0 MINISTERE DE LA PROMOTION DE LA FEMME, DE L’ENFANT ET DE LA FAMILLE REPUBLIQUE DU MALI Un Peuple – Un But – Une Foi *********** *********** Direction Nationale de la Promotion De la Femme *********** Projet de Renforcement des Capacités Des Organisations Féminines du Mali RECOFEM MLI 126 Etude sur la Participation des Femmes à la Vie Publique au Mali Contraintes et stratégies pour améliorer la situation. Docteur Bréhima BERIDOGO, anthropologue - sociologue et Mme Diarra Afoussatou THIERO, Magistrat Rapport final RECOFEM Cité des coopérants Français-Sogoniko Tel :(223)2208042 ; Fax : (223)2208044 E-Mail :[email protected] Bamako Mali Février 2006 1 Table des matières Table des matières Liste des sigles et abréviations Avant propos Introduction Tableau I. Taille et caractéristiques de l’échantillon selon les régions I. Etre femme au Mali : les causes de la discrimination 1.1. Les causes sociales 1.2. Les causes culturelles 1.3. Les causes économiques 1.4. Les causes liées aux traditions politiques maliennes 1.5. Les causes psychologiques 1.6. Les causes liées aux violences faites aux femmes et particulièrement Le harcèlement sexuel II. Enjeux ou problématique de la participation de la femme à la vie publique III. Bref rappel historique de l’implication de la femme dans la vie publique : Première République, Deuxième République et Transition 3.1. La Première République : 1960 – 1962, la Commission Sociale des Femmes Tableau II. Les femmes élues sous la 1ère République 3.2. La deuxième république : 1968 – 1991, L'UNFM (Union Nationale des Femmes du Mali) Tableau III. Les femmes élues sous la 2ème République 3.3. La période de la Transition 1991 – 1992 : Le ministère de la santé publique, de l’Action sociale et de la Promotion Féminine, le Secrétariat d’Etat chargé de la Promotion Féminine IV. La Troisième République et la femme (1992) 4.1. Les textes élaborés, les actes posés et le cadre institutionnel mis en place par l’Etat pour la promotion de la femme 4.1.1. Les textes 4.1.2. Le cadre institutionnel mis en place pour une plus grande implication de la femme dans la vie publique 4.2. Les actions menées par la société civile pour l’implication de la femme dans la vie publique 4.3. Etat des lieux de l’implication des femmes dans la vie publique 4.3.1. Les femmes dans la fonction publique Tableau IV. Répartition du personnel de la fonction publique selon les catégories et le sexe en 2002 Tableau V. Répartition du personnel de la fonction publique selon les catégories et le sexe en 2004 4.3.2. Les femmes dans les instances civiles de décision Tableau VI. Les femmes dans les instances civiles de décision 4.3.3. La femme dans la société civile 4.3.3.1. Bref rappel historique 4.3.3.2. L’implication de la femme dans la vie publique à travers la société civile sous la Troisième République 4.3.4. La femme et l’économie 1 4 6 7 10 12 12 13 14 15 16 17 19 20 20 21 21 22 23 24 24 24 28 29 31 31 31 31 32 32 34 35 35 38 2 4.3.4.1. La femme chef d’entreprise 4.3.4.2. La femme et le crédit 4.3.4.3. Autre secteur important : le foncier 4.3.5. La femme et la prise de décision 4.3.5.1. Dans la communauté (famille, quartier, village) 4.3.5.2. Le rôle de la femme 4.3.5.3. Le statut de la femme 4.3.5.4. Le changement d’attitude des hommes 4.3.6. La femme et le politique 4.4. Les insuffisances de la troisième république 4.4.1. Généralités 4.4.2. L’insuffisance de l’engagement citoyen des associations et organisations féminines 4.2.3. L’affaiblissement de la volonté politique des autorités de la Troisième République 4.4.4. L’inégalité de rémunération entre homme et femme 4.4.5. La figuration dans les instances dirigeantes des associations mixtes 4.4.6. Les stéréotypes dont sont victimes les femmes qui arrivent à transcender la discrimination 4.4.7. Les résistances de certains hommes et de certaines communautés face au changement 4.4.8. Des biais provoqués par l’assistance au développement 4.4.9. L’insignifiance du nombre de femmes élues 4.5. Les obstacles à la participation de la femme à la vie publique 4.5.1. Les obstacles liés aux causes sociales de la discrimination 4.5.2. Les obstacles liés aux causes culturelles de la discrimination 4.5.3. Les obstacles liés aux causes économiques de la discrimination 4.5.4. les obstacles liés aux traditions politiques du Mali 4.5.5. Les obstacles liés aux causes psychologiques la discrimination 4.5.6. Les obstacles d’ordre juridique à la promotion de la femme V. Les stratégies pour une plus grande participation de la femme à la vie publique 5.1. Les stratégies féminines d’ascension sociale et les facteurs de réussite recensés sur le terrain 5.1.1. Les stratégies d’ascension politique 5.1.1.1. Les leaders de longue date 5.1.1.2. Les associations, une rampe de lancement politique 5.1.1.3. Le soutien de l’entourage 5.1.1.4. La combativité de la femme, le corps à corps et la mobilisation des troupes 5.1.1.5. Des solutions spécifiques sur le plan politique 5.1.2. Les stratégies économiques, le crédit 5.2. Propositions de stratégies 5.2.1. Les stratégies face aux causes sociales de la discrimination 5.2.2. Les stratégies face aux causes culturelles de la discrimination 39 40 41 42 42 44 45 45 46 47 47 47 48 48 48 49 50 50 51 54 54 54 54 54 54 55 56 56 56 56 57 57 58 58 59 60 60 60 3 5.2.3. Les stratégies face aux causes économiques de la discrimination 5.2.3.1. Généralités 5.2.3.2. Stratégies spécifiques par rapport à l’accès des femmes aux moyens et facteurs de production (terre, eau, intrants, matériel agricole, techniques et technologie appropriée) 5.2.3.3. Stratégies spécifiques pour l’entrepreunariat féminin 5.2.4. Les stratégies face aux traditions politiques du Mali et à la faible proportion de femmes élues 5.2.4.1. Accroître la représentation féminine 5.2.4.1.1. Des stratégies applicables par le Ministère de la Promotion de la Femme, de l’Enfant et de la Famille et de ses démembrements ainsi que des ONG et associations féminines 5.2.4.2. Agir sur les systèmes électoraux 5.2.5. Les stratégies face aux causes psychologiques la discrimination 5.2.6. Stratégies dans le domaine juridique 5.2.7. Stratégies face aux violences et particulièrement au harcèlement sexuel 5.2.8. Un outil incontournable pour la mise en œuvre des stratégies : les mass médias 5.3. Recommandations 5.3.1. Agir sur les bases juridiques de l’égalité 5.3.2. Agir sur la participation politique 5.3.3 Respecter le principe de l’égalité au sein des partis politiques 5.3.4. Déterminer des objectif et fonctions des branches féminines des partis politiques 5.3.5. Prendre des dispositions pour assurer la participation aux activités du parti 5.3.6. Prendre des dispositions pour assurer une répartition équitable des responsabilités au parlement Conclusion Annexe 1 Bibliographie Annexe II Les termes de références Annexe III Offre technique Annexe IV : Les femmes à l’Assemblée nationale sous la troisième république Annexe V : Bref aperçu de la biographie de quelques premières femmes impliquées dans la gestion de la vie publique 61 61 61 61 62 62 62 64 64 65 65 66 67 67 67 67 68 68 69 70 72 75 79 86 88 4 Liste des sigles et abréviations ADEMA Alliance pour la Démocratie au Mali AFIMA Association des Femmes Ingénieurs du Mali AFEM Association des Femmes Educatrices du Mali AJM Association des femmes juristes AMSOPT Association Malienne pour le Suivi et l’Orientation des Pratiques Traditionnelles APAC Association des Professionnels Africains de la Communication APAF Muso Appui à la Promotion des Aides Familiales Danbé APCAM Assemblée Permanente des Chambres d’Agriculture du Mali APDF Association pour le Progrès et la Défense des Droits de la Femme APE Association des Parents d'Elèves ARFPE Association Régionale des Femmes pour la Paix et l’Education ASACO Association de Santé Communautaire AVOM Association des Veuves et Orphelins du Mali BEC Bureau Exécutif Central CADEF Comité d’Action pour la Défense des Droits de l’Enfant et de la Femme CAFO Coordination des Associations et ONG Féminines CCA-ONG Conseil de Concertation et d’Appui aux ONG CCIM Chambre de Commerce et d’Industrie du Mali CEDEF Convention sur l’Elimination de toutes les Formes de Discriminations à l’Egard des Femmes CESC Conseil Economique, Social et Culturel CESCOM Centre de santé Communautaire CMDT Compagnie Malienne pour le Développement des Textiles CNDIFE Centre National de Documentation sur la Femme et l’Enfant CNID Comité National d’Initiative Démocratique CNID-FYT Congrès National d’Initiative Démocratique Faso Yiriwa Ton COFEM Collectif des Femmes du Mali CRES Centre Régional pour l’Energie Solaire CTSP Comité de Transition pour le Salut du Peuple DAF Direction Administrative et Financière DNFP Direction Nationale de la Fonction Publique EDS-III Enquête démographique et de Santé III FELASCOM Fédération Locale des Associations de Santé Communautaire FNUAP Fonds des Nations Unies pour la Population IEC Information, Education, Communication IFMST Incitation des Jeunes Filles vers les Matières Scientifiques et Techniques MOPOD Mobilisation des Populations pour la Décentralisation ODEF Observatoire des Droits de la Femme et de l’Enfant OMS Organisation Mondiale pour la Santé PARENA Parti pour la Renaissance Nationale PNUD Programme des Nations Unies pour le Développement PSP Parti Progressiste Soudanais 5 RDS RECOFEM Rassemblement pour la Démocratie et la Solidarité Projet de Renforcement des Capacités des Organisations Féminines du Mali RPM Rassemblement Pour le Mali SECO-ONG Secrétariat de Coordination des ONG UDD Union pour la Démocratie et le Développement UDPM Union Démocratique du Peuple Malien UFSF Union des Femmes du Soudan Français UGTAN Union Générale des Travailleurs d'Afrique Noire UNAFEM Union Nationale des Associations des Femmes Musulmanes UNFM Union Nationale des Femmes du Mali UNICEF Fonds des Nations Unies pour l’Enfance UNIFEM Fonds des Nations Unies pour la femme URD Union pour la République et la Démocratie US-RDA Union Soudanaise, section du Rassemblement Démocratique Africain WILDAF Women In Law and Development in Africa 6 Avant propos Si la participation des femmes au travail en dehors des tâches ménagères connaît une progression normale, linéaire, il y a toujours des différentiations sexuelles iniques de travail à l’intérieur des administrations et des organisations. Aussi, constate-t-on, la concentration des femmes dans certaines branches d’activités publiques comme privées, dans des postes moins importants, moins prestigieux et moins rémunérés. La participation féminine dans les niveaux de décision reste relativement faible surtout pour des postes importants ou de commandement, malgré les nouvelles lois prises en leur faveur dans la plupart des pays, voir page 24 à 28. Cette situation se retrouve même dans les pays considérés comme pionniers. Ainsi, plus de la moitié des femmes en France et au Canada sont des employées, mais seulement 7 à 8% sont dans des postes de directions importantes1. Cette configuration est plus prononcée en Afrique subsaharienne. Si on peut considérer comme notable la transformation des rôles des femmes, cette transformation reste limitée en ce qui concerne les postes exécutifs (commandement ou responsabilité). Depuis, les stratégies définies tout au long de la Décennie des Nations Unies pour la femme à Mexico (1975), à Copenhague (1980), Nairobi (1985) et enfin à Beijing (1995), on ne cesse de proposer des stratégies pour sortir d’une vision étriquée des relations femme et pouvoir de décision ou femme et participation à la vie publique. Malgré tout, les femmes restent concentrées aux niveaux plus ou moins subalternes. La Déclaration et le Programme d’Action adopté par la conférence Mondiale sur les droits de l’homme en juin 1993, à Vienne, rappellent que « les droits fondamentaux des femmes et des fillettes font inaliénablement, intégralement et indissociablement partie des droits universels de la personne. L’égale et pleine participation des femmes à la vie politique civile, économique et culturelle, aux niveaux national, régional, et international, et l’élimination totale de toutes les formes de discriminations fondées sur le sexe sont des objectifs prioritaires de la communauté internationales2 » De même, on tiendra compte des principes édictés par la Charte Africaine des Droits de l’homme et des peuples, de la charte internationale des droits de l’homme et aux deux pactes internationaux relatifs, l’un aux droits civils et politiques et l’autre aux droits économiques, sociaux et culturels. Mais, il reste bien entendu que la référence est la CEDEF (Convention sur l’Elimination de toutes les Formes de Discriminations à l’Egard des Femmes) qui renforce les dispositions de la charte et des autres instruments internationaux pour l’abolition des discriminations à l’endroit des femmes dans les domaines aussi différents et complexes que la famille, le travail, l’école ou le champ politique. Enfin, la même convention préconise l’adoption par les Etats et les Communautés de dispositions appropriées pour que l’égalité de droit se transforme en égalité de fait. 1 Nations Unies : Rapport sur la condition de la femme au Canada, 2004 Discrimination à l’égard des femmes et le comité, série Droits de l’Homme, Fiche d’information n°22, Campagne mondiale pour les droits de l’homme, Centre pour les droits de l’homme, N°4, Génève et New York, 1995, p. 1 2 7 Introduction En Afrique, et particulièrement au Mali, la grande masse des femmes a toujours été économiquement active. Elles participent aux divisions traditionnelles du travail basées sur le sexe et l’âge, notamment au sein des familles paysannes et artisanales. Suite à l’occupation coloniale et aux politiques post-coloniales de développement, ces modes de vie traditionnels ont commencé à se transformer. La colonisation va ainsi créer une nouvelle forme de marginalisation et de dépendance de la femme avec la fonction de ménagère : « C’est aussi, depuis, que la fonction et le statut de ménagère ont un contenu précis avec les épouses de certains salariés qui, en dehors du travail de ménage (cuisine, lessive, soins aux enfants, etc.), n’apportent aucune contribution à l’obtention des moyens d’existence.3 » Ce phénomène s’est progressivement étendu à la quasi-totalité des femmes citadines. Mais par la suite, des questions de nécessité économique vont obliger ces ménagères à travailler en dehors de la famille. Aussi, l’expansion de l’éducation scolaire, la montée des nouvelles valeurs (démocratie, liberté, égalité) associées depuis une décennie aux mouvements démocratiques et populaires vont d’une part, créer un noyau de femmes accomplies et d’autre part, accentuer la revendication de l’exigence d’un traitement des femmes sur le même pied d’égalité que les hommes. Sur un autre plan, au Mali les femmes ont toujours été des actrices importantes du développement socio-économique à travers l’histoire de par leur participation à tous les changements positifs majeurs intervenus dans la vie de la nation. Paradoxalement, la place qui leur est faite dans l’exercice des responsabilités et de la prise de décision dans la conduite des affaires publiques tant au niveau local, régional que national demeure très limitée. Il en est de même au niveau communautaire. Les différentes associations qu’elles eurent à créer furent, jusqu’à une date récente « prises en otage par les hommes qui les utilisaient comme propagandistes, car conscients de leur capacité de mobilisation et de diffusion de l’information4. » Par ailleurs, il s’avère qu’à cause du poids des travaux domestiques, du faible accès à l’éducation formelle et non formelle, du manque de confiance en elle-même, les femmes ont des difficultés à se forger une place de choix dans la vie publique, notamment dans l’arène politique. Celles qui sont instruites et qui ont confiance en elles-mêmes, sont confrontées à des pesanteurs socioculturelles au niveau de leur famille, de leurs partis politiques, de leurs communautés. 3 Béridogo Bréhima : « Le régime des castes et leur dynamique au Mali », Recherches Africaines, annales de la Faculté des Lettres, Langues, Arts et Sciences Humaines, N°00, p 21, 2002, Université de Bamako 4 Nadio Aïssata : Femme et enjeux de pouvoir dans le cadre de la décentralisation, ENSUP, DER-Psycho-Péda, Bamako, 1997, p. 20 8 Malgré toutes ces réticences certaines femmes accèdent à des postes de hautes responsabilités, mais très souvent au prix d’énormes sacrifices, de concessions et compromis particuliers auxquels les hommes sont rarement soumis. Ces constats suscitent chez de nombreux observateurs soucieux des conditions et du statut des femmes des interrogations relatives aux causes de cette discrimination, à l’évolution de la situation et aux voies et moyens pour une plus grande implication de la femme dans la vie publique. C’est la raison pour laquelle le RECOFEM a commandité la présente étude pour avoir des réponses à ces interrogations. Ce faisant, les objectifs de l’étude sont les suivants : Objectif général : Contribuer à l’amélioration de la participation des femmes à la vie publique au Mali Objectifs spécifiques : - Procéder à une analyse de la situation de la femme au Mali après les évènements de mars 1991 et à l’avènement du multipartisme. - Disposer des données statistiques désagrégées sur la situation des femmes dans le domaine concerné. - Identifier les obstacles à la participation des femmes à la vie publique au Mali. - Proposer des mesures pour assurer l’égalité des chances dans l’accès des hommes et des femmes aux postes de responsabilité et aux opportunités de prises de décisions pour une participation effective et efficiente des femmes à la vie publique au Mali. Comme Résultats attendus : - Des données quantitatives sur la situation socio-économique des femmes et notamment leur niveau de participation à la vie publique durant les dix dernières années sont disponibles. - Une analyse objective de la problématique de la participation de la femme à la vie publique est disponible. - Les acquis, les obstacles et les enjeux liés à la participation des femmes à la vie publique sont identifiés. - Des mesures sont recommandées pour de meilleures chances pour les femmes d’accéder à la vie publique. La Méthodologie de l’étude Cette étude, de nature qualitative et quantitative, a procédé par un travail de recherche documentaire et une enquête de terrain A) La recherche documentaire : Elle a consisté à analyser la documentation disponible, relative d'une part à la participation de la femme à la vie publique de manière générale et de manière particulière au Mali et d'autre part aux conditions vie de la femme 9 dans les localités étudiées. Ont, particulièrement, été exploités en plus des ouvrages édités et des mémoires d’étudiants, les documents : du Ministère de la Promotion de la Femme, de l’Enfant et de la Famille, des associations et ONG (Centre Djoliba, APDF, CAFO, AJM, etc.) ; des Nations Unies et des différentes conférences mondiales sur les femmes (Nairobi, Mexico, Arusha, etc.). B) Les Outils de recherche : L'enquête a utilisé l’observation et l'entretien semi-directif sous-tendu par un guide d'entretien pour la collecte des données de terrain. Les histoires de vie ont aussi été utilisées pour comprendre les cheminements individuels, les obstacles spécifiques (sacrifices, concessions, compromis, etc.) qui se dressent devant certaines femmes pour accéder à des postes de haute responsabilité. La collecte des données quantitatives s’est surtout faite avec l’exploitation des documents des institutions et structures étatiques et non étatiques. C) L’enquête de terrain a) Les sites : Elle s’est effectuée dans le district de Bamako et les régions de Kayes, Sikasso, Ségou, Mopti, Tombouctou, Gao et Kidal auprès des institutions et structures sociales étatiques et non étatiques et de personnes ressources. b) Le personnel pour mener l’étude : Le travail de terrain a été supervisé par deux consultants. Ils avaient à leur disposition sept (7) enquêteurs ayant, chacun au moins, une maîtrise en sciences sociales et maîtrisant la langue de la localité de l’enquête. c) L'échantillon : La taille totale de l’échantillon est de 309 individus se répartissant dans une fourchette de 63 à 24 enquêtés par région. C’était un échantillonnage par quota basé sur les variables de diversité socioculturelle selon les régions et socioprofessionnelle et de sexe à l’intérieur des sites. Pour ce qui concerne la diversité socioprofessionnelle, l’enquête a pris en compte l’exercice des postes de responsabilité à partir des nominations et des élections, la participation à la vie publique dans le cadre des professions libérales, de la société civile, etc. Quant à la variable sexe, c’est 60% de l’échantillon, soit 185 femmes et 40% de l’échantillon, soit 124 hommes auprès desquelles l’enquête s’est menée. Et les femmes se répartissent entre les catégories de femme élue, chef d’entreprise, responsable d’association ou d’ONG, simple citoyenne, responsable administratif, etc. Le tableau ci dessous donne un aperçu de la répartition de l’échantillon selon les régions. 10 Tableau I. Taille et caractéristiques de l’échantillon selon les régions Mopti Tombo Gao Kidal Ba Total Kayes Sikas Ségou Région so catégories Femme élue (maire, adjointe, conseillère, député) Homme élu (maire, adjointe, conseillère, député) Femme Chefs d’entreprise Femme Responsable d’association Simple citoyenne Autorité traditionnelle Responsable de parti Responsable administratif Responsable banque/caisse crédit Association mixte ma ko uctou 5 7 5 4 5 1 0 3 30 4 6 6 3 3 2 4 3 31 2 5 9 2 3 2 2 3 28 7 6 8 12 7 6 5 5 56 4 3 5 5 6 7 7 5 3 4 6 3 0 0 0 3 3 1 3 9 4 3 3 3 4 0 3 4 2 2 5 4 26 20 32 36 5 7 7 0 3 2 2 5 31 4 44 7 63 2 53 0 24 1 38 2 28 1 25 2 19 34 309 L’enquête s’est donc menée à l’intérieur des sites auprès : • des associations et ONG féminines luttant pour une plus grande implication de la Femme à la vie publique ; • des institutions de la République : Assemblée nationale, haut conseil des collectivités, des ministères, de certaines administrations, etc. ; • de l’autorité traditionnelle : chefs traditionnels, chefs religieux ; • de responsables de partis politiques et de certains de leurs militants ; • de femmes occupant ou ayant occupé de hautes responsabilités au niveau des structures étatiques, de l’assemblée nationale, de la société politique (les partis politiques) de la société civile ou des professions libérales. En dehors des leaders, des femmes ayant pignon sur rue au niveau des professions libérales ont, aussi, été interrogées. Partout, la taille de l’échantillon a été fixée en fonction du nombre de femmes par secteur. Selon les sites : Dans les chefs-lieux de région retenus les données disponibles ont été collectées sur toute la région et des cercles représentatifs sur le plan socioculturel ont été choisis pour cerner les spécificités locales. A Kayes, ont été retenus les cercles de Kita à dominance ethnique malinké et de Nioro à dominances ethniques Soninké, peul et maure. 11 A Sikasso, l’enquête s’est menée dans les cercles de Bougouni à dominance ethnique bambara, de Sikasso et Kadiolo à dominances ethniques Sénoufo et de Yorosso à dominances ethniques Minianka et Bwa. A Ségou, ce sont les cercles de Ségou et San à dominance ethnique bambara et de Tominian à dominance ethnique Bwa qui ont été retenus. A Mopti, ont été retenus les cercles de Bandiagara à dominance ethnique Dogon, de Mopti et Ténenkou à dominance ethnique Peulhe. A Tombouctou, l’enquête s’est menée dans les cercles de Tombouctou à dominance ethnique Sonrhaye, arabe, Touarègue et maure, de Diré et de Gourma-Rharous à dominance ethnique Sonrhaye A Gao, elle a eu lieu dans le cercle de Gao à dominance ethnique Sonrhaye A Kidal, ont été retenus le cercle de Kidal, les communes de Kidal et de Essouk et le cercle de Tessalit où dominent les Touarègue. A Bamako : l’enquête s’est menée dans les 6 communes du District surtout au niveau des mairies, institutions de la République, des services publics, des états-majors des partis politiques et de ceux des associations et ONG, etc. D L’analyse des données : Après la collecte des données, il y a eu d’abord une compilation des données selon les régions et ensuite une comparaison des données des différentes régions pour dégager les constantes et les différences. Ensuite un rapport provisoire a été déposé. Celui-ci a été critiqué et corrigé par le comité de suivi du Recofem et c’est sur la base de ces critiques et corrections que le présent rapport définitif a été élaboré. E Chronogramme et durée de l'étude L'étude a duré quarante cinq (45 jours) dont quinze jours (15) d'enquête de terrain, soit du 17 novembre au 31 décembre 2005. 12 I. Etre femme au Mali : les causes de la discrimination Le Mali est caractérisé par une diversité tant sur le plan géo-climatique que socioculturel. Il s’en suit que face à toute situation on se retrouve avec un fond commun et des spécificités selon les aires socioculturelles. Le rôle et l’image de la femme peuvent ainsi, différer selon qu’elle sera en milieu sédentaire ou nomade, soit qu’elle appartienne à l’aire culturelle mandingue, sonrhaye, touarègue, Sénoufo, etc. Mais quel que soit le cas de figure, les causes essentielles de la discrimination sont en relation avec les cultures et traditions des différentes communautés et peuvent s’analyser en termes de causes sociales, culturelles, économiques et psychologiques. 1.1. Les causes sociales Une des causes de la discrimination dans la participation à la vie publique dont est victime la femme est la forme de l’organisation sociale traditionnelle et le mécanisme de fonctionnement des institutions sociales traditionnelles. Ainsi, le processus du mariage et le type de résidence, (la résidence patrilocale) contribuent à affaiblir la femme. Celle-ci quitte seule son groupe de naissance pour se retrouver dans celui de son époux. La mobilité, dont elle est victime, fait qu’elle se retrouve chaque fois dans un nouveau milieu déjà organisé pour la gestion de la société par les hommes. Il y a, ainsi, une ségrégation dans l’accès à la direction de la famille et à celle des autres structures de la communauté. Et, « quel que soit son âge, son degré d’instruction, ses qualifications professionnelles ou toutes autres capacités, elle ne peut jamais pénétrer le cercle du pouvoir traditionnel : chef de famille, de quartier, de village, de canton, de terre, des eaux, du culte, etc. Même les familles monoparentales dirigées par des femmes en milieu urbain sont perçues comme des anomalies passagères, des situations transitoires. La femme est sensée assurer un intérim en attendant que son fils grandisse. 