histoire romaine - L`Histoire antique des pays et des hommes de la

HISTOIRE ROMAINE
EUGÈNE TALBOT
PARIS - 1875
AVANT-PROPOS
PREMIÈRE PARTIE. — ROYAUTÉ
CHAPITRE PREMIER. - CHAPITRE II. - CHAPITRE III.
SECONDE PARTIE. — RÉPUBLIQUE
CHAPITRE PREMIER. - CHAPITRE II. - CHAPITRE III. - CHAPITRE IV. - CHAPITRE
V. - CHAPITRE VI. - CHAPITRE VII. - CHAPITRE VIII. - CHAPITRE IX. - CHAPITRE
X. - CHAPITRE XI. - CHAPITRE XII. - CHAPITRE XIII. - CHAPITRE XIV. -
CHAPITRE XV. - CHAPITRE XVI. - CHAPITRE XVII. - CHAPITRE XVIII. - CHAPITRE
XIX. - CHAPITRE XX. - CHAPITRE XXI. - CHAPITRE XXII.
TROISIÈME PARTIE. — EMPIRE
CHAPITRE PREMIER. - CHAPITRE II. - CHAPITRE III.
AVANT-PROPOS.
LES découvertes récentes de l’ethnographie, de la philologie et de l’épigraphie, la
multiplicité des explorations dans les diverses contrées du monde connu des
anciens, la facilité des rapprochements entre les mœurs antiques et les habitudes
actuelles des peuples qui ont joué un rôle dans le draine du passé, ont
singulièrement modifié la physionomie de l’histoire. Aussi une révolution,
analogue à celle que les recherches et les œuvres d’Augustin Thierry ont
accomplie pour l’histoire de France, a-t-elle fait considérer sous un jour nouveau
l’histoire de Rome et des peuples soumis à son empire. L’officiel et le convenu
font place au réel, au vrai. Vico, Beaufort, Niebuhr, Savigny, Mommsen ont
inauguré ou pratiqué un système que Michelet, Duruy, Quinet, Daubas, J.-J.
Ampère et les historiens actuels de Rome ont rendu classique et populaire.
Nous ne voulons pas dire qu’il ne faut pas recourir aux sources. On ne connaît
l’histoire romaine que lorsqu’on a lu et étudié Salluste, César, Cicéron, Tite-Live,
Florus, Justin, Velleius, Suétone, Tacite, Valère Maxime, Cornelius Nepos, Polybe,
Plutarque, Denys d’Halicarnasse, Dion Cassius, Appien, Aurelius Victor, Eutrope,
Hérodien, Ammien Marcellin, Julien ; et alors, quand on aborde, parmi les
modernes, outre ceux que nous avons nommés, Machiavel, Bossuet, Saint-
Évremond, Montesquieu, Herder, on comprend l’idée, que les Romains ont
développée dans l’évolution que l’humanité a faite, en subissant leur influence et
leur domination. On excuse la brutale énergie de ce peuple de brigands
héroïques, parce qu’il a préparé et fondé l’unité du vieux monde, et on voit quels
liens nous rattachent à lui, en retrouvant une trace ineffaçable de son passage
dans la religion, la législation, les coutumes et la langue des nations modernes.
Or, cette idée échappe à ceux que la science contemporaine n’a point initiés à
ses découvertes.
C’est cette espèce de révélation, cachée sous les faits, que nous nous sommes
efforcé de faire entrer dans l’esprit de nos jeunes lecteurs, tout en racolant de la
manière la plus vive et la plus pittoresque que nous avons pu, les événements
dramatiques, qui servent de trame à l’histoire des Romains. Pour atteindre ce
but, nous avons mis a contribution toutes les ressources que les auteurs anciens
ou récents nous ont offertes : narrateurs, géographes, ethnographes,
philologues, érudits, depuis Rollin, Vertot, Crevier, Dumont, Poirson, Dezobry,
jusqu’à Drumann, Weber, Merivale, Friedlænder, de Champagny, P. Mérimée. À
ces souvenirs, que la pratique de l’enseignement nous donne l’occasion de
renouveler chaque jour soit polir notre besoin, soit pour celui de nos élèves, soit
pour ajouté tout ce que nous nous sommes rappelé des leçons de notre excellent
maître Auguste Filon et des sommaires trop peu connus de Prosper Haussard.
Ses souvenirs de collège ne sont ni les moins frais, ni les moins présents. Nous
n’avons jamais oublié la vive impression que nous causa jadis la lecture de
l’Histoire romaine de Michelet. L’éminent artiste nous faisait vivre avec les
personnages qu’il mettait en scène : nous voyions le théâtre de leurs exploits :
on les suivait en Italie, en Sicile, en Afrique, en Grèce, en Espagne, en Asie, en
Gaule, en Germanie : les plaines, les montagnes, les vallées, les mers se
dessinaient à nos yeux avec tout la netteté de leur contours, toute la vivacité de
leurs couleurs, grâce à la magie d’une plume qui semblait un burin ou un
pinceau. Nous essayons aujourd’hui de nous rapprocher de ce grand maître dont
nous savons le livre presque tout entier par cœur.
