Les protéines non structurales des Alphavirus : rôle dans la

Journal Identification = VIR Article Identification = 0477 Date: February 20, 2013 Time: 3:55 pm
revue
Virologie 2013, 17 (1) : 31-45
Les protéines non structurales des Alphavirus :
rôle dans la réplication et l’interaction du virus
avec la cellule hôte
Nadia Rabah1,2
Bruno Coutard1
Bruno Canard1
1CNRS,
universités d’Aix-Marseille-I et II,
UMR 7257,
architecture et fonction des
macromolécules biologiques,
ESIL Case 925,
13288 Marseille,
France
2Université du Sud Toulon-Var,
laboratoire matériaux polymères
interfaces environnement marin
(MAPIEM-EA 4223),
83162 La Valette-du-Var cedex,
France
Résumé. Les alphavirus (famille des Togaviridae) sont des virus émergents trans-
mis principalement par les arthropodes. L’infection par des alphavirus conduit à
des pathologies plus au moins sévères incluant fièvres, polyarthrites et encépha-
lites pouvant conduire à des séquelles neurologiques permanentes. Les alphavirus
sont des virus enveloppés, dont le génome est un ARN simple brin de polarité
positive. L’ARNm code pour deux protéines non structurales (P123 et P1234)
maturées au niveau post-traductionnel en quatre protéines nsP1 à 4. Ces der-
nières vont assurer la transcription ainsi que la réplication du virus. Différentes
études ont soulignées l’importance des nsP dans l’accroissement de la virulence
mais également l’échappement viral. Cet article de revue retrace, d’une part, les
différentes hypothèses concernant l’évolution ainsi que la propagation mondiale
des alphavirus. D’autre part, il traite des découvertes récentes concernant le rôle
des nsP dans la réplication virale ainsi que dans les interactions hôte/pathogène.
L’élucidation et la compréhension de la fonction de chaque nsP reste un prérequis
pour l’élaboration de composés antiviraux.
Mots clés : alphavirus, évolution, replication, protéine non structurale, nsP,
méthyltransférase, guanylyltransférase, hélicase, protéase, macro domaine
Abstract. Alphaviruses (genus of the family Togaviridae) are emergent arthro-
pod borne viruses. They can cause mild to severe diseases including fever,
arthritis, and in certain cases encephalitis leading to neurological sequels. Alpha-
viruses are enveloped, single-stranded and positive-sense RNA viruses. The
genomic RNA encodes for two non-structural proteins (P123 and P1234) ; which
are cleaved post-translationally to generate four proteins nsP1 to 4. These nsPs
perform viral replication and transcription. Studies on different viruses pointed
out that nsPs are associated to increased virulence and are implicated in the shut
off of host antiviral defense systems. The present paper reports the latest hypothe-
sis regarding the evolution and the spread of alphaviruses. Moreover, it reviews
the recent discoveries concerning the role of nsPs in viral replication and virus-
host interactions. The elucidation and the understanding of nsPs function is a
prerequisite for the development of potent and selective antiviral drugs.
Key words: alphavirus, evolution, replication, non structural protein, nsP, methyl
transferase, guanylyltransferase, helicase, protease, macro domain
Introduction
Les alphavirus (famille des Togaviridae) sont des arbovi-
rus (arthropod-borne viruses) transmis principalement par
les invertébrés. Les alphavirus ont été retrouvés sur tous
Tirés à part : N. Rabah
les continents excepté l’arctique et regroupent actuellement
29 espèces (tableau 1). Ce sont des virus qui infectent
différents types d’hôtes incluant les moustiques, les mam-
mifères, les oiseaux, les rongeurs ainsi que les salmonidés
[1]. Chez les arthropodes, les alphavirus causent une infec-
tion bénigne persistante, transformant les invertébrés en
hôte d’amplification. Les virions infectieux accumulés au
niveau des glandes salivaires des arthropodes sont ensuite
doi:10.1684/vir.2013.0477
Virologie, Vol 17, n1, janvier-février 2013 31
Pour citer cet article : Rabah N, Coutard B, Canard B. Les protéines non structurales des Alphavirus : rôle dans la réplication et l’interaction du virus avec la cellule hôte. Virologie 2013; 17(1) : 31-45
doi:10.1684/vir.2013.0477
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Tableau 1 Taxonomie des alphavirus : Nomenclature, classification antigénique, isolation géographique, hôte et vecteur
arthropodea. Les noms des virus sont donnés en franc¸ais. Voir la figure 2 et sa légende pour les noms en anglais.