5» C’est ce qui faisait dire au 3ème adjoint du maire de Tessalit que « nous acceptons tout pour ce qui concerne les femmes sauf leur donner le fauteuil (la chefferie) ». Donc, poids social, réticence des hommes et particulièrement du mari, surcharge du calendrier de travail, tâches ménagères découlant de la division sociale du travail, les préjugés, les stéréotypes, tels sont les principaux obstacles qui découlent des causes sociales de la discrimination des femmes. 5 Béridogo Bréhima, Mme Zouboye Fatimata Dicko, Mme Djourté Fatoumata Dembélé, Fatoumata Siré Diakité : Les violences faites aux femmes et aux filles avec identification des axes prioritaires d'intervention à court, moyen et long terme de lutte contre les violences faites aux femmes et aux filles, Ministère de la promotion de la Femme, de l’Enfant et de la Famille, rapport définitif Février 2002, p 47 13 1.2. Les causes culturelles L’idéologie traditionnelle et la religion musulmane œuvrent à écarter la femme de la vie publique, à faire d’elle un être résigné. Ainsi, selon la tradition, la femme se résigne, pas pour elle-même, mais pour assurer un bon avenir à ses enfants. Leur succès, leur ascension sociale sont proportionnelles au degré de résignation de leur mère. C’est ce que traduit cet adage Bambara : « muso tøgø ye muñu ani sabali. Ni ma cë tønnøn dun, i na dën tønnøn dun » : La femme est synonyme de résignation. En observant cette attitude si elle ne jouit pas des profits qu’elle est en droit d’attendre de son époux, elle jouira de ceux de ses enfants. Selon Simone de Beauvoir6, « l’éternel féminin » c’est l’homologue de l’ « âme » noire… les vertus du « bon noir » à l’âme inconsciente, enfantine, rieuse, du Noir résigné et (…) la femme « vraiment femme », c’est-à-dire frivole, puérile, irresponsable, la femme soumise à l’homme. Mais, toujours selon elle, « On ne naît pas femme, on le devient », ce qui signifie que si la femme est souvent reléguée au second rang il s’agit là d’un fait de culture, le résultat d’une évolution historique, et non d’un fait de nature. Ce passage du roman de Sembène Ousmane, Les bouts de bois de Dieu, résume l’idéal de femme selon la majorité des cultures soudano sahéliennes Assitan était une épouse parfaite selon les anciennes traditions africaines : docile, soumise, travailleuse, elle ne disait jamais un mot plus haut que l’autre. Elle ignorait tout des activités de son mari, ou du moins, faisait semblant de les oublier. Neuf ans auparavant, on l’avait mariée à l’aîné des Bagayoko. Sans même la consulter, ses parents s’étaient occupés de tout. Un soir son père lui apprit que son mari s’appelait Sadibou Bakayoko et deux mois après on la livrait à un homme qu’elle n’avait jamais vu. Le mariage avait eu lieu avec toute la pompe nécessaire dans une famille d’ancienne lignée, mais Assitan ne vécut que onze mois avec son mari ; celui-ci fut tué lors de la première grève de Thiès. Trois semaines plus tard elle accouchait d’une fillette. De nouveau, l’antique coutume disposa de sa vie ; on la maria au cadet des Bagayoko : Ibrahima. Celui-ci adopta le bébé et lui donna ce nom étrange : Ad’jibid’ji. Assitan continua d’obéir. Avec la fillette et la grand’mère Niakoro, elle quitta Thiès pour suivre son mari à Bamako. Elle fut aussi soumise à Ibrahima qu’elle l’avait été à son frère. Il partait tous les jours, il restait absent des mois, il bravait des dangers, c’était son lot d’homme, et de maître. Son lot à elle, son lot de femme était d’accepter et de se taire, ainsi qu’on le lui avait enseigné. Sembène Ousmane : Les bouts de bois de Dieu, Paris, Editions Presses Pocket, in Desalmand, 1977, p. 14. 6 De Beauvoir Simone : Le deuxième sexe, Paris, Gallimard, 1949 14 De cette situation découlent un statut et des rôles spécifiques qui réservent une place inférieure à la femme. Les différentes communautés lui accordent peu de droits à l’instruction. Ainsi, quand elle est scolarisée, les tâches ménagères laissent peu de place à la jeune fille pour réviser ses cours à la maison. Il s’en suit souvent une situation de plus grande déperdition scolaire et de moins bonne performance par rapport aux garçons. Certaines voient leur scolarité interrompue à cause des mariages précoces. La conséquence est un fort taux d’analphabétisme au niveau des femmes. « Selon l’EDS-III, 80,0% des femmes maliennes n’ont aucun niveau d’instruction. Elles sont 11,3% au primaire, 4,9% au secondaire et 3,8% au niveau supérieur 7» L’analphabétisme est l’un des principaux obstacles de la participation de la femme à la vie publique. Par ailleurs, généralement, la femme se cache derrière l’homme qui décide en ses lieu et place. C’est ce qui explique une partie de l’histoire de vie de cette femme, aujourd’hui chef d’entreprise à Sikasso : « j’étais monitrice de jardins d’enfants. Mais mon mari ne voulant pas de ce travail, j’ai abandonné pour me reconvertir dans la santé. Toujours opposé au fait que je sois une femme salariée, il m’intima d’abandonner ce métier. Je me suis entêtée, il y a eu des altercations entre nous. Mais comme il était soutenu par mon père, j’ai fini par céder. » Comme l’époux de cette femme, ce notable de Bougouni dit : « Je suis contre le voyage des femmes. J’ai eu à interdire le commerce interurbain à une de mes épouses. Elle s’est entêtée, mais elle a fini par trouver la mort au cours d’un de ses voyages ». Les tâches ménagères, en lui laissant peu de temps, constituent un obstacle à son épanouissement dans l’arène politique. C’est pourquoi cette responsable d’association disait : Du côté des hommes il y a souvent des problèmes par le fait que ce ne sont pas tous les hommes qui acceptent les sorties successives des femmes. Même si le mari accepte au départ, il finira par s’énerver à cause des mauvaises langues. C’est la même situation au niveau de la famille. Quand on a un bébé sous la main et qu’on se trouve convoquée pour une formation pour toute une journée, les bonnes ne pourront jamais tout faire. C’est pourquoi au retour des réunions, les prises de bec avec les époux sont fréquentes. » Marginalisation des femmes par le système patrilinéaire, faible niveau d’instruction, analphabétisme, crise de compétence, etc. sont les principaux obstacles qui découlent des causes culturelles de la discrimination des femmes. 1.3. Les causes économiques Dans presque toutes les communautés maliennes, la femme est victime d’un certain nombre d’interdits ou est exclue de certaines activités économiques par les coutumes et les traditions. En pays Bambara, dans certains villages aucune exploitation féminine agricole n'est autorisée en saison des pluies. 7 Ministère de la Promotion de la Femme, de l’Enfant et de la Famille : Politique et plans d’action pour la promotion de la femme, de l’enfant et de la famille, 2002 – 2006, p 21 15 C’est par exemple le cas des villages de « Mounzou, Monzombala, ... dans la région de Koulikoro. Il arrive aussi que certains chefs de famille n'autorisent que l'aviculture à leurs femmes... Quand l'élevage des ruminants leur est autorisé, traditionnellement, les mâles reviennent à l'homme (époux ou chef de famille). Celui-ci en contrepartie a en charge la garde du bétail (fourniture de cordes, surveillant, ...).8 Traditionnellement, la coutume dispense ou exclut la femme sonrhaye de certains travaux physiques comme l’exploitation agricole. Elle en profite pour l’exclure aussi des questions foncières. C’est ce qui faisait dire à un enquêté à Gao que, quand il est question de terre, la femme n’est pas concernée. Et c’est ce qui entraînait aussi cette réplique d’un homme à Tombouctou (Kabara) lors d’une répartition de casiers agricoles quand les ingénieurs voulurent servir en priorité les associations de femme : « ne nous parlez pas de servir les femmes en premier lieu ; ici, nous sommes entre hommes. Les femmes sont à la maison dans les cuisines ». Et la résistance fut telle que les femmes n’eurent que les parcelles restantes après que les hommes eurent été servis. En zone rurale et urbaine, les marchés sont animés par les femmes, où elles constituent la majorité des commerçants. Mais sur le plan de l’occupation de l’espace, elles sont sous les hangars ou au soleil sur les trottoirs, les couloirs, les devantures des magasins, etc. Ceux qui sont dans les boutiques sous les ventilateurs ou les climatiseurs sont généralement des hommes. A ce niveau, la discrimination est relative à la propriété et aux conditions de travail. Si cette marginalisation économique se traduit par une exclusion de la femme de la gestion de la vie publique dans les communautés, elle va aussi se traduire par une accentuation de la pauvreté féminine, une faiblesse des capacités économiques de la femme. Et celle menant des activités politiques va donc se trouver handicapée aux moments des compétitions politiques. Car pour l’instant, le succès des candidats est beaucoup plus fonction de leur libéralité à l’endroit des électeurs que de leur programme politique comme nous le confirmait le maire de Mopti : « ce sont celles qui sont brillantes et ayant plus de moyens qui ont pu se faire élire. Il ne faut pas non plus oublier qu’à Mopti la question de pouvoir n’est pas un petit jeu. Donc, celui qui veut s’en mêler doit vraiment s’armer davantage et le moyen financier est une arme redoutable qu’il ne faut pas oublier. Or, rares sont les femmes qui veulent investir dans la politique. » Des causes économiques de la discrimination des femmes découlent des obstacles dont les principaux sont les difficultés d’accès au crédit et aux autres facteurs de production, la pauvreté, le manque de moyens financiers pour faire campagne au moment des élections, etc. 1.4 Les causes liées aux traditions politiques maliennes Au Mali, il existe une perception négative du politique. Faire de la politique revient à mentir, ruser, duper l’autre. Tout ce qui est « polotiki moko » acteur 8 Béridogo Bréhima : « Femmes rurales et innovations techniques : cas du Projet Moulin au Mali », in Bulletin de l’APAD (13), p. 51 - 61. 16 politique ou « politiki kuma » propos de l’acteur politique doit être pris avec de sérieuses réserves. Cette situation est exprimée dans le monde des ONG en terme de « politique politicienne ». Selon une étude menée par Kadidia Dabo, dans le cadre de l’élaboration de son mémoire de maîtrise, « une femme honnête et sérieuse ne peut faire de la politique car la politique est l’art de nager dans l’eau sale, or une femme est censée éduquer les enfants, par conséquent, elle doit être exemplaire, toujours présente dans la famille au lieu de passer son temps entre les différentes réunions politiques. 9» Ce faisant, certains hommes refusent de laisser leurs femmes s’approcher de l’arène politique. Les acteurs qui ont intériorisé cette perception n’hésitent devant aucun moyen pour écarter leurs adversaires et particulièrement les femmes qui ont moins d’expérience politique et plus de difficultés pour constituer leurs dossiers. C’est aussi cette perception du politique qui fait dire à cette conseillère municipale de Bougouni que « certaines femmes pensent que nous avons reçu beaucoup d’argent sans leur en donner. La politique est aujourd’hui synonyme de commerce ». Une autre affirma que son échec s’explique par la démobilisation de ses troupes lasses d’attendre leur part du gâteau. Donc perception négative du politique et manque de motivation des femmes à militer dans des partis politiques, inexpérience politique des femmes, discrimination des femmes au moment de l’élaboration des listes de candidature (mauvais rang sur les listes), difficultés dans la constitution des dossiers de candidature (absence d’état civil), méconnaissance des textes (lois électorales, charte des partis, etc.), intrigues, manipulation, tels sont les principaux obstacles qui découlent des causes liées aux traditions politiques maliennes. 1.5. Les causes psychologiques A Ménaka, lors des dernières élections communales, une femme avait été élue conseillère communale. Elle a purement et simplement refusé d’exercer la fonction sous la pression des hommes. L’éducation traditionnelle et l’éducation religieuse font que la femme manque de confiance en elle-même et en ses sœurs. L’aliénation qui en découle l’incite à penser comme la majorité des hommes que la gestion de la vie publique est du ressort de l’homme. Celles qui en sont victimes, la majorité, vont donc développer une certaine inhibition par rapport à la gestion de la vie publique et particulièrement par rapport à la conquête du pouvoir. C’est pourquoi Dabo dit que « les femmes elles-mêmes ne se font pas confiance. Il y a beaucoup de femmes qui préfèrent être coiffées par des hommes que par leur semblable10 ». Par rapport au pouvoir traditionnel, cette aliénation empêche la femme de mener un quelconque combat pour pénétrer ce cercle du pouvoir, le vestibule comme l’atteste cette femme de Bougouni : « il y a des préalables à 9 Dabo Kadidia : La femme dans l’arène politique malienne, cas de la commune III du District de Bamako, mémoire de maîtrise, Université de Bamako, FLASH, DER des Sciences sociales, section socio-anthropologie, 2001 – 2002, p. 33. 10 Dabo Kadidia: op. Cit. p. 34 17 maîtriser avant d’entrer dans un vestibule ; ces préalables, la femme ne les connaît pas. » Ce complexe s’exprime aussi par rapport à l’utilisation des facteurs de développement mis à la disposition de la femme. C’est le cas par exemple dans des villages bénéficiaires du Projet MOPOD dans les communes rurales de l’ancien arrondissement de Sanankoroba où une évaluation à miparcours faisait le constat suivant : « On constate jusqu’à présent une certaine timidité des femmes pour profiter des droits qui leur sont consentis. Dans certaines localités, elles ne prennent pas tout le montant du prêt qui leur est accordé et certaines n’investissent pas le peu qu’elles prennent dans des activités génératrices de revenus11 ». La présidente de l’Association pour la promotion économique de la femme (APEF) de Mopti exprime la même situation en ces termes : « Nous sommes entrain de les sensibiliser pour qu’elles prennent des crédits pour leurs activités mais elles refusent par peur. Voilà des obstacles que nous rencontrons car, à présent, elles n’arrivent pas à se défaire de l’image d’être inférieures » . Le problème est, aussi, abordé sous l’angle de la rétention de l’information, résultat d’un déficit démocratique dans le fonctionnement des associations en général et des associations de femme en particulier : « Aujourd’hui je peux dire que les présidentes de toutes les associations de la commune sont vraiment celles qui ont connu une ascension ces dix dernières années. Mais le problème est qu’elles veulent rester les seules maîtres du jeu en barrant la route aux autres femmes. Car, c’est elles qui maîtrisent toutes les informations, c’est elles qui participent à tous les séminaires et ateliers dans la région aussi bien qu’à Bamako. Si vous voyez une d’entre elles laisser aller une autre membre de son bureau dans un atelier, c’est qu’elle est malade. Dans ces genres de conditions je ne vois pas comment les autres femmes vont émerger ». La peur d’échouer, le manque de confiance des femmes en elles-mêmes, le complexe d’infériorité, le manque de solidarité entre les femmes, les effets de l’éducation traditionnelle, l’esprit d’adversité et de clan, le manque d’agressivité, tels sont les principaux obstacles qui découlent des causes psychologiques de la discrimination des femmes. 1.6. Les causes liées aux violences faites aux femmes et particulièrement Le harcèlement sexuel C’est « une forme de violence que subissent des femmes se trouvant sous l’autorité d’un homme dont la décision est déterminante pour leur sort. Il s’agit donc de la sexualité monnayée, imposée à la femme en échange de l’emploi, de l’évaluation professionnelle ou scolaire. Ce harcèlement peut prendre la forme d’un chantage : menaces proférées à l’endroit de la femme relatives au blocage de la promotion professionnelle, à la perte de l’emploi, à l’échec scolaire, etc. Les femmes usagers du service public peuvent subir, elles aussi, le harcèlement sexuel ; que leur font subir des hommes dont l’avis ou la décision est déterminante pour la résolution du problème auquel 11 Koch Robert et Béridogo Bréhima : Projet MOPOD II, Revue opérationnelle, rapport final, Agence Canadienne de Développement International, Janvier 2002, p 16 18 elles sont confrontées : magistrat, douanier, agents des services de sécurité, etc. C’est ce que confirment les témoignages ci-dessous : - - « La violence dans le cadre de ma profession concerne surtout le harcèlement sexuel, j’ai même dû changer de poste pour cela ». (secrétaire de direction, Niamakoro, Bamako, 36 ans) « Des rapports sexuels sont proposés aux femmes aux postes de douane en échange de l’exonération des marchandises. Certaines les acceptent, d’autres les refusent ». (commerçante, Bamako, 42 ans)12 » Le harcèlement sexuel au niveau des services publics est un obstacle à l’épanouissement des femmes. Il porte atteinte à leur dignité et favorise la résistance des époux à l’implication de leurs époux dans la gestion de la vie publique. En conclusion, une plus grande implication de la femme dans la gestion de la vie publique exige des solutions aux obstacles découlant des différentes causes de la discrimination dont les femmes sont victimes : 12 Béridogo Bréhima, Mme Zouboye Fatimata Dicko, Mme Djourté Fatoumata Dembélé, Fatoumata Siré Diakité op. cit. p. 13 - 14 19 II. Enjeux ou problématique de la participation de la femme à la vie publique La problématique de la participation de la femme à la vie publique et en particulier à la prise de décision n’inclut pas seulement la vie politique. Elle ne doit donc pas se limiter à la seule perspective féministe de quête de pouvoir politique par les femmes mais s’inscrire dans le cadre plus vaste du rôle que les femmes peuvent et doivent jouer dans les structures de prise de décision, dans toutes les sphères de la société au niveau de la famille, au sein des organisations professionnelles ou syndicales, sociales, au niveau des instances locales, régionales et nationales comme au sein des partis politiques. La participation de la femme à la prise de décision a un rôle positif dans la gestion de la société. C’est une exigence démocratique, une question de justice et d’équité, une garantie de prise en compte des besoins, intérêts et aspirations de l’ensemble des populations ainsi que des besoins spécifiques des femmes. La participation de la femme à la prise de décision à tous les niveaux est une exigence démocratique. Si nous admettons que les sociétés démocratiques sont fondées sur le principe de l’égalité, de la participation et de la représentation à part entière de tous les citoyens dans la vie de la nation, la faible participation ou la nonreprésentation des femmes à la prise de décision concernant la vie de la nation est un déficit démocratique et une violation des principes démocratiques et des droits humains des femmes. Si les femmes au Mali représentent plus de 51% de la population, il est contraire à la justice et à l’équité de les tenir à l’écart de la définition des priorités et des choix qui affectent la vie de toute la nation. La participation des femmes à la prise de décision garantit une meilleure prise en compte des problèmes de l’ensemble de la population pour les raisons suivantes : - les priorités sont mieux définies parce qu’elles prennent en compte les préoccupations, les besoins et intérêts des femmes et des hommes ; - les solutions sont plus adaptées parce qu’elles apportent des réponses aux problèmes de l’ensemble de la population ; - les questions spécifiques des besoins concernant les femmes sont mieux identifiées et prises en compte. C’est pourquoi, la prise en compte des aspirations de l’ensemble de la population crée plus d’harmonie et contribue à la paix sociale tant au niveau de la Nation que des organisations et de la collectivité au niveau local aussi bien qu’au niveau régional. 20 ²III. Bref rappel historique de l’implication de la femme dans la vie publique : Première République, Deuxième République et Transition : 3.1. La Première République : 1960 – 1962, la Commission Sociale des Femmes Les activités féminines, sous la Première République, ont été prises en charge par le parti au pouvoir, l’Union Soudanaise, section du Rassemblement Démocratique Africain (US-RDA). Cette prise en charge se faisait à travers les comités de femmes qui, à l’image du parti, quadrillaient le pays. La gestion des questions féminines était confiée à une structure appelée « Commission Sociale des Femmes ». Elle fut créée en 1962 et avait un pouvoir d’orientation et de contrôle sur le mouvement féminin à travers tout le pays. En plus de cette commission, l’ensemble des services concourait à la définition et à la mise en œuvre de la politique de promotion de la femme. C’est la Commission Sociale des Femmes qui a été la première structure nationale à initier la rupture avec les aspects rétrogrades du statut traditionnel de la femme. C’est ce statut qui a amorcé le processus de l’émancipation de la femme. Elle a à son actif le code de mariage et de la tutelle qui, à l’époque, a été considéré comme un texte révolutionnaire à cause des droits qu’il accordait, pour la première fois, aux femmes maliennes et de la rupture d’avec certaines coutumes comme la répudiation, le mariage forcé, etc., dans le domaine du statut de la femme. La commission Sociale des Femmes a été aussi très active sur le plan international. Elle a été cofondatrice de la Panafricaine des femmes avec des actrices comme Madame Aoua Kéïta, Mme Attaher Jeannette, Mme Sow Aïssata Coulibaly, Mme Aïssata Berthé, etc. (voir biographie en annexe V) Malgré l’engagement des femmes dans la lutte pour l’indépendance du Mali et malgré le bilan positif de la Commission Sociale des Femmes, très peu d’entre elles s’engagea dans l’arène politique en vue de postes électifs car « pour les esprits de l'époque, le pouvoir est essentiellement masculin et les femmes qui s'impliquent en politique ne doivent pas concurrencer les hommes mais leur apporter leur soutien 13». C’est ce qui peut expliquer en partie la faible présence féminine à l’Assemblée Nationale comme le confirme le tableau ci-dessous. 13 Nadio Aïssata : Femme et enjeux de pouvoir dans le cadre de la décentralisation, ENSUP, DER-Psycho-Péda, Bamako, 1997, p. 22 21 Tableau II. Les femmes élues sous la 1ère République (sources : Répertoire des Femmes élues du Mali) Législative Années Nombre de députés Prénom et nom Circonscri ption électorale Total femmes % femme Assemblée 1959 80 législative de la République Soudanaise 1ère législative 1960–1964 80 2ème législative 1964-1967 80 1 1,25 Aoua Kéïta Bamako 1 2 1,25 2,50 Aoua Kéïta Aoua Kéïta Namissa Touré Bamako Bamako Bamako 3.2. La Deuxième République : 1968 – 1991, L'UNFM (Union Nationale des Femmes du Mali) Lorsque l’armée a pris le pouvoir en 1968, elle a suspendu la constitution et interdit toutes les activités politiques. La conséquence a été l’interdiction de l’Union Soudanaise RDA et de sa Commission Sociale des Femmes. Dans le domaine de la promotion de la femme on voit pour la première fois la nomination d’une femme au gouvernement, Moussomakan dite Inna Sissoko, comme secrétaire d'Etat. Il faut attendre 1974 pour voir sur le plan institutionnel la gestion des problèmes des femmes confiée à un Secrétariat d’Etat aux Affaires Sociales dont la disparition a coïncidé avec la création de l’UNFM (Union Nationale des Femmes du Mali) affiliée au parti unique de l’époque, l’UDPM (Union Démocratique du Peuple Malien). L'UNFM (Union Nationale des Femmes du Mali) s’était définie comme « une organisation unique de toute femme qui en accepte les statuts, sans distinction de race et de religion » (article 1er). Elle s’était donnée comme mission de « tisser de solides liens d’amitié et de fraternité entre les femmes de toutes couches sociales du pays, pour la protection de l’enfant, la défense des intérêts de la femme et de la famille, pour une participation pleine et plus efficace des femmes à la revalorisation des programmes de développement politique, économique, social et culturel » (article 2) L’UNFM a représenté le Mali dans les grandes conférences internationales sur la femme en 1975 (Mexico), en 1978 (Addis-Abeba) en 1985 (Nairobi). En 1976, après la Conférence de Mexico, le gouvernement a mis en place, parallèlement à l’UNFM, un organe technique qui avait pour mission d’exécuter les recommandations de la Conférence de Mexico. Malheureusement, cette commission a fonctionné tant bien que mal jusqu’en 1988, à cause de la réticence de l’UNFM qui entendait garder le monopole de la question de la promotion de la femme au Mali. Le bilan de l’UNFM a été une amélioration de la condition de la femme, surtout de la femme rurale, à travers plusieurs projets qu’elle a mis en œuvre (centre d’alphabétisation, sensibilisation contre les pratiques coutumières néfastes comme l’excision, etc.) Elle a fait de la sensibilisation 22 pour le planning familial, créé des centres de promotion des femmes, inciter d’avantage les femmes à participer à la vie politique pour accéder aux postes de décision politique. Elle a été, par la suite, détournée de ses programmes pour ne véhiculer que les mots d’ordre du parti unique qui l’avait complètement embrigadée. C’est ce qui fit que de nombreuses femmes, surtout, des intellectuelles, s’en éloignèrent. Il faudra attendre les événements de Mars 1991 pour assister à la naissance de véritables associations de femmes, relativement indépendantes. Pour ce qui concerne l’implication des femmes dans la vie publique, au niveau du pouvoir exécutif, quatre (4) femmes occuperont des postes ministériels ; au niveau des hautes instances politiques, trois (3) autres siégeront successivement au BEC (bureau exécutif central) du parti unique UDPM (Union démocratique du peuple malien), ce qui faisait une (1) femme sur dix huit (18) au B E C. Quant au pouvoir législatif, de deux (2) députés sur quatre vingt deux (82) pendant les premières législatures, les femmes passeront à cinq (5) sous la quatrième législature comme nous le confirme le tableau ci-dessous. Tableau III. Les femmes élues sous la 2ème République Répertoire des Femmes élues du Mali) Législative Années Nombre de Prénom et nom députés (sources : Circonscri ption électorale Total femmes % fem. 1979-1982 82 1ère législative 2 2,43 - Sy Sokona Diabaté - Diarra Diagoussa Sidibé Commu ne V Ségou 1982-1985 82 2ème législative 2 2,43 - Diarra Diagoussa Sidibé Ségou 3ème 1985-1988 82 N’diaye Coulibaly 3 législative 4ème législative Korotoumou Sikasso 3,65 - Diarra Diagoussa Sidibé Ségou N’diaye Korotoumou Sikasso Coulibaly - Dicko Massaran Konaté 1988-1991 82 5 6,09 - Diarra Diagoussa Sidibé N’diaye Korotoumou Coulibaly - Dicko Massaran Konaté N’diaye Korotoumou Traoré - Sacko Alima Coulibaly Kati Ségou Sikasso Kati Sikasso Niono 23 3.3. La période de la Transition 1991 – 1992 : Le ministère de la santé publique, de l’Action sociale et de la Promotion Féminine, le Secrétariat d’Etat chargé de la Promotion Féminine En tant que groupe social, les femmes ont été en première ligne dans le combat pour la démocratie autant que les étudiants ou les associations politiques mixtes, CNID et ADEMA. Ce faisant, elles vont bénéficier de certaines retombées positives du changement. Ainsi, après l’ère de la Commission Sociale des Femmes dans les années 60, la période de la transition a été celle d’une autre rupture avec les aspects rétrogrades du statut traditionnel des femmes. En, effet, pour la première fois, on a vu des femmes occuper des postes jusqu’ici réservés aux hommes dans les faits comme les postes de gouverneur, d’ambassadeur et les premiers responsables de certains ministères considérés comme stratégiques (ministère du plan, de l’économie rurale, etc.). C’est aussi, sous la transition qu’il y a eu des textes comme l’ordonnance n°92-024/CTSP du 12 mai 1992 traitant la femme salariée sur le même pied d’égalité que son homologue homme. Depuis, la femme mariée salariée n’est plus considérée comme célibataire sans enfant. Par ailleurs, les autorités de la Transition ont dans un premier temps confié la Promotion de la Femme au Ministère de la santé. En octobre 1991, ce Ministère a organisé le premier Forum National des Femmes qui a regroupé environ 200 femmes (rurales et urbaines) venant de toutes les régions du Mali. Il a permis de faire une analyse approfondie de la situation de la femme à tous les niveaux. Le forum a permis de mieux définir les orientations et a formulé les recommandations d’ordre général et sectoriel. Le Secrétariat, bien qu’il ait été éphémère, a, cependant, organisé en janvier 1992 un atelier sur la Définition de la Politique de Promotion de la Femme. 