PUBLICATION
DU
PROGRÈS
ABRICOLE
ET
VITICOLE
ROLE
DES
AMPHIBIENS
EN
AGRICULTURE
DE
SAINT-PÉTERSBOURG
MONTPELLIER
lMPRIMERIE GROLLIER
ET
FILS,
BOULEVARD
DU'
PEYROU
.
1886
ROLE
DES
AMPHIBIENS
EN
AGRICULTURE
Ce
petit
travail
est
la
suite
d'un
autre
que
j'ai
publié
en
1884
(1).
J'ai
essayé,
dans
le
travail
précédent,
de
démontrer
que
dans
les
régions
qui
nous
intéressent
il
n'y
a,
parmi
les
reptiles,
que
deux
ou
trois
espèces
de
vipères
dontla
morsure
peut
présenter
pour
l'homme
quelques
dangers
sérieux;
qu'aucune
autre
espèce
ne
mérite
la
crainte
à
laquelle
l'homme
est
sujet
en
l'apercevant,
soit
dans
ses
promenades,
soit
pendant
son
travail
aux
champs,
etè.
;
.
,
Que
les
reptiles
ne
méritent
pas
non
plus
la
répugnance
sans
fondement
qu'ils
inspirent
et
que,
malheureusement
pour
eux
et
pour
nos
récoltes,
ils
payent
trop
souvent
de
leur
vie.
Si
parmi
les
reptiles
il
y
a
quelques
espèces
à
craindre,
les
amphibiens
sont
sans
exception
inoffensifs
et
utiles
à
l'agriculteur.
Il
n'y
a
pas
parmi
eux,
comme
chez les
serpents,
des
animaux
de
grande
taille
capables
de
ravager
ses
basses-cours
(couleuvres),
ou
de
lui
dérober
des
perdreaux
et
des
lapereaux;
enfin
aucun
amphibien
ne
possède
de venin,
dont
l'action
pourrait
entraîner
des
suites
fâcheuses
ou
même
funestes
autant
pour
l'homme
que
pour
les
animaux
domestiques,
ainsi
q1:,le
cela
arrive
(quoique
rarement)
àla
suite
de
morsurea
de
vipères.
,
Tandis
que,
parmi
les
reptiles,
quelques-uns
par
leurs
proportions
pour
raient
effrayer
'une
personne
non
accoutumée
àla
vue
de
ces
animaux,
et
que
d'autres,
quelques
espèces
de
lézards
et
de
couleuvres,
en
s'élançant
sur
leurs
agresseurs
pour
les
mordre
avec.
acharnement,
pourraient
les
épouvanter,
ignorant
qu'elles
sont
sans
venin;
parmi
les
amphibiens
on
ne
trouve
rien
de
tout
cela.
Aucun
amphibien
ne
mord
et
ne
peut
mordre
grâce
à
la
conformation
de
ses
mâchoires,
qui
sont
ou
dépourvues
de
dents,
ou
garnies
seulement
de
petites
dents
presque
imperceptibles
et
qui
ne
peu
vent
même
pas
pénétrer
dans
la
couche
mince
de
l'épiderme.
Les
mâchoires
sont
flexibles
chez
tous
les
amphibiens.
Il
n'y
a
donc
pas
à
craindre
l'effet
mécanique.
d'une
.
morsure,
si
toutefois
celle-ci
pouvait
être
faite
quant
à
l'action
physiologique
ou
plutôt
pathologique
d'une
morsure,
même
(f) J.
de
Fischer.
-
Rôle
des reptiles
en
agriculture.
:Montpellier,
i884.
-4-
en
admettant
que
les
grands
tritons
du
Japon
(C'Pyptobranchus
Japonicus)
aient
renvie
de
mordre,
cette
action
n'existe
pas., grace
à
l'absence
absolue
de
toute
glande
vénéneuse
et
de
tout
principe
toxique
dans
la
salive.
Pourquoi
donc',
se
demanderait-on"
craint-on
tant
les
crapauds,
les
sala
mandres
et
les
tritons?
La
question
est
bien
fa-cile
à
résoudre. Cette
crainte
engendrée
avec
l'a
.version,
l'une
tout
aussi
mal
fondée
que
l'autre
et
qui
sont
issues
toutes
les
deux
de
l'ignorance
de
I'hommeetd'une
imagination
souvent
inconséquente,
mais
toujours
sans
base;
celte
crainte est
la
conséquence
d'une
instruction
défectueuse.