Virus de Complexe
antigénique
Abréviation Localisation
géographique
Hôte Vecteur
arthropode
Référence
La maladie du
pancréas du
saumon
SPDV Aquatique Salmonidés
(Salmo salar)
Lepeophtheirus
salmonus ?
[19]
La maladie du
sommeil
SDV Aquatique Salmonidés
(Oncorhynchus
mykiss)
Lepeophtheirus
salmonus ?
[96]
L’éléphant de mer
austral
SESV Aquatique Éléphant de mer
austral (Mirounga
leonine)
Lepeophtheirus
macrorrhini ?
[18]
La forêt de Barmah BF BFV Australie Humain Moustique du genre
Culex/Aedes
[97]
Middelburg MID MIDV Afrique Humain Aedes [98]
Ndumu NDU NDUV Afrique Humain Aedes [99]
Sagiyama SF SAGV Japon Humain Culex/Aedes [100]
Getah SF GETV Asie du Sud
Est/Australie
Bovins/Équidés Culex/Aedes [101]
La rivière Ross SF RRV Australie Rongeurs Culex/Aedes [101]
Bebaru SF BEBV Asie du sud est Culex [102]
La forêt de Semliki SF SFV Afrique Humain/Primate/
Équidés
Aedes [103]
Mayaro SF MAYV Amérique du sud
et Carraibes
Humain Moustique du genre
Haemogagus.
[104]
Una SF UNAV Amérique du sud Moustique du genre
Psorophora/Aedes
[105]
Chikungunya SF CHIKV Afrique, Océan
Indien et Asie.
Humain/Primates Aedes
aegypti/Aedes
albopictus
[106, 107]
O’nyong nyong SF ONNV Afrique Humain Moustique du genre
Anopheles
[108]
L’encéphalite
équine du
Venezuela
VEE VEEV Amérique Cen-
trale/Amérique
du Sud
Humain/Équidés/
rongeurs
Culex/Aedes/
Psorophora
[109]
Everglades VEE EVEV Amérique
Centrale
Oiseaux Culex [110]
Tonate VEE TONV Guyane [111]
Mucambo VEE MUCV Amérique du Sud Culex [112]
Pixuna VEE PIXV Amérique du Sud [112]
Cabassou VEE CABV Guyane Culex portesi [111]
Rio Negro VEE RNV Culex [113]
L’encéphalite
équine de l’Est
EEE EEEV Amérique du
Sud/Amérique
du Nord
Rongeurs/Oiseaux Culex/Aedes [114]
Aura WEE AURAV Amérique du Sud Culex [105]
Buggy Creek WEE BCRV Amérique du Nord Oiseaux Oeciacus vicarious [115]
Fort Morgan WEE FMV Amérique du Nord Oiseaux Oeciacus vicarious [116]
32 Virologie, Vol 17, n1, janvier-février 2013
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Tableau 1 (Suite)
Virus de Complexe
antigénique
Abréviation Localisation
géographique
Hôte Vecteur
arthropode
Référence
Highlands J WEE HJV Amérique du Nord Oiseaux Culex [117]
Sindbis WEE SINDV Tous les
continents
Oiseaux Culex/Aedes [118]
Trocara WEE TROV Amérique du Sud Culex [119]
L’encéphalite
équine de l’Ouest
WEE WEEV Amérique du
Sud/Amérique
du Nord
Rongeurs/Oiseaux Culex/Aedes [120]
Whataroa WEE WHAV Nouvelle Zélande Oiseaux Culex/Culiseta [121]
aModifié de [17].
transmis par piqûre à des hôtes vertébrés chez lesquels
l’infection est aiguë et conduit à des symptômes plus ou
moins sévères [2].
Cliniquement, ces virus peuvent être divisés en deux
grandes catégories. La première regroupant les virus de
« l’ancien monde » (tels que le virus de la Ross River,
de la forêt de Barmah, du Chikungunya ou encore Sind-
bis) qui provoquent des myopathies, des polyarthrites, et
ultimement des fièvres hémorragiques [3, 4]. La deuxième
catégorie regroupe les virus du « nouveau monde » (tels
que les virus de l’encéphalite équine de l’Est, de l’Ouest ou
encore Vénézuélienne) qui vont déclencher des infections
neurologiques conduisant à des encéphalites, des vomis-
sements, des leucocytoses et des fausses couches chez les
humains et les animaux domestiques [5]. De ce fait, ces
virus représentent des risques épidémiques et épizootiques
importants. De plus, bien que ces virus soient normalement
transmis par des arthropodes, des incidents de laboratoire
ont montré que le virus causant des encéphalites équines
pouvaient être hautement infectieux par voie aérienne. Cela
a d’ailleurs conduit, dans le passé, au développement de
programmes militaires visant à les utiliser comme armes
biologiques [6].
