TC-PTP, un modulateur clé du système immunitaire

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NUMÉRO CRCQ
REVUE
TC-PTP, un modulateur clé du
système immunitaire
T-cell Protein Tyrosine phosphatase (TC-PTP),
a key player in immunity
Stéphanie Bussières-Marmen, Michel L. Tremblay
Centre de Recherche sur le Cancer Rosalind et Morris Goodman
Département de Biochimie, Université McGill, Montréal
Correspondance
Michel L.Tremblay, PhD
Centre de Recherche sur le Cancer Rosalind
et Morris Goodman
Université McGill, local 601
Montréal, Québec, H3A 1A3
Canada
514 398-8280
[email protected]
Date de réception :
Date d’acceptation :
Vol.2 n°2
22 novembre 2012
11 février 2013
STÉPHANIE BUSSIÈRES-MARMEN ET COLL. 1
NUMÉRO CRCQ
Résumé
TC-PTP (PTPN2) est une protéine tyrosine phosphatase fortement exprimée dans le système hématopoïétique et qui assure une diversité de rôles dans le développement et la réponse immunitaires.
Nommée en référence aux cellules T, dans lesquelles elle a été découverte, elle est présente de façon
ubiquitaire chez les mammifères. De récentes études génomiques ont établi un lien entre cette phosphatase et certaines maladies auto-immunes. D’ailleurs les souris génétiquement déficientes en TCPTP ont permis d’identifier son rôle de régulateur négatif des sentiers de signalisation, tel Jak1/3-STAT,
dans un grand nombre de cellules hématopoïétiques. Ces découvertes positionnent donc TC-PTP
comme une enzyme clé dans la modulation du système immunitaire ainsi qu’un gène important dans
plusieurs maladies auto-immunes humaines.
Summary
T-Cell Protein Tyrosine phosphatase (TC-PTP, gene name PTPN2) is a protein tyrosine phosphatase
highly expressed in hematopoietic tissues. Genome wide association studies have linked this
phosphatase to several autoimmune diseases in humans. In accordance, TC-PTP knock-out (KO)
mice succumb to severe anemia, systemic inflammation and splenomegaly within 3-5 weeks of birth.
The characterization of the KO mouse model helped clarify TC-PTP’s role in different immune cell
lineages. In vivo studies also demonstrated the negative regulatory role of TC-PTP in different signalling
pathways important in immune development such as Jak1-3-STAT. Hence the phosphatase is a key
player in the modulation of the immune system and its study will provide some understanding of how
the gene PTPN2 is linked to autoimmune disease in humans.
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Introduction
P
our assurer leur développement et
Cette phosphatase, aussi connue sous
leur activation, les cellules du système
le nom de PTPN2 (nom du gène), a été clo-
immunitaire dépendent de façon es-
née à partir d’ARN messagers de cellules T
sentielle d’un réseau de signalisation induit par
humaines, ce qui est à l’origine de son nom [3].
différentes cytokines. La phosphorylation tem-
Sa fonction n’est cependant pas restreinte aux
poraire des acides aminés (aa) tyrosines chez
lymphocytes T et elle est présente de façon ubi-
plusieurs protéines de cette signalisation est
quitaire, quoique fortement exprimée dans les
une modification post-translationnelle néces-
cellules du système hématopoïétique. Trois iso-
saire à la propagation des signaux de l’extérieur
formes de TC-PTP sont exprimées chez la sou-
de la cellule jusqu’au noyau cellulaire. Cette
ris mPtpn2-001 (382aa), mPtpn2-002 (406aa)
modification post-translationnelle peut mener à
et mPtpn2-003 (363aa), codant respective-
l’activation ou à l’inhibition du signal. Au cours
ment pour des protéines de poids moléculaires
des dernières années, de nombreuses études
de 45kDa, 48kDa et 42.3kDa. Chez l’humain,
ont démontré l’importance des récepteurs tyro-
plus de 15 épissages différents ont été identi-
sines kinases en tant qu’immunorégulateurs [1].