Notre plan est très simple. De même que Sénèque et Florus ont vu dans le
développement de l’histoire de Rome celui d’un organisme puissant, qui, par une
gradation successive, passe de l’enfance la jeunesse, de la jeunesse à l’âge viril,
et de l’âge viril à la vieillesse, nous avons divisé notre Histoire romaine en trois
parties : Royauté, République, Empire. Il paraîtra tout naturel que la République
occupe la plus large part dans cette distribution : c’est, en effet, le point
culminant de la grandeur romaine, la période des luttes héroïques et des
hommes qui s’élèvent à la hauteur des événements. La Royauté laboure, pour
ainsi dire, le champ romain ; la République le féconde, puis l’Empire vient, qui
fait la moisson, pour la gaspiller à tous les vents. Mmes des peuples nouveaux la
recueillent, à leur tour, et ressèment, suivant l’expression du poète, les champs
de l’avenir.
On ne s’étonnera pas de ce que nous avons dit fort peu de chose de la littérature
romaine : c’est la matière d’ut : livre spécial, qui fait partie de la collection
publiée par notre éditeur et ami Alphonse Lemerre. Nous nous sommes maintenu
dans les limites qui nous étaient fixées. Puissions-nous avoir jeté dans ce cadre
restreint un tableau vivant, animé, qui frappe par sa concentration même, et
dont le souvenir se grave dans la mémoire de ceux pour lesquels nous l’avons
conçu et exécuté !
EUGÈNE TALBOT. – Bormettes, 15 septembre 1874.
PREMIÈRE PARTIE — ROYAUTÉ
CHAPITRE PREMIER.
L’ITALIE, le pays des bœufs (ίταλός, jeune taureau), est une longue presqu’île,
montagneuse et volcanique, séparée du continent européen par la chaîne
circulaire des Alpes, qui la limitent au Nord. Un rameau puissant, détaché du
système alpestre, la parcours dans toute son étendue : c’est l’Apennin, l’épine
dorsale de l’Italie, qui se prolonge jusqu’en Sicile, où il forme la masse de l’Etna.
Le point culminant de l’Apennin est le Gran-Sasso, dans les Abruzzes. La
longueur diagonale de la péninsule italique est de treize cents kilomètres ; sa
largeur varie entre soixante et cinq cents. Sa configuration lui donne l’air d’une
botte éperonnée.
Baignées au nord-est par la mer Adriatique, au sud-ouest par la mer
Tyrrhénienne, les côtes de l’Italie sont découpées en golfes profonds et en
nombreuses échancrures. La côte septentrionale de la mer Tyrrhénienne est
élevée, rocheuse et saine : vers le centre, elle est basse ; sablonneuse, couverte
de landes marécageuses, de marais pestilentiels et fiévreux : au midi, elle
redevient rocheuse et salubre, avec les golfes magnifiques de Naples, de
Salerne, de Tarente, et la pyramide fumante du Vésuve. Le littoral de la mer
Adriatique, droit et élevé vers le centre, est bas et plat dans le reste de son
développement, et il offre au nord de vastes lagunes.
Dans la partie continentale de l’Italie, les grands escarpements, les glaciers et les
neiges des Alpes font contraste avec les plaines arrosées par le Pô et par ses
affluents, le Tanaro, le Tésin, le Mincio, le Réno, la Trébie, et par les diverses
branches de l’Adige. On y rencontre une suite de lacs aux rives pittoresques,
entre autres ceux de Côme, de Garde et le lac Majeur. La partie péninsulaire est
très accidentée. Des montagnes, des plateaux âpres et stériles, des vallées et
des plaines fécondes, des terrains sulfureux et volcaniques en varient les
aspects. Les fleuves y sont petits et rares, les torrents nombreux. Les principaux
cours d’eau de la mer Tyrrhénienne sont l’Arno, le Tibre, le Vulturne, et les
torrents de la Calabre ; ceux de la mer Adriatique sont l’Aufide, le Métaure et le
Rubicon. On y trouve les lacs de Trasimène, Fucin, Averne, Lucrin, cratères
d’anciens volcans.
L’Italie jouit, en général, d’un climat sain et tempéré l’air est pur dans les
montagnes et dans les grandes plaines : il ne contient d’éléments méphitiques et
morbides que dans les terrains paludéens. Les contreforts montagneux, fertiles
et tapissés de verdure ; se prêtent merveilleusement, ainsi que les campagnes et
les pâturages du nord et du centre, à l’agriculture et à l’élève du bétail, des
abeilles et des vers à soie. Les céréales, la vigne, le figuier, l’olivier, l’oranger, le
mûrier et les différentes essences d’arbres fruitiers s’y trouvent en abondance :
les arbres forestiers, tels que le chêne, le hêtre, le pin, le châtaignier et le
platane, y croissent partout : les lauriers, les peupliers et les saules se plaie sent
auprès des cours d’eau. On y rencontre de nombreux troupeaux de toute espèce,
et c’est le seul pays de l’Europe où l’on voit encore des buffles ou bœufs
sauvages. La faune et la flore italiennes sont d’une très grande variété.
Les richesses minérales de l’Italie sont le cuivre, le plomb, le fer, le zinc, des
bancs d’alun, des gisements de sel, de soufre, des carrières de marbres et de
pierres à bâtir. Les anciens exploitaient quelques filons d’or et d’argent.
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