Le virion des alphavirus est petit (diamètre de 50 à 80 nm),
sphérique et entouré d’une enveloppe lipidique (figure 1).
L’enveloppe provient de la membrane plasmique de la
cellule hôte et contient des complexes stables de deux gly-
coprotéines d’enveloppe E1 et E2, organisés en trimères.
Ces complexes trimériques interagissent avec les protéines
de la capside et sont ordonnés en structure icosaédrique avec
un nombre de triangulation T= 4. La capside renferme le
génome qui est un ARN simple brin de polarité positive
d’environs 11 à 12 kb [2]. Cet ARN, appelé ARN 42S, pos-
sède une coiffe en 5ainsi qu’une queue de polyadénylation
en 3et est utilisable en tant qu’ARNm. L’ARN génomique
des alphavirus contient deux cadres de lecture ouverts. Une
fois libéré dans le cytoplasme, la machinerie cellulaire va
traduire les deux premiers tiers du génome, à partir du pre-
mier cadre de lecture, en protéines P123 et P1234. Ces deux
protéines vont être maturées en protéines non structurales
nsP1 à nsP4 qui formeront, en association avec des facteurs
cellulaires, la machinerie de transcription et de réplication
du virus décrite plus bas [2, 7, 8].
Les protéines non structurales vont assurer la transcrip-
tion de l’ARN génomique en ARN de polarité négative
ARN(-) qui servira de matrice à la production de nouveaux
ARN génomiques destinés à l’encapsidation. Cet ARN(-)
va aussi permettre la synthèse de l’ARN sous-génomique de
26S qui est traduit en précurseur polyprotéique contenant
les protéines structurales C, E3, E2, 6K et E1. Les glyco-
protéines de l’enveloppe E1 et E2 vont intervenir dans la
fusion du virion à la membrane plasmique de la cellule hôte.
La glycoprotéine E3 semble faciliter la maturation post-
traductionnelle du précurseur glycoprotéiques E1 et E2. Le
peptide 6K intervient dans le ciblage cellulaire et la matu-
ration post-traductionnelle de E1. La protéine C représente
la protéine de la capside et contient des sites de fixation à
l’ARN [9] (figure 1).
La présente revue relate, d’une part, les découvertes les
plus récentes concernant l’évolution ainsi que la propaga-
tion des alphavirus. D’autre part, elle se focalise sur les
dernières découvertes visant à caractériser la machinerie de
réplication des alphavirus, dans le but de mieux comprendre
le rôle des protéines non structurales dans la réplication et
l’interaction du virus avec la cellule hôte. La compréhension
du rôle de ces protéines est cruciale pour l’identification
de cibles pouvant être exploitées lors de la conception de
molécules antivirales.
Évolution et propagation des alphavirus
La classification des alphavirus, comme pour les autres
virus, a été initialement définie sur des déterminants
antigéniques. Les deux glycoprotéines E1 et E2 étant uti-
lisées comme cibles dans des réactions d’inter-réactivité
Virologie, Vol 17, n1, janvier-février 2013 33
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revue
5´m7G
5´m7G
5´ARN -3´
nsP1 nsP2 nsP3 nsP4 C E3 E2 6K E1 AAA...3´
ARN SG (26S)
5´m7GnsP1 nsP2 nsP3 nsP4 C
C
E3
E3
E2
E2
6K
6K
E1
E1
AAA...3´
AAA3´ ARN SG 26S
ARN SG (265)
5´m7GnsP1 nsP2 nsP3 nsP4 C E3 E2 6K E1 AAA...3´
ARN SG (26S)ARN G (49S)
Figure 1. Cycle de réplication et génome des alphavirus. A. Les alphavirus sont des petits virus enveloppés présentant à leur surface les
glycoprotéines de l’enveloppe E1 et E2, permettant l’internalisation du virus par endocytose. L’enveloppe entoure une capside icosaédrique
avec un nombre de triangulation T = 4. La capside protège le génome à ARN simple brin de polarité positive. L’ARN génomique (ARN G) de
49S est libéré dans la cellule et agit en tant que ARN messager permettant la traduction des protéines P123 et P1234 maturées en protéines
non structurales (nsP) 1, n2, 3 et 4. Les nsP vont dans un premier temps répliquer l’ARN génomique en un ARN de polarité négative (ARN
(-)). L’ARN(-) sert de matrice pour la synthèse de l’ARN sous-génomique (ARN sous-génomique) de 26S, traduit en protéines structurales
C, E3, E2, 6K et E1. Cet ARN(-) permet également la synthèse de nouvelles molécules d’ARN génomique, qui seront encapsidées et
formeront les nouveaux virions après bourgeonnement à la membrane plasmique.