24 IV. La Troisième République et la femme (1992) Ici, il s’agit de la Troisième République en tant que période avec sa composante pouvoir, société politique, société civile, population, etc. Une de ses caractéristiques a été la volonté politique de faire de la promotion de la femme une des priorités du gouvernement. La tâche lui a été relativement facilitée d’une part, par le contexte international de l’époque qui était favorable à l’implication de la femme dans la vie publique et d’autre part, par le degré de maturité des femmes maliennes, qui, après avoir tiré le bilan des expériences des première et deuxième Républiques, n’entendaient plus servir un parti ou un responsable politique mais plutôt la cause des femmes. Par ailleurs, grâce à la reforme de l'éducation de 1962, la décennie précédant la naissance de la Troisième République verra le Mali doté d’un échantillon diversifié de femmes qualifiées issues de la filière universitaire. Le développement de l'instruction, fruit de la scolarisation de masse, va favoriser un éveil de conscience véritable. L’avènement du pluralisme politique va donc, favoriser la création de diverses d’associations. Celles-ci vont se fédérer ou constituer des réseaux (CAFO, Réseau des Femmes Africaines Ministres et Parlementaires, Groupe PIVOT – Droit et Citoyenneté des Femmes, etc.) ou intégrer et animer des réseaux mixtes de la place (CCA-ONG, SECO ONG, Yiriba Suma, les différents Groupes PIVOT, etc.) pour chaque fois exprimer leur point de vue et poser les exigences des femmes. Ainsi, le pouvoir va élaborer un certain nombre de textes, mettre en place un cadre institutionnel pour une plus grande implication de la femme dans la vie publique. 4.1. Les textes élaborés, les actes posés et le cadre institutionnel mis en place par l’Etat pour la promotion de la femme 4.1.1. Les textes Les textes ci-dessous élaborés sous la Troisième République contribuent à lutter contre les discriminations dont sont victimes les femmes et ils contribuent, ainsi, à mieux les impliquer dans la gestion de la vie publique. Il s’agit essentiellement de : - La tenue du Forum National des Femmes en octobre 1991 ; - L’élaboration de stratégies d’intervention pour la promotion de la femme en 1992 ; - La constitution du Mali, promulguée le 25 février 1992, pose de manière claire le principe de l’égalité et de la non-discrimination dans ses articles 1 à 21 et assure à l’homme et à la femme les mêmes droits et libertés individuelles dans tous les domaines ; - L’adoption en 1992 d’un code de commerce supprimant l’autorisation du mari pour l’exercice, par la femme mariée, d’une activité commerciale ; 25 La signature de l’ordonnance n°92-024/P-CTSP du 12 mai 1992 relative à l’impôt sur les traitements en salaire des femmes salariées dans le but de réduire la pression fiscale sur les femmes en raison du nombre d’enfants ; - La ratification du protocole facultatif relatif à la CEDEF en septembre 2000 ; - L’adoption en août 2001, d’un nouveau Code Pénal avec des infractions nouvelles se rapportant à la promotion des femmes, notamment les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité, le trafic des enfants, etc. - La création du Programme National de lutte pour l’abandon de la pratique de l’excision en 2002 ; - Le projet de réforme du droit de la famille et des personnes en vue de l’abrogation des dispositions discriminatoires contre les femmes contenues dans le Code du Mariage et de la Tutelle, de la parenté et de l’alliance y compris en matière successorale et de donations en 2002 ; - La mise en place de la commission paritaire Association, ONG et Gouvernement pour la promotion de la femme ; - La sensibilisation des décideurs politiques sur l’approche genre ; - Les mesures discriminatoires positives et les mesures spéciales pour les femmes dans les domaines de l’éducation, de la santé, de l’emploi et du social. Il convient de s’arrêter sur un certain nombre de domaines et de textes pour une meilleure appréciation. - Dans le domaine de l’éducation plusieurs mesures ont été adoptées en faveur des filles parmi lesquelles on peut citer : La création de la cellule de scolarisation des filles (décision N°882/SG-EB du 24 octobre 1992) ; Le respect de la parité entre les deux sexes dans le recrutement au premier cycle, directive du département ; L’introduction de l’économie familiale, l’éducation à la vie dans le programme du premier cycle de l’enseignement fondamental ; L’abrogation de la mesure d’exclusion sanctionnant les jeunes filles tombées en état de grossesse (cas d’inaptitude physique) : lettre circulaire N°00034 du 1er février 1993 du Directeur National de l’Enseignement Fondamental ; L’abrogation de l’arrêté n°1695 réglementant les études au niveau de l’Enseignement Secondaire Général depuis 1984 jusqu’en 1993 qui sanctionnait d’exclusion pour inaptitude physique les filles en état de grossesse au niveau du lycée. Actuellement, elles sont ajournées et l’année de la grossesse n’est pas comptabilisée dans la scolarité ; L’arrêté n°95-25447/MFAAC-MESSRS-MEB du 25 novembre 1995 autorisant l’accès des filles au prytanée militaire ; 26 L’élaboration et la mise en œuvre des curicula niveau 1 et 2 dans le Cadre du Programme et Investissement du Secteur de l’Education (PISE). L’aspect le plus important est la prise en compte des préoccupations des garçons et des filles de manière à faire disparaître les stéréotypes ; La bonification de un point pour les filles dans le cadre de l’attribution des bourses scolaires : relecture du décret N°00-307/PRM du 14 juillet 2000, portant réglementation des bourses d’études attribuées par l’Etat ; l’arrêté N°2223/ME-MEF du 11 août 2000, fixant les critères d’attribution des bourses d’études par l’Etat et les conditions d’accès à l’aide sociale ; L’acceptation des filles qui se marient en cours de scolarité au niveau de l’enseignement secondaire ; La formation en genre des concepteurs des manuels scolaires, formation en genre des enseignants ; La sensibilisation en genre à tous les niveaux ; La mesure la plus récente est la dérogation spéciale aux critères d’orientation des élèves dans l’enseignement secondaire en faveur des filles de 18 ans redoublantes, qui ont été orientées. Etc. Dans le domaine de l’emploi, en plus de l’ordonnance n°92-024/P-CTSP du 12 mai 1992, ci-dessus mentionné, on peut noter : La non-rupture du contrat pour cause d’absence pendant le congé de maternité et la non-réduction des rémunérations ; La bonification de service d’une année pour chacun des enfants que la femme a en charge ; La bonification de 10% lorsque la femme, mère de trois (3) enfants vivants, quitte sa fonction sans avoir droit à une pension ; Le droit à la protection spécifique pour l’exercice de certains travaux par la femme (le travail de nuit, les travaux souterrains de mines) ; L’anticipation de l’âge de la retraite d’une année pour chaque enfant né. On peut dire que ces mesures ont porté fruit, si on s’en tient aux chiffres des tableaux IV et V de la page 30, où l’on constate que les écarts entre hommes et femmes en terme de chiffres ont tendance à se réduire. Dans le domaine de l’accès des femmes au foncier14 Aujourd’hui, tous les verrous juridiques ont sauté et la femme a le droit d’accéder à la terre. Au Mali, les principes juridiques qui régissent l’accès de la femme rurale à la terre et aux ressources naturelles doivent être recherchés dans les textes 14 Ministère de la Promotion de la Femme, de l’Enfant et de la Famille, Programme d’Appui à la Promotion des Femmes : Niveau actuel d’accès des femmes rurales à la terre, Août 2001, p.9 - 10 27 relatifs à la gestion foncière, à la gestion des ressources naturelles et des textes de la décentralisation. Il s’agit donc de : le code domanial et foncier (CDF) dans la rédaction que lui a donnée la loi n°8691/AN-RM du 1er août 1986 ; la loi n°95-004/AN-RM du 18 janvier 1995 fixant les conditions de gestion des ressources forestières ; la loi n°95-003/AN-RM du 18 janvier 1995 portant organisation de l’exploitation du transport et du commerce du bois ; la loi n°031/AN-RM du 20 mars 1995 fixant les conditions de gestion de la faune sauvage et de son habitat ; la loi n°032/AN-RM du 20 mars 1995 fixant les conditions de gestion de la pêche et de la pisciculture ; la loi n°90-17/AN-RM du 27 février 1990 fixant le régime des eaux ; la loi n°91-04/AN-RM du 23 février 1991 fixant les conditions de protection de l’environnement et du cadre de vie ; les ordonnances n° 98-27/P-RM en date du 25 août 1998 portant respectivement création de la Direction Nationale de la Protection de la Nature et de la Direction Nationale de l’Assainissement et du contrôle des pollutions et des nuisances ; les textes sur la décentralisation, notamment : • la loi n°93-008/AN-RM du 11 février 1993 déterminant la libre administration des collectivités territoriales et ses textes modificatifs subséquents ; • la loi 95-034/AN-RM du 12 août 1995 portant code des collectivités territoriales en République du Mali • le décret n°95-210/P-RM du 30 mai 1995 déterminant les conditions de nomination et les attributions des représentants de l’Etat au niveau des collectivités territoriales ; • la loi n°96-050/AN-RM du 16 octobre 1996 portant principe de constitution et de gestion du domaine des collectivités territoriales ; les textes organiques des zones aménagées, notamment, • le décret 94-157/P-RM du 13 avril 1994 fixant l’organisation de la gérance des terres aménagées du Périmètre Agricole de Baguinéda ; • l’ordonnance n° 91-049/P-CTSP du 21 août 1991 portant création de l’Office Riz Ségou ; • l’ordonnance n° 91-050/P-CTSP du 21 août 1991 portant création de l’Office Riz Mopti ; • le projet de règlement intérieur des périmètres irrigués de Gao en date du 16 novembre 1996 ; • le règlement intérieur des périmètres agricoles féminins de Niéna ; 28 • les textes sur les structures du MDRE : les lois n°96-053, n°96-054 et 096-055 en date du 16 octobre 1996 portant respectivement création de la Direction Nationale de l’Appui au Monde Rural (DNAMR), de la Direction Nationale de l’Aménagement et de l’Equipement Rural (DNAER) et de la Direction Générale de la Réglementation et du Contrôle du secteur du Développement Rural ainsi que les textes d’application de ces lois. En conclusion, sur le plan des textes de lois, il apparaît de manière incontestable qu’un effort a été fait par les autorités. Mais l’application de ces textes, leur diffusion et leur intériorisation par celles pour lesquelles ils ont été élaborés est un autre problème. 4.1.2. Le cadre institutionnel mis en place pour une plus grande implication de la femme dans la vie publique Ont été mis en place par la Troisième République, le commissariat à la promotion de la femme et le Ministère de la Promotion de la Femme, de l'Enfant et de la Famille. Le Commissariat à la Promotion des Femmes a été créé par décret n°93119/PM-RM, du 04 mai 1993, rattaché à la primature. Il était dirigé par une femme qui avait rang de ministre. La politique de promotion de la femme était définie par le premier ministre lui-même. La commissaire était chargée de l’assister et avait pour mission de l’informer sur la situation de la femme, de faire des études, de conseiller le premier ministre et de coordonner les actions des différents intervenants. Ainsi donc, la question de la promotion de la femme devenait une mission de service. Le commissariat était une administration de mission. L’inconvénient était que la commissaire ne participait pas directement aux prises de décisions au plus haut niveau puisqu’elle ne siégeait pas au Conseil des Ministres. Pour accomplir les missions qui lui étaient confiées, la commissaire disposait des collaborateurs au niveau central, les Ministères et dans les Régions. Pour la coordination des acteurs des différents intervenants deux structures avaient aussi été créées. Ce sont : le Comité Interministériel pour la promotion des femmes et la Commission Paritaire Gouvernement – Associations – ONG pour la promotion des femmes, chacune avec des missions bien définies. Le Commissariat à la Promotion des Femmes a élaboré un certain nombre de documents qui vont jouer un rôle important dans le processus d’implication de la femme dans la gestion de la vie publique. Il s’agit de : - les Stratégies d’Intervention pour la Promotion des Femmes en 1992 ; - le document sur la situation des femmes et celui sur la situation des femmes rurales en préparation de la conférence de Dakar et de Beijing sur les femmes ; - le plan d’action pour la promotion de la femme1996-2000. Le Ministère de la Promotion de la Femme, de l’Enfant et de la Famille : On voit apparaître pour la première fois dans la nomenclature 29 gouvernementale, un Ministère de la Promotion de la Femme, de l'Enfant et de la Famille crée par décret n°97-282/P-RM du 13 septembre 1997. Ce Ministère a pour mission de : - élaborer et mettre en œuvre les mesures devant assurer le bien-être de la Femme, de l’Enfant et de la Famille ; - assurer une meilleure insertion économique, sociale et culturelle des femmes et des enfants par la prise en charge de leurs besoins spécifiques ; - promouvoir les droits de la femme et de l’enfant et de veiller à leur respect ; - veiller à ce que le cadre familial demeure un cadre d’équilibre dans les relations sociales. Pour ce qui concerne son organigramme, ce ministère, outre le Secrétariat général et le cabinet, s’est doté des services centraux, régionaux et subrégionaux de promotion de la femme, de l’enfant et de la famille : la direction nationale de la promotion de la femme et la direction nationale de la promotion de l’Enfant et de la famille. Il comprend également des services rattachés : - le centre national de documentation et d’information sur la femme (CNDIF), créé par l’ordonnance n°01-013-PRM du 26 février 2001. Il comprend trois (3) départements : la Documentation, l’Observation de la condition de la Femme et le département de l’Information, de l’éducation et de la communication. - Une quinzaine de Programmes et Projets : Programme de Lutte contre la Pratique de l’Excision, Projet d’Appui à la Promotion de la Femme et à l’Allègement de la Pauvreté, Projet Promotion du statut de la Femme de l’Equité et du Genre, Projet Développement de l’Entreprenariat féminin dans le domaine agroalimentaire, Projet d’Appui à la Lutte contre les Pratiques préjudiciables à la Santé de la Femme et de l’Enfant, les centres d’auto promotion des femmes, etc. Le Ministère de la Promotion de la Femme, de l’Enfant et de la Famille a mis en place des Conseillers Genre et Développement et des points focaux au sein des départements ministériels qui ont pour mandat de : • s’assurer de la prise en compte de l’approche genre dans les programmes et projets de développement ; • désagréger les données dans leur domaine d’activité ; • former les cadres des départements ministériels concernés en approche genre ; • veiller à la prise en compte systématique du genre dans l’élaboration des projets. Le cadre institutionnel mis en place par le gouvernement est renforcé par la présence d’une société civile féminine forte comprenant des organisations syndicales féminines et des organisations socioprofessionnelles. 4.2. Les actions menées par la société civile pour l’implication de la femme dans la vie publique 30 Ce sont, en fait, les associations féminines qui sont à la base du cadre institutionnel ci-dessus mentionné. En effet, c’est à la suite d’un atelier financé par le PNUD que des recommandations ont été faites dans ce sens. Ces associations ont aussi participé à l’élaboration de la plate-forme nationale pour le Mali, à côté du Commissariat à la Promotion de la Femme. Elles ont pris part en 1994, à la 5ème Conférence Régionale des Femmes africaines tenue à Dakar, auprès du Gouvernement et en 1995, à la Conférence Mondiale sur la Femme à Beijing. Ensuite, elles ont participé à l’identification et à l’élaboration du premier Plan d’Action 1996 – 2000 sur la mise en œuvre des recommandations de Beijing. En 1996 (juillet-août) à la faveur des échéances électorales de 1997, la Coordination des Associations et ONG Féminines (CAFO) avec l’appui financier de l’ambassade des Pays-Bas a organisé un séminaire intitulé « Préparation des Femmes Candidates en vue des Prochaines Echéances Electorales Politiques et Syndicales », pendant cinq semaines au CRES, qui a regroupé près de deux cents (200) femmes des Associations et partis politiques. Les thèmes développés étaient relatifs au : - Régime politique malien - Démocratie et Gouvernement ; - Mécanismes d’accès aux Responsabilités ; - Les élections et leur surveillance ; - Préparation des Elections et Management de la Campagne électorale15. On peut affirmer sans risque de se tromper que ce séminaire, premier du genre, a été déterminant pour la plus grande participation des femmes aux instances politiques et au gouvernement. A la suite des élections communales de 1998 la CAFO a aussi procédé à la formation des conseillères municipales pour mieux les préparer à leurs responsabilités, sur financement de l’Ambassade des USA. Par ailleurs, sous la Direction du Ministère de la Promotion de la Femme, de l’Enfant et de la Famille, le deuxième plan d’Action 2002-2006 a été élaboré sur la base d’un diagnostic participatif, à travers des ateliers régionaux et national Dans le but d’inciter les filles à s’orienter vers les matières scientifiques et techniques, l’Association des Femmes Ingénieurs du Mali (AFIMA) organise le concours « Incitation des Jeunes Filles vers les Matières Scientifiques et Techniques » (IFMST). Pour l’organisation de cette activité, l’Association bénéficie de l’appui de la Fondation Pathfinder de Cheick Modibo Diarra et du Ministère chargé de l’Education. Aussi, un travail d’une importance capitale est mené à la base, dans les villages par les ONG et associations, qu’elles soient féminines ou mixtes. Selon le document de présentation de la CAFO, ce travail porte sur le plaidoyer/lobbying, l’IEC : Information, Formation, Communication, l’Appui – conseil : la facilitation et la médiation, la mobilisation sociale : conscientisation, sensibilisation, etc. 15 Coordination des Associations et ONG féminines (CAFO) : Séminaire de Préparation des Femmes Candidates en vue des Prochaines Echéances Electorales Politiques et Syndicales, Bamako, juillet – août, 1996. 31 Le bilan de la Troisième République est donc, à l’actif de l’autorité politique et de la société civile et particulièrement de sa frange féminine 32 4.3. Etat des lieux de l’implication des femmes dans la vie publique 4.3.1. Les femmes dans la fonction publique Bien que la population malienne soit composée de plus de 51% de femmes, les fonctionnaires maliens eux, en 2002 et en 2004 étaient en majorité, constitués d’hommes. 79% d’hommes contre 21% de femmes en 2002 et 75,46% d’hommes contre 24,54% de femmes en 2004. En 2002, ce pourcentage baissait en dessous de 10% au niveau du sommet de la hiérarchie, 9,8% de femmes dans la catégorie A. Mais en 2004, la barre de 10% était dépassée pour atteindre les 12%. Et ce n’est qu’au bas de l’échelle, la catégorie C, qu’elles constituent plus du tiers des effectifs, 35,58% en 2002 et 37% en 2004. De l’analyse de ces chiffres, il ressort que l’inégalité est là en terme absolu. Mais, en pourcentage, la situation des femmes s’est améliorée entre 2002 et 2004, les écarts ayant tendance à se réduire. Tableau III. Répartition du personnel de la fonction publique selon les catégories et le sexe en 2002 (source : DNFP) Hommes Femmes Total Catégories Effectif % Effectif % Effectif Catégorie A 7355 90,12 806 9,8 8161 Catégorie B2 13928 77,32 4084 22,68 18012 Catégorie B1 2732 66,13 1399 33,87 4131 Catégorie C 3540 64,42 1895 35,58 5435 Autre personnel 8788 84,72 1584 15,28 10372 Total 36433 79 9768 21 46111 Tableau IV. Répartition du personnel de la fonction publique selon les catégories et le sexe en 2004 (source : DNFP) Catégories Hommes Femmes Total Effectif % Effectif % Effectif Catégorie A 8955 88 1212 12 10167 Catégorie B1 3041 63 1786 37 4827 Catégorie B2 13281 75,47 4317 24,53 17598 Catégorie C 3293 62,50 1976 37,50 5269 Total 28570 75,46 9291 24,54 37861 4.3.2. Les femmes dans les instances civiles de décision Sous la Troisième République, la femme est plus présente dans les instances de décisions que sous les Républiques précédentes. Cependant, malgré la volonté politique des autorités de la Troisième République, non seulement la parité homme / femme n’est pas encore atteinte mais des perspectives sont loin de se dessiner pour le long terme si l’évolution continue à ce rythme. En effet, les femmes représentent à peine 1% des maires en 2005, soit, sept (7) maires femmes sur 703 ; 6,53% des conseillers communaux, 10% des 33 députés, 18,51% des ministres, 2% des préfets, etc. Dans un passé assez récent, une femme a occupé le poste de Directeur national des impôts et une autre celui de directeur régional de la douane à Sikasso (2002). Actuellement, à part les deux directrices d’académie de Bamako, la directrice régionale de l’environnement à Mopti, et les directrices régionales de la promotion de la femme, il n’y a pas de femme directrice régionale au niveau des services déconcentrés de l’Etat. Et en dehors des porte-feuilles ministériels la plus haute responsabilité administrative occupée par une femme est la fonction de Médiateur de la République. On peut aussi noter la présence de trois (3) femmes magistrats à la Cour Constitutionnelle et sept (7) femmes magistrats à la Cour Suprême. Sur les sept (7) femmes trois (3) sont présidentes de chambres (1ère chambre civile, chambre sociale, chambre criminelle, deux (2) sont présidentes de section, la section administrative et la section judiciaire) et une vient d’être récemment nommée Avocat Général sur les trois que comptent la Cour Suprême. Sur les trois secrétaires généraux que la Cour Suprême a connu depuis l’indépendance, deux (2) ont été des femmes. Dans les services militaires et paramilitaires, en 2000, il y avait trois (3) femmes lieutenant-colonel et deux (2) commandants dans l’armée. Dans la police il y avait trois (3) contrôleurs généraux de police sur 39 hommes. Dans les ambassades et services consulaires, en 2000, il y avait deux (2) femmes ambassadeurs sur 20, sur six (6) consuls généraux, il n’y avait aucune femme et il y avait 5 conseillères d’ambassades sur 46. En 2005, le nombre de femme ambassadeur est passé à deux (2. Le tableau ci-dessous récapitule la situation à partir de 1991. Tableau VI. Les femmes dans les instances civiles de décision (sources : Répertoire des Femmes élues du Mali et 2ème, 3ème et 4ème rapports périodiques du Mali sur la mise en œuvre de la Convention sur l’Elimination de toutes les Formes de Discrimination à l’Egard des Femmes pour la période 1990 - 2002) Période Postes/structures Femme Homme Total Total % Total % 1991CTSP 3,85 1992 Bureau exécutif (CTSP) 1 25 76,15 26 