fiés et pas moins de cinq isoformes protéiques
Les protéines tyrosines phosphatases (PTP)
sont prédites. Cependant comme chez la sou-
qui déphosphorylent ces résidus assurent des
ris, seules trois formes humaines majeures de
rôles tout aussi significatifs et leur absence peut
PTPN2 sont présentes : hPtpn2-001 (353aa),
mener à divers dysfonctionnements tels que
hPtpn2-002 (415aa) et hPtpn2-003 (387aa). Il
le développement de cancers [2]. C’est entre
faut souligner que les deux formes Ptpn2-001
autres le cas de la protéine tyrosine phospha-
et Ptpn2-002 diffèrent en raison de l’épissage
tase des cellules T (TC-PTP), qui remplit diffé-
alternatif du dernier exon lors de la transcrip-
rentes fonctions chez de nombreuses cellules
tion du gène. L’isoforme de 45kDa (Ptpn2-001)
du système immunitaire dont, comme son nom
est localisée dans le noyau alors que celle de
l’indique, les lymphocytes T (Figure 1).
48kDa (Ptpn2-002) se retrouve au niveau du
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Figure 1 Schéma des rôles de TC-PTP dans les différentes lignées hématopoïétiques
TC-PTP affecte différentes lignées hématopoïétiques au niveau de la moelle osseuse, du thymus et des tissus périphériques. Les lignées positivement régulées par la phosphatase sont encadrées en vert et celles négativement régulées le
sont en rouge.
réticulum endoplasmique. Au cours des der-
déséquilibre dans la signalisation des Jak/STAT
nières années, plusieurs substrats de TC-PTP
contribue au développement de différents dys-
ont été identifiés : Jak/STAT, EGFR, IR, PDGFR
fonctionnements immunitaires [12]. Ainsi, par
et autres [4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11] (Tableau I).
l’entremise des substrats qu’elle affecte, TC-
Les Jak/STAT sont particulièrement d’intérêt
PTP joue un rôle de régulateur de l’activation
dans l’analyse du rôle joué par la phosphatase
des cellules du système immunitaire. Égale-
dans la signalisation immunitaire (Figure 2). Un
ment, une délétion de PTPN2 a récemment été
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observée chez certains patients atteints de leu-
ce lien entre TC-PTP et le système immunitaire
cémie lymphoblastique aiguë des lymphocytes
en démontrant une association entre un polymor-
T, confirmant ainsi l’implication de TC-PTP dans
phisme nucléotidique (SNP) localisé au locus de
le système immunitaire [13, 14].
PTPN2 (rs2542151) et trois maladies auto-im-
De plus, au cours des dernières années,
munes : le diabète de type 1, l’arthrite rhumatoïde
de nombreuses études génomiques ont renforcé
et la maladie de Crohn [15] (Figure 3 et Tableau II).
Substrats
Type cellulaire
Références
Jak 1
Jak 3
STAT 1
Cellules Cos7
[ 4] Curr Biol 2002, 12:446-453
Cellules 293T
Lignée d’ostéosarcome
Humaine (U2OS)
Hépatocytes
[5] Mol Cell Biol 2002, 22:5662-5668
STAT 3
STAT 5a+5b
STAT 6
IR
EGFR
p52Shc
PDGFR
CSF-1R
Lck
Fyn
C3G
Cellules épitheliales mammaires
(COMMA-1D)
Lymphomes diffus à grandes
cellules B
Cellules 293
Cellules Cos
Fibroblastes embryonnaires
murins
Macrophages
Cellules Cos1
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Lignée humaine lymphoblastique
T Jurkat
Lignée de neuroblastome hu[12] PLoS one 2011, 6(8):e23681
main (IRM-32)
Tableau I Les substrats directs de TC-PTP
Ce tableau indique les différents substrats de TC-PTP identifiés grâce à une technique qui consiste à muter la phosphatase
d’intérêt afin qu’elle soit catalytiquement inactive mais conserve tout de même sa capacité à lier son substrat. Les cellules
dans lesquelles ces substrats ont été identifiés ainsi que les articles de référence sont indiqués.