antigéniques telles que la neutralisation, la fixation du
complément ou encore l’inhibition de l’hémagglutination.
Ces réactions sérologiques ont permis de classer les alphavi-
rus en sept complexes antigéniques : WEE, VEE, EEE, SF,
BF, MID et NDU [10] (tableau 1). Cependant, l’avènement
des techniques de biologie moléculaire a permis d’établir
des liens phylogénétiques entre les différents alphavirus,
basés sur la comparaison des séquences complètes ou par-
tielles des protéines non structurales, des glycoprotéines
E1-E2 ainsi que de la protéine de la capside C. Ainsi, les pre-
mières études de comparaison de séquences partielles entre
les virus SIN, EEE, VEE et WEE ont révélé des relations
phylogénétiques entre les virus du nouveau monde et de
l’ancien monde en accord avec la classification antigénique,
c’est-à-dire que chaque complexe antigénique appartient à
un groupe monophylétique (figure 2). Ces études ont aussi
mis en évidence la particularité du virus « nouveau monde »
WEE. Ce dernier possède plus de 60 % de similarité de
séquence avec les virus du nouveau monde (EEV et VEE)
pour ce qui est de la séquence de nsP4 et des protéines de la
capside. De plus, WEE présente plus de 70 % de similarité
de séquence avec le virus SIN, basé sur la séquence des
protéines non structurales. Par ailleurs, le virus SIN bien
qu’étant originaire de l’ancien monde présente beaucoup
34 Virologie, Vol 17, n1, janvier-février 2013
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Poissons
Vieux monde
Mammifères marins
Nouveau
monde
SPDV
BFV
MIDV
SFV
RRV
SAGV
MAYV
ONNV
CHIKV
SESV
AURAV
SINV
WHATV
AG80V
CABV
78V3531V
71D1252V
TONV
MUCV
EVEV
VEEV
PIXV
EEEV-I
EEEV-II
EEEV-III
EEEV-IV
10 % de divergence en a. a.
SINV (Ockelbo)
SDV
100
100
100 100
100
100
100
100
100
100
100
100
100
100 100
100
91
87
93
96
96
88
97
97
100
Figure 2. Arbre phylogénétique des alphavirus. L’arbre (non
raciné, obtenu par la méthode «neighbor joining ») représente les
principaux alphavirus discutés dans la revue, rassemblés dans leur
groupe antigénique respectif, à l’aide de la séquence complète des
protéines structurales (polyprotéine). L’arbre illustre la séparation
des virus du nouveau monde et de l’ancien monde. L’inclusion
des alphavirus aquatiques permet de souligner la diversité du
genre alphavirus. Les abréviations sont : SPDV : salmon pancreatic
disease virus ;SDV:sleep disease virus ; EEE : eastern equine
encephalitis virus ; PIXV : pixuna virus ; VEEV : venezuelan equine
encephalitis virus ; EVEV : Everglades virus ; MUCV : mucambo
virus ; TONV : tonate virus ; 71D1252 V, 78V3531 V, AG80 V :
souches dérivées du VEEV ; CABV : Cabassou virus ; WHATV :
Whataroa virus ; SINV : Sindbis virus ;AURAV:Aura virus ;
SESV : southern elephant sea virus ; CHIK : Chikungunya virus ;
ONNV : O’nyong nyong virus ;MAYV:Mayaro virus ;SAGV:
Sagiyama virus ;RRV:Ross River virus ; SFV : Semliki Forest
virus ; MIDV : Middelburg virus ;BFV:Barmah Forest virus.
