enquête ponctuelle ne permet pas de mettre en évidence les
variations saisonnières de la transmission, de la présence
des vecteurs ou de la population hôte. Un même virus
peut se comporter différemment selon la zone géogra-
phique considérée, ainsi observe-t-on une forte saisonnalité
des épidémies de dengue dans le sud de la Chine, alors que
la maladie est endémique à Singapour. Enfin, d’un point de
vue technique, outre le fait que les notions de sensibilité et
de spécificité sont difficiles à évaluer pour chaque espèce
ciblée, certains tests, type ELISA, nécessitent de disposer
de conjugués spécifiques de chaque espèce. Cela n’est pas
possible lorsqu’on s’intéresse à de nombreuses espèces
d’animaux sauvages. Le choix du test doit donc être réflé-
chi. Par exemple, lors de l’étude réalisée en 2007 à La Réu-
nion, une vingtaine d’espèces ont été testées et une tech-
nique de séro-neutralisation non espèce-dépendante avait
été initialement privilégiée. Malheureusement, la spécifi-
cité du test n’était pas satisfaisante dans le cadre d’études
sur la faune et des tests ELISA ont du être adaptés aux
différents groupes de vertébrés.
Les études transversales de terrain sont un préalable indis-
pensable lorsque les informations disponibles sur les hôtes
potentiels sont insuffisantes, mais elles ne renseignent pas
sur les mécanismes épidémiologiques et pathologiques en
cause. Elles peuvent être réalisées à deux moments clés :
soit lors d’un pic épidémique chez l’homme, afin de mettre
en évidence le maximum d’espèces potentiellement récep-
trices ; soit en-dehors d’un pic épidémique, ce qui permet
de mettre en évidence les espèces pouvant être impliquées
dans le maintien du cycle viral (espèces potentiellement
réservoir).
Une approche complémentaire, cette fois propre aux seules
maladies à transmission vectorielle, est l’étude spécifique
des espèces animales susceptibles d’être piquées par le vec-
teur compétent pour le virus cible. Pour les moustiques,
l’analyse des contenus stomacaux par des tests ELISA
des femelles récoltées gorgées permet de savoir sur quelle
(s) espèce(s) s’est effectué le repas sanguin. La capture des
vecteurs gorgés n’est cependant pas possible pour tous les
arthropodes. Par exemple, il n’existe aucune méthode de
capture de tiques gorgées détachées d’un hôte. Néanmoins
la détection de reste d’ADN ou de protéines spécifiques de
vertébrés chez des tiques en quête d’hôte permet d’identi-
fier sur quel animal s’est gorgée la tique au stade précédent.
L’étude expérimentale des préférences trophiques du vec-
teur peut également donner une indication quant aux espè-
ces potentiellement piquées et donc en contact avec le virus
(le plus souvent on conduit un test de choix).
Enfin, le taux d’anticorps anti-salive de l’arthropode vec-
teur dans le sérum des espèces étudiées est proportionnel au
degré d’exposition. Cette information permet d’évaluer la
fréquence de piqûre des animaux en conditions naturelles
mais manque de spécificité, car il existe des protéines sali-
vaires communes ou proches entre les différents arthropo-
des qui entraînent des réactions croisées.
Quelles espèces peuvent être infectées
et transmettre l’infection à des vecteurs ?
Il ne suffit pas de connaître les espèces potentiellement en
contact, il faut aussi savoir lesquelles sont compétentes.
Pour être compétent, un individu doit être réceptif au
virus (récepteurs cellulaires permettant l’attachement et la
pénétration du virus) et développer une virémie suffisam-
ment longue et à un taux suffisamment élevé pour que les
arthropodes piqueurs puissent s’infecter au cours d’un
repas sanguin. Au niveau individuel, le développement
d’une immunité empêche la persistance de la virémie et
limite la capacité de transmission des virus. Cependant, la
circulation virale au sein d’une population est favorisée par
l’arrivée d’individus naïfs (naissances, migrations, perte
d’immunité) qui peuvent devenir virémiques.
La preuve de la compétence d’une espèce est apportée par
l’étude du devenir de l’infection au sein des individus, le
plus souvent par infection expérimentale, réalisée soit par
injection directe d’une dose virale, soit en utilisant des vec-
teurs arthropodes infectés. La première méthode est le plus
souvent utilisée car plus facile à mettre en œuvre que la
seconde. Cette dernière a néanmoins l’avantage d’être
plus proche de la réalité car elle associe à l’injection du
virus un panel d’antigènes salivaires produits par le vecteur
qui jouent un rôle majeur dans l’interaction pathogène-
hôte. Des vecteurs non infectés sont ensuite nourris sur
des individus infectés afin de tester l’existence de la trans-
mission. Cependant, l’approche expérimentale est souvent
très difficile à mettre en œuvre sur un grand nombre d’espè-
ces animales. De plus, elle ne prend pas en compte les
conditions réelles qui peuvent modifier la réponse immuni-
taire des hôtes (stress, densité de population, etc.).
Les études de terrain sont donc indispensables pour appor-
ter des indications quant à la possibilité pour une espèce
d’être infectée, grâce à la recherche directe de virus soit
par isolement, soit par détection de matériel génétique
viral. L’isolement d’agents viraux à partir de prélèvements
représente la preuve la plus probante du portage de l’agent
pathogène par les animaux mais il s’agit d’une approche
lourde à mettre en œuvre, qui nécessite des infrastructures
lourdes (laboratoire de confinement adapté, structure de
cultures cellulaires, etc.). Lorsque la détection d’acides
nucléiques dans des prélèvements sanguins est mise en
œuvre, la probabilité de trouver des individus positifs est
faible, mais indique une transmission possible au vecteur
hématophage. En effet, chez les hôtes, la virémie est géné-
ralement de courte durée, une réponse immunitaire se met
rapidement en place et élimine le virus circulant. Le virus
peut néanmoins se réfugier dans des organes ou des cellules
éditorial
70 Virologie, Vol. 13, n
o
2, mars-avril 2009
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