pouvoir mesurer ces changements via
vite, en mangeant différemment, en faisant de
différents outils, de voir les effets de ce que l’on
l’exercice. C’est là qu’intervient la stratégie du
applique, montre qu’il est possible de maintenir
PMS ou Programme de Maintenance de la Santé
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SANTÉ : CONJUGUONS LE FUTUR
FUTUR : IMPARFAIT ET PLUS QUE PARFAIT
Des valeurs fondamentales pour conjuguer la
santé au futur
qui regroupera, autour des produits et services
de e-santé : package éducatif, suivi personnalisé (pour savoir si les modifications apportées ont
des résultats), biotests (des tests ARN permettent
aujourd’hui de voir si un système fonctionne sur
l’épigénétique ou pas), guidage par experts,
connexion Internet et services, etc. Cet éventail
d’offres sera proposé par l’industrie, les pharmaciens, mais pas seulement. Car les grands du numérique, les Gafama - acronyme de Google, Apple,
Face Book, Amazon, Microsoft, Alibaba - entrent
dans ce métier, se lancent dans les services et produits de santé, faisant ainsi de la concurrence au
monde de la pharmacie. Ces entreprises Etats ont
en effet compris qu’il y a énormément de valeur
ajoutée à créer dans ce domaine. Décentralisées
dans le monde entier, bénéficiant d’un pouvoir
énorme, elles représentent de plus un certain
danger de monopole, numérique, avec le big
data de nos informations, celles que l’on laisse sur
Amazon, sur Google, sur Facebook, etc. De ce
fait, les entreprises pharmaceutiques ont tout intérêt à réaliser du big data pour être plus proches
de leurs clients, de leurs consommateurs. Mais attention encore avec le génome, et notamment
l’approche de Google X qui souhaite entrer dans
le big data de nos gènes et détenir des banques
mondiales du génome humain. L’objectif : aller
rechercher dans cette énorme base de données,
avec des outils d’intelligence artificielle, des algorithmes génétiques, des informations qui permettront de regrouper certains types de maladie, par
pays. Que nous soyons des êtres humains n’est pas
le problème de ces entreprises. Pour elles, gagner
du temps de vie, vivre le plus longtemps possible
avec la meilleure santé, cela s’achète.
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Face au danger que représente Gafama, nous
devons nous organiser en tant que citoyens, dans
une co-régulation citoyenne, afin d’opposer à ces
monopoles numériques une force qui nous permette de préserver nos libertés humaines, le droit,
l’éthique. Rappelons en effet que nous avons, en
Europe et surtout en France, une réflexion éthique,
philosophique et spirituelle qui fait que ce n’est pas
seulement le marché qui est important mais aussi
les humains, le droit des hommes et des femmes.
Ainsi, nous ne devons pas oublier les valeurs fondamentales qui doivent prévaloir dans les métiers de
santé pour conjuguer la santé au futur : partage et
formation (le meilleur moyen de s’informer est de
partager l’information), respect des diversités mais
aussi des seniors avec la participation à la silver
economy, solidarité, empathie et altruisme, et enfin
éthique (dans la gestion des risques, les conflits
d’intérêt). Au final, pour avoir une vision positive
du futur et des bouleversements qui s’annoncent,
il nous faut comprendre, vouloir, aimer, construire.
Comprendre tout d’abord ce monde complexe
dans lequel nous sommes, vouloir ensuite ce futur
qui arrive sans redouter le changement, aimer
aussi le risque, l’inconnu, la découverte, l’exploration, le futur et les gens qui, avec soi, contribuent
à le faire (collaborateurs, collègues, famille, etc.),
enfin construire l’avenir plutôt que le subir. Car
construire l’avenir, c’est créer. Et créer est la plus
belle chose que l’on puisse faire collectivement
puisqu’elle est le gage de notre capacité à nous
relier en tant que société. Tout ce qui fait, en définitive, le monde de demain.
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SANTÉ : CONJUGUONS LE FUTUR
CONSEIL SCIENTIFIQUE
Président
Gérard Viens, Professeur
Économie et Gestion de la Santé – ESSEC
Membres
Françoise Ballereau, Professeur
Pharmacien, Praticien hospitalier – CHU Nantes
Jean-François Bergmann, Professeur
Praticien hospitalier, Service de Médecine Interne – Hôpital Lariboisière, AP/HP
Françoise Brion, Professeur
Pharmacien, Praticien hospitalier – Hôtel Dieu, AP/HP
Christine Broissand
Pharmacien, Praticien hospitalier – Hôpital Universitaire Necker-Enfants Malades, AP/HP
Christian Doreau
Pharmacien, Praticien hospitalier – Paris
Michel Guizard
Pharmacien, Praticien hospitalier – CH Meaux
Frédéric Pinguet
Pharmacien, Praticien hospitalier – Institut du Cancer, Montpellier
7000009769 - 01 /15
Sanofi-aventis France
S.A. au capital
de 62 537 664 euros
1-13, boulevard Romain Rolland
75014 Paris
Les fichiers utilisés pour vous communiquer le présent document et, le cas échéant, pour
recueillir des informations vous concernant sont destinés à vous transmettre de l’information
sur nos produits ou leur environnement et à enrichir et optimiser notre connaissance des
professionnels de santé afin de mieux adapter notre offre produits/services. Les destinataires
des données sont sanofi-aventis France et ses prestataires contractuels soumis à clause de
confidentialité. Conformément à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée,
vous disposez d’un droit d’accès, de rectification et d’opposition aux données vous concernant que vous pouvez exercer en vous adressant à sanofi-aventis France - Direction Qualité
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