Délégation spéciale 2 11,76 17 88,24 19 er 1 ministre 0 0 1 100 1 Ministre 3 20 15 80 18 Directeur de cabinet 0 0 18 100 18 Chef de cabinet 0 0 18 100 18 Gouverneur 1 12,5 8 87,5 9 Commandant 0 0 46 100 46 ème 3 République 1992 Député 3 2,59 113 97,41 116 1997 Maire com. urbaine 0 0 19 100 19 er 1 ministre 0 0 1 100 1 Ministre 6 27,27 16 72,73 22 Médiateur République 1 100 0 0 1 34 1997 2002 juin 2002 Directeur de cabinet/Secrétaire Général 1 4,35 22 95,65 23 Chef de cabinet Haut-Commissaire Délégué du gouvernement / cercle Cour constitutionnelle Membre du CESC Cour suprême APCAM CCIM 2 0 0 10 0 0 18 9 46 90 100 100 2 3 22,22 6 7 47 87,78 9 94 50 Député Maire com. urbaine Maire com. Rurale Conseiller communal 1er ministre Ministre Médiateur République Secrétaire Général Chef de cabinet Haut-Commissaire Délégué du gouvernement / cercle Cour constitutionnelle Membre du CESC Cour suprême Haut conseil des collectivités APCAM CCIM 18 0 5 424 0 4 1 0 2 0 0 12,24 0 0,73 4 0 20 100 0 11,11 0 0 129 19 677 10116 1 16 0 20 18 9 49 87,76 100 99,27 96 100 80 0 100 88,89 100 100 3 3 33,33 6 44 9 76,67 47 6 8,70 63 91,30 69 1 13 3,22 5,41 30 227 96,78 31 94,59 240 Député Maire com. urbaine Maire com. Rurale Conseiller communal 1er ministre Ministre Médiateur République Secrétaire Général Chef de cabinet Haut-Commissaire Préfet/ cercle Cour constitutionnelle Membre du CESC Cour suprême Haut conseil des collectivités 15 0 5 424 0 4 1 0 4 0 1 3 3 10,20 0 0,73 4 0 16,67 100 0 16,67 0 2 33,33 6,38 132 19 677 10116 1 20 0 28 20 9 48 6 44 89,80 100 99,27 96 100 83,33 0 100 83,33 100 98 66,64 93,62 6 8,70 63 91,30 69 20 9 16 147 19 682 10540 1 20 1 20 9 49 147 19 682 10540 1 24 1 28 24 9 49 9 47 35 2004 APCAM CCIM 1 13 3,22 5,41 30 227 96,78 31 94,59 240 Député Maire com. urbaine Maire com. Rurale Conseiller communal 1er ministre Ministre Médiateur République Secrétaire Général Chef de cabinet Conseiller technique Chef de DAF Attaché de cabinet Chargés de mission Haut-Commissaire Préfet/ cercle Cour Constitutionnelle Membre du CESC Cour Suprême Haut conseil des collectivités APCAM CCIM 15 1 6 704 0 5 1 0 3 19 2 2 14 0 1 3 8 10,20 5,56 0,87 6,53 0 18,51 100 0 12,5 13,57 7,14 7,14 16,87 0 2 33,33 11,76 132 18 675 10073 1 22 0 28 25 121 26 26 69 9 48 6 60 89,80 94,44 99,13 93,47 100 81,49 0 100 87,5 86,43 92,86 92,86 83,13 100 98 66,64 88,24 6 8,70 63 91,30 69 2 13 5,40 5,41 35 227 94,60 37 94,59 240 147 19 682 10777 1 27 1 28 24 140 28 83 9 49 9 68 4.3.3. La femme dans la société civile 4.3.3.1. Bref rappel historique La société civile féminine vers la fin de la période coloniale Dans la dernière décennie de la période coloniale, Il y eut d'abord le mouvement des femmes illettrées et ensuite celui des femmes lettrées. Certaines femmes créèrent un syndicat apolitique, l'intersyndicale des femmes travailleuses, en 1956. Présidé par Awa Kéïta, il avait comme secrétaire générale Astan Coulibaly et comptait dans le bureau Sira Diop et Rokiatou Sow. Awa Kéïta représenta le syndicat au congrès constitutif de l'Union Générale des Travailleurs d'Afrique Noire (UGTAN) en 1957. JEMANGELEN, une association de femmes fut créée en 1956 sous l'égide de madame Audibert, secondée par madame Thiam Fanta Diallo. Toutes ces associations ont d’abord été plutôt orientées vers le social que vers le politique. Elles ont, cependant, su améliorer les conditions de vie des femmes sur le plan économique et social par la création d’ateliers de couture, de centres de santé... Par la suite, « pour les besoins de la lutte 36 anti-coloniale, les organisations féminines fusionnent en 1957 pour former l’Union des Femmes du Soudan Français (UFSF) 16». Ces associations de femmes ont combattu les inégalités du système colonial. Elles se sont résolument engagées dans les partis existants et ont contribué à la sensibilisation et à la mobilisation des masses autour de leurs leaders respectifs. La société civile féminine sous la Première République Ainsi, lors de l’accession du Mali à l'indépendance, les femmes constituaient déjà une force non négligeable, même si sur le plan politique elles étaient maintenues dans une situation de subordination. Car, elles faisaient beaucoup plus figure d'animatrices, grossissant les rangs des électeurs, que de responsables. L’engagement des femmes ne s’est donc pas traduit par une forte présence féminine dans les instances de décision à tous les niveaux. Ainsi, il n’y avait qu’une seule femme députée sur quatre-vingt (80). Il a par contre permis l’adoption de textes législatifs en leur faveur. A ce niveau, pour la première fois, la constitution de 1960 interdisait toute discrimination fondée sur le sexe et accordait à tous les citoyens les droits civiques. Le code du mariage, lui, exigeait le consentement de la femme au mariage, accordait à la femme le droit de demander le divorce, le droit à la garde des enfants et à une pension alimentaire. La société civile féminine sous la Deuxième République La société civile féminine comme la société civile dans son ensemble, a été bâillonnée sous la Deuxième République. C’est ainsi que pour la défense des intérêts des femmes travailleuses, une commission, dirigée par Fatou Tall Souko, avait été créée ; mais, elle sera dissoute en 1974 avec la création de l'UNFM (l'union Nationale des Femmes du Mali). D’autres femmes tenteront de contourner la situation en créant des associations mixtes : organisations non gouvernementales (ONG), associations d'ordre humanitaire. Seules ont pu survivre comme associations ou ONG féminines l’APAC (Association des Professionnels Africains de la Communication), une association de femmes professionnelles de la communication), l’AJM (l’Association des Femmes Juristes) et le CADEF (Comité d’Action pour la Défense des Droits de l’Enfant et de la Femme). 4.3.3.2. L’implication de la femme dans la vie publique à travers la société civile sous la Troisième République La femme dans le secteur associatif : ONG et Associations Depuis les événements de mars 1991, la disparition de l’UNFM a été le fait catalyseur de la détermination des femmes à s’investir dans les actions de promotion pour elles-mêmes. Elles se sont engagées dans la création et l’animation de nombreuses associations et ONG. Elles trouvèrent dans l’association le cadre juridique le plus approprié pour gérer leurs activités. 16 Situation des femmes au Mali, cinq ans après la conférence de mondiale de Beijing, rapport national, Beijing + 5, juin 2000, p.15. 37 Ainsi, a-t-on vu à la veille de la conférence nationale (1991) surgir une multitude d’associations féminines. Ces associations ont fait l’objet de plusieurs études intéressantes qui ont fait apparaître les difficultés d’en dresser une typologie significative. Mais l’examen quotidien de ces associations permet de distinguer, selon leur composition sociale ou selon leur objet social les types suivants d’association : - les associations féminines à caractère politique : ce sont des appendices des partis politiques, mais, elles poursuivent de façon autonome un but politique et sont composées et dirigées par des femmes. Ce sont les branches féminines des partis politiques. - Les associations et ONG : Elles sont des acteurs de promotion féminine. Ayant pour la majorité une vocation de prestataire de services, de conseil et d’assistance, elles s’occupent essentiellement : o des droits de la femme : diffusion et défense des droits de la femme et formation, etc. C’est le cas de l’AJM, de l’APDF, du CADEF, de l’ODEF, etc. o de la santé : sensibilisation et éducation des femmes, lutte contre les IST/SIDA, utilisation des méthodes de planning familial, hygiène, eau, assainissement, lutte contre l’excision, etc. C’est le cas du CADEF, de l’AMSOPT, etc. o d’activités économiques : maraîchage, artisanat, couture, etc. o de l’épargne - crédit : création et gestion de petites caisses d’épargne – crédit, etc. o de la religion : éducation religieuse comme l’UNAFEM o du domaine humanitaire : soutien et assistance aux femmes en situation critiques comme les veuves ou les handicapés. C’est par exemple, le cas de l’AVOM, de l’association des femmes handicapées. Les ONG, qu’elles soient féminines ou mixtes, évoluent pour la plupart en milieu rural et péri-urbain. Leurs domaines d’intervention sont généralement définis par leur statut et leur objet social. Pour une meilleure synergie entre les actions, elles ont été amenées à s’organiser en collectifs (CCA-ONG, SECO-ONG, COFEM, CAFO, Groupes PIVOT sectoriels, Confédérations et Syndicat, etc. La société civile féminine a mené des actions relatives à : - le retour de la paix au nord et au maintien de la paix sociale et de la sécurité sur toute l’étendue du territoire; - l’information et la sensibilisation ; - la formation des leaders religieux, des praticiens du droit, des décideurs politiques, des forces de l’ordre, des agents de santé sur la CEDEF et les droits de la femme ; - la création des centres d’écoute et d’assistance judiciaire en faveur des femmes démunies ; - la tenue de séminaires-ateliers et organisation de conférences sur les droits de la femme, la participation à la vie publique et le renforcement du rôle économique de la femme ; 38 - la publication d’un livre sur la situation de la femme au Mali, intitulé « Livre Blanc » sur les femmes en 2000 par l’Association pour le Progrès et la Défense des Droits des Femmes (APDF), du Guide Juridique sur les droits de la femme par l’Association des Juristes Maliennes (AJM) en 2000 et le Guide sur les aides familiales en 2002 par l’association APAFMuso Dambé, etc. La femme dans la résolution des conflits sociaux : guerres, grève, etc. Il convient de s’arrêter sur le rôle joué par les organisations féminines dans le retour de la paix au nord du Mali et dans le maintien de la paix sociale sur toute l’étendue du territoire. En effet, pendant la rébellion, les femmes ont créé le Mouvement National de la Paix. Elle regroupait les femmes de toutes les communautés et elle a participé à toutes les rencontres sur le terrain. Parallèlement, elle a sillonné la zone du conflit pour discuter avec les différentes communautés. Ultérieurement, furent créées les associations « Taganik » et l’association des femmes pour l’initiative de la paix. Les femmes de Gao, elles, ont créé une association dénommée mouvement de la paix. Une fois, la paix revenue, elles lui donnèrent le nom d’Association Régionale des Femmes pour la Paix et l’Education (ARFPE). Actuellement, cette association joue un rôle très important à Gao et à Tombouctou dans le combat pour la scolarisation des filles et la résolution des conflits interethniques. Elle s’occupe aussi des femmes victimes des conflits par la traduction devant les tribunaux des auteurs de vol, de viol et de meurtre de femmes. Au nord, la CAFO est impliquée dans la lutte contre la prolifération des armes légères. ARFPE et CAFO ont participé à la résolution du conflit Kunta / Arabe. Les Associations de Mères d’Elèves (AME) luttent non seulement pour la scolarisation des filles mais aussi pour le maintien de la paix dans l’espace scolaire. A Kabara (Tombouctou) les associations féminines, à tour de rôle, veillent sur l’école. Elles sont tenues de mentionner et de chercher à connaître les raisons de l’absence d’un élève aussi bien que de celle d’un maître d’école. Ailleurs, les femmes ne sont pas en reste. Elles ont contribué à calmer la fronde scolaire des années 90. Partout, elles sont sollicitées pour la médiation lors des grèves dans les écoles et les conflits sociaux, intra et interethniques. C’est ce que confirme la présidente de la CAFO de Mopti : « à deux reprises, nous avions été sollicitées par la mairie et le Gouvernorat pour parler aux enfants qui étaient en grève à cause de leur problème de CAR. Nous avions pu résoudre cette crise. » Dans le même sens le maire de Bougouni affirme « lors des grèves scolaires, les deux coordinations d’associations féminines (CAFO et 3 P) se sont impliquées pour mettre fin au conflit » Maïmouna Mariko, femme leader de Bougouni, elle, confie que : « suite à un conflit entre les ouvriers et la direction de la mine d’or de Morila, nous sommes parvenues à faire baisser la tension ». A Kidal, les femmes se sont impliquées pour trouver une issue à la grève des commerçants en 2002 39 Sur le plan national, et particulièrement à Bamako, la CAFO depuis sa création a toujours servi d’interface entre le mouvement scolaire et le gouvernement. C’est dans ce cadre qu’elle a suivi le cahier de charge de l’AEEM jusqu’à la signature entre les différentes parties du protocole « Pour une Ecole Apaisée ». Pour le maintien de la paix et la prévention des conflits, la CAFO interpelle chaque fois le gouvernement quand elle pressent des conflits. Elle s’intéresse aussi aux conflits de la sous-région. Elle a, ainsi, offert ses services aux femmes ivoiriennes en leur faisant bénéficier de l’expérience malienne de résolution des conflits armés et en leurs donnant aussi 45 jours de formation en juin 2002. En avril 2003, une cellule CAFO a été installée à Abidjan pour contribuer au retour de la paix en Côte d’Ivoire. Elle a aussi servi de médiateur entre les autorités nigériennes et les associations féminines nigériennes qui connaissent beaucoup de problèmes en relation avec certaines interprétations de l’islam dans ce pays. Ces différentes actions menées par la société civile féminine malienne ont contribué au retour et au maintien de la paix au Mali. Elles ont contribué à élever le niveau de conscientisation de certaines structures et autorités publiques ainsi que des leaders religieux et communautaires sur les droits des femmes et la nécessité de leur prise en compte dans le développement économique social et culturel du pays. Cependant, il convient de noter que ces différentes actions de formation et d’information n’ont pas suffisamment atteint les populations rurales et par ailleurs, les associations et ONG sont limitées dans leurs interventions par l'extrême faiblesse de leurs capacités institutionnelles et financières 4.3.4. La femme et l’économie Les femmes jouent un important rôle socioéconomique dans l’économie nationale à travers les activités de production, de conservation, de transformation, de promotion, d’échange et de consommation. Selon le Rapport National sur la situation des femmes au Mali , 4ème Conférence Mondiale sur les Femmes, 1995, les femmes assurent plus de 70% de la production alimentaire17. Au sud, elles participent à tous les stades de la production agricole depuis les semis jusqu’aux récoltes. Au nord, c’est la démocratie qui, à travers les associations, va permettre l’implication des femmes dans l’agriculture. Exclues auparavant des travaux champêtres et de la question foncière, aujourd’hui beaucoup d’associations féminines de Gao et de Tombouctou ainsi que des femmes individuellement ont leur périmètre maraîcher et leur casier rizicole. Par ailleurs, on ne voyait pas auparavant de femme sonrhaye sur la place du marché avec des marchandises. Mais avec la multiplication des périmètres 17 Situation des femmes au Mali, cinq ans après la conférence de mondiale de Beijing, rapport national, Beijing + 5, juin 2000, p. 48 40 maraîchers suite à la prolifération des associations, elles sont obligées d’y venir pour la commercialisation de leur production. La situation est plus timide en milieu nomade où les femmes dans certaines localités, comme à Ber, ne sont pas encore impliquées dans l’agriculture. Mais le changement perceptible est celui de leur attitude par rapport à l’éducation des filles et la fréquentation des centres de santé (consultation et vaccination). Il en est de même en milieu semi-nomade peulh. C’est ce qui faisait tenir ces propos à cet administrateur : Pour ce qui concerne le cercle de TENINKOU, elles tentent de changer. Et à travers ce qu’elles voient à la télé, elles essayent de s’organiser de plus en plus mais leur action reste encore très timide par rapport aux autres femmes de ce pays. Elles ont vraiment besoin d’être épaulées dans leurs efforts. Sinon, le constat est vraiment amer puisque même si le changement est amorcé, le rythme est très lent. Partout, l’accès des femmes à l’équipement agricole est très timide. Exceptionnellement, il leur arrive d’être équipé par un projet ou une structure de développement comme en 2000 à Kadiolo où la CMDT à travers Kafojiginew les a équipées en âne et en charrette. Beaucoup d’associations, par le canal de la micro finance ou de l’épargne solidaire et des tontines, permettent à leurs adhérentes de faire le petit commerce. Initialement présentes dans le secteur rural et l’informel, les femmes commencent à investir de nouveaux domaines comme l’entreprise y compris le BTP (bâtiment et travaux publics). 4.3.4.1. La femme chef d’entreprise Dans ce secteur, les femmes ne sont pas encore nombreuses. Mais le phénomène en tant que tel importe beaucoup plus que le nombre. Car c’était un secteur réservé aux hommes. Une étude18 commanditée par le Ministère de la Promotion de la Femme, de l’Enfant et de la Famille a recensé 631 femmes entrepreneurs, réparties entre 16 domaines que sont : les femmes experts comptables agrées (5), responsables de bureau d’ingénierie conseil (2), architectes (5), avocates (17), notaires (7), gérantes d’officines (pharmacie humaine ou vétérinaire) (58), hôtelières et restauratrices (15), commerçantes (228), des bâtiments et travaux publics (11), prestataires de services (21), coiffeuses (2), teinturières, couturières (67), du secteur agroalimentaire (157), des médias (6), des cabinets d’études et de recherches (5), des nouvelles technologies de l’information et de la communication (6). Sur le terrain on a été frappé par « Fatim Construction » et THT construction à Tombouctou et Kadidia Ascofaré à Goudam dans le BTP. Dans beaucoup de localités, elles sont aujourd’hui dans le commerce de gros et font de l’importation et de l’exportation. D’autres possèdent des camions pour le transport et d’autres de petites entreprises. 18 Ministère de la Promotion de la Femme, de l’Enfant et de la famille, Centre National de Documentation et d’Information sur la Femme et l’Enfant, avec l’appui financier de l’USAID : Répertoire des femmes entrepreneurs du Mali, Bamako, Imprim color, sans date d’édition. 41 Une d’entre elles de Gao dit que « si je suis arrivée à faire beaucoup de choses c’est grâce à la démocratie. J’ai mon centre d’alphabétisation, ma garderie d’enfant, mon périmètre maraîcher, mon ONG. Avant ce n’était pas possible. Tout était aux mains de l’Etat. » Une autre de la commune rurale de Koury affirme « mon activité principale est le transport. Je me suis d’abord débrouillée pour avoir le prix d’une « Toyota hiace, aujourd’hui, je possède un véhicule 10 tonnes et une remorque » Le maire de Bougouni affirme : « D. C. possède trois (3) véhicules 10 tonnes, B. K. deux (2) véhicules 10 tonnes, S. D. plusieurs villas et M.M. une pharmacie clinique vétérinaire. Et contrairement à un certain nombre d’années, un peu partout, on retrouve des femmes « visibles » en première ligne. Le plus important ici n’est pas le nombre mais le phénomène, le processus engagé. 4.3.4.2. La femme et le crédit : La micro-finance, c’est la banque des pauvres disait un administrateur. De manière générale, les femmes n’ont pas accès au crédit classique pour un certain nombre de raisons dont, essentiellement, l’information et le manque de garantie (les données indispensables pour couvrir les risques que court la banque). Aussi, aucune banque n’a une ligne de crédit, sur fonds propre, destinée aux femmes. Il leur arrive de gérer des fonds de l’Etat ou d’autres organismes de développement pour le compte des femmes, sur la base du système des caisses d’épargne et de crédit. Ces plaintes résument le ressentiment général recensé à travers tout le territoire par rapport au crédit classique. C’est ainsi que la présidente de l’association des vendeuses de poisson de Mopti dit : « Finalement, nous avions compris que ces gens là ne veulent pas nous aider mais plutôt nous créer d’autres problèmes. Car, comment peut-on comprendre que pour nous aider, ils nous imposent des garanties de terrain ou des sommes que nous ne possédons pas. Souvent, ils nous parlent aussi des délais qui sont difficiles à tenir. Ils oublient que chez-nous les femmes n’ont pas de terrain » Cette responsable d’ONG à Bandiagara renchérit dans ce sens : « A Bandiagara les femmes n’ont pas du tout accès aux crédits puisqu’elles n’ont pas les fonds de garantie que réclament les structures de micro-crédits. Comment comprendre qu’on puisse exiger des garanties à des gens qui n’ont même pas à manger. Elles n’ont aucune économie et les conditions d’accès les empêchent d’avoir des crédits. Sur un autre plan, la Fédération des Associations des Femmes commerçantes et entrepreneurs du Mali estime que 50.000 ou 100.000 francs ne permettent pas à une femme de s’enrichir. Le montant appauvrit plutôt les femmes. Sur son instigation, un consultant canadien, en faisant le tour des banques de la place a constaté que parmi les bénéficiaires de crédit il n’y avait pas de femme bénéficiaire d’un engagement de plus de dix millions de francs CFA. Pour contourner la difficulté, les caisses d’épargne et de crédit passent par le système de crédit avec caution solidaire. Le prêt est accordé par le canal de l’association. Mais à ce niveau les sentiments sont mitigés. Tandis que 42 certaines se plaignent des conditions d’octroi, d’autres se félicitent de cette possibilité offerte par la démocratie. Ces propos résument les griefs à l’endroit du crédit aux femmes au Mali : « Il faut revoir les conditions d’accès et les intérêts des crédits selon les réalités des localités. Puisque j’ai vu un exemple où la personne m’a dit qu’elle n’avait même pas fini de s’approvisionner qu’on est venu demander de rembourser ses crédits et avec un intérêt. Souvent, il y a des femmes qui disent que KONDO JIGIMA leur demande de déposer le 1/3 de ce qu’elles veulent demander. Et ces femmes disent que si elles avaient ces 1/3 elles n’allaient jamais se rendre au Kondo-jigima ». Certaines ont préféré contourner les structures formelles. « Finalement, la solution a été qu’au lieu d’aller prendre le crédit avec les conditions difficiles des caisses, nous avons préféré faire des cotisations mensuelles. Et à la fin de chaque mois, la somme collectée est partagée entre les 10 femmes de chaque groupement formé. Après un mois d’activité, l’argent est remboursé avec un petit intérêt acceptable pour tous. Ces petits intérêts sont utilisés pour l’achat de nos petits équipements. Avec cette stratégie, les femmes disent : « nous préférons nous enrichir au lieu d’enrichir la banque» » Désespérées d’autres femmes recourent à l’usure : « Nos activités ne peuvent pas aller sans l’argent et les commerçants qui nous prêtent cet argent le font avec des intérêts qui ne nous permettent pas d’avoir quelque chose pour nous-mêmes. Ils le font généralement avec un intérêt de 30 à 50% et après la vente du poisson nous nous retrouvons avec une somme dérisoire. C’est pour éviter ces choses que désormais, nous avons décidé de faire une cotisation hebdomadaire de 500 francs au sein de l’association. Nous rassemblons 500 000 à 600 000 francs que nous partageons entre 5 ou 6 femmes et remboursable en deux semaines avec un intérêt de 5000 francs. Ainsi, chaque deux semaines, 5 à 6 femmes de l’association peuvent échapper à ce problème de crédit avec les commerçants. Pour le moment, c’est la seule solution que nous avons trouvée. Par contre beaucoup d’autres affirment que la micro-finance leur a été d’une grande utilité. Ainsi, l’association des femmes de Kadiolo (AFK), dans la région de Sikasso, a obtenu un crédit pour équipement en 1999. Il a servi à l’achat de charrue et de bœufs de labour au profit de femmes en situation difficile. Le maire de Koury ainsi que Ami Touré dite Ami Lomé, chef d’entreprise à Koury, expliquent l’ascension sociale des femmes du cercle de Yorosso par l’accès au crédit et la bonne gestion. 4.3.4.3. Autre secteur important : le foncier Malgré tous les textes, ci-dessus mentionnés, élaborés par la Troisième République en faveur de la femme, en milieu rural, elle demeure toujours généralement, exclue de la gestion du foncier. 43 A part quelques exceptions comme le pays Dogon et le pays Sonrhaye, la femme accède traditionnellement à la terre même si c’est par le canal de sa famille conjugale ou de sa famille d’origine. Mais en pays Dogon et Sonrhaye, on constate une évolution avec la création des associations féminines comme ci-dessus mentionné. Une responsable d’ONG mentionne des difficultés rencontrées à Bandiagara. « Elles se battent en permanence pour avoir des terres mais la terre est une question très difficile en pays Dogon. Pour le moment, la seule faveur qu’elles ont pu trouver est le « prêt » pour faire des activités de maraîchage. Et même à ce niveau, il y a encore des problèmes car, à chaque fois que le maraîchage commence à réussir, les propriétaires de terre leur retirent la parcelle. C’est pourquoi, nous nous sommes dit qu’il faut changer la situation. » Pour contourner ce genre de problème beaucoup de partenaires des localités posent comme condition de la collaboration, la sécurisation foncière pour les associations féminines. Mais pour ce qui concerne les terres aménagées de l’Etat, la femme, dans les principes, y accède sans aucun problème. On constate leur présence à l’Office du Niger, à l’Office Riz Ségou, à l’Office Riz Mopti, au niveau du Périmètre de Réhabilitation de Baguinéda, etc.19 4.3.5. La femme et la prise de décision Du point de vue du droit positif, les textes fondamentaux recèlent très peu de dispositions discriminatoires à l’endroit des femmes quant à leur participation à la vie publique et à la prise de décision. Mais force est de constater que les croyances, les us et coutumes, l’ignorance des femmes de leur droit, la mauvaise interprétation des textes et l’insuffisance de moyen d’information et de diffusion des textes constitue des obstacles à la jouissance effective des droits des femmes. Malgré ces constats, depuis 1992, il est certain qu’on a assisté à une amélioration du positionnement publique des femmes qui se traduit par : - leur prise de conscience face leur situation, leur mobilisation pour défendre leurs intérêts, la prolifération des structures de regroupement de femmes (Associations, ONG, Groupes PIVOT, etc.) ; - l’accès à l’information, la sensibilisation, la formation, l’incitation, l’appui apporté aux femmes par le gouvernement, les Associations et ONG, les partis politiques, etc. - la proposition de quota par certains politiques, 30% de présence de femmes sur les listes électorales, - etc. Par ailleurs, à d’autres niveaux, on peut faire les constats suivants : 4.3.5.1. Dans la communauté (famille, quartier, village) Dans de nombreuses localités maliennes, il était, auparavant, rare de voir des femmes dans une assemblée d’hommes. Avec la création des partis 19 Situation des femmes au Mali, cinq ans après la conférence de mondiale de Beijing, rapport national, Beijing + 5, juin 2000, p.49 - 50. 