
Document de principes de la SCP
Paediatr Child Health Vol 21 No 1 January/February 201636
problèmes vésicaux s’ils prenaient du nabiximols, l’un des trois
médicaments dérivés du cannabis dont l’utilisation est approuvée
au Canada, même si les autres cannabinoïdes par voie orale
n’avaient pas cet effet. Les cannabinoïdes semblaient également
inefficaces pour contrôler les tremblements chez les adultes
atteints de la SP, la chorée chez les adultes atteints de la maladie de
Huntingdon, la dyskinésie associée au lévodopa chez les adultes
atteints de la maladie de Parkinson ou les tics chez les adultes
atteints du syndrome de la Tourette.(10)
Le cannabis continue d’être envisagé afin de traiter des affections
pour lesquelles aucune donnée n’en corrobore l’utilisation. Ainsi,
aucune étude ne démontre l’efficacité et l’innocuité de la marijuana
pour contrôler la douleur ou les nausées chez les enfants.(11)
Les médicaments puissants peuvent causer des effets indésirables
substantiels. Par exemple, il est bien connu que de nombreux médi-
caments employés couramment contre les convulsions chez les
enfants s’associent à des effets négatifs sur le comportement et
l’apprentissage. Les effets secondaires les plus prévisibles de la mari-
juana sont la rougeur des yeux, la sécheresse de la bouche, le ralen-
tissement moteur et la tachycardie,(12) mais des analyses sur
l’utilisation médicale du cannabis font également état de réactions
indésirables. Ainsi, une analyse d’études sur l’utilisation de la mari-
juana pour traiter certaines maladies neurologiques a démontré que
6,9 % des 1 619 patients ayant pris un cannabinoïde pendant moins
de six mois ont dû arrêter de l’utiliser en raison de réactions indési-
rables, par rapport à 2,2 % des 1 118 sujets du groupe témoin.(10)
Même si ces effets étaient mal caractérisés, ils incluaient des nausées,
une faiblesse, des fluctuations d’humeur et de l’anxiété. Les études
axées sur l’atteinte cognitive semblaient révéler une atteinte deux
fois plus élevée chez les patients traités par de la marijuana que chez
les sujets témoins.(10,13) Selon un essai clinique aléatoire auprès de
patients atteints de la SP, l’utilisation de cannabinoïdes était liée à
un plus grand risque de suicide que chez les sujets témoins qui
prenaient un placebo.(14) Toutes ces études ont été réalisées chez
des adultes. Une controverse entoure la corrélation entre l’utilisation
de cannabis et le risque de graves troubles de la santé mentale, tels
que la psychose. En effet, une récente étude a établi que jusqu’au
quart des nouveaux cas de psychose s’associait à la consommation de
cannabis très puissant à des fins récréatives.(15,16)
Selon quelques publications, la gravité des effets cognitifs du
cannabis pourrait être liée à l’âge. Une petite étude auprès
d’adolescents ayant un trouble de déficit de l’attention avec hyper-
activité (TDAH) qui prenaient de la marijuana régulièrement a
révélé un lien entre une atteinte de la fonction exécutive, et peut-
être même de la fonction cognitive, lorsqu’ils avaient commencé à
en consommer avant l’âge de 16 ans. Si cette consommation régu-
lière débutait après l’âge de 16 ans, les déficits cognitifs associés au
TDAH ne semblaient pas s’aggraver.(17) D’après une étude de
neuro-imagerie, la densité, le volume et la forme de la matière grise
de jeunes adultes qui consommaient de la marijuana à des fins
récréatives différaient de ceux des sujets témoins.(18) L’exposition
chronique à la marijuana s’associe à des réactions indésirables
touchant le lien fonctionnel intégré entre des régions distinctes du
cerveau, lesquelles seraient encore plus évidentes lorsque cette
exposition s’amorce à l’adolescence.(12,19-21) Aucune donnée ne
porte sur les effets du cannabis sur le cerveau d’enfants plus jeunes,
mais il est probable qu’ils seraient similaires. Même ces observa-
tions limitées ont une incidence sur l’utilisation du cannabis à des
fins médicales chez les enfants.
