A propos de la présence d’instruments derrière la scène, on peut faire deux remarques :
- Cet opéra ne contient pas – comme cela arrive souvent – de «musique de scène», soit un
orchestre de scène, dans la tradition de ce qu’on nomme la « banda » (lorsque l’action de
l’opéra sous-entend de la musique). Pourtant il y a, dans le texte même, l’évocation d’une
musique de scène – et pas n’importe laquelle, puisqu’il s’agit de la fameuse danse de
Salomé, qui est au cœur du mythe. Le choix de Strauss, de ce point de vue, est très
intéressant: il décide justement de ne pas faire de ce moment dansé une scène de genre,
intégrant de ce fait la danse à la narration de l’orchestre. Celui-ci va en effet continuer, tout
au long de la danse, à travailler les leitmotivs principaux de l’opéra, comme si Salomé, en
dansant, faisait un geste d’anamnèse et de retour dans son passé.
- Le compositeur place l’orgue et l’harmonium derrière la scène visiblement pour créer un
effet de l’ordre de la spatialisation des timbres.
- L’orgue et l’harmonium sont deux instruments a priori associés à la sphère religieuse.
Mais on voit d’emblée que leur rôle ne s’y réduit pas – voire s’y oppose…: l’harmonium est
utilisé dans la première scène en relation à la beauté de la Princesse (et Strauss le fait
revenir dans la première scène chaque fois que Narraboth répète cette exclamation : « Wie
schön ist die Prinzessin Salome ! »).
L’orgue quant à lui n’apparaît qu’à la toute fin de l’opéra, au moment précis où Salomé
embrasse la bouche de Iokanaan. C’est donc l’instrument du baiser (voir page suivante), ce
qui est pour le moins inattendu, renversant complètement nos attentes à ce niveau.