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Figure 2 Schéma illustrant l’implication de TC-PTP dans les réseaux de signalisation Jak-STAT
TC-PTP cible et déphosphoryle les résidus de tyrosine de différents acteurs des réseaux de signalisation Jak-STAT : Jak
1-3, STAT 1-3-5a/b-6. TC-PTP affecte ainsi l’expression de nombreux gènes régulés par ces réseaux.
Figure 3 Localisation des SNP associés à différentes maladies auto-immunes dans le locus de PTPN2
De multiples études génomiques ont identifié plusieurs SNP liés au développement de diverses maladies auto-immunes
chez l’humain. Les SNP localisés dans la région chromosomale 18p11 (locus de PTPN2) sont illustrés. (Voir Tableau II pour
l’information concernant ces SNP.)
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SNP
Position dans le Allèle
gène
ciblée
Association aux
maladies
Références
rs7234029
Intron 1
CD, UC
JIA
PLoS ONE 2012, 7(3):e33682
A/G
Arthritis Rheum 2010, 62(11) :3265-76.
rs478582
Intron 3
T/C
T1D, Maladie de
Graves
Nature Genetics 2007, 39(7): 857-864.
rs1893217
Intron 7
T/C
T1D, RA, Maladie
de Graves
JIA
Nature Genetics 2007, 39(7):857-864.
RA
Nature Genetics 2012, 44(5):511-6.
CD, T1D, RA
T1D
[13] Nature 2007, 447:661-678. Immunogenetics 2011, 63(4):255-8.
rs2847297
Intron 8
A/G
rs2542151
5.5 kb en aval du T/G
gène
Arthritis Rheum 2012, 62(11):3265-76.
Tableau II Les SNP localisés au locus de PTPN2 et leurs associations avec différentes maladies auto-immunes
Différents SNP liés à diverses maladies auto-immunes chez l’humain ont été localisés au locus de PTPN2 (18p11). Le
numéro du SNP, sa localisation dans le locus, l’allèle ciblé, la maladie associée et les articles de référence sont identifiés.
CD : maladie de Crohn, UC : colite ulcéreuse, JIA : arthrite idiopathique juvénile, T1D : diabète de type 1, RA : arthrite rhumatoïde.
Caractérisation de la souris génétiquement modifiée déficiente en TC-PTP
La première souris knock-out (KO, -/-) pour un
survivent que de trois à cinq semaines. La splé-
gène de la famille des PTP fut la souris PTPN2
nomégalie et la lymphadénopathie observées
générée par notre laboratoire [16]. Ces souris
chez l’animal sont en partie expliquées par une
naissent avec un rapport respectant les règles
augmentation du nombre total de cellules avec
de l’hérédité mendélienne, précisant que la
altération des proportions des différentes lignées
perte de TC-PTP n’est pas létale pour l’embryon.
hématopoïétiques dans ces organes. Ce modèle
Les souris de tous génotypes ne démontrent
murin permet donc d’étudier l’implication de TC-
aucune anomalie sévère à la naissance, et ce
PTP dans le développement et l’activation de
n’est qu’à la deuxième semaine que les souris
différentes lignées hématopoïétiques. Les sou-
KO se démarquent par leur petite taille, leur pos-
ris hétérozygotes pour l’expression de TC-PTP
ture voutée et leurs poils hérissés. Ces souris
démontrent un phénotype semblable aux souris
souffrent d’anémie, d’inflammation sévère, et ne
contrôles dites sauvages (WT).