En général, lorsque la marijuana est consommée à des fins
récréatives, les concentrations de cannabinoïdes dans le sang sont
faibles ou minimes pendant certaines périodes. En revanche, dans
un cadre thérapeutique, par exemple lorsque le cannabis est utilisé
pour traiter une épilepsie réfractaire, on cherche à maintenir une
concentration de cannabinoïdes relativement constante dans le
sang. Ainsi, de prochaines recherches sur l’utilisation du cannabis
à des fins médicales chez les enfants devraient comporter des
évaluations longitudinales de leur développement, idéalement à
l’aide de la neuro-imagerie, et il faudra discuter de ce type d’effets
au moment d’obtenir un consentement éclairé pour y participer.
Lorsque le cannabis est utilisé comme traitement de dernier
recours, il faut avoir une discussion sérieuse et détaillée sur ses
risques et avantages potentiels avec le patient (dans la mesure du
possible) et sa famille. De plus, il faut surveiller de près l’évolution
thérapeutique du patient afin d’évaluer l’efficacité et la toxicité de
la marijuana.
À l’instar de nombreux autres puissants psychotropes, la mari-
juana comporte un risque de dépendance.(22) Ce risque se situe
entre 9 % et 50 % chez les consommateurs de marijuana à des fins
récréatives et semble plus élevé quand cette consommation est
quotidienne et s’amorce à l’adolescence.(21) La désintoxication
du cannabis chez les consommateurs chroniques entraîne souvent
des symptômes de sevrage, y compris les céphalées, les troubles du
sommeil, l’irritabilité et l’anxiété.(23)
La marijuana pose un problème particulier chez les enfants, car
elle est généralement utilisée sous forme de cigarette. Plusieurs
raisons expliquent le caractère inacceptable de ce mode
d’administration auprès des populations plus jeunes. On sait que sa
combustion est responsable de la formation de goudrons et d’autres
produits responsables d’effets nuisibles à long terme, particulière-
ment la carcinogenèse. Sous cette forme, il est également difficile
d’en contrôler ou d’en rajuster la posologie. Ce problème prend
tout son sens lorsque l’on sait qu’il y a de deux à quatre fois plus de
THC dans la marijuana produite de nos jours que dans les plants
cultivés il y a quelques décennies,(21,24) sans compter que son
taux varie considérablement d’un lot à l’autre.(21) Si les recher-
ches démontrent l’efficacité et l’innocuité du cannabis pour traiter
certaines affections chez les enfants, il faudra adopter une forme
plus stable et plus adaptée que la cigarette. Les règles récentes
régissant l’accès au cannabis à des fins médicales au Canada pour-
raient ouvrir la voie à d’autres formulations.
Tout comme pour les autres psychoactifs, le fait de démontrer
l’efficacité et l’innocuité du cannabis contre certaines affections
chez les enfants dans le cadre de thérapies soigneusement conçues
et surveillées ne justifie ni ne corrobore sa consommation à des fins
récréatives chez les enfants et les adolescents. Dans une étude
récente menée aux États-Unis pour comparer la consommation de
marijuana chez les adolescents dans les États où le cannabis était
offert à des fins médicales à sa consommation dans les États où il ne
l’était pas, son utilisation à des fins récréatives n’était pas plus
élevée dans les États où il était autorisé.(25) En revanche, une
étude sur les attitudes et les tendances relatives à la consommation
de marijuana chez les adolescents effectuée au Colorado, où le can-
nabis à des fins médicales est autorisé, a démontré à la fois la per-
ception d’un risque plus faible et un taux de consommation plus
élevé chez les jeunes de 12 à 17 ans que dans les États où il n’est pas
offert.(26) Le même groupe de recherche a décrit une augmenta-
tion substantielle des décès causés par des collisions routières liées
à la consommation de marijuana depuis que le cannabis a été
légalisé à des fins médicales au Colorado.(27)
Si l’efficacité et l’innocuité du cannabis sont un jour démontrées,
il faudra le réglementer avec le même soin et la même précision
que les autres psychoactifs thérapeutiques.(28,29) L’industrie de la
« marijuana à des fins médicales » devra également être assujet-
tie aux mêmes normes en matière de réglementation, aux mêmes
contrôles législatifs et au même degré de supervision que l’industrie