Dimanche 09 janvier 2005
CONFERENCE 32
ETHIQUE DE L'IMMANENCE
BADIOU attend de la philosophie ce qu’Antigone attend d’elle-même :
maintenir sonpropre désir”, résister à la morale organisatrice et
capitaliste.1 LACAN a fait de cette exigence la maxime de L'ETHIQUE
PSYCHANALYTIQUE :
Je crois qu’il n’y a qu’une chose dont on peut être coupable, au moins
dans une perspective psychanalytique, et c’est en ayant cédé à son
désir.2
Céder à son désir signifie agir selon des motivations qui ont adopté le
registre positif du bien. Cela signifie séjourner du côté d’une tradition
sociale, politique, économique, culturelle et ontologique, qui met le désir
entre parenthèse, le limite et le relativise, en poussant le sujet à réaliser
une option disponible et positive. En attendant du sujet qu’il fasse
L'ATTENDU, la tradition exige l’exclusion ou la neutralisation de ce qui
affecte et déstabilise sa prétention aux valeurs. L’éthique de la
psychanalyse nécessite l’interruption de cette attente (de L'ETHIQUE DU
BIEN). Elle attend du sujet d’échanger le système de l’attente afin de faire
quelque chose de NOUVEAU, d’inouï et d’étonnant. Elle touche au sujet à
1
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l’endroit le plus sensible, duquel il menace de se perdre en tant que sujet
dans l’acte de la SUBJECTIVATION.
Qu’est-ce donc comme désir, celui qui maintient la philosophie en
amenant le sujet du désir aux limites de ses capacités? Un désir, qui
enferme une charge essentielle, de renoncer à la détermination à un certain
confort, de faire une victime élémentaire, afin de réaliser la possibilité d’un
but (politique):
Il y a des moments, où quelque chose nous ravit tellement que nous
sommes prêts à oublier ou à renier, notre propre bien-être et tout ce qui y
est lié, des moments, durant lesquels nous sommes convaincus que notre
Dasein n’est valable que dans la mesure où nous sommes capables de le
sacrifier.3
Afin d’être sujet, le sujet doit pouvoir se sacrifier en tant que sujet. Il
doit garder un désir vivace, qui compromet sa constitution en tant que sujet
au moment de sa nouvelle détermination d’une manière imprévisible. Il doit
désirer cette vivacité, désir de la vie et du désir de ce que veut la vie: “non
sans une certaine cruauté envers soi-même.4 Il doit distinguer entre le
désir faux et authentique. Il doit résister à la pression de la neutralisation,
de l’objectivation, de l’étouffement et de la réduction de son désir par
l’institution du pouvoir, de l’opinion publique et de ses obligations
catégoriales. Il n’a pas le droit de s’aliéner dans les exigences de la société
3
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et de sa morale. Il dépasse son temps et traverse le passé, l’histoire en
général et le système onto-impérial des symboles et signifiants, qui
l’archive. Il doit s’oublier afin d’être plus prés de lui-même. C’est le sujet de
cette amnésie risquée : sujet aigu ou présent, problématique ou précaire,
absolument incommensurable avec “soi”.5
L’éthique psychanalytique touche à UN SOI AU-DELA DU SOI, au-
delà de ce que l’on nomme le “soi” dans la reproduction d’un certain leurre
(de soi) socio-ontologique. Elle engage à minimiser la distance, qui le
sépare de soi en tant que FAUX SUJET – du manque authentique qui fait
son être. Elle l’engage à une impossibilité, dans la mesure où au moment
de cet engagement elle déclare l’irréductibilitéou l’absolu de cette distance.
Elle exige du sujet de S'IDENTIFIER AVEC L'IMPOSSIBLE.
L’éthique du désir implique un appel à oublier en comprenant la
conscience en tant que matrice topologique d’une décision éthique :
l’inconscient ne sera pas rappelé. Il sera réalisé. Il se réalise dans l’acte de
négation du sujet de mémoire en tant que sa norme symbolique. A l’éthique
du désir correspond la logique de l’absence de pensée et de la fuite, qui
sans être irrationnelle, étend le plan d’avenir singulier du sujet à une
nouvelle rationalité et une nouvelle dimension de la logique. Pour être
authentique dans le sens analytique, le sujet se crée une loi compatible
avec son désir. Au lieu d’une possibilité dans ce qu’il y a de disponible, il
choisit l’impossible, un réel au-delà de la réalité économique, politique,
historique, sociale, sémantique :
5
Pour la psychanalyse, l’éthique consiste à précipiter le désir dans un
abîme, un effondrement de la signification.6
Le sujet s’oppose au MONDE DES BIENS ET DES FAITS, afin de
créer son propre
factum
, sa propre vérité et un événement dont elle est
témoin. L’éthique du désir philosophique se confirme au moment du
dépassement de la norme sociopolitique. Elle produit sa propre économie
de la résistance, du renie, de la détermination et de la “révolte logique
(Rimbaud). Le
kairos
, le MOMENT DE LA LIBERTE, dit Antonio Negri, est
le “moment qui lance la flèche de l’être de la corde, le moment de
l’ouverture, de la découverte de l’être au bord du temps. Nous vivons à
chaque moment cette zone limite de l’être dans le devenir.7
La LIBERTE DU SUJET s’articule en un mouvement de fuite
incontrôlé, mais déterminé. Le sujet intensifie ses rapports à l’incontrôlable
qui en tant qu’abîme de la liberté porte sa détermination dans la philosophie
en tant que politique est soulèvement ou révolte, prétention à la généralité
et distanciation critique de la situation actuelle, c’est-à-dire du monde
contemporain et sa compréhension réduite de la liberté en tant que praxis
économique au sens strict, “qui est liée à ce qu’il lui est destiné dans le
réseau de circulation des biens.” Elle correspond à un “mouvement”, qui,
comme dit Badiou avec Mallarmé, “est toujours partiellement un pari, un
engagement audacieux, une figure, pour laquelle il en vient toujours au
moment sans arme ou au SAUT DANS L'IMPREVISIBLE, qui est aussi un
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engagement de la pensée et, en tant que tel, marche toujours avec une
part indélébile de hasard. Et dans ce sens, la philosophie tombe aussi sous
la maxime mystérieuse qui énoncé que toute pensée accomplit un coup de
dés.8
Même si Badiou connote la détermination philosophique – la
détermination pour la philosophie en tant que telle, pour un certain geste
platonique et pour le SUJET MODERNE – d’un ralentissement de la
pensée, de la restitution du désir selon la continuité, systématicité et la
prétention de vérité, on devrait penser l’intensité de cet indispensable frein
en tant que moment d’une ACCELERATION ESSENTIELLE :
Notre monde est imprégné de vitesse et d’incohérence. La philosophie
doit être celle qui nous permet d’interrompre cette vitesse ou cette
incohérence, de l’entailler et de dire, que ceci est bien et que cela non – et
le moment, auquel nous devons dire, cela recommence toujours.9
La pensée de ralentir ne peut signifier le faire d’une fausse manière
prudemment, empli de sensiblerie ou sans force. Cela signifie de
RENFORCER LA CATEGORIE-SUJET, de restructurer et de redéfinir. Elle
exige de la philosophie d’investir ses forces et son acuité à la découverte
d’“une nouvelle rationalité” et “une nouvelle forme de sujet”. La
philosophie doit cesser de ne pas se faire confiance. Elle doit combattre sa
tendance à la LARMOYANCE, le “régime de pleurnicherie enfantine”, qui
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