
130 Prévention et dépistage
Le nombre de décès liés à la consomma-
tion de tabac a été estimé à plus de trois
millions en 1990 (Tableau 4.1). Les
dernières estimations de l’OMS portent ce
nombre annuel de décès à plus de quatre
millions aujourd’hui. Si les schémas
actuels du tabagisme perdurent, il est
prévu que ce nombre passe la barre des
huit millions en 2020 (Tableau 4.2). En
d’autres termes, la consommation
actuelle de cigarettes provoquera environ
450 millions de décès dans le monde
entier dans les 50 années à venir. Ainsi, le
tabagisme apparaît comme la cause de
décès pouvant être le plus facilement
évitée chez l’homme. En dehors du cancer
du poumon et de plusieurs autres can-
cers, les maladies respiratoires et car-
diaques, les broncho-pneumopathies
chroniques obstructives, les AVC, les
pneumonies, les anévrysmes aortiques et
les cardiopathies ischémiques sont égale-
ment provoqués par le tabagisme et peu-
vent donc être évités, comme le sont un
certain nombre de maladies non mortelles
(Tableau 4.3) [1-3].
Risque attribuable et années de vie
potentiellement sauvées
En dehors de la connaissance des maladies
causées par le tabac, nous pouvons main-
tenant faire des estimations toujours plus
justes du nombre de vies perdues et de la
mesure dans laquelle la durée de ces vies
a été réduite. Pendant un certain temps,
les connaissances du risque attribuable et
des années de vie perdues se sont lim-
itées à des populations assez spécifiques
: d’un côté, les médecins anglais consti-
tuant la cohorte établie par Doll et Hill en
1951 et contrôlée par la suite [2], d’un
autre, la cohorte de volontaires de
l’American Cancer Society [4]. Une extrap-
olation de ces bases de données relative-
ment limitées à la population mondiale
dans certains cas, était inappropriée car,
bien que ces études respectives fussent
correctes, les personnes concernées
étaient généralement des hommes blancs
provenant des classes aisées des pays de
l’Ouest. Bien que la sélection de la popu-
lation ne puisse pas invalider la liste des
maladies provoquées par le tabac, l’ex-
trapolation devient plus incertaine
lorsqu’il s’agit de quantifier le risque. Les
quantités clés devant être mesurées sont
le risque relatif (fréquence de la maladie
chez les fumeurs et chez les non-fumeurs)
et le risque attribuable dans la population
totale (proportion de personnes souffrant
de la maladie dans la population totale et
dont la maladie peut être imputée au
tabac). Si l’on tient compte des limites ci-
dessus, le suivi des médecins anglais pen-
dant 40 ans [2] montre qu’un fumeur sur
trois est mort des suites d’une maladie
liée au tabac, et a perdu en moyenne 7,5
années de vie (Fig. 4.1). Il est à noter que
plus le suivi dure, plus la perspective se
dégrade pour les fumeurs. Ainsi, l’estimation
du nombre d’années perdues est de 5 si l’on
considère les 20 premières années de l’étude,
mais cette estimation passe à 7,5 années
si l’on ajoute le résultat des 20 dernières
années. L’estimation finale sera probablemen
t
de 10 années avec peut-être le décès d’un
fumeur sur deux attribuable au tabagisme.
LUTTE ANTI-TABAC
RESUME
>Les décès et les maladies liés au tabac
peuvent être évités. Si l’on diminuait de
moitié les taux de tabagisme actuels, 20
à 30 millions de décès pourraient être
évités d’ici 2025 et 150 millions le
seraient d’ici 2050.
> L’arrêt du tabac réduit efficacement le
risque de cancer du poumon, même si
le fumeur arrête de fumer assez tard.
> C’est en réduisant la consommation de
tabac des enfants et des adolescents
que l’on pourrait sauver le plus de vies
humaines.
> Une lutte anti-tabac complète, com-
prenant la mise en place de mesures de
régulation et l’encouragement des
fumeurs à s’engager personnellement,
requiert une implication conjointe des
organisations gouvernementales et des
structures régionales, des profession-
nels de santé et des planificateurs.
> Le risque que représente le tabagisme
passif est significatif et justifie la volonté
d’un environnement sans tabac, notam-
ment sur le lieu de travail et dans les
lieux publics.
FFiigg.. 44..11Le tabagisme réduit fortement la survie
globale. Etude des médecins anglais. Estimations
basées sur les taux de mortalité par âge, pour les
40 années de l’étude. [2]
Fig. 4.2 Mortalité par cancer du poumon chez les
hommes au Canada et en Angleterre, à la fin des
années 80, selon la classe sociale.
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