Notre
imagination
se
plait
à
trouver
laid
le
crapaud
parce
que
sa
peau
est
verruqueuse,
et
la
salamandre parce
que
lasienne
est
visqueuse.
Quoique
laid,
joli
et
beau
soient
des
termes
absolument
relatifs,
il
est
très
facile
de
démontrer
,que
c'est
sur
ce
point
'justement
que
les
gouts
et
les
appré
ciations
humaines
sont
le
plus
inconséquentes
du
monde.
Ainsi
on
craint
la
couleuvre
parce
qu'elle
ressemble
à
une
vipère
et
que
celle-ci
peut
devenir
dangereuse
pour
l'homme,
ainsi
que
pour
les
animaux
domestiques.
Mais
craindre
un
crapaud,
une
salamandre
ou
un
triton!
.
Pourquoi?
Y
a-t-il
de
la
ressemblance
entre
ces
animaux'
et
une
vipère,
un
scorpion
ou
tout
autre
animal
venimeux.
Non,
certainement
non
..
Pourquoi
alors
tuerou
même
fuir
ces
animaux
inoffensifs,
qui
tous
sans
exception
sont
utiles
à
·l'agriculteur
et
à
l'horticulteur,
et
par
conséquent
à
tout
le
genre
humain,
puisque
l'agriculture
nourrît
les
hommes.
Err
recherchant
les
cau
ses,
nous
tomberons
fatalement
sur
les
trois
facteurs
funestes
de
notre
ima
gination,
fi
savoir:
l'ignorance,
le
préjugé
et
la
crainte,
dont
le
dégoût
est
une
sœur
cadette.
.'
On
trouve
les
reptiles
et
les
amphibiens
«
DÉGOUTANTS»
paree
que
leur
peau
est
froide
et
quelquefois
visqueuse.
Mais
les
poissons,
l'anguille
en
première
ligne,
les
limaces,
les
sèches,
les
poulpes,
les'
escargots"
les
coquillages
sont-ils,
si
l'on
veut
être
conséquent,
moins
dégoûtants
qu'une
salaman
dre,
dont
ils
ont
'toutes
les
qualités
externes,
que
nous
nous
plaisons
à'
trouver
déqoûtasü?
C'est
donc
un
préjugé
sans
base
sérieuse.
Dans
beaucoup
de
contrées
de
l'Europe
on
ne
mange
pas
le
lapin,
mais,
.
on
estime
fort
le
lièvre;
on
répugne
à
manger
du
cheval,
tandis
qu'on
se
gorge
de
la
viande
de
pore.
Encore
une
"preuve
que
l'imagination
est
varia
ble
et
capricieuse,
donc
Inconséquente.
Un
Allemand
ou
uri
Russe
ne
tou
chera
pas
du
bout
des
doigts
à
un
plat
d'escargots.,
un
Chinois
ne
mangera
pas
du
fromage,
qu'il-qualifie
de
'lait
pourri;
et
tout
autre
que
je
pourrais
citer.
Et
tous
croient
avoir
raison.
Ainsi
le
dégoût
et
l'aversion
sont
des
senti
ments
indéterminables.'
On
mange
des
grenouilles,
mais
on
se
refuse
de
goûter
du
crapaud,
et
je
n'ai
pas
trouvé
beaucoup
de
différence
entre
l'aspect
d'un
plat
de
gre
nouille
et
celui
de
certain
plat
de
crapaud
que
j'ai
vu
servir
à
Naples
sous
le
nom
de
«
Rospo
».
Un
seul
sujet
de
répugnance
semble
digne,
d'être
pris
en
considération;
il
paralt
redoutable
aux
ignorants.
sans
l'être
pourtant.
.,.
_
C'est
la
sécrétion
laiteuse
de
certaines
glandes
sus-cutanées
qui
fait
croire
-5-
'que
l'animal
est
venimeux.
Et
c-ependant
rien
de
plus
faux.
Il
n'existe
aucun
exemple
d'intoxication
d'un
homme
par
un
amphibien.