44 politiques et des associations de femmes suite à l’avènement de la démocratie, les femmes ont été obligées de se retrouver dans de nouveaux espaces pour la défense de leurs intérêts. Elles assistent donc aux réunions, s’expriment et revendiquent leur « part ». « Dans les bureaux, nous avons, maintenant, plus que le poste de secrétaire à la promotion féminine » disait l’une des femmes rurales. Une femme de Sanankoroba, cercle de Kati : C’est avec l’arrivée de Suco et sa formation que je travaille avec les hommes. Sinon, avant, je n’avais même pas le droit de les regarder ou de les approcher. Une autre de Mopti affirme « Il y a eu beaucoup de changements mais ce qui m’a paru fondamental a été surtout le changement des mentalités. Avant l’avènement de la démocratie, les femmes n’acceptaient jamais de participer aux réunions des hommes et même celles qui participaient n’osaient pas prendre la parole en public. Mais de nos jours, ces choses ont complètement changé. De plus en plus, elles comprennent qu’elles sont utiles et qu’elles sont aussi membres à part entière de la communauté. De plus, plusieurs femmes aiment participer aux élections mais elles sont généralement confrontées à des problèmes de moyen. » Une autre affirme : « toutes les femmes de la ville de Bandiagara se trouvent dans des associations. Avant la démocratie je n’avais jamais entendu qu’une femme cherche à être maire ou député. C’est pour quoi certains disent que la démocratie n’est venue que pour les femmes. » Elles sont, donc partout, conviées aux réunions relatives au développement. Ainsi, le 24 novembre 2005, elles ont remis en cause la composition du bureau de la mutuelle de Gao. Et à Kabara, face aux positions intransigeantes des hommes par rapport aux questions de développement, elles ont décidé de s’exprimer désormais. « Quand il a été proposé de construire un marché ici, les hommes ont affirmé qu’ils préféraient le curage du fleuve, c’était le curage ou rien d’autre. Ces fonds ont été utilisés pour construire un marché dans une autre localité. Depuis, nous avons décidé de ne plus nous taire. Ainsi en 2004, des partenaires ont proposé des séances d’alphabétisation aux femmes. Mais les hommes leur ont posé comme préalable la construction d’une salle d’alphabétisation. Quand les négociations étaient sur le point d’échouer nous sommes intervenues pour leur signifier que nous avons une salle disponible pour les séances d’alphabétisation. Cela a créé des problèmes entre nous et les hommes mais ils se sont décantés par la suite. Les hommes savent que c’est grâce à nous les femmes que Kabara reçoit beaucoup de choses » Le maire de Mopti : « Pas plus tard que la semaine dernière nous étions en session pour signer une convention relative à l’emploi des jeunes avec l’APEJ. Les femmes membres du conseil municipal ont contesté cette convention dans son contenu pensant quelle n’était pas favorable aux jeunes. Ceci nous a amenés à une suspension de séance et la provocation d’une autre réunion. 45 Finalement, nous avions tous trouvé que les femmes avaient raison et des modifications ont été apportées au document » Un administrateur à Téninkou : « Lors de la dernière assemblée tenue à l’occasion du lancement de la campagne agricole, les nouvelles associations de femmes ont suggéré qu’on leur donne des parcelles pour leur maraîchage. Ce fait est nouveau puisque nous sommes en milieu Peul où les femmes ne s’intéressent pas à l’agriculture. Mais il me semble quelles veulent imiter les associations de femmes quelles voient à la télé. » A Kidal, c’est un projet de pisciculture qui avait été proposé par les « développeurs » à cause du manque de poisson. Les autorités locales l’avaient accepté mais ce sont les femmes qui ont soutenu qu’il valait mieux, d’abord, avoir de l’eau potable avant de penser au poisson. Et c’est ainsi que l’adduction d’eau a été substituée à la pisciculture. A Kidal, toutes les femmes qui ont connu une ascension sociale ces dix dernières années dans le domaine de l’économie, environ une dizaine, sont toutes membres du Bureau des Opérateurs économiques. Cependant, partout, la femme est jusqu’ici, exclue de la gestion du pouvoir traditionnel. Seuls deux cas ont été recensés au cours de l’enquête : une femme est, présentement, conseillère du chef de quartier Sossokoïra de Gao. Elles étaient deux sur un total de cinq conseillers avant que la deuxième ne décède. A Tessalit, selon le préfet, une femme du nom de Zeinab Wallet Taki, a, actuellement le statut de conseillère. Et jusqu’ici, nulle part, aucun village ne se fait représenter par une femme à moins qu’il ne s’agisse d’une question exclusivement réservée aux femmes comme le disait le maire de Mopti, ou que la convocation ne l’ait exigé. 4.3.5.2. Le rôle de la femme : On constate un changement positif au niveau du rôle de la femme, tant dans sa perception que dans son exercice ; surtout, là où elle n’avait que la fonction de ménagère cloîtrée dans la maison. C’est ce qu’exprimait, ainsi, une responsable d’association de Tombouctou : « auparavant, nous étions à la maison pour faire de la vermicelle, le ménage et nous occuper des enfants. Aujourd’hui, nous faisons toujours de la vermicelle, mais une vermicelle de meilleure qualité grâce à nos associations. Nous apportons notre contribution aux dépenses du ménage y compris les frais de scolarisation des enfants » Une autre renchérissait en ces termes « Si les hommes nous laissent sortir c’est parce que nous rapportons quelque chose à la maison » Le 3ème adjoint du maire de Tessalit disait « elle ne se limite plus à organiser ce que le mari apporte mais elle apporte elle-même des ressources » 4.3.5.3. Le statut de la femme L’image de la femme s’améliore et sa personnalité s’affirme comme nous le confirment ces propos ci-dessous. 46 « L’avènement de la démocratie a vraiment été d’un élan décisif pour l’émancipation de la femme au Mali et surtout au niveau de la région de Mopti. C’est grâce à elle que les femmes ont, pour la première fois, réclamé leur droit au Mali. Désormais nous n’avons plus peur de nous exprimer devant les hommes qu’ils soient des autorités ou pas. Nous ne sommes plus comme des moutons qui ne font que suivre les hommes. C’est d’ailleurs pourquoi mes camarades de l’association m’ont demandé de me présenter pour les élections communales. Et jusqu’à présent certaines n’ont pas encore compris pourquoi je n’ai pas passé. » « La démocratie a eu un impact considérable puisque qu’aujourd’hui les mariages forcés ont fortement diminué. Et surtout au niveau des camps militaires, les femmes sont moins battues grâce aux sensibilisations. Aujourd’hui les hommes ont vraiment compris que les femmes leur sont plutôt complémentaires. » « J’ai été choisie pour former une délégation avec deux hommes pour aller soumettre nos problèmes au président de la République » nous affirmait une responsable d’association de Kabara (Tombouctou) « Je n’avais jamais vu d’association de femmes à Téninkou avant la démocratie. Personnellement j’ai été mariée en 1985 et j’ai fait plus de 10 ans sans sortir. Je ne savais rien de ce qui se passait dans la ville. C’est avec la venue de la démocratie que nous avions tous commencé à sortir. Et aujourd’hui ce sont les hommes même qui poussent les femmes à adhérer aux associations. Cela montre à mon avis que le changement est vraiment venue grâce à la démocratie ». Partout, selon les enquêtés, il y a des femmes dont les noms sont connus de tous, même des petits enfants comme le disait une femme à Goudam. Dans aucune localité, rien ne se fait à l’insu des femmes chefs d’entreprises, des responsables des grandes associations des localités, CAFO, APDF, Association Régionale des Femmes pour la Paix et l’Education, etc. Elles sont conviées aux réunions et consultées par les responsables de l’administration, les élus et même les chefs traditionnels. Même dans les familles on sent un léger changement. Une plus grande contribution de la femme aux charges du ménage entraîne obligatoirement une autre perception et par rapport à certains problèmes ; les hommes sont obligés de se comporter autrement 4.3.5.4. Le changement d’attitude des hommes Suite à la « sortie des femmes sur la place publique » ouverte par la démocratie, des hommes ne leur ont pas facilité la tâche. Il y a des leaders religieux qui ont organisé des prêches contre les associations un peu partout. Ils ont condamné la micro finance, ils se sont opposés à l’attribution de casiers rizicoles et de périmètres maraîchers aux femmes. Mais grâce à la sensibilisation et aux succès remportés par les associations, beaucoup de chefs religieux et chefs traditionnels sont revenus à de meilleurs sentiments. Certains d’entre eux sont revenus voir les femmes qu’ils fustigeaient en vue 47 d’apporter un appui aux femmes de leur entourage, d’autres passent par ces mêmes femmes pour accéder à la micro finance ou aux intrants agricoles (Gao et Tombouctou). C’est ainsi qu’une d’entre elles disait : « On ne m’a pas consultée au sujet du choix de mon mari, mais ça ne se passera pas comme ça avec ma fille » Selon le Maire de Mopti « Aujourd’hui il n’est pas rare d’entendre que les hommes n’ont plus la maîtrise de leur famille. A ce niveau, l’exemple frappant est la question de mariage. Avant, on ne demandait pas du tout le point de vue de la femme. Mais aujourd’hui qui ose faire marier sa fille sans son consentement s’il ne veut pas se faire humilier. » La présidente de la CAFO de Mopti confirme « Actuellement tous les chefs de famille ont peur d’accorder la main de leur fille sans l’accord de leur femme » Dans le même sens une responsable d’ONG de Bandiagara tient ces propos : « C’est maintenant que les femmes ont commencé à imposer le mariage civil aux hommes en milieu Dogon avec la prolifération des mairies. Elles exigent aussi des extraits de naissance à leur enfant. Avant la démocratie, elles ne connaissaient même pas ces choses. Elles étaient à la merci des hommes qui les mariaient et les divorçaient sans raison et sans droits. Très souvent, elles étaient mariées de force mais maintenant ce n’est plus le cas. » 4.3.6. La femme et le politique Avec l’avènement de la démocratie, les femmes ont aussi investi l’arène politique. Certaines d’entre elles ont pu se faire élire comme conseillère municipale, maire, député, etc. Et parmi les élues, 21 femmes conseillères sont 1ères adjointes des maires, 23 sont 2ème adjointes, les 3ème adjointes sont au nombre de 56, 5 sont 4ème adjointes et 2 femmes sont 5ème adjointes. Selon le maire de Mopti, « avant dix ans, aucune femme de Mopti n’avait pu se faire élire dans le conseil communal qui était seulement considéré comme l’affaire des hommes. Mais au premier mandat communal, il y avait trois femmes et dans ce deuxième mandat, il y a eu quatre femmes. Et si la situation continue ainsi, les femmes seront désormais nombreuses dans le bureau communal. » 48 4.4. Les insuffisances de la Troisième République : Comme ci-dessus mentionné, il s’agit de la Troisième République perçue en tant que période. 4.4.1. Généralités : Malgré l’existence d’un cadre institutionnel assez fourni, on constate un certain nombre d’insuffisance dont : - La non-visibilité des actions du département de la Promotion des Femmes dans les départements sectoriels ; - Le manque de moyens financiers des services régionaux et subrégionaux de promotion de la femme, de l’enfant et de la famille pour soutenir les candidatures féminines et les femmes élues en matière de formation ; - Le manque de synergie dans les actions des différents acteurs : Associations et ONG féminines, ministère de la promotion de la femme - Non fonctionnalité du cadre de concertation entre les départements en charge des femmes et les organisations féminines ; - La faiblesse du niveau de leadership féminin ; - La non-professionnalisation des Associations et ONG féminines ; - La non-maîtrise du concept genre par les dites associations ; - La méconnaissance des outils de travail tel que les mécanismes institutionnels en place pour promouvoir les femmes ; - La faiblesse du dialogue inter-acteur ; - Des vides et lacunes juridiques ; - Omission de l’entrepreunariat féminin sur le plan institutionnel contrairement au Bénin, Togo, Nigeria, Sénégal, etc. où il existe en plus du Ministère de la femme, un ministère des femmes entrepreneurs ; - Les difficultés d’accès au crédit et l’inexistence de lignes de crédit pour les femmes et particulièrement pour les femmes chefs d’entreprise ; - Le bas niveau du capital des femmes entrepreneurs : Selon la Fédération des Associations des Femmes commerçantes et entrepreneurs du Mali, il n’y a pas de femme milliardaire ou dont le fonds de commerce atteint les centaines de millions ; - Les difficultés d’accès au foncier et surtout de participation à sa gestion - Les femmes insuffisamment représentées dans les instances de décision (gouvernement, assemblée nationale, conseil communal, les cabinets, etc.) - Le manque de volonté politique à traduire les discours en actes concrets. 4.4.2. L’insuffisance de l’engagement citoyen des associations et organisations féminines Si les associations et organisations féminines sont dynamiques et engagées pour l’amélioration des conditions d’existence de leurs adhérentes, il n’en est 49 pas de même pour ce qui concerne l’engagement citoyen. Le travail pour la bonne gouvernance, la moralisation du politique en vue de campagnes électorales sur la base d’idéaux et de projets de société est très peu ou pas entrepris. Elles n’arrivent pas à faire pression sur les instances de décision pour accélérer le changement. Ainsi, des conventions internationales ratifiées par le gouvernement n’arrivent pas à être traduits en textes de loi par l’Assemblée nationale comme le Protocole sur les droits des femmes en Afrique. 4.2.3. L’affaiblissement de la volonté politique des autorités de la Troisième République. Contrairement à la période de la transition et des premières heures de la Troisième République, on ne sent plus la même ferveur pour la cause de la femme. En janvier 2006, les femmes attendaient toujours l’adoption du projet de réforme du droit de la famille et des personnes en vue de l’abrogation des dispositions discriminatoires contre les femmes contenues dans le Code du Mariage et de la Tutelle, de la parenté et de l’alliance y compris le vide en matière successorale et de donations. 4.2.4. L’inégalité de rémunération entre homme et femme Une étude commanditée par la Fonction Publique sur l’égalité de rémunération entre les hommes et les femmes dans le secteur moderne au Mali, a abouti notamment à la conclusion qu’au sein de la Fonction publique, les écarts de salaire par catégorie sont au maximum de 11% et les femmes gagneraient en moyenne 30% de moins que les hommes. Dans les principes, il n’y a pas de discrimination au niveau de la base indiciaire, mais dans les faits, malgré la signature de l’ordonnance n°92024/CTSP du 12 mai 1992 relative à l’impôt sur les traitements en salaire des femmes salariées, ce sont les hommes qui touchent les allocations familiales et qui bénéficient des déductions d’impôt relatives au nombre des enfants. 4.4.5. La figuration dans les instances dirigeantes des associations mixtes. S’il arrive aux femmes de s’imposer dans la communauté, de peser sur les décisions, il arrive aussi qu’elles soient totalement exclues de certaines instances, marginalisées dans d’autres ou être « instrumentalisées ». C’est ce que nous confirment ces quelques propos recueillis sur le terrain : Ainsi, cette responsable d’association de Bougouni affirme avoir été incapable de se faire élire au bureau de la FELASCOM (Fédération Locale des Associations de Santé Communautaire). « aucune femme n’a pu se faire élire au sein du bureau ». La présidente de l’association des femmes de Kadiolo (AFK) affirme que : « il y a des femmes dans des associations mixtes. Mais elles font de la figuration car elles sont minoritaires, 2 femmes pour 20 hommes. Ces deux femmes ont 50 pu intégrer le bureau de l’APE suite à notre insistance. Elles ne sont même pas informées de la tenue des réunions ». Cette conseillère communale de Zantiébougou dans le cercle de Bougouni dit avoir découvert qu’elle était membre du CESCOM, ou avoir vu son nom sur la liste des membres du bureau du CESCOM, lors d’une étude qui lui avait été confiée sur la faisabilité d’une mutuelle de santé. Selon la présidente des femmes commerçantes et entrepreneurs du Mali, au niveau de la Chambre d’industrie et de commerce, il n’y a qu’une seule femme sur dix neuf (19) élues. Au moment des élections, les autres étaient d’office exclues par les critères que les candidats devaient remplir : 5 ans d’ancienneté au niveau du quitus fiscal et du paiement de la patente. Le combat reste, donc, toujours d’actualité pour la participation aux prises de décision même au niveau des structures modernes pour le développement. 4.4.6. Les stéréotypes dont sont victimes les femmes qui arrivent à transcender la discrimination : Les femmes qui vont surmonter les obstacles découlant de discriminations vont être victimes de stéréotypes ainsi que leurs époux. ces Ainsi, à Kadiolo, seront traités de : « bajanbilamuso », chèvre en divagation » les femmes commerçantes, et de « musocèkanfola », femme au discours d’homme, la femme actrice politique. Dans le même sens, selon une responsable d’association de Bougouni : « Toutes les femmes qui ont connu une certaine ascension sociale sont soit des veuves, soit des femmes plus influentes et plus importantes économiquement, plus dynamiques et populaires que leurs maris. Tout mari qui dispose d’une certaine assise économique et financière n’acceptera pas que sa femme participe aux réunions. Toutes nos conseillères sont des épouses d’hommes mous » 4.4.7. Les résistances de certains communautés face au changement hommes et de certaines Dans la commune rurale d’Essouk, région de Kidal, une femme, Nina Wallet Intallou avait été élue maire lors des élections communales de 1997. Mais, elle n’a jamais pu exercer la fonction. Des hommes s’y sont opposés. Selon un responsable de parti politique d’Essouk « l’islam n’interdit pas aux femmes l’ascension, mais il y a des limites. Une femme ne doit pas exercer des fonctions de chef suprême, gouverneur, député, maire » Selon une femme chef d’entreprise « l’aspiration à devenir maire, député, conseillère communale, c’est effectif dans les autres régions mais à Kidal, c’est encore un rêve ». 51 Selon une autre de la commune d’Essouk, elles se sont battues pour Madame le maire mais que celle-ci a fini par capituler : « elle a cédé le fauteuil aux hommes ». Dans la commune rurale de Djabigué dans le cercle de Nioro du Sahel, une autre femme avait été élue maire lors des élections communales de 1997. Elle a exercé la fonction avec deux autres qui lui servaient d’adjointes. Elles ont, toutes trois, été réélues comme conseillères communales. Mais ce sont leurs époux qui ont mené campagne pour qu’elles ne retrouvent pas leurs postes de maire et d’adjointes. Toujours par rapport à ce problème de pouvoir une responsable d’association et secrétaire général des femmes de la section ADEMA de Bougouni rapporte qu’elles ont été exclues des listes présentées aux élections municipales sous le prétexte que : « nous sommes des logées, nourries et par conséquent, nous ne devons pas avoir trop de prétentions. Et cet homme de Kidal se plaint du changement en ces termes « les coutumes voient que le Pouvoir, les ONG, les Bailleurs de fonds sont tous tournés vers les femmes et par conséquent, se détournent de la « main forte des femmes », c’est-à-dire les hommes. La femme à elle seule, même savante et riche ne peut prendre les charges et les initiatives des hommes… Les changements, ils doivent être poursuivis, mais attention à la marche, au rythme.» A l’extrême sud à Kadiolo, un notable fait des récriminations identiques : « quand une femme arrive à émerger sur les plans économique et politique on pense qu’elle échappe au contrôle de son mari. Elle devient une « proie facile » pour les agents au niveau des postes de contrôle. Je n’ai jamais vu ni entendu parler d’une femme chef de village ou conseillère d’un chef de village. Je pense que ce n’est même pas faisable. Ce ne serait même pas un bon signe pour notre société. » Pour ce qui concerne la poursuite du changement, le notable estime que « la femme est devenue le centre d’intérêt du pouvoir. L’image de la femme a évolué car ses préoccupations sont prises en compte. Un ministère a été créé uniquement pour sa promotion. Alors ! Qu’est-ce que vous voulez de plus ? » Donc, malgré les progrès accomplis, du travail reste encore à abattre pour la conservation des acquis et l’aplanissement de certains obstacles de grande importance. 4.4.8. Des biais provoqués par l’assistance au développement. Toutes les femmes ne sont pas conscientes de la situation de marginalisation ou n’ont pas foi aux solutions qu’on leur propose. C’est pourquoi selon cette responsable « grâce aux débats dans les réunions, les femmes savent quels rôles jouer dans les familles et dans la vie publique. Malheureusement, elles ne s’investissent pas tant qu’elles ne voient pas immédiatement leur intérêt matériel. Il y a un réel problème d’investissement 52 personnel de la part de nos femmes. Par exemple, après les actions d’assainissement, elles emportent le petit matériel : protège-nez, savon, balai, etc. En tout cas, le petit intérêt est là dû peut être à la pauvreté, à l’analphabétisme, à l’éducation … » Une autre renchérit : « ce sont les ONG qui ont gâté les femmes. Tant qu’il n’y a pas de perdiem et de restauration les femmes ne participent pas aux réunions ni aux formations… Quand on parvient à avoir un financement, elles ne se soucient pas de l’exécution correcte dudit projet mais proposent plutôt qu’on partage l’argent. » Dans le monde du développement certains acteurs sont sans scrupules et profitent de la « question femme » pour s’enrichir. C’est ce qui faisait dire à la présidente des vendeuses de poissons de Mopti que les obstacles qu’elle rencontre sont entre autres son analphabétisme, les retards que certains de ses membres accusent dans les cotisations, les mensonges des ONG et certaines personnes qui prétendent les aider et le manque d’appui à l’association. Et la présidente de la CAFO de la même localité avait parmi ses suggestions : Que les bailleurs potentiels essayent de traiter directement avec les associations de femmes au lieu de donner les financements aux ONG 4.4.9. L’insignifiance du nombre de femmes élues : Les femmes n’occupent pas les premières places dans les instances dirigeantes des partis. Le seul président femme de parti est celui du parti écologiste. Dans les capitales régionales seul l’UDD est coiffée par une femme à Gao. Aussi, comme ci dessus mentionné, il y a peu de femmes élues. Au niveau des élections communales et municipales, cette situation s’explique par leur position sur les listes de candidature. Celles qui ont pu être élues l’ont souvent été au prix d’efforts indescriptibles comme nous le confirme ces discours ci-dessous. Selon une conseillère de Mopti, pour avoir une bonne position sur la liste « les choses n’ont pas été du tout faciles et cela pour deux raisons : la première était que certains cadres du Parti me considéraient comme un leader arriviste et la seconde était le problème de ma position au niveau de la liste. Au niveau du comité qui était chargé d’élaborer cette liste, la stratégie était : deux hommes et ensuite une femme. C’était ce qui était le principe, mais dans la pratique, la situation a été inversée par le fait que le premier nom de femme qui était le mien s’est finalement retrouvé à la 6eme position. Or, le parti ne prenait que 5 noms par quartier pour former la liste des candidats. De plus, certains voyaient mal ma troisième position ... Alors le combat était engagé. J’ai immédiatement remué mon électorat qui était surtout composé des femmes et des jeunes du quartier, ce qui a provoqué un bruit terrible au niveau du quartier puisque les gens étaient très énervés par la nouvelle. Cette situation a 53 entraîné de multiples réunions au niveau de la section entre mes supporteurs et mes adversaires du parti. Et finalement mon nom a quitté de la 6ème position pour se retrouver à la 4ème position et la liste a été déposée devant moi à l’administration. C’est ainsi que j’ai été élue comme conseillère » La même situation s’est reproduite à Bandiagara et on peut la caractériser en terme de « Pérégrination d’une femme pour conserver sa place sur la liste » « Lorsqu’on est venu en discussion pour adopter ces principes (présence des femmes sur la liste) avec les autres partis de l’alliance, il y a eu deux nuits blanches de discussions sans qu’on ne puisse trouver un accord. Car, le problème principal de tous les hommes et même de ceux qui étaient dans mon parti était qu’ils pouvaient accepter que je sois parmi les 3 premiers noms mais pas en tête de liste ; de laisser la tête à un homme pour l’harmonie des choses. Après les multiples conseils des vieux, j’ai accepté de céder les deux premières places de la liste de l’alliance à deux hommes et la liste a été formée vers 23 heures, tard dans la nuit, et devaient être déposée le matin. Mais c’est après avoir quitté la réunion que les autres partis de l’alliance ont corrompu l’homme qui me secondait dans mon parti pour prendre ma place et me mettre jusqu’à la 9ème position. L’acte a été si choquant pour certains, qu’une personne de l’autorité dont je préfère taire le nom m’a envoyé quelqu’un à 3 heures du matin pour m’informer de la situation. C’est ainsi que mon mari m’a réveillé en me disant ceci : « lève toi car, on vient de m’informer qu’on a fait déplacer ton nom jusqu’en 9ème position ». Aussitôt, je me suis levée, mon bébé au dos pour aller réveiller tous ces responsables au cœur de la nuit. Toute la ville de Bandiagara était sur pied derrière moi en me soutenant. C’est après avoir pris peur que ces hommes ont reconnu leur fait et on s’est réuni encore pour reprendre la liste en vue de remettre mon nom à sa place vers 6 heures du matin. La liste a été déposée à 8 heures du matin. Après les élections nous nous sommes aussi associés avec les indépendants pour faire le bureau communal. C’est ainsi, que le maire est un « indépendant » et l’UDD a eu la 1ère adjointe en ma personne. » En effet, il ressort de tous les entretiens que la place accordée aux femmes sur les listes de candidature aux élections communales est d’une importance capitale pour l’implication des femmes dans la vie publique. L’important n’est pas le nombre de femmes candidates mais la position des candidates sur les listes. Souvent ce sont les partis de moindre importance qui accordent les premières places aux femmes. Par exemple à Gao les femmes les mieux placées occupaient la 1ère au niveau de l’UDD, la 4ème au niveau du RDS et la 5ème au niveau de l’URD. Cependant aucune de ces femmes n’a été élue. Dans la commune rurale de Téninkou, la tête de liste du CNID-FYT était une femme et le PARENA accordait la troisième place à une autre, mais aucun de ces partis n’y a un conseiller communal. La seule femme conseillère est du PSP et elle affirme s’être maintenue à cette position grâce à son oncle. Au sujet du mauvais positionnement des femmes sur les listes, les propos de la Présidente de la coordination de l’association des femmes de Camps sont 54 édifiants : « c’est mon parti qui a été en tête mais je n’ai pas passé. Ils ont finalement dit que toute la liste ne pouvait pas être élue. Donc, cela veut simplement dire qu’ils avaient mis mon nom jusqu’en bas de la liste. Pourtant mon nom était au départ à la 4ème place sur la liste. C’est au moment des votes qu’on s’est rendu-compte qu’ils m’avaient mis en 16ème position. Cependant, c’est grâce à ma candidature que toutes les femmes des quatre Camps militaires de Sévaré ont voté. Mais ce qui est sûre, c’est que les choses ne se passeront pas comme ça la prochaine fois. » La présidente de la CAFO de Mopti va dans le même sens : « Nous sommes même associées aux élections mais à ce niveau, les hommes nous trichent en mettant toujours les noms des femmes en bas de la liste. » A la question pourquoi ne vous êtes-vous pas battues pour changer cette situation elle répondit : « Les partis politiques ne font jamais les listes le jour ; de plus, ils ne font que les modifier. Pensez-vous qu’il est facile de les suivre dans tout ce processus » Quelquefois, c’est le nom qui disparaît carrément de la liste comme à Bougouni, ainsi que l’atteste cette femme « J’ai fourni toutes les pièces, mon dossier était sans reproche, j’étais l’unique femme et 2ème de la liste. A ma grande surprise mon nom ne figurait pas sur la liste quand elle a été proclamée. Ces propos et problèmes dénotent de la présence de beaucoup d’obstacles dont les solutions seront déterminantes pour une plus grande implication de la femme de la gestion de la vie publique. 