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TC-PTP et le développement des érythrocytes
Comme mentionné précédemment, la souris KO
partiellement expliquée par un stroma déficient
souffre d’anémie. Un bas niveau d’hématocrite
dans la moelle osseuse. De plus, une amplifi-
et une absence d’auto-anticorps IgM dans la cir-
cation de la production de globules rouges est
culation sanguine de l’animal (déterminée par
notée au niveau de la rate, responsable d’une
le test de Coombs) caractérisent cette anémie.
augmentation du volume de la pulpe rouge et
L’analyse histologique de la moelle osseuse
expliquant en partie la splénomégalie observée
démontre une diminution du nombre de cellules
chez l’animal. Ce phénomène indique que la
stromales. L’intégrité de la moelle osseuse étant
rate ne semble pas pouvoir compenser l’incapa-
sévèrement affectée, l’environnement de syn-
cité de la moelle osseuse à assurer une érythro-
thèse des cellules (sécrétions ambiantes et ad-
poïèse appropriée. Ces résultats démontrent
hésions) devient inadéquat à leur bon dévelop-
l’implication nécessaire de TC-PTP dans le dé-
pement. Ainsi, l’érythropoïèse défectueuse est
veloppement des érythrocytes [16].
TC-PTP et les leucocytes myéloïdes
Dans la rate des souris homozygotes déficientes
a été démontrée responsable de cette inhibi-
en TC-PTP, la prolifération des lymphocytes T
tion. En stimulant les cellules Gr1+ des souris
est inhibée, mais ce phénomène est en partie
TC-PTP KO avec l’interféron-gamma (IFN-γ),
contré lorsque ceux-ci sont stimulés in vitro [17].
on constate une augmentation des niveaux de
Cette observation a mené à l’étude des diffé-
protéine nitrique oxyde synthase (iNOS) et de
rents groupes cellulaires présents dans la rate
la production d’oxyde nitrique (NO). C’est cette
qui pourraient être responsables de cet effet.
production de NO qui bloque la prolifération des
C’est la population positive pour le marqueur
lymphocytes T, tel que validé par l’utilisation d’in-
Gr1, regroupant les macrophages, les cellules
hibiteurs de NO permettant le rétablissement de
tueuses naturelles (NK) et les neutrophiles, qui
la prolifération des cellules. Il a aussi été noté
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que les macrophages sans TC-PTP, cellules
substrats directs de TC-PTP [19]. CSF-1 étant
appartenant au groupe Gr1+ mentionné, pré-
un facteur de croissance primaire pour la pro-
sentent une augmentation de l’expression du
lifération et la différentiation des macrophages,
marqueur d’activation CD80, signe d’une hype-
l’hyperphosphorylation de CSF1R chez les
ractivation de ces cellules [17].
macrophages TC-PTP -/- semble expliquer leur
L’analyse histologique des tissus des
prolifération dérégulée.
souris TC-PTP -/- permet de constater l’infiltra-
Différents tests clonogéniques utilisant
tion des macrophages aussi bien au niveau des
les cellules progénitrices de la moelle osseuse
tissus lymphoïdes (rate) que non-lymphoïdes
des souris KO ont démontré la préférence de
(reins). Ces tissus possèdent aussi de très
ces dernières à se différencier en lignées mono-
hauts niveaux d’expression d’ARN messagers
nucléaires phagocytaires telles que les macro-
de l’IFN-γ, d’IL12 et de NO, tous d’importants
phages [17]. La perte de TC-PTP mène donc
marqueurs du processus d’inflammation [18].
à une augmentation de la prolifération et de la
Lorsqu’ils sont stimulés aux lipopolysaccha-
sensibilité des macrophages ainsi qu’à une pré-
rides (LPS) in vivo ou in vitro, les macrophages
férence des cellules progénitrices à l’engage-
TC-PTP -/- produisent, tout comme le groupe
ment vers le développement de lignées mono-
de cellules Gr1+ précédemment décrit, de très
cytiques. Par conséquent, TC-PTP assure un
hauts niveaux d’iNOS et de NO. Afin de com-
rôle d’inhibiteur chez cette lignée cellulaire et
prendre l’hypersensibilité des macrophages TC-
prévient l’inflammation qui découle habituelle-
PTP -/-, les mécanismes de signalisation ont été
ment de l’hyperactivation de ces cellules.