Il
est
vrai
que
la
sécrétion
cutanée
mise
en
contact
avec
les
parties
du
corps
dépourvues
d'épiderme,
telles
que
l'œil,
les
lèvres,
etc.,
produit
un
eft''Ct
de
démangeei
son,
qui
dure
1
ou
2
minutes
au
plus
;,
mais,
c'est
tout.
Il
est
bien
facile
d'éviter
le
contact
de
la
main
avec
l'œil
lorsqu'on
vient
de
toucher
un
crapaud,
une
salamandre,
etc.
D'ailleurs
l'a
grenouille,
la
rainette,
deux
animaux
que
personne
ou
presque
'peli'sonne
ne
craint,
sécrètent
une
matière
visqueuse
qui
produit
assez
fortement les
mêmes
effets.
Le
produit
des
glandes
appelées
à
tort
parotides
peut
devenir
funeste
aux
petits
animaux,
comme
les
rossignols,
les
serins,
etc.
;
mais
il
faut
une
préparation
préalable
et
opérer
ensuite
une
injection
directe
dans
le
sang.
On
cite
l'exemple
de
quelqu'un
qui
serait
mort
pour
avoir
bu
de
l'eau
ou
'du
vin
d'un
vase
au
fond.
duquel
on
avait
trouvé
une
salamandre.
Ce
sont
des
racontars
de
vieilles
commères,
qu'il
faut
laisser
dans
le
domaine
des
fables.
Si
une.
personne
s'est
trouvée
malade
après
avoir
bu
du
vin
ou
de
l'eau
l'on
aurait
trouvé
une
salamandre,
if
faut
considérer
ce
cas
comme
une
simple
coïncidence
et
chercher
ailleurs
la
véritable
cause
de
la
maladie
ou
de
la
mort.
D'ailleurs,
s'il
en
était
ainsi,
je
ne
pourrais
pas
écrire
ces
lignes,
car
j'ai
souvent
bu
de
l'eau
dans
laquelle
les
salamandres
pullulaient.
et
dans
des
bocaux
qui
servaient
à
transporter
ces
animaux
inoffensifs.
J'ai
été
plus
loin:
J'ai
introduit
des
salamandres
dans
ma
bouche
pour
essayer
de
persuader
à
mes
chasseurs
d'amphibiens
de
ne
pas
les
craindre
et
de
m'en
apporter.
Jamais
j!e
n'éprouvais
un
malaise
quelconque,
sauf
une
légère
démangeaison
aux
lèvres,
quand
elles
étaient
écorchées
par
suite
de
l'action
du
vent,
du
froid,
etc.
Certes,
mes
exemples
auraient
été suffisants
pour
persuader,
un
homme'
intelligent
et
instruit
de
l'innocence
des
bêtes
en
question;
mais
ils
sont
restés
sans
résultats
vis-à-vis
d'Cs
hommes
ignorants
et
superstitieux,
aux
yeux
desquels
je
passe
pour
un
sorcier
possédant
seul
le
secret
de
me
préserver
du
venin.
J'étais
donc
peu
avancé
dans
mes
tentatives
de
couver
S1On.
Les
salamandres
peuvent
être
mangées
impunément:
voici
pour
le
démontrer
un
exem
ple
cité
par
Fatio
dans
sa
Faune
des
vertébrés
de
la
Suisse.
Une
aimable
et
affectueuse
épouse,
voulant
se
débarrasser
de
son
mari
qu'elle
trouvait
grincheux,
Imagina
de
lui
servir
un
potage
à
la
Salaman
dre.
Le
mari
le
mangea
de
fort
bon
appétit,
et
ne
s'en
porta
que
mieux
le
lendemain,
au
grand
ébahissement,
et
surtout
au
grand
désappointement
de
la
darne.
Cette
anecdote,
d'ailleurs
absolument
authentique,
et
qui
a
déjà
été
citée
avant
Fatio par
Laurenti
(Specimen
Medicum)
,
prouve.
que
les
salamandres
ne
contiennent
aucun
venin
dangereux
pour
l'homme;
il
en
est
de
même
des.
crapauds
et
de
tous
les
autres
batraciens;
on
ne
peut
citer
d'une
ma
nière
certaine
aucun cas
de
mort,
ni
même
de
maladie
de
l'homme,
causée
par la
sécrétion
de
ces
animaux.
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