Elle a le nez pointu, me-
sure entre 6 et 10 cm et
pourrait recevoir la mé-
daille d’or en plongeon.
C’est la musaraigne aquatique,
petit mammifère original, au joli
pelage bicolore, qui vit à proxi-
mité des ruisseaux et petits
plans d’eau. Qui pourrait résister
à cette petite boule de poils?
«L’année dernière, notre choix
était plus ambitieux, avec la cou-
leuvre à collier, reconnaît Layne
Meinich, directrice adjointe du
Centre Pro Natura de Champ-
Pittet (VD). Cette fois-ci, nous
avons opté pour un animal qui
aura vite fait d’attiser la sympa-
thie parmi la population... Nous
sommes nous-mêmes des mam-
mifères, raison pour laquelle
nous avons tendance à nous at-
tacher plus vite à des espèces de
cette même classe.»
Mais derrière ce choix se
cache d’abord une sérieuse pro-
blématique qu’a voulu mettre en
avant l’organisation de protec-
tion de la nature: la mauvaise
santé des cours d’eau helvé-
tiques. «On a faussement ten-
dance à croire que la situation
s’améliore, poursuit l’écologiste.
C’est bien le cas pour les lacs, de-
puis que les phosphates ont été
interdits. Les rivières, elles, sont
toujours gravement contami-
nées par les pesticides et les en-
grais. La faute à une agriculture
encore trop intensive.»
La musaraigne aquatique
soure indirectement de cette
pollution, elle qui se nourrit
principalement de faune aqua-
tique: larves d’insectes, micro-
crustacés, escargots, mollusques
et parfois aussi petits poissons et
batraciens. Des espèces qui
peinent à survivre si l’eau n’est
pas susamment propre et bien
oxygénée. «La nourriture est
une préoccupation récurrente
pour le petit mammifère. Très
adapté à la pêche en rivière grâce
à son pelage spécial, il est ca-
pable de nager très longtemps.
Le revers de la médaille, c’est
que cette activité lui demande
énormément d’énergie. Ce qui
implique que, chaque jour, la
musaraigne aquatique doit ava-
ler l’équivalent de son poids en
nourriture!»
Plaidoyer pour des rives
végétalisées
L’autre condition indispensable
pour abriter une population de
musaraignes, ce sont des
berges intactes. «L’espèce est
répandue à travers tout le pays
jusqu’à 2000 mètres d’altitude.
Mais à chaque fois qu’une musa-
raigne aquatique a pu être obser-
vée, elle se trouvait à proximité
d’un ruisseau ou d’un plan d’eau
où les rives et le lit étaient à l’état
Le saviez-vous?
Musaraigne
aquatique
(Neomys fodiens)
Onze diérentes
espècesdemusa-
raignes vivent en
Suisse. La musaraigne
aquatique, avec ses 6 à
10 cm de long (sans la
queue), est la plus
grande d’entre elles.
Elle occupedouze
heuresde sajournée à
rechercher sa nourri-
ture, tout au long de l’an-
née. L’animal avale 10 à
20 grammes quotidien-
nement, soit l’équivalent
de son poids!
Elle sécrèteunvenin
neurotoxique par ses
glandes salivaires, qui lui
permet de paralyser –
voire parfois de tuer –
ses proies. Ce poison
est inoensif pour
l’homme… Le petit mam-
mifère aura d’ailleurs
tendance à fuir s’il ren-
contre un baigneur!
C’estune espèce
solitaire, qui ne se rap-
proche de ses congé-
nères qu’en période de
reproduction. Au terme
d’une vingtaine de jours
de gestation, deux ou
trois fois par an, la
femelle donne naissance
à quatre à huit petits.
Aleur naissance, les
bébés ne pèsent que
1 gramme. Leur
espérance de vie dans
la nature est d’environ
dix-huit mois.
Elle estsouvent appe-
lée à tort«souris d’eau».
Elle n’a en eet aucun
lien de parenté avec les
souris, qui font partie de
l’ordre des rongeurs. La
musaraigne appartient
elle à l’ordre des
insectivores. Ses plus
proches parents sont les
taupes et les hérissons.
Oiseau de l’année
Le picépeiche
«Toc,toc,toc!»L’oiseaude
l’année2016,désigné par
l’organisationBirdLifeSuisse,
est facilement identiable en
tendant l’oreille, en ville comme
dans la nature. Non pas par son
chant, mais par son habitude à
tambouriner bruyamment avec
son bec sur les troncs des arbres.
C’est par ce biais, dès la n
janvier, qu’il annonce être à la
recherche d’un partenaire et qu’il
délimite son territoire.
Sonbecsolide lui permet
égalementdeforersa propre
tanièreet de débusquer sa
nourriture dans le bois. L’ani-
mal se montre en eet particu-
lièrement friand en larves dodues
de coléoptères, qui ont l’habitude
de résider à l’intérieur de vieux
arbres. Les petites cavités
formées ainsi par l’oiseau jouent
un rôle clé dans l’écosystème,
puisqu’elles sont rapidement
investies par d’autres animaux
pour y élever leur descendance:
guêpes, frelons, loir, mésanges,
sittelle torchepot ou encore
gobemouche noir. Elles
permettent aussi aux
champignons, aux coléoptères et
à d’autres insectes de coloniser le
bois mort et de le décomposer
peu à peu.
Aujourd’hui, le picépeicheest
encorefréquent en Suisse.
Pour éviter qu’il ne rejoigne à
l’avenir la liste des espèces
menacées, comme son cousin le
pic cendré, BirdLife Suisse
recommande de maintenir les
vieux arbres indigènes dans les
agglomérations et dans les forêts,
mais également de planter
davantage d’arbres isolés, de
bosquets et de haies en milieu
agricole. De nombreuses espèces
vivantes en dépendent!
La musaraigne aquatique creuse des terriers sur les berges naturelles.
Stephen Dalton/Minden Pictures/Prisma, Hugo Willocx/Biosphoto/Keystone, Stefan Wassmer/Bird Life Schweiz
SOCIÉTÉ |MM12,21.3.2016 | 29