étudiés et CSF1R a été identifié comme l’un des
TC-PTP et les leucocytes lymphoïdes : cellules B
La moelle osseuse des souris TC-PTP -/- démontre
une diminution du nombre total des cellules hématopoïétiques; plus précisément ciblées sont les celVol.2 n°2
lules pré-B, les cellules immatures B et les cellules
stromales [16]. Au cours de leur développement
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dans la moelle osseuse, les cellules progénitrices B
est surprenant compte tenu du fait que la perte de
souffrent d’une obstruction durant leur transition de
TC-PTP mène généralement à une augmenta-
petites cellules pré-B à cellules B immatures. Ces
tion de la phosphorylation de ses substrats. Tou-
deux sous-types cellulaires présentent d’ailleurs une
tefois, au niveau des cellules pré-B TC-PTP -/-,
augmentation de l’expression du marqueur de mort
une diminution de l’expression du récepteur IL7
cellulaire Annexin V. Des études de co-culture ont dé-
contribue à cette hypophosphorylation de Jak1 et
montré que l’obstruction observée dans le processus
STAT5. Pour ce qui est des cellules stromales
de maturation des cellules B est expliquée par une
de la moelle osseuse, elles sécrètent de grande
déficience au niveau de l’environnement dans lequel
quantité d’IFN-γ, cytokine reconnue pour dimi-
celles-ci se développent, mais aussi au niveau des
nuer la sensibilité des cellules B à une stimula-
cellules elles-mêmes [20].
tion à l’IL7 [22]. Ainsi, la perte de TC-PTP chez
Les cellules pré-B TC-PTP -/- stimulées
les cellules B mène à une diminution du nombre
in vitro avec l’interleukine 7 (IL7) prolifèrent plus
d’IL7R et à une baisse de sensibilité à l’IL7
lentement que les cellules pré-B WT. En effet, la
causée par l’importante concentration d’IFN-γ
baisse de sensibilité des cellules à l’IL7 est expli-
dans l’environnement. Ces deux phénomènes
quée par une diminution de la phosphorylation des
expliquent la diminution de la prolifération des
facteurs Jak1 et STAT5 qui assurent la signalisa-
cellules B ainsi que le blocage dans leur pro-
tion du récepteur IL7 (IL7R) [21]. Ce phénomène
cessus de maturation.
TC-PTP et les leucocytes lymphoïdes : cellules T
L’inflammation systémique observée chez la sou-
absolus de cellules T ne sont pas affectés; par
ris KO mène à une atrophie du thymus. L’ana-
contre, leur pourcentage est diminué en raison
lyse du thymus de ces souris indique une dimi-
de l’augmentation des autres types cellulaires,
nution du nombre de cellules T doubles positives
dont le nombre s’accroît [16].
(DP) mais aucun effet apparent sur les cellules
Comme mentionné précédemment, la
simples positives. Du côté de la rate, les niveaux
capacité de proliférer des cellules T dans la rate
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des souris TC-PTP KO est inhibée. Cette capa-
la signalisation du récepteur des cellules T
cité est partiellement restituée lorsque les cel-
(TCR), qui assure la survie et la sélection de
lules KO sont isolées et stimulées in vitro, mais
ce type cellulaire, a été réalisée. TC-PTP joue
les cellules KO sont tout de même encore 2 à
un rôle de régulateur négatif du TCR en inhi-
3 fois moins prolifératrices que les cellules WT
bant la signalisation de certains membres de la
lorsqu’elles sont isolées et stimulées [17]. L’inhi-
famille des kinases Src. Deux importants parti-
bition générée par l’environnement présent dans
cipants de cette signalisation, Lck et Fyn, ont
la rate ainsi que celle notée au niveau de la cel-
été identifiés comme substrats de TC-PTP.