55 4.5. Les obstacles à la participation de la femme à la vie publique. Des causes de la discrimination découlent des obstacles à l’intégration de la femme dans la vie publique. Une typologie des obstacles donne la situation ci-dessous 4.5.1. Les obstacles liés aux causes sociales de la discrimination - Le poids social ; le refus des maris : c’est l’époux d’une ancienne femme maire qui s’est opposé à sa reconduction à Nioro comme maire ; La réticence des hommes à permettre aux femmes d’effectuer des déplacements lors de la campagne électorale ; La surcharge du calendrier de travail, les tâches ménagères ; La situation matrimoniale des femmes ; L’insensibilité des décideurs par rapport aux questions « genre ». 4.5.2. Les obstacles liés aux causes culturelles de la discrimination - L’analphabétisme ; le faible niveau d’instruction ; la marginalisation des femmes par les hommes ; le manque de sensibilisation des femmes pour soutenir leurs paires ; la crise de compétence ce qui entraîne la rareté de candidature valable l’incompétence de certaines femmes déjà en poste, élues ou nommées. 4.5.3. Les obstacles liés aux causes économiques de la discrimination - la féminisation de la pauvreté (manque de propriété pour la garantie); le manque de moyens financiers pour faire campagne au moment des élections ; les difficultés et conditions d’accès au crédit et aux autres facteurs de production. 4.5.4. Les obstacles liés aux traditions politiques du Mali - La perception négative du politique et le manque de motivation des femmes à militer dans des partis politiques ; l’inexpérience politique des femmes ; la discrimination des femmes au moment de l’élaboration des listes de candidature (mauvais rang sur les listes) ; les difficultés dans la constitution des dossiers de candidature (absence de pièces d’état civil) 56 4.5.5. Les obstacles liés aux causes psychologiques la discrimination - La peur d’échouer ; Le manque de confiance des femmes en elles-mêmes ; le complexe d’infériorité ; le manque de solidarité entre les femmes ; les effets de l’éducation traditionnelle ; l’esprit d’adversité et de clan ; le manque « d’agressivité ». 4.5.6. Les obstacles d’ordre juridique à la promotion de la femme Eu égard aux vides et lacunes juridiques relevés dans les insuffisances de la Troisième République on peut parler d’obstacles juridiques à l’implication de la femme dans la gestion de la vie publique. Les obstacles d’ordre juridique à la promotion de la femme et les aspects de leurs conditions politique, économique, et sociale sont étroitement imbriqués. D’ailleurs, on se sert souvent des lois existantes qui confèrent de la légitimité aux pratiques en vigueur dans les domaines économique, politique et social pour établir une discrimination contre les femmes. Un autre problème non moins important est la méconnaissance des textes, conventions, lois par certains décideurs. 4.5.7. Les obstacles liés aux violences faites aux femmes dont le harcèlement sexuel - frein à l’épanouissement des femmes sur le lieu de travail, dignité bafouée ; résistance des époux à l’implication de leurs époux dans la gestion de la vie publique. Les stratégies pour une plus grande implication de la femme dans la vie publique doivent trouver des solutions ou des esquisses de solution à ces obstacles. 57 V. Les stratégies pour une plus grande participation de la femme à la vie publique. Malgré les discriminations dont les femmes sont victimes et les différents obstacles qui se dressent devant elles, certaines femmes accèdent à des postes de hautes responsabilités. Quelles sont les stratégies qu’elles adoptent ? Le présent chapitre va d’abord récapituler les stratégies constatées sur le terrain et ensuite faire des propositions pour une plus grande implication de la femme dans la vie publique. 5.1. Les stratégies féminines d’ascension sociale et les facteurs de réussite recensés sur le terrain Les causes de l’ascension sociale et les stratégies, sans s’exclure, diffèrent d’une femme à l’autre et d’un domaine à l’autre. Les domaines, ici, abordés, sont le politique et l’économie, notamment le crédit. 5.1.1. Les stratégies d’ascension politique De manière générale, sur le plan politique, on constate que certaines, de longue date, sont des leaders dans leur milieu, d’autres se sont servis des associations comme rampe de lancement, d’autres se sont, non seulement, engagées dans l’action politique mais se sont aussi battues à l’intérieur de leur parti pour émerger. L’entourage, l’époux, les parents, les amis, etc. a été d’un grand secours pour certaines d’entre elles. 5.1.1.1. Les leaders de longue date Des entretiens, il ressort que certaines femmes ont, de tout temps, mené les « troupes ». Elles n’ont pas attendu la démocratie pour se battre. Ceci est attesté par les propos de cette conseillère municipale de Mopti : « Mon expérience politique n’a pas commencé à mon avis avec les partis. Car, depuis mon jeune âge, j’étais déjà responsable de mes camarades d’âge à Mossinkoré. En plus, je participe très activement à toutes les cérémonies d’ordre social (baptême, décès, mariage, etc..) qui se passent au niveau de mon quartier » Les propos de la 3ème adjointe au maire de Téninkou vont dans le même sens: Déjà, dans l’enfance, j’étais la cheftaine de mes camarades au niveau de notre quartier. Après, j’ai aussi dirigé une association qui s’appelait muniadé / Sawraadé (patience et tolérance). Je suis aussi la Secrétaire générale de l’APDF. C’est de là, au moment des élections communales, que certaines femmes sont venues me voir pour que j’accepte d’être candidate». Quant au 1er conseiller du maire de Mopti il estime : « qu’à chaque époque de la vie d’une nation, il y a des femmes influentes, quelle que soit la forme de cette influence. Pour moi, celles qui sont aujourd’hui influente ne le sont en fait que par rapport à une question de génération. Donc, qu’on ne le voit pas 58 forcement comme les conséquences de Mars 91 même si cet événement a aussi été déterminant dans l’ascension de certaines. » Le maire Bandiagara va dans le même sens en affirmant que : « A vrai dire il y en avait quelques unes bien avant l’avènement de la démocratie mais c’est avec elle que la situation a pris tant d’ampleur. » On peut donc affirmer qu’un des facteurs de réussite de ces femmes est leur personnalité forgée sur leur caractère et leur détermination. 5.1.1.2. Les associations, une rampe de lancement politique : Les associations ont permis à certaines femmes d’émerger. Certaines, sans arriver à se faire élire, se sont fait connaître à travers tout le Mali et parfois à l’extérieur. C’est le cas des femmes des associations pour la paix à Gao. La plupart des conseillères communales dirigent des associations ou des ONG comme nous le confirme celles-ci : Une conseillère de Mopti « dans le cadre des associations je dirige plusieurs groupements qui sont très actifs dans la ville. Nous intervenons dans le cadre de l’accès de la femme au crédit et dans l’assainissement de la ville ». Une conseillère de Sikasso : « je dispose de plus de 100 groupes de femmes dans le quartier. Je suis membre de l’APAC (Association des Professionnels Africains de la Communication), présidente de l’association cèsiriton, secrétaire à l’information de la CAFO et secrétaire à la communication du syndicat des commerçants détaillants ». Rares sont les femmes qui arrivent à se faire élire sans le soutien des associations féminines dont elles sont, souvent, les principales animatrices. 5.1.1.3. Le soutien de l’entourage Dans la notion de poids social comme obstacle à l’implication de la femme dans la vie publique on peut noter une certaine hostilité de son entourage immédiat. Mais quand celui-ci a une attitude favorable, on assiste généralement à l’émergence de la femme. C’est pourquoi, dans certaines localités, des femmes qui ont connu une ascension sociale ont affirmé qu’auparavant les époux les empêchaient de sortir mais qu’aujourd’hui, c’est le contraire ; ils les poussent « à sortir » pour adhérer aux associations. Sur un autre plan, une élue de Bandiagara affirme : « Pour moi, la politique est devenue comme une sorte d’héritage car, mon père a été le premier député de Bandiagara… Par la suite, certains de ses amis m’ont montré que je dois impérativement venir pour la revanche en parachevant l’œuvre que mon père avait entreprise pour la ville de Bandiagara. Ainsi, après de multiples débats dans ma famille d’origine et au niveau de mon mari, j’ai fini par adhérer à l’idée. » La seule conseillère communale Téninkou abonde dans le même sens : « C’est mon oncle qui était aussi membre du parti qui m’a aidé à imposer mon 59 nom en tête de liste. Et j’ai posé comme condition pour rester dans le parti qu’on laisse mon nom en 3ème position ». 5.1.1.4. La combativité de la femme, le corps à corps et la mobilisation des troupes Sur le terrain, il a été constaté que les femmes qui ont émergé sont avant tout des battantes. Et les autres facteurs favorables comme la démocratie, les bonnes dispositions de l’entourage… ne sont venus que compléter leur ardeur à la tâche. On a même souvent vu l’entourage hostile au départ pour se rallier par la suite à la cause des femmes comme dans l’accès au foncier à Tombouctou. Il transparaît du discours du maire adjoint de Bandiagara, voir ci-dessus, page 51 : - des qualités de la candidate : o la forte capacité de négociation et de mobilisation ; o la résistance physique (passer des nuits blanches de négociation, se réveiller à 3 heures du matin et veiller jusqu’à 6 heures) ; o l’absence de complexe d’infériorité face aux hommes ; o la vigilance ; elle a été plus vigilante que la présidente des femmes des camps de Mopti qui ne s’est rendue-compte qu’elle avait été déplacée de la 4ème place à la 16ème que le jour du vote ; o la combativité ; - Le soutien de l’époux et de sa famille d’origine ; - L’opposition de certains hommes à l’injustice ; - L’adversité de certains hommes y compris ceux qui sont du même camp, du même parti qu’elle. Ce discours prouve que la question de la discrimination a plusieurs faces et qu’il faut élaborer plus d’une stratégie pour surmonter tous les écueils. 5.1.1.5. Des solutions spécifiques sur le plan politique : Des femmes ont constitué une liste composée exclusivement de femme dans le cercle de Bandiagara comme le confirme le maire de Bandiagara : D’ailleurs dans le cercle, il y a eu un phénomène nouveau dans ce domaine qui a eu lieu à KINDJE (une autre commune du cercle) où les femmes ont déposé une liste entièrement composée des femmes. Elles ont même été 3ème et cela est une situation qui nous a fait peur ». Mais n’est-il pas mieux de lutter contre les causes de la discrimination en cherchant à surmonter les différents obstacles. 60 5.1.2. Les stratégies économiques, le crédit Ci-dessus, il a été question de l’association des vendeuses de poissons de Mopti qui dotait, à tour de rôle, leurs adhérentes d’un capital de 500.000 francs toutes les deux semaines. Mais la Fédération des Associations des Femmes Commerçantes et Entrepreneurs du Mali a pu mieux faire. Avec un appui d’un million de dollar canadien obtenu de la coopération canadienne, elle a pu acquérir environ 1500 parcelles avec titre foncier, soit, 740 à Dialakorobougou et 750 à Safo. Ces parcelles sont cédées à 600.000 francs CFA aux femmes pour leur servir de garanties dans le cadre de l’accès au crédit classique dans les banques. 61 5.2. Propositions de stratégies Comme ci-dessus mentionné, la situation que vit la femme n’est pas de l’ordre de la nature mais de la culture. C’est une forme de l’organisation sociale à un moment donné de l’histoire à laquelle il est possible de substituer une autre à un autre moment donné. Donc, face aux obstacles, des solutions sont possibles à court, moyen ou long terme. 5.2.1. Les stratégies face aux causes sociales de la discrimination Contre la plupart des obstacles, toutes les couches de la société ont besoin d’information et de sensibilisation. Il en est ainsi pour les pesanteurs sociales, les habitudes séculaires, les réticences des époux, etc. Une plus grande implication de la femme dans la vie publique exige un changement des mentalités, des valeurs, des idéaux et des mœurs. Défendre l’idée que les femmes doivent avoir un rôle égal à celui de l’homme est une démarche qui contribue à améliorer la situation des femmes en politique. Mais, il faut savoir qu’elle s’inscrit dans le moyen et long terme, car la culture d’une société évolue lentement. La surcharge de l’emploi de temps de la femme a été identifiée de longue date comme un des obstacles majeurs à l’émancipation de la femme. Il s’agit donc de l’alléger à court, moyen et à long terme, de procéder à une socialisation des tâches ménagères comme dans les pays développés. Contre la figuration et pire, l’absence des femmes à des niveaux de décision, il faut favoriser la représentation des femmes en nombre et en qualité dans les instances de décision. Il faut institutionnaliser aussi le poste de conseiller Genre dans les départements ministériels en modifiant le texte sur la composition des cabinets ministériels. Il faut enfin renforcer la communication entre le Ministère de la Promotion de la Femme, de l’Enfant et de la Famille et les conseillers Genre. 5.2.2. Les stratégies face aux causes culturelles de la discrimination L’analphabétisme, le faible niveau d’instruction, la crise de compétence qui entraîne la rareté de candidature valable, ont été considérées comme des causes culturelles de la discrimination dont les femmes sont victimes. Face à ces obstacles, il y a lieu de : - renforcer les programmes en cours de scolarisation des filles ; - élaborer une politique nationale d’éducation des femmes ; - rendre plus fonctionnelles les programmes et méthodes d’alphabétisation des femmes en les adaptant à leurs préoccupations et aux objectifs d’une plus grande implication des femmes dans la gestion de la vie publique ; - élaborer une politique nationale de formation des femmes ; à propos, il convient de saluer les projets d’ouverture de centre de formation féminin à Bourem, Ségou et Bougouni et demander leur extension à toute l’étendue du territoire en vue d’une meilleure insertion des jeunes filles dans le processus de développement. 62 A ce niveau aussi, la sensibilisation doit être menée pour une évolution des mentalités en vue de mettre fin à la marginalisation des femmes par les hommes et pour un soutien des femmes à leurs paires. 5.2.3. Les stratégies face aux causes économiques de la discrimination 5.2.3.1. Généralités - La lutte en cours contre la pauvreté doit être poursuivie ainsi que les programmes de lutte contre le VIH/SIDA ; - Intensifier la vulgarisation technique agricole et pastorale auprès des associations et groupements féminins ; - Promouvoir les activités génératrices de revenus ; - Lutter contre la sécheresse et la désertification ; - Développer l’hydraulique rurale, la politique des retenues d’eau en zone rurale ; - Promouvoir les technologies de transformation et de valorisation des produits locaux ; - Développer les circuits de commercialisation ; - Mettre en place un mécanisme spécial de crédit pour les femmes sur la base de l’évaluation de l’expérience malienne en matière de microfinance ; - Accorder des avantages fiscaux et douaniers aux femmes entrepreneurs durant une certaine période de démarrage ; - Inciter le recrutement des femmes salariées par les entreprises par l’octroi d’avantages fiscaux et douaniers ; - Intensifier la formation et le recyclage des travailleurs féminins en vue d’augmenter leur performance ; - Encourager les travailleurs domestiques féminins à s’organiser au sein d’associations pour défendre leurs droits et intérêts et les informer sur leurs obligations : - Réglementer les horaires de travail des travailleuses de l’informel pour dégager un temps de loisir et de repos 5.2.3.2. Stratégies spécifiques par rapport à l’accès des femmes aux moyens et facteurs de production (terre, eau, intrants, matériel agricole, techniques et technologie appropriée) - Prendre des dispositions pour un meilleur accès des femmes aux moyens de production surtout le foncier (programme d’aménagement des terres, programmes d’équipement en milieu rural) - Donner par exemple 30 à 60% des terres aménagées aux femmes 5.2.3.3. Stratégies spécifiques pour l’entreprenariat féminin Le Mali doit s’inspirer des exemples des pays du golfe du Bénin comme le Nigeria, le Bénin et le Togo et plus près de chez nous le Sénégal. A défaut, d’un ministère de la femme entrepreneur, il pourrait créer une Direction nationale de la femme entrepreneur dont la mission serait la promotion de 63 l’industrie et de l’entreprise féminine, en prenant entre autres comme mesures : - La création d’un fonds de garantie pour l’entreprenariat féminin en vue de faciliter son accès au crédit. Par rapport à cet aspect, il s’agirait pour l’Etat ou tous ceux intéressés par une plus grande implication des femmes dans la gestion de la vie publique de compléter l’initiative en cours de la Fédération des Associations des Femmes Commerçantes et Entrepreneurs du Mali, doter les femmes entrepreneurs d’un titre foncier ; - Le financement de l’industrie féminine et l’octroi d’un taux de bonification ; - L’accord d’avantages fiscaux et douaniers aux femmes entrepreneurs durant une certaine période de démarrage (5 à 10 ans) ; - L’appui des femmes dans la création de micro-entreprises ; - La formation des femmes entrepreneurs en gestion, comptabilité et marketing. 5.2.4. Les stratégies face aux traditions politiques du Mali et à la faible proportion de femmes élues Cet aspect concerne toute la classe politique et même toutes les couches de la nation. Le Mali a besoin d’autres mœurs politiques, il a besoin de faire de la politique autrement comme dirait certains. Une lutte doit être menée contre l’achat des consciences. Le ministère de la promotion de la femme et les Associations et ONG féminines ne doivent pas attendre la veille des élections pour faire du lobbying. Ce travail doit s’insérer dans un vaste plan d’action et les candidates doivent être « fabriquées » comme certains pays « fabriquent » des athlètes. 5.2.4.1. Accroître la représentation féminine 5.2.4.1.1. Des stratégies applicables par le Ministère de la Promotion de la Femme, de l’Enfant et de la Famille et de ses démembrements ainsi que des ONG et associations féminines • Fabriquer les leaders et renforcer les capacités de celles qui le sont déjà : - - - s’appesantir sur la formation politiques des femmes leaders Identifier des femmes acceptées par leur communauté, des femmes à travers lesquelles la communauté se reconnaît comme celles qui parlent de leurs expériences ci-dessous ; Préparer ces femmes bien avant les élections en les dotant des capacités nécessaires aux « gagnantes » : combativité, forte capacité de négociation, résistance physique, absence de complexe d’infériorité face aux hommes, etc. Préparer l’entourage de la femme, lui inculquer de l’ambition pour leur femme, sœur et fille ; 64 - Soutenir les femmes candidates ; Se fixer des objectifs par localités (régions, cercles, communes). Les femmes ci-dessous qui parlent de leurs expériences peuvent servir de modèles en vue de l’identification de candidates pour les futures élections : Une conseillère communale de Bandiagara « Je pense que j’ai eu beaucoup de faveurs : d’abord l’image de ma famille, les appuis et les relations que j’ai nouées avec les femmes, les jeunes et les différents arrondissements du cercle. Il y aussi ce que les gens évoquent beaucoup à Bandiagara mon caractère social. » 1- Pouvez vous nous détailler un peu ce dernier point ? « C’est difficile de parler de sois-même mais les amis de mon mari, ceux de mon père et de ma mère m’ont toujours dit que je suis leur fierté. Ce que je sais est que je respecte tout le monde, ma maison aussi bien que mes biens sont à la disposition de tout le monde. Ce comportement m’a été si bénéfique que le jour où j’ai été élue, tous les amis de mon père se sont regroupés pour aller saluer ma mère. « Et j’ai été personnellement très touchée lorsque après mon investiture, l’imam de la ville m’a tenu ces propos : « je ne suis pas dans les conditions requises pour prendre ta main et te féliciter mais tu as toutes mes bénédictions pour ton élection ». « Je me rappelle aussi des propos d’une vieille ŋamakala le jour de mon investiture : « C’est aujourd’hui et à travers toi que les femmes de Bandiagara ont su quelles sont capables ». Ces propos m’ont beaucoup fait pleurer car, c’était pour la première fois qu’une femme devenait maire à Bandiagara. Une conseillère municipale Mopti : je participe très activement à toutes les cérémonies d’ordre social (baptême, décès, mariage, etc..) au niveau de mon quartier. A ce sujet, je possède un magasin de location de chaise mais je n’ai jamais accepté de louer mes chaises pour des cas de décès. Et surtout lorsqu’il s’agit d’un décès de femmes, j’ajoute d’autres appuis en plus des chaises que je donne gratuitement. Je fais partie de la plus grande association féminine de mon quartier qui s’appelle BENKADI. Je suis présidente d’un G I E qui s’appelle « SUGU- JEYA » qui est délégateur de gestion du marché de SAKARAWEL (le petit marché de la commune de Mopti). A mon avis c’est mon investissement social et économique au niveau du quartier qui m’a surtout favorisé car, pour que ma candidature soit officialisée, ce sont les femmes du quartier qui se sont réunies pour me pousser à faire la compétition avec les hommes. C’est d’ailleurs ce qui m’a donné l’audace. • Dégager un programme pour les femmes élues et les candidates malheureuses. Une fois, la femme élue, elle doit servir de « modèle », c’est-à-dire que ses actes doivent contribuer à briser les résistances et inciter ses paires à s’engager dans l’action politique. Ce faisant, il ne s’agit pas seulement de les 65 faire gagner mais de les accompagner le long de leur mandat en vue de la période du bilan, les prochaines élections. Elle contribuerait ainsi dans le changement des mœurs politiques en faisant sa campagne sur la base d’un bilan et non par achat de consciences (distribution de pagnes, de sel, de billets de banques, etc.). Aussi, comme le proposait une candidate malheureuse de Bougouni, pour éviter le sentiment de frustration et de découragement de la gente féminine, les structures soucieuses de l’implication de la femme dans la gestion de la vie publique doivent maintenir aussi le contact avec celles qui n’ont pas été élues en vue des futures échéances. 