AVANT-PROPOS.
LES découvertes récentes de l’ethnographie, de la philologie et de l’épigraphie, la
multiplicité des explorations dans les diverses contrées du monde connu des
anciens, la facilité des rapprochements entre les mœurs antiques et les habitudes
actuelles des peuples qui ont joué un rôle dans le draine du passé, ont
singulièrement modifié la physionomie de l’histoire. Aussi une révolution,
analogue à celle que les recherches et les œuvres d’Augustin Thierry ont
accomplie pour l’histoire de France, a-t-elle fait considérer sous un jour nouveau
l’histoire de Rome et des peuples soumis à son empire. L’officiel et le convenu
font place au réel, au vrai. Vico, Beaufort, Niebuhr, Savigny, Mommsen ont
inauguré ou pratiqué un système que Michelet, Duruy, Quinet, Daubas, J.-J.
Ampère et les historiens actuels de Rome ont rendu classique et populaire.
Nous ne voulons pas dire qu’il ne faut pas recourir aux sources. On ne connaît
l’histoire romaine que lorsqu’on a lu et étudié Salluste, César, Cicéron, Tite-Live,
Florus, Justin, Velleius, Suétone, Tacite, Valère Maxime, Cornelius Nepos, Polybe,
Plutarque, Denys d’Halicarnasse, Dion Cassius, Appien, Aurelius Victor, Eutrope,
Hérodien, Ammien Marcellin, Julien ; et alors, quand on aborde, parmi les
modernes, outre ceux que nous avons nommés, Machiavel, Bossuet, Saint-
Évremond, Montesquieu, Herder, on comprend l’idée, que les Romains ont
développée dans l’évolution que l’humanité a faite, en subissant leur influence et
leur domination. On excuse la brutale énergie de ce peuple de brigands
héroïques, parce qu’il a préparé et fondé l’unité du vieux monde, et on voit quels
liens nous rattachent à lui, en retrouvant une trace ineffaçable de son passage
dans la religion, la législation, les coutumes et la langue des nations modernes.
Or, cette idée échappe à ceux que la science contemporaine n’a point initiés à
ses découvertes.
C’est cette espèce de révélation, cachée sous les faits, que nous nous sommes
efforcé de faire entrer dans l’esprit de nos jeunes lecteurs, tout en racolant de la
manière la plus vive et la plus pittoresque que nous avons pu, les événements
dramatiques, qui servent de trame à l’histoire des Romains. Pour atteindre ce
but, nous avons mis a contribution toutes les ressources que les auteurs anciens
ou récents nous ont offertes : narrateurs, géographes, ethnographes,
philologues, érudits, depuis Rollin, Vertot, Crevier, Dumont, Poirson, Dezobry,
jusqu’à Drumann, Weber, Merivale, Friedlænder, de Champagny, P. Mérimée. À
ces souvenirs, que la pratique de l’enseignement nous donne l’occasion de
renouveler chaque jour soit polir notre besoin, soit pour celui de nos élèves, soit
pour ajouté tout ce que nous nous sommes rappelé des leçons de notre excellent
maître Auguste Filon et des sommaires trop peu connus de Prosper Haussard.
Ses souvenirs de collège ne sont ni les moins frais, ni les moins présents. Nous
n’avons jamais oublié la vive impression que nous causa jadis la lecture de
l’Histoire romaine de Michelet. L’éminent artiste nous faisait vivre avec les
personnages qu’il mettait en scène : nous voyions le théâtre de leurs exploits :
on les suivait en Italie, en Sicile, en Afrique, en Grèce, en Espagne, en Asie, en
Gaule, en Germanie : les plaines, les montagnes, les vallées, les mers se
dessinaient à nos yeux avec tout la netteté de leur contours, toute la vivacité de
leurs couleurs, grâce à la magie d’une plume qui semblait un burin ou un
pinceau. Nous essayons aujourd’hui de nous rapprocher de ce grand maître dont
nous savons le livre presque tout entier par cœur.