Figure modifiée et adaptée de [16], préparée d’après [1].
plus d’homologie de séquence avec le virus EEE que SF.
Les virus MAY et UNA ont été isolés en Amérique du Sud
et dans les Caraïbes, pourtant ils possèdent des comple-
xes antigéniques de type SF (tableau 1) et provoquent des
polyarthrites sévères, signes cliniques caractéristiques des
virus de l’ancien monde. Dans les arbres phylogénétiques
établis à partir des séquences de E1 ou de nsP4, ces deux
virus se retrouvent toujours dans le groupe des virus de
l’ancien monde tels que SF, ONN et CHIK (figure 2). Ces
différents résultats ont suggéré une recombinaison entre les
virus du nouveau monde et de l’ancien monde au cours de
l’évolution [10-13].
La découverte de nouvelles espèces virales ainsi que
l’accumulation de données sur les séquences nucléotidiques
des différents virus ont permis de formuler trois hypothèses
quant à l’origine et l’évolution des alphavirus. La première
hypothèse propose que les alphavirus soient apparus dans
le nouveau monde et dérivent d’un virus de plante adapté
aux insectes. Ce virus ancestral aurait traversé l’atlantique
au moins trois fois conduisant dans un premier temps à
l’introduction dans l’ancien monde de l’ancêtre des virus
possédant les complexes antigéniques BF, MID, NDU et
SF. Une deuxième expatriation aurait permis l’introduction
dans l’ancien monde de l’ancêtre des virus exhibant le
complexe antigénique WEE (WHA et SIN). Finalement,
des ancêtres de MAY et UNA (complexe antigénique SF)
auraient été importés dans le nouveau monde. L’hypothèse
de l’origine « nouveau monde » a été renforcée par les
études de séquences de la « structure avale » (downstream
loop [DLP]) de l’ARN 26 S qui suggère une origine « nou-
veau monde » des alphavirus [14].
La deuxième hypothèse prône l’apparition du virus ances-
tral dans l’ancien monde qui aurait subi trois flux
migratoires permettant d’introduire l’ancêtre des virus à
encéphalites en Amérique. Ce virus, après avoir diver
en différents complexes antigéniques (WEE, EEE et VEE),
aurait été réintroduit dans l’ancien monde (SIN et WHA).
Le troisième voyage aurait permis d’introduire les ancêtres
de MAY et UNA dans le nouveau monde. Les différentes
vagues de migration auraient été assurées par les oiseaux
migrateurs ainsi que les échanges commerciaux et migra-
toires développés depuis la découverte du nouveau monde.
Aux travers de ces flux migratoires, les ancêtres des dif-
férents complexes antigéniques se seraient adaptés à de
nouveaux habitats et surtout à des hôtes très variés (ron-
geurs, mammifères et oiseaux), ce qui aurait permis la
diversification des espèces et favorisé les recombinaisons
[1, 10-13, 15, 16]. Très récemment, l’étude de Forrester
et al. [17], basée sur la comparaison des génomes entiers
(excluant le domaine hypervariable C terminal de nsP3 et
N-terminal de la capside) des 29 espèces répertoriées, cou-
plée à l’analyse des résidus conservés de l’hétérodimère
E1-E2, a permis d’affiner le positionnement de certains
virus et notamment des virus aquatiques (SPD et SES). Ces
deux virus ont été longtemps considérés comme très éloi-
gnés génétiquement des autres du fait qu’ils n’avaient pas
besoin d’hôtes invertébrés pour se répliquer. Cependant,
la découverte de poux marins, pouvant infecter certains
salmonidés (Lepeophtheirus salmonus) ou encore de mam-
mifères marins (Lepeophtheirus macrorrhini), porteurs de
virus, suggère la présence éventuelle d’un réservoir aqua-
tique [18, 19]. Ces découvertes couplées aux résultats de
Forresters et al. 2012, qui replacent SPD et SES comme
étant ancestraux par rapport aux autres, mettent en avant
une troisième hypothèse sur l’origine et la propagation des
alphavirus (figure 2). Selon cette hypothèse (dite aqua-
tique), les alphavirus terrestres seraient d’origine marine.
Les ancêtres marins auraient été transmis à des inver-
tébrés terrestres et à des insectes. Après adaptation à
différent hôtes, divergence et éventuelle recombinaison, ces
Virologie, Vol 17, n1, janvier-février 2013 35
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