lule T elle-même démontrent un rôle intrinsèque
Cette implication au niveau du TCR affecte
et extrinsèque de TC-PTP dans le développe-
le développement des cellules T, mais aus-
ment des cellules T, tout comme dans celui des
si leur fonction en périphérie. Au niveau du
cellules B. Pour ce qui est des cellules T en
développement dans le thymus, l’induction
périphérie, une augmentation de la proportion
significative du TCR et l’altération de la si-
des lymphocytes T mémoires est notée chez la
gnalisation des cytokines, causée par la perte
souris KO [16].
de TC-PTP, mènent à une augmentation des
Pour décoder le rôle de la phosphatase
cellules T SP CD8+ et CD4+. En périphérie,
au niveau de la prolifération et de l’activation
les ratios de cellules T effectrices et mémoires
des cellules T et éliminer le facteur environne-
sont augmentés, ce qui peut mener à une perte
mental causé par la perte globale de TC-PTP
de la tolérance immunitaire chez l’animal.
chez l’animal, un modèle de souris KO condi-
Ainsi, dans le modèle avec la perte condi-
tionnel a été généré [23]. La perte de TC-PTP
tionnelle de TC-PTP, la phosphatase contribue à
chez cette souris conditionnelle est restreinte
la régulation de la sélection positive des cellules T
aux lymphocytes T et débute dès la formation
durant leur développement dans le thymus sans
des DN. C’est avec ce modèle que l’étude de
affecter la sélection négative. Ce phénomène
l’implication de la phosphatase au niveau de
semble moins présent chez la souris avec un KO
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de TC-PTP généralisé en raison de la déficience
notamment des glucocorticoïdes, modulateurs
stromale qui affecte de nombreux composants,
reconnus des DP.
Conclusion et perspectives
En ciblant différentes cascades de signa-
PTP dans le développement et l’activation
lisation, TC-PTP affecte le développement
des lymphocytes T [23].
et l’activation de multiples types cellulaires
Les phénotypes observés dans les diffé-
jouant des rôles majeurs dans le système
rentes cellules immunitaires du modèle de souris
hématopoïétique. La perte totale de la
TC-PTP KO ne font que renforcer les liens entre
phosphatase chez la souris mène à une
PTPN2 et certaines maladies auto-immunes
inflammation généralisée causée en partie
établis par des études génomiques. Déjà, de ré-
par l’hyper-activation des macrophages,
centes études effectuées dans notre laboratoire
à une anémie partiellement expliquée par
ont démontré l’implication de la phosphatase
une moelle osseuse défectueuse et à une
dans le développement de la maladie de Crohn
diminution de la prolifération et de l’activa-
[24] et de l’arthrite rhumatoïde [25]. Toutefois,
t ion des lymphocytes T et B [16]. La souris
plusieurs questions sur les mécanismes de
TC-PTP KO permet de démontrer comment
contrôle influençant l’expression et l’action de
la phosphatase affecte l’environnement
cette tyrosine phosphatase restent à résoudre
des différents types cellulaires en main-
afin de pouvoir utiliser ce gène comme biomar-
tenant une stabilité dans la production et
queur et cible thérapeutique en médecine per-
la réponse des cytokines. Des modèles de
sonnalisée [26]. Notamment, la compréhension
souris KO conditionnel doivent être utilisés
de la fonction anti-inflammatoire de TC-PTP se-
afin de mieux comprendre le phénomène
rait d’une grande aide dans le développement
cellulaire engendré par la perte de TC-PTP,
de traitements spécifiques aux patients possé-
comme démontré par l’étude du rôle de TC-
dant le SNP dans le locus PTPN2.
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Remerciements et financements
bué à l’avancement des recherches sur TC-PTP.
Les auteurs remercient le département de biochi-
Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’in-
mie de l’Université McGill ainsi que la Société Ca-
térêts concernant les données publiées dans
nadienne du Cancer pour les fonds qui ont contri-
cet article.
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