5.2.4.2. Agir sur les systèmes électoraux A ce niveau, il s’agit de faire des innovations dont l’imposition de quotas de femme, des mesures incitatives pour le bon positionnement des femmes sur les listes, la désignation de femmes à des postes électifs. Pour ce qui concerne le bon positionnement des femmes, il est possible qu’il y ait un classement en quinconce selon le sexe (un homme, ensuite une femme) pour les 5 ou 6 premiers noms de la liste. Ce classement est beaucoup plus avantageux que le quota. • l’imposition par la loi de quotas : Applicables à tous les partis politiques, les syndicats, les postes administratifs, l’imposition du quota qui est une passerelle obligatoire pour les femmes doit être limitée dans le temps et évaluée. Mais, il doit indiquer le seuil minimum de représentation des hommes et des femmes dans les différentes instances de décision. • Les quotas volontaires : Ce sont les partis, les syndicats ou autres organisations qui modifient leur règlement pour instituer une proportion minimale de femmes candidates • L’incitation au quota : Des mesures incitatives peuvent être proposées aux partis qui s’imposent une proportion minimale de femmes candidates ou qui mettent un minimum de femme en bonne position sur les liste : par exemple, deux hommes ensuite une femme pour les dix premiers noms comme dans certains pays ou que le 2ème de chaque liste soit une femme. L’observation de ces dispositions par un parti serait récompensée par une contribution des pouvoirs à son budget de campagne. • Réserver un certain nombre de sièges aux femmes Dans ce système, les femmes peuvent être élues ou désignées. • Développer les concepts de parité et de partenariat La convergence des efforts de toutes les composantes de la société étant indispensable pour affronter et régler les problèmes auxquels la société est confrontée, l’accent devrait être mis sur deux concepts complémentaires, à savoir, celui de parité qui traduit le fait que les capacités de l’un et l’autre sexe sont différentes mais néanmoins égales, et celui de partenariat qui montre qu’une dynamique créative peut s’instaurer entre l’homme et la femme pour affronter efficacement les problèmes de la communauté. Nous suggérons donc la parité comme stratégie à long terme. 66 5.2.5. Les stratégies discrimination face aux causes psychologiques de la Ici, aussi, l’information et la sensibilisation seront les premières armes. Des slogans et des modules de formations doivent être préparés pour combattre la peur de l’échec, le manque de confiance en soi, le complexe d’infériorité et aussi la misogynie de la femme et le manque de solidarité entre femmes. L’information sur les femmes promues au niveau du gouvernement et de l’administration ainsi que sur les femmes élues doit être diffusée dans les zones les plus reculées et auprès des femmes les plus hésitantes. Dans certaines localités, il a été mentionné que c’est la télévision qui a servi de levain. Avec les autres projets et programmes, il doit y avoir une lutte contre les stéréotypes dont sont victimes les femmes. Cette lutte doit se mener à tous les niveaux : écoles, centres d’alphabétisation, centres de formation, massmédias, etc. 5.2.6. Stratégies dans le domaine juridique En matière de stratégies d’ordre juridique pour responsabiliser les femmes et renforcer leur pouvoir, il faut poursuivre les objectifs ci-après : - Reformer et abroger les lois discriminatoires contre les femmes (voir étude de Tornieri et Maïga) ; - Appliquer les lois judicieuses en vigueur et dont une mise en application correcte pourrait beaucoup bénéficier aux femmes ; - Institutionnaliser les programmes pour la connaissance des droits des femmes afin de les familiariser avec ces droits dans le cadre des lois existantes ; - Reformer le droit de la famille afin de mieux protéger les femmes ; - Examiner l’ensemble des lois ayant trait à la violence contre les femmes et les filles et proposer de nouvelles lois pour lutter contre les nouvelles formes de violence ; - Prévoir dans la constitution nationale une commission permanente de l’équité entre les sexes afin de passer en revue et de suivre l’application des lois ayant trait à ce problème. 5.2.7. Stratégies face aux violences et particulièrement au harcèlement sexuel (se reporter au plan d’action de lutte contre les violences du Ministère de la Promotion de la Femme, de l’Enfant et de la Famille) Selon l’étude faite sur les violences faites aux femmes et aux filles20 : - Informer l’organisation corporatiste (syndicat, association, etc.) - Informer les associations de lutte contre la violence 20 Béridogo Bréhima, Mme Zouboye Fatimata Dicko, Mme Djourté Fatoumata Dembélé, Fatoumata Siré Diakité : op. cit. p. 44 67 - Porter plainte en veillant à avoir des preuves. Sans preuves palpables, l’action des groupes (associations) peut porter plus qu’une action individuelle. 5.2.8. Un outil incontournable pour la mise en œuvre des stratégies : les mass-médias La contribution des médias à l’effort de sensibilisation est cruciale. En effet, ils peuvent contribuer à : - inculquer dans les esprits que la participation de la femme à la vie publique constitue un élément essentiel de la démocratie ; - combattre les stéréotypes, les clichés négatifs ou minimisant concernant la femme et sa volonté et ses capacités de participer à la gestion de la vie publique ; - mettre l’accent sur l’importance du rôle assumé par la femme dans la vie économique et sociale et dans le processus de développement en général ; - jouer un rôle important dans les efforts à déployer pour remédier aux formes de discriminations et aux préjugés à l’encontre de la femme en présentant à l’opinion une bonne image de la personnalité féminine. Pour ce qui concerne l’obstacle psychologique à l’implication de la femme dans la vie publique, les médias doivent encourager la femme à avoir confiance en elle-même et en ses paires, lui faire prendre d’avantage conscience de la participation de la femme à la gestion de la vie publique l’encourager à se perfectionner et à participer activement au processus de gestion et de décision. La législation malienne devrait d’ailleurs prohiber toute présentation stéréotypée de l’image de la femme dans les supports médiatiques et un effort particulier doit être demandé aux médias d’Etat surtout qu’ils ont pour l’instant le quasi-monopole de l’audiovisuel. 68 5.3. Recommandations Ces recommandations s’adressent au gouvernement, aux partis politiques, aux syndicats, aux organisations non gouvernementales (ONG et Associations) aux médias. Chacun doit jouer le rôle qui lui est dévolu pour leur mise en œuvre. 5.3.1. Agir sur les bases juridiques de l’égalité Au terme de cette étude, il apparaît qu’il serait important que le Mali, ayant consacré dans sa loi fondamentale le principe de l’égalité, se convainque d’adopter une loi spéciale consacrant le principe de l’égalité. Ce principe étant applicable à tous les domaines d’activité, une loi spéciale doit déterminer les diverses applications pratiques comme certains pays, tel l’Ouganda, l’ont fait. Cette loi peut comporter des références à des lois déjà existantes sur le principe de l’égalité comme l’égalité de salaire. Cette loi doit être élaborée en consultation avec les organisations de femmes et diverses autres organisations qui cherchent à faire prévaloir les principes d’égalité et de justice et à permettre à tout citoyen de participer pleinement à la vie politique, économique culturelle et sociale. Il s’avère nécessaire d’instaurer un mécanisme de contrôle du respect du principe de l’égalité consacré par la loi. Le Médiateur de la République joue déjà ce rôle, mais il faudrait le doter de moyens juridiques et des ressources humaines et matériels nécessaires au bon accomplissement de son mandat. 5.3.2. Agir sur la participation politique Une action de « conscientisation » politique doit être entreprise afin que la participation des femmes à la vie politique et à l’exercice de responsabilités politiques et publiques soit encouragée et facilitée. L’éducation civique et politique permettra aux femmes de mieux connaître leurs droits et de prendre pleinement conscience de leur capacité à devenir des protagonistes directes de la vie publique. Pour ce faire, des ressources matérielles et humaines suffisantes doivent impérativement être allouées à cet effet. 5.3.3 Respecter le principe de l’égalité au sein des partis politiques Les textes des partis politiques tels que ceux définissant leurs orientations fondamentales, leurs structures et leurs règles internes doivent être examinées dans le but d’en éliminer toute disposition établissant explicitement ou pouvant justifier une discrimination à l’égard des femmes. Il en est de même, lors de l’élaboration de leurs programmes. Les partis devraient mettre l’accent sur les bienfaits d’un partenariat actif entre hommes et femmes, lequel est fondé sur une reconnaissance de leur différence et de leur complémentarité. Afin que tous les militants puissent accéder à égalité de chance aux instances de décision, les partis politiques 69 doivent prendre des dispositions pour offrir aux femmes et aux hommes présentant les qualifications égales des chances égales. 5.3.4. Déterminer des objectifs et fonctions des branches féminines des partis politiques En terme de recommandations spécifiques, les branches féminines des partis politiques devraient avoir entre autres objectifs et fonctions, - de constituer un lieu de débat pour les problèmes particuliers rencontrés par les femmes dans le cadre de leurs activités liées au parti ; - d’organiser des activités de base visant à rendre les femmes et notamment, les femmes les moins instruites conscientes de leurs droits civils et politiques et de l’importance et des effets de leur participation active à la vie publique ; - de préparer les femmes, y compris les moins instruites d’entres elles à prendre part aux consultations électorales en les informant des enjeux et des modalités pratiques du déroulement de la consultation ; - de former les femmes pour qu’elles se présentent aux élections locales, communales et nationales. Cette formation pourrait comprendre des cours de formation aux divers aspects d’une campagne électorale et la préparation aux contacts avec les médias comme la CAFO a eu à le faire en 1996 ; - de constituer des réseaux d’appui aux femmes candidates puis à celles qui sont élues. 5.3.5. Prendre des dispositions pour assurer la participation aux activités du parti Il serait avantageux que les partis politiques, à tous les niveaux de leurs structures, ouvrent un débat démocratique sur l’opportunité d’aménagements particuliers destinés à faciliter la participation des femmes aux réunions et autres activités du parti aussi bien qu’aux activités relevant du domaine de la vie privée. Les quelques aménagements à retenir seront les suivants : - aménager des horaires de réunion de sorte qu’elles ne coïncident pas avec l’heure à laquelle une attention prioritaire est normalement accordée aux enfants et à la famille ; - aménager des garderies pour les enfants, garderies mises à disposition à titre gracieux ou à coût modique ; - fixer et respecter un horaire de début et de fin de réunion, indiqué à l’avance dans la convocation de la réunion. 5.3.6. Prendre des dispositions pour assurer une répartition équitable des responsabilités au parlement Si l’on se réfère aux dernières élections des membres du bureau de l’Assemblée Nationale (2004-2005) qui ne comprend qu’une femme contre dix (17) hommes, il serait souhaitable, sinon recommandée fortement que 70 des initiatives soient prises pour arriver à assurer une répartition équitable des responsabilités au parlement. Le bureau du parlement et les groupes parlementaires devraient être rendus attentifs à la nécessité d’assurer une répartition équitable des postes au parlement entre les hommes et les femmes. Enfin, les groupes inter-partis de femmes doivent se créer. L’avantage est que, à titre transitoire, jusqu’à ce qu’un meilleur équilibre ait été atteint, en ce qui concerne la répartition des sièges entre hommes et femmes au parlement, la constitution d’un groupe inter-partis informel de femmes parlementaires peut servir à promouvoir la prise en compte des points de vue des législatrices en ce qui concerne la définition des priorités, la formulation des lois et la répartition des postes à promouvoir. 5.3.7. Recommandations spécifiques de l’atelier de validation - Prioriser des actions ou des tâches concernant le facteur temps ; - Elaborer de nouvelles stratégies de communication pour le changement de comportement envers l’égalité des sexes ; - Renforcer les compétences du personnel des départements sectoriels dans le domaine de l’intégration de démarche soucieuse d’égalité entre les sexes dans les politiques et programmes ; - Encourager et mettre en place des programmes d’activités opérationnelles visant à accroître au niveau national, la sensibilisation des populations au problème de l’inégalité des sexes ; - Mettre en place un mécanisme de suivi-éducation et de responsabilisation chargé d’évaluer les résultats des politiques et stratégies soucieuses d’égalité entre les sexes. 71 Conclusion : La question de la Promotion ou de l’Epanouissement de la Femme a toujours été au cœur des débats depuis de longues dates. C’est pourquoi, depuis la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme qui stipule que toute personne a le droit de prendre part à la direction des affaires publiques de son pays jusqu’à la Proclamation en 1980 par les Nations Unies de la Décennie de la Femme et sa première évaluation en 1985, la communauté internationale, les décideurs, la société civile et les femmes elles-mêmes ont cherché à sortir des visions étriquées ou globales de la question pour s’acheminer vers des solutions plus concrètes et plus féministes. C’est avec la Déclaration et le Plan d’action de Beijing en 1995 qui étaient une évaluation des Stratégies Prospectives de Nairobi pour la Promotion de la Femme, que des mesures à court, moyen et long terme ont été prises pour accélérer l’égalité d’accès et la pleine participation des femmes aux structures du pouvoir et à la prise de décision à l’échelle internationale, régionale, sous-régionale et nationale. Le Mali, quant à lui, depuis les années de la colonisation jusqu’aux premières années de l’indépendance, a commencé à souscrire aux différents instruments internationaux, a cherché à poser des actes timides, mais de plus en plus significatifs au fil des années dans le domaine de la participation de la femme à la vie publique. C’est ainsi que le Mali est passé de une ou deux femmes dans les hautes sphères politiques à environ quelques trois, quatre ou cinq dans l’administration à des postes très significatifs pour aboutir à quelques centaines aujourd’hui. C’est pourquoi, tout au long de cette étude, le constat a été que c’est la Troisième République, avec l’émergence de la démocratie, du pluralisme politique et syndical et de l’Etat de droit, qui, malgré les réticences socioculturelles et le déficit de ressources, a fait un effort sans précédent pour l’implication de la femme dans la gestion de la vie publique. Cet effort très fragile a besoin d’être soutenu par des actions de tous, des femmes elles-mêmes, des organisations de la société civile, des partis politiques, des gouvernements mais surtout par une volonté politique conjuguée de traduire en actes qualitatifs le discours politique. Pour ce faire, il faudrait aussi revisiter les textes de lois maliens pour une harmonisation législative avec les différentes conventions ratifiées ou en cours de ratification favorables aux femmes. Les efforts des chefs d’Etat africains au niveau de l’Union Africaine et d’autres organisations sous-régionales doivent se concrétiser au niveau des Etats en actes et mesures législatives. Les stratégies et les recommandations proposées par cette étude à court, moyen et long terme doivent être traduites dans un plan de programmation des actions à mener ou de mise en œuvre. Ce plan aura un objectif général, des objectifs spécifiques, identifiera les différents acteurs, les moyens, les indicateurs de suivi et d’évaluation et les résultats attendus ou obtenus à court, moyen et long terme. 72 Enfin, « une gestion et une administration transparente et responsable et un développement durable dans tous les domaines ne seront possibles que si les femmes ont plus de pouvoir d’action et plus d’autonomie et si elles jouissent d’une meilleure situation sociale. Une participation égale des femmes et des hommes à la prise de décision, établira un équilibre qui correspondra mieux à la composition de la société, ce qui est nécessaire au renforcement de la démocratie et à son fonctionnement21 » 21 Programme d’action de Beijing : objectifs stratégiques et mesures à prendre. Point G : les femmes et la prise de décision 73 Annexe 1 : Bibliographie Documents du Ministère de la Promotion de la Femme, de l’Enfant et de la Famille - Catalogue, Documentation sur la femme, Projet d’Appui à la Promotion des Femmes et à l’allègement de la Pauvreté (PAPF – AP), Centre de documentation et d’information sur la femme, Bamako, 2000. - Centre National de Documentation et d’Information sur la Femme et l’Enfant, avec l’appui financier de l’USAID : Répertoire des femmes entrepreneurs du Mali, Bamako, Imprim clor, sans date d’édition. - Deuxième, troisième, quatrième et cinquième Rapports périodiques du Mali sur la mise en œuvre de la Convention sur l’Elimination de toutes les Formes de Discrimination à l’Egard des Femmes, pour la période 1990 – 2002, Bamako, décembre 2003 - Etude analytique sur le statut de la femme au Mali 5 ans après la conférence de Beijing - Etude analytique sur le statut de la femme et la loi au Mali, réalisée par Francesco TORNIERI et Soyata MAÏGA, décembre 2001. - Guide genre pour la prise en compte des femmes dans les projets et programmes de développement, Programme d’appui à la promotion des femmes, ML009201, octobre 2001 - Niveau actuel d’accès des femmes rurales à la terre, Programme d’Appui à la Promotion des Femmes, édité avec l’appui technique et financier du Programme d’Appui au Renforcement de l’Equité Hommes/Femmes, MPFEF – PNUD – PAREHF MLI/00/002, Août 2001 - Plan d'action national de 03 mois en 1998 ; - Plan d'action pour la promotion des femmes (1996 - 2000) ; - Politique et plans d’action pour la promotion de la femme, de l’enfant et de la famille, 2002 – 2006. - Rapport de mission de la 49ème session de la condition de la femme, New York 2005, Evaluation décennale de la mise en œuvre de la Plateforme de Beijing+10, mars 2005 - Répertoire des femmes élues du Mali, Projet d’Appui à la Promotion des Femmes et à l’allègement de la Pauvreté (PAPF – AP), Centre National de documentation et d’information sur la femme, Bamako, juin 2003 - Situation des femmes au Mali, cinq ans après la conférence de mondiale de Beijing, rapport national, Beijing + 5, juin 2000 - Stratégies nationales d’intervention pour la promotion des femmes, janvier 1994 Documents des Nations Unies - 5 ans après Beijing : quels efforts ont été consentis pour les femmes africaines ? l’émancipation politique de la femme, octobre 2001 - Conférence internationale sur la population et le développement, Le Caire (Egypte) 5 – 13 septembre 1994 - Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes 74 - - - Déclaration d’Abuja sur le développement participatif : rôle de la femme africaine au cours des années 90, 6 – 10 novembre 1990 Le Pacte International sur les Droits civils et Politiques Le plan d’action africain pour accélérer la mise en œuvre du programme d’action de Beijing et de la plate-forme d’action de Dakar pour la période 2000 – 2004, sixième réunion régionale africaine, novembre 1999 Le plan d’action de Beijing (4è conférence Mondiale sur les femmes) Le Plan d’action de Lagos et l’acte final de Logos (1980) Les femmes en l’an 2000 : égalité entre les sexes, développement et paix pour le 21èsiècle Les stratégies prospectives d’action de Nairobi pour la promotion de la femme d’ici l’an 2000, 15 – 26 juillet 1985 Plate-forme Africaine d’Action, Position commune africaine pour la promotion de la femme, adoptée à la cinquième conférence Régionale Africaine sur les femmes, Dakar, Sénégal, 16 – 23 novembre 1994 Programme d’action de Beijing : objectifs stratégiques et mesures à prendre. Point G : les femmes et la prise de décision Rapport d’évaluation de la Plate-forme de Beijing 10 après Rapport d’Evaluation de la Plate-forme de Beijing 5 ans après. Juin 2000 Rapport de la quatrième conférence mondiale sur les femmes, Beijing, 4 - 15 septembre 1995 Rapport sur la condition de la femme au Canada, 2004 Résolution adoptée par l’Assemblée générale : nouvelles mesures et initiatives pour la mise en œuvre de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing, 10 juin 2000 Document de l’Union interparlementaire : - Femmes, Que fait l’Union interparlementaire ? Genève 1997 Ouvrages édités, articles et rapports de consultation - Anonyme : Discrimination à l’égard des femmes et le comité, série Droits de l’Homme, Fiche d’information n°22, Campagne mondiale pour les droits de l’homme, Centre pour les droits de l’homme, N°4, Génève et New York, 1995 - Béridogo B. : Les activités de la femme rurale et sa participation au programme d'alphabétisation dans la zone d'intervention O.H.V., Bamako, document renéotypé, Décembre 1985 - Béridogo B. : « Femmes rurales et innovations techniques : cas du Projet Moulin au Mali », in Bulletin de l’APAD (13), p. 51 - 61 - Béridogo, B. : « Le régime des castes et leur dynamique au Mali », Recherches Africaines, annales de la Faculté des Lettres, Langues, Arts et Sciences Humaines, N°00, p 21, 2002, Université de Bamako - Béridogo Bréhima, Mme Zouboye Fatimata Dicko, Mme Djourté Fatoumata Dembélé, Fatoumata Siré Diakité : Les violences faites aux femmes et aux filles avec identification des axes prioritaires d'intervention à court, moyen et long terme de lutte contre les 75 - - - violences faites aux femmes et aux filles, Ministère de la promotion de la Femme, de l’Enfant et de la Famille, rapport définitif Février 2002 Béridogo B. et Koch R. : Projet MOPOD II, Revue opérationnelle, rapport final, Agence Canadienne de Développement International, Janvier 2002 Bissiliat, J. et Fieloux, M. : Femmes du tiers-monde et travail quotidien, Paris, l’harmattan, 1999,367 pages. Bozon, M. : « Pékin : Utilités et limites d’une conférence mondiale », Chroniques du CEPED, n°19, 1995, Boye, A. K. (sous la direction de) : condition juridique et sociale de la femme dans quatre pays du Sahel : études et travaux de l'USEB, N°9, décembre 1987. Comité Malien de la fondation d’Afrique et Culture – Mémorial de Rufisque : 1999 Les associations féminines au Mali, Bamako, Jamana Conac, G. : L’Afrique en transition vers le Pluralisme politique, Paris, Economica, 1990 Coulon, C. : Les Afriques Politiques, Paris, La découverte, 1991 De Beauvoir Simone : Le deuxième sexe, tome 1 et 2, Paris, Gallimard, 1949 Desalmand P. : L’émancipation de la femme en Afrique et dans le monde, Abidjan – Dakar, Nouvelles éditions africaines, 1977 Keita Aoua : Femme d’Afrique, la vie d’Aoua racontée par elle-même, Paris, présence africaine, 1975 397pages. Konaré Bâ, A. : Dictionnaire des femmes célèbres du Mali, Bamako, Jamana, 1993, 520pages. Lénine : Le rôle de la femme Sembène Ousmane : Les bouts de bois de Dieu », Paris, Editions Presses Pocket mémoires de maîtrises et de DEA de l’Université de Bamako - Dabo, Kadidia. : La femme dans l’arène politique malienne : cas de la commune III du District de Bamako, mémoire de maîtrise, FLASH, 2001 - Dakouo, Germaine : Stratégie de conquête du pouvoir par les femmes dans le cadre de la décentralisation au Mali à travers l’expérience des femmes maires de Baye et de Yognogo, mémoire de maîtrise, FLASH, Bamako, 2003 - Diarra, Cheick Abdel Kader : Commune rurale et leadership féminin, l’exemple de Markala, ISFRA, DER des sciences humaines et sociales, 2000, 77 Pages. - Nadio, Aïssata : Femme et enjeux de pouvoir dans le cadre de la décentralisation, ENSUP, DER-Psycho-Péda, Bamako, 1997, 56 pages. - Sall, Lalla : Femme, pouvoir et décentralisation au Mali : cas des femmes maires des communes rurales, mémoire de maîtrise, FLASH, Bamako, 2002 - Sissoko née Doumbia, Habibatou : L’actrice politique dans les représentations mentales à Bamako, ENSUP, DER-Psycho-Péda., Bamako, 1998, 55 Pages. 76 - Yattara, Balkissa : Contribution du Musée Musokunda à la promotion de la femme, bilan et perspectives, mémoire de maîtrise, FLASH, Bamako, 2004 77 Annexe II. : Les termes de référence TERMES DE REFERENCE De l’Etude sur la Participation des Femmes à la Vie Publique au Mali Contraintes et stratégies pour améliorer la situation. Justification Au Mali les femmes, ont toujours développement socio-économique à participation aux activités dans tous contribué tous les changements positifs nation. été des actrices importantes du travers l’histoire de part leur les domaines. Elles ont largement majeurs intervenus dans la vie de la Paradoxalement la place qui leur est faite dans l’exercice des responsabilités et de la prise de décision dans la conduite des affaires publiques tant aux niveaux local, régional que national demeure très limitée. Il en est de même au niveau communautaire. "Comme le disent certains, elles servent d’escalier aux hommes politiques pour grimper au sommet" (à la direction des affaires). Il s’avère qu’à cause du poids des travaux domestiques, du faible accès à l’éducation formelle et non formelle, du manque de confiance en ellesmêmes, les femmes ont des difficultés à se forger une place de choix dans la vie publique notamment dans l’arène politique. Celles qui sont instruites et qui ont confiance en elles-mêmes, sont souvent confrontées à des pesanteurs sociales au niveau de leur famille, de leurs partis politiques, de leurs communautés. Malgré toutes ces réticences certaines femmes accèdent à des postes de hautes responsabilités, mais très souvent au prix d’énormes sacrifices, de concessions et compromis particuliers auxquels les hommes sont rarement soumis. Ces constats suscitent chez de nombreux observateurs soucieux des conditions et du statut des femmes les interrogations suivantes : - - Pourquoi cette discrimination à l’encontre des femmes maliennes persiste-t-elle malgré leur combat en vue d’assurer un meilleur développement socio-économique de notre pays conjugué aux efforts de développement de l’état et des Institutions Internationales ? Comment cette situation a-t- elle évolué ces dix dernières années ? Comment pourra-t-elle être améliorée ? 78 - Quelles stratégies pourraient-elles être développées pour que les femmes puissent jouir pleinement de leur statut de citoyen à part entière en bénéficiant des fruits de leurs efforts à la hauteur de leur contribution à la vie publique de la nation ? C’est pour mieux analyser cette problématique qui constitue une grande préoccupation pour les femmes du Mali et particulièrement les organisations de femmes ainsi que le Ministère de la Promotion de Femme, de l’Enfant et de la Famille que le RECOFEM commandite la présente étude dont les objectifs et le contenu sont ci-dessous indiqués. Objectifs Global : Contribuer à l’amélioration de la participation des femmes à la vie publique au Mali. Objectifs Spécifiques : - Procéder à une analyse de la situation de la femme au Mali après les évènements de mars 1991 et l’avènement du multipartisme. - Disposer des données statistiques désagrégées sur la situation des femmes dans le domaine concerné. - Identifier les obstacles à la participation des femmes à la vie publique au Mali. - Proposer des mesures pour assurer l’égalité des chances dans l’accès des hommes et des femmes aux postes de responsabilité et aux opportunités de prises de décisions pour une participation effective et efficiente des femmes à la vie publique au Mali. Résultats Attendus : - RECOFEM dispose de données quantitatives sur la situation socioéconomique des femmes et notamment leur niveau de participation à la vie publique durant les dix dernières années. - RECOFEM dispose d’une analyse objective de la problématique de la participation de la vie publique. - Les acquis, les obstacles et les enjeux liés à la participation des femmes à la vie publique sont identifiés. - Des mesures sont recommandées pour de meilleures chances pour les femmes d’accéder à la vie publique. Contenu de l’étude : L’étude s’intéressera à tous les points d’investigation pertinents pour atteindre les objectifs. A cet effet les éléments qui suivent ne sont pas exhaustifs. 79 - Analyse du statut de la femme en général et de son évolution sur les dix dernières années au Mali ; - Le point sur la situation actuelle de la participation des femmes à la vie publique ; - Analyse des enjeux de la participation des femmes à la vie publique ; - Analyse des acquis et des obstacles à cette participation ; - Analyse des progrès et changements opérés ; - Analyse des facteurs qui ont favorisé le changement aux niveaux familial, communautaires, national et suggestions pour mieux les comprendre et les développer pour accélérer le processus du changement ; - Propositions de stratégies et ou plan d’actions concrètes et spécifiques pouvant contribuer à la réalisation de progrès significatifs en matière de participation des femmes à la vie publique au Mali. Méthodologie, Profil du Consultant, Durée de l’étude La méthodologie est laissée à l’appréciation des consultants qui devraient utiliser toutes les stratégies (techniques ; outils) nécessaires pour atteindre les objectifs de l’étude. L’étude sera menée en milieu rural et urbain pour qu’elle puisse intégrer dans son analyse les situations concernant l’ensemble du pays. La situation sera étudiée selon différentes zones socioculturelles et pour différentes catégories sociales et économiques de femmes du Mali. Un échantillon représentatif sera constitué à cet effet. - L’équipe procédera à une revue documentaire. - Elle visitera des structures d’appui et des organisations des femmes. - Des enquêtes sur le terrain seront menées auprès des leaders et membres d’association, des responsables et militantes des partis politiques etc. - En fin, elle procédera à l’analyse des résultats - Un atelier de validation des résultats de l’étude sera organisé. Les consultants doivent avoir un diplôme d’études universitaires ou équivalent ; des compétences et expériences professionnelles dans les études et recherches et en genre et développement. 80 Les bureaux d’études, les organisations non étatiques peuvent postuler ainsi que les consultants privés. Les organisations féminines seront prioritaires en cas d’égalité de qualité des propositions. La collaboration au sein d’une équipe pluridisciplinaire et composée d’un homme et d’une femme sera bien appréciée comme stratégie pertinente pour la collecte et l’analyse des données. La durée prévue de l’étude est quarante cinq (45) jours. RECOFEM assurera le transport des consultants pour les besoins de l’étude. Le rapport d’étude sera remis à RECOFEM en deux (02) copies dures et une électronique. L’offre technique devra comprendre au moins : - la compréhension du mandat ; - la méthodologie à utiliser ; - le CV du consultant. Trois (03) exemplaires du dossier avec un (01) original et deux (02) copies avec mention «Offre technique et financière» seront déposés sous plis fermés au plus tard le lundi 24 octobre 2005 à 10h. Bamako, le 30 septembre 2005 LA COORDINATRICE Mme COULIBALY Assitan GOLOGO 81 Annexe III : L’Offre Technique Introduction : Depuis la proclamation, à Mexico en 1975, de l’Année Internationale de la Femme, suivie de la Décennie des Nations Unies pour la Femme (19761985), l’amélioration du statut des femmes et de leurs conditions d’existence, l’égalité entre homme et femme, l’équité, la parité, le genre, etc. sont devenus des volets incontournables de tous les discours, programmes et déclarations sur la question du développement. Durant la décennie de la femme, c’est l’approche des femmes au développement (IFD) qui a prévalu. Mais depuis quelques années, l’approche " acquisition du pouvoir" (empowerment approach) est venue renouveler la problématique des années 70 – 80. Il s’agit de remettre en cause les rapports de pouvoir historiquement et socialement valorisés entre hommes et femmes pour améliorer la situation et promouvoir l’égalité. Selon M. Bozon, « L’objectif d’un empowerment des femmes, terme difficile à traduire, qui exprime à la fois le renforcement du pouvoir politique, l’autonomie économique, la capacité à exercer pleinement des droits juridiquement reconnus et la maîtrise de la destinée, n’est pas une simple exigence de justice mais un moyen et une garantie de l’efficacité dans la lutte pour le développement et contre la pauvreté »1 Le Mali n’est pas demeuré en reste par rapport à cette dynamique, surtout, depuis l’avènement du pluralisme politique avec la Troisième République. Et la présente étude se situe dans cette optique 1. La compréhension du mandat La lecture des termes de référence montre qu'il s'agit d'une étude qualitative et quantitative pour identifier et analyser la discrimination à l’encontre des femmes maliennes dans la participation à la vie publique, notamment dans l’exercice des responsabilités et de la prise de décision dans la conduite des affaires publique tant au niveau local, régional que national. Elle est qualitative en ce sens qu’il s’agit de comprendre et analyser la situation de la femme, l’évolution de sa participation à la vie publique, les obstacles à cette participation et de faire des propositions pour améliorer cette situation. Elle est aussi quantitative en ce sens qu’il s’agit de fournir des données statistiques avec lesquelles l’analyse sera sous-tendue. L’étude doit donc faire l’état des lieux pour ce qui concerne la participation de la femme malienne à la vie publique depuis les évènements de 1991. Ce faisant, il y aura une analyse de la situation de la femme au Mali depuis lesdits événements : statut, rôles, facteurs de changement, progrès sur le plan juridique et législatif. Et dans la même optique l’étude fournira des données statistiques sur la participation de la femme à la vie publique : 1 M. Bozon : « Pékin : Utilités et limites d’une conférence mondiale », Chroniques du CEPED, n°19, 1995, pp. 4 - 6 82 postes de responsabilité occupés depuis 1991 en comparaison avec ceux occupés par les hommes. Par ailleurs, les causes de la discrimination et les obstacles à la participation des femmes à la vie publique seront identifiées et analysées. L’étude dégagera aussi des voies et moyens pour améliorer la participation des femmes à la vie publique (accès aux postes de responsabilité) et pour leur offrir de plus grandes opportunités de prises de décision. 2. La méthodologie Notre méthodologie comporte quatre grandes étapes, soit la préparation (recherche documentaire, confection des outils, etc.), la collecte des données (l'enquête de terrain), l'analyse des données et la rédaction du rapport final. Comme ci-dessus mentionné, la nature de l'étude exige une recherche qualitative et quantitative. 2.1. La recherche documentaire : Elle consistera à analyser la documentation (rapports, textes administratifs, tout autre document) disponible, relative d'une part à la participation de la femme à la vie publique de manière générale et de manière particulière au Mali et d'autre part aux conditions de la femme dans les localités étudiées. Dans un premier temps, il s'agira des documents ci-après : Les documents du Ministère de la Promotion de la Femme, de l’Enfant et de la Famille - Politique et plans d’action pour la promotion de la femme, de l’enfant et de la famille, 2002 – 2006. Le plan d'action pour la promotion des femmes (1996 - 2000) ; Le plan d'action national de 03 mois en 1998 ; les stratégies d’intervention pour la promotion de la femme Etude analytique sur le statut de la femme au Mali 5 ans après la conférence de Beijing Rapport du Mali 10 ans après la conférence de Beijing Les travaux des associations et ONG (Centre Djoliba, COFEM, APDF, CAFO, AJM, etc.) ; Des documents des Nations Unies - Les stratégies prospectives de Nairobi pour l’émancipation de la femme d’ici l’an 2000 - La Plate-forme Africaine d’Action de Dakar (5ème conférence Régionale Africaine sur les femmes) - Le plan d’action de Beijing (4è conférence Mondiale sur les femmes) - Rapport d’Evaluation de la Plate de Beijing 5 ans après. Juin 2000 « les femmes en l’an 2000 : égalité entes les sexes, développement et paix pour le 21èsiècle 83 - Rapport d’évaluation de la Plate de Beijing 10 après La convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Le Pacte International sur les Droits civils et Politiques Le Plan d’action de Lagos et l’acte final de Logos (1980) Les documents relatifs aux différentes conférences mondiales sur les femmes (Nairobi, Mexico, Arusha etc.) Des ouvrages édités - Bissiliat, J. et Fieloux, M. : Femmes du tiers-monde et travail quotidien, Paris, l’harmattan, 1999,367 pages. - Bozon, M. : « Pékin : Utilités et limites d’une conférence mondiale », Chroniques du CEPED, n°19, 1995, - Boye, A. K. (sous la direction de) : condition juridique et sociale de la femme dans quatre pays du Sahel : études et travaux de l'USEB, N°9, décembre 1987. - Comité Malien de la fondation d’Afrique et Culture – Mémorial de Rufisque : 1999 Les associations féminines au Mali, Bamako, Jamana - Conac, G. : L’Afrique en transition vers le Pluralisme politique, Paris, Economica, 1990 - Coulon, C. : Les Afriques Politiques, Paris, La découverte, 1991 - Keita Aoua : Femme d’Afrique, la vie d’Aoua racontée par elle-même, Paris, présence africaine, 1975 397pages. - Konaré Bâ, A. : Dictionnaire des femmes célèbres du Mali, Bamako, Jamana, 1993, 520pages. - Lénine : Le rôle de la femme dans la société, Ed agence de la p Des mémoires de maîtrises et de DEA de l’Université de Bamako - Dabo, Kadidia. : La femme dans l’arène politique malienne : cas de la commune III du District de Bamako, mémoire de maîtrise, FLASH, 2001 - Dakouo, Germaine : Stratégie de conquête du pouvoir par les femmes dans le cadre de la décentralisation au Mali à travers l’expérience des femmes maires de Baye et de Yognogo, mémoire de maîtrise, FLASH, Bamako, 2003 - Diarra, Cheick Abdel Kader : Commune rurale et leadership féminin, l’exemple de Markala, ISFRA, DER des sciences humaines et sociales, 2000, 77 Pages. - Nadio, Aïssata : Femme et enjeux de pouvoir dans le cadre de la décentralisation, ENSUP, DER-Psycho-Péda, Bamako, 1997, 56 pages. - Sall, Lalla : Femme, pouvoir et décentralisation au Mali : cas des femmes maires des communes rurales, mémoire de maîtrise, FLASH, Bamako, 2002 - Sissoko née Doumbia, Habibatou : L’actrice politique dans les représentations mentales à Bamako, ENSUP, DER-Psycho-Péda., Bamako, 1998, 55 Pages. 84 - Yattara, Balkissa : Contribution du Musée Musokunda à la promotion de la femme, bilan et perspectives, mémoire de maîtrise, FLASH, Bamako, 2004 La recherche documentaire permettra de répondre en partie à des questions posées dans les termes de référence, donc de disposer de données nous permettant de mieux comprendre la question de la femme grâce à des analyses déjà faites ailleurs et au Mali, de disposer de données statistiques sur la participation de la femme malienne à la vie publique et aussi de prendre en compte des propositions déjà faites pour une plus grande implication de la femme à la vie publique ailleurs et au Mali. 2.2. Les données à collecter : Que rechercher dans les documents ? Que demander aux composantes de l’échantillon sur la participation de la femme à la vie publique ? Les données recueillies dans les documents et sur le terrain doivent nous permettre de disposer de données statistiques et de faire des analyses en vue de comprendre la situation de la femme, l’évolution de sa participation à la vie publique, les obstacles à cette participation et de faire des propositions pour améliorer cette situation à court, moyen et long terme dans le rapport final. Il s'agira de rassembler les indices des variables à partir des indicateurs des variables extraites ou en relation avec la problématique et les hypothèses de recherche. Les principales pistes de recherches sont les suivantes : 2.2.1 L’état des lieux : situation de la femme au Mali après les évènements de 1991 • dynamique du statut et des rôles dans la société • Changements et facteurs de changement, - progrès sur le plan juridique et législatif - progrès dans l‘accès aux postes de responsabilité, aux centres de décision : plan communautaire, local, régional et familial - développement de la prise de conscience chez les femmes - renforcement des capacités de la femme - facteurs de production - facteurs institutionnels - facteur associatif, - facteurs politique - environnement international • enjeux de la participation de la femme à la vie publique - enjeux politiques - enjeux économiques - enjeux socioculturel et psychologiques 85 Données publique • • • • • • • • • • statistiques sur la participation de la femme à la vie : postes de responsabilité occupés depuis 1991 niveau gouvernemental services déconcentrés de l’Etat : directions nationales et régionales, haut cadres de l’administration officiers supérieurs de l’armée et des forces de sécurité administration et commandement représentations diplomatiques et consulaires organismes internationaux élues : conseillers municipaux, haut conseil des collectivités, maires, députés, responsabilités au niveau des mairies, du haut conseil des collectivités et de l’assemblée nationale. Professions libérales : avocats, notaires, femme chef d’entreprise, commerce de gros, l’importation et l’exportation, etc. Société civile : domaine associatif, présence dans les interventions de la société civile Etc. 2.2.2. Les causes de la discrimination et les obstacles à la participation des femmes à la vie publique • • • • • • • • Culture (perception et statut, résistances masculines) Organisation sociale et distribution des rôles Religion Histoire Faiblesse économique de la femme Vides et lacunes juridiques Insuffisance de prise de conscience Faiblesse des associations et ONG féminines 2.2.3. Les voies et moyens pour améliorer la participation des femmes à la vie publique : accès aux postes de responsabilité et plus grandes opportunités de prises de décision. Comment agir sur les causes ? Que proposer ? Telles seront les orientations que vont prendre les recherches à ce niveau. Ces pistes de recherche ne sont pas figées. Ce sont des directions que la recherche compte prendre. Elles peuvent se modifier et vont s’enrichir avec l’exploitation de la documentation et l’enquête de terrain. 2.3. Outils de recherche : L'enquête utilisera l'entretien semi-directif pour la collecte des données de terrain. Cet entretien sera sous-tendu par un guide d'entretien articulé autour des variables et indicateurs de variables se dégageant des pistes de recherche ci-dessus dégagées. Les histoires de vie seront aussi utilisées pour comprendre les cheminements individuels, les obstacles spécifiques (sacrifices, concessions, 86 compromis, etc.) qui se dressent devant certaines femmes pour accéder à des postes de hautes responsabilités. La collecte des données quantitatives se fera surtout avec l’exploitation des documents des institutions. 2.4. L'enquête de terrain : En plus de la recherche documentaire, une partie de l’étude se fera sur le terrain auprès des institutions, des structures sociales (Associations et ONG) et de personnes ressources. 2.4.1. Les besoins : Les personnes ressources : Le travail sera effectué par deux consultants et sept (7) enquêteurs ayant, chacun au moins une maîtrise en sciences sociales et maîtrisant si possible la langue de la localité où ils doivent mener l’enquête. Besoins matériels : • Comme indiqué dan les termes de référence, la logistique pour se rendre sur les sites de recherche est à la charger du commanditaire. 2.4.2. Les sites : La situation varie-t-elle selon les zones socioculturelles ? Pour éviter le biais culturel les enquêtes de terrain se dérouleront dans les régions de Kayes, Sikasso, Ségou, Mopti, Tombouctou, Gao, Kidal et le district de Bamako. 2.4.3. L'échantillon : L'échantillon prendra en compte les variables diversité socioculturelle et socioprofessionnelle, Les sites ci-dessus choisis prendront en compte la diversité socioculturelle. Pour ce qui concerne la diversité socioprofessionnelle l’enquête prendra en compte l’exercice des postes de responsabilité à partir des nominations et des élections, la participation à la vie publique dans le cadre des professions libérales, de la société civile, etc. L’enquête se mènera donc auprès : • des associations et ONG féminines luttant pour une plus grande implication de la Femme à la vie publique ; • des institutions de la République : Assemblée nationale, haut conseil des collectivités, des ministères ; • de femmes occupant ou ayant occupé de hautes responsabilités au niveau des structures étatiques, de l’assemblée nationale, de la société politique (les partis politiques) de la société civile ou des professions libérales. En dehors des leaders, des femmes ayant pignon sur rue au niveau des professions libérales seront aussi interrogées. (la taille de l’échantillon sera fixée en fonction du nombre de femme par secteur, donc ce sera un échantillon par quota) ; 87 Selon les sites : Dans les chefs-lieux de région retenus des données disponibles seront collectées sur toutes les régions et des cercles représentatifs seront choisis pour cerner les spécificités locales. Ainsi, A Kayes, l'enquête se mènera à Kita à dominance ethnique Nioro à dominance ethnique Soninké malinké et à A Sikasso, elle se mènera dans les cercles de Bougouni à dominance ethnique bambara, de Kadiolo à dominance ethnique Sénoufo et de Yorosso à dominance ethnique Minianka et Bwa. A Ségou, elle se mènera dans les cercles de Ségou et San à dominance ethnique bambara et de Tominian à dominance ethnique Bwa. A Mopti, elle se mènera dans les cercles de Bandiagara à dominance ethnique Dogon, de Mopti et Ténenkou à dominance ethnique Peulhe. A Tombouctou elle se mènera dans les cercles de Tombouctou à dominance ethnique Sonrhaye, arabe et maure, de Diré et de Gourma-Rharous à dominance ethnique Sonrhaye A Gao, elle aura lieu dans le cercle de Gao à dominance ethnique Sonrhaye A Kidal, elle se mènera dans le cercle de Kidal à dominance ethnique Touarègue. A Bamako : l’enquête se mènera dans les 6 communes du District surtout au niveau des mairies, institutions de la République, des services publics, des états-majors des partis politiques ceux des associations et ONG, etc. 2.5. L'analyse des données : Comment se servir des données recueillies pour atteindre les buts et objectifs de l'étude, obtenir les résultats attendus ? Les hypothèses, formulées à partir des questions de recherches et des résultats attendus, seront testées par une description et une agrégation des données. Il y aura une analyse des relations entre variables et une comparaison des résultats obtenus selon les zones socioculturelles, les différentes catégories socioprofessionnelles, etc. 2.6. Chronogramme et durée de l'étude La durée totale de l'étude est de quarante cinq (45 jours) dont quinze jours (15) jours d'enquête de terrain. Les dates de début et de fin de contrat sont laissées à la convenance des commanditaires. 88 Annexe IV : Les femmes à l’Assemblée nationale sous la Troisième République (sources : Répertoire des Femmes élues du Mali et 2ème, 3ème et 4ème rapports périodiques du Mali sur la mise en œuvre de la Convention sur l’Elimination de toutes les Formes de Discrimination à l’Egard des Femmes pour la période 1990 - 2002) Législative Années Nombre de députés Prénom et nom Total femme % fe 116 3 2,58 1ère législative 19921997 2ème législative 19972002 147 18 2,43 3ème législative 20022007 147 15 3,65 -Victorine Dakouo -Kané Nana Sanou Circonscr iption électorale Tominian Kati Kounandji Nana Gadjilaye Ségou -Traoré Oumou Traoré Kati -Fofana Fatoumata Sylla Sikasso -Touré Djénéba Samaké Bko C. V Ségou -Haby Doucouré -Diarra Awa Ouattara Koutiala -Telly Lalla Dansira Kita -Samaké Salimata Dioïla Dagno -Bata Traoré Barouéli Gao -Touré Safiatou Touré Ségou -Niang Tata Koné Bko C. II -Bâ Oumou Sangaré -Diallo Djénéba Diakité Bko C IV Kayes -Sissoko Aminata Sy -Dagnoko Fanta Traoré Bko C IV -Sissoko Flatènè Diarra Sikasso -Coulibaly Kadiatou Kayes Samaké Ségou -També Saran Sangaré -Bintou Sanankoua Mopti -Traoré Oumou Traoré Kati -Minata Diarra Kolokani -Mariam Togola Dioïla -Sidibé Korian Sidibé Yanfolila Saran Sangaré Ségou Haby Doucouré Ségou -Diarrah Traoré Ségou -Fatoumata Niambaly San -Oulématou Tamboura Tnkou -Diénéba Diarra Bko C. I -Sangaré Oumou Bâ Bko C. I -Dicko Djénéba Cissé Bko C. I -Fanta dite Mathini Diarra Bko C II -Touré Kani Sangaré Bko C V -Adam Aïssa Diallo Bko CVI 89 Annexe V : Bref aperçu de la biographie de quelques premières femmes impliquées dans la gestion de la vie publique (sources : Madame Adam Bâ Konaré : Dictionnaire des femmes célèbres du Mali, éditions Jamana, 1993 Aoua Kéïta (1912 – 1980), sage-femme de profession, fut en 1958 la seule femme élue au Bureau Politique de l’US RDA, élue député aux élections législatives de 1959, elle le restera jusqu’en 1967 date de la dissolution de l’Assemblée Nationale par la révolution active. Figure féminine la plus brillante des premières années de l’indépendance, Aoua Kéïta représenta la Commission Sociale des femmes au Bureau Politique National. En juin 1960, elle fit sa première intervention sur la situation des femmes et fut très active dans l’élaboration du Code du mariage et de la tutelle en 1962. Elle est l’auteur du célèbre ouvrage Femme d’Afrique : La vie d’Aoua Kéïta racontée par elle même, Paris, Présence africaine, 1975. Comme distinction honorifique, Madame Aoua Kéïta a été décorée Chevalier de l’Ordre National du Mali. Mme Sow Aïssata Coulibaly est née en 1920 à Kati et décédée en 1971 à Bamako. Institutrice de formation, elle a, aussi, été secrétaire général de l’inter syndicat des femmes travailleuses du Soudan de 1958 à 1960, membre du Mouvement Soudanais de la paix créé à Bamako en 1957 et de la Commission Sociale des Femmes de l’US RDA de 1962 à 1968. Comme distinction honorifique, madame Sow a été décorée Etoile d’argent du Mérite National - effigie " abeille" à titre posthume en 1974. Madame Jeannette Haïdara dite Madame Attaher est née en 1924 à Mopti. Institutrice de profession, elle fut présidente de la section Djemanguelé de Ségou de 1951 à 1959. Elle fut aussi membre de l’inter syndicat des femmes travailleuses du Soudan de 1958 à 1960, trésorière de la Commission Sociale des Femmes de l’US-RDA de 1962 à 1968. Elle a participé en 1962 à la création de la panafricaine des femmes en Tanzanie et la même année à une conférence des femmes à Conakry et en 1968 elle participa à la panafricaine des femmes à Alger. Comme distinction honorifique, Madame Attaher a été décorée Chevalier de l’Ordre National du Mali en 1975. Madame Sow Rokiatou Sow est née en 1928 à Ségou. Elle fait partie des premières sage-femmes d’Etat du Mali et fut membre fondateur de l’inter syndicat des femmes travailleuses du Soudan, aussi conseillère municipale de Ségou en 1966, membre de la délégation spéciale de Ségou de 1969 à 1979 et présidente de l’UNFM de 1980 – 1986, soit, deux mandats. Comme distinctions honorifiques, Madame Sow a été décorée Chevalier de l’ordre national du Mali en 1976 et Officier de l’ordre national du Mali en 1981. Madame Thiam Fanta Diallo (1933 – 1984), institutrice de formation, a été présidente de l’association féminine apolitique de Djemanguelé en 1956, membre de la Commission Sociale des Femmes de 1960 à 1968. A son actif, on peut noter aussi le lancement du jumelage Bamako – Angers. Comme distinction honorifique, elle fut décorée Chevalier de l’Ordre